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Le réseau CADTM soutient la proposition de loi pour l’audit de la dette publique qui vient d’être déposée au parlement tunisien
Communiqué du CADTM International
par CADTM International
22 juin 2016

Le 14 juin, une proposition de loi relative à l’audit de la dette publique tunisienne a été déposée à l’Assemblée des représentants du peuple, le parlement tunisien. Cette proposition de loi, cosignée par 73 députés représentant tous les groupes parlementaires à l’exception de celui du parti islamiste Ennahdha, vise à mettre en place un comité pour la vérité sur la dette publique tunisienne qui aurait pour mission d’enquêter sur le processus d’endettement de la Tunisie depuis juillet 1986 (date du premier programme d’ajustement structurel imposé par le FMI dans le pays), à l’exemple de ce qui a pu être fait en Équateur en 2007 ou plus récemment en Grèce.

Ce comité d’audit serait composé de députés (majoritairement de l’opposition), de représentant-e-s des juridictions administratives et des hautes instances pour le contrôle administratif et financier et de lutte contre la corruption, de représentant-e-s de la société civile, ainsi que de personnalités étrangères indépendantes des créanciers et dont l’expertise en matière d’audit de la dette publique est reconnue. L’audit aurait pour objectifs de déterminer les causes de l’endettement public et l’impact qu’ont eu les conditionnalités des prêts sur les droits et les conditions de vie des Tunisien-ne-s, afin de formuler les arguments nécessaires à l’annulation des dettes publiques qui seront identifiées comme étant odieuses, illégales, illégitimes ou insoutenables. Un audit de la dette publique tunisienne permettrait également de promouvoir la transparence et la responsabilité dans la gestion des fonds publics, afin que les emprunts futurs soient contractés dans l’intérêt de la population, selon un processus démocratique.

Cette proposition de loi est salutaire pour le peuple tunisien, dont les revendications sociales exprimées lors de la révolution de décembre 2010 – janvier 2011 n’ont jamais été satisfaites. En effet, le service de la dette publique tunisienne représente de loin la dépense la plus importante dans le budget de l’État, mobilisant ainsi autant de ressources qui ne peuvent pas être utilisées dans des domaines primordiaux comme la santé, l’éducation ou les affaires sociales. Afin de rembourser sa dette, la Tunisie est contrainte de contracter de nouveaux prêts, renforçant l’endettement et rendant celui-ci insoutenable. Le FMI, qui joue un rôle prépondérant dans cette spirale de la dette, a d’ailleurs récemment conclu avec le pays un accord de prêt de 2,8 milliards de dollars, assorti de nouvelles mesures drastiques de restructuration néolibérale et d’austérité qui seront mises en œuvre jusqu’en 2020. Il faut souligner que la dette publique tunisienne a notamment été accumulée sous le régime autoritaire de Ben Ali sans aucun contrôle démocratique, servant avant tout à l’enrichissement du président despote et de ses proches. Le sénat belge et le parlement européen ont d’ailleurs reconnu que la dette contractée par l’ancien régime était une dette odieuse, sans pour autant prendre de décision quant à l’annulation des créances européennes.

Le Comité pour l’abolition des dettes illégitimes (CADTM) soutient cette proposition de loi visant à mettre en œuvre un audit de la dette publique tunisienne, et salue le travail qui a été effectué en ce sens par l’association RAID, membre des réseaux CADTM et ATTAC, et par les forces politiques progressistes réunies notamment au sein du Front populaire. Cette dette, véritable arme de domination néocoloniale, représente une corde autour du cou du peuple tunisien. L’annulation de ses parts odieuses, illégales, illégitimes et insoutenables devra permettre de réorienter l’utilisation des fonds publics vers des dépenses visant à améliorer les conditions de vie des Tunisien-ne-s. Dès aujourd’hui, il est urgent de suspendre le paiement des créances sur la Tunisie jusqu’à ce que la commission d’audit rende ses conclusions.

Le CADTM annonce sa disponibilité à partager son expertise internationale et à participer à toute action pour faire aboutir cette initiative en Tunisie. Il contribuera activement à élargir son écho à l’échelle internationale et dans les autres pays de la région tels que l’Égypte, le Maroc ou la Jordanie.



CADTM International