Au CADTM, on sait trop bien ce que c’est d’être flippéE, voire découragéE, par toutes ces questions sur lesquelles on sèche. Du coup, inspiréEs par nos meilleurEs piqueurs et piqueuses (notre famille, nos potes, le pizzaiolo d’en face, les gens que l’on rencontre en animation), le CADTM Liège a organisé plusieurs sessions d’élaborations collectives d’éléments de réponse à ces piques (qu’elles soient d’ordre technique ou plus « politique »).
Ce travail a engendré une brochure que vous pouvez retrouver en entier ici.
Tous les gouvernements de la planète – ou presque – ont largement adopté une politique néolibérale. Partout, les partis au pouvoir – de gauche à droite – appliquent les mêmes recettes : austérité et contre-réformes pour exploiter au maximum le travail et la nature au profit des détenteurs et détentrices de capitaux.
Mais pourquoi nos dirigeantEs continuent-ils/elles une telle politique ?
Une partie d’entre-eux/elles, d’abord, est vraisemblablement convaincue d’agir ainsi pour une gestion saine de la collectivité. Naïve ou ignorante, elle ne connaît pas d’autres manières de faire. L’école, formidable instrument d’uniformisation des pensées et garante du système, lui a toujours martelé les mêmes thèses et qu’ « il n’y a pas d’alternative ». Concernant les finances publiques, le calcul paraît simple : on diminue toutes les dépenses – ou presque – et le budget finira bien par revenir à l’équilibre. Et « si l’austérité ne fonctionne pas, c’est que nous n’allons pas assez loin », qu’on n’applique pas assez bien les recettes (que ce soit dans les pays du tiers monde depuis plus de trente ans ou en Europe depuis 2009). La Grèce, meilleure élève de l’UE dans l’application des mesures d’austérité, nous prouve par sa situation économique et humanitaire désastreuse que cet aveuglement idéologique coûte cher.
Bien évidemment, cette politique profite à certainEs : les banques sont sans cesse recapitalisées et sauvées de toutes leurs spéculations (sur la dette, entre autres) et les multinationales bénéficient du démantèlement des conquêtes sociales. Or, les connivences d’intérêts entre patronNEs et éluEs sont fréquentes ! Ils/elles se connaissent bien, ont fait les mêmes écoles et forment une même classe sociale [1]. Ainsi, le premier secrétaire du Parti socialiste fréquente bien plus de PDG que d’ouvriers et ouvrières. Beaucoup passent des affaires aux postes politiques et vice et versa.
Ajoutons que les multinationales (dont les banques privées) ne lésinent pas sur les moyens pour influencer les décisions politiques. Championnes du lobbying [2], elles font en sorte que les lois préservent leurs intérêts. L’hypocrisie atteint son paroxysme quand les textes de loi sont écrits par l’industrie elle-même [3]. On comprend alors que le pouvoir ne réside pas (uniquement) dans les Parlements. L’éluE, serait-il/elle de bonne foi, voit ainsi sa marge de manœuvre se réduire.
Le système de démocratie représentative est également à mettre en cause. Nous ne pouvons nous étendre ici, mais soulignons ne serait-ce que le fait que le cycle électoral ne permet pas de se soucier des politiques – au sens noble du terme – à long terme.
Enfin, si nos dirigeantEs prennent de telles décisions, c’est aussi (surtout) parce que nous les laissons faire !
Nous avons beau représenter 99 % de la population, nous sommes isoléEs. Car dans la pensée dominante, véhiculée par les médias, l’ennemiE est la personne qui refuse l’intégration au système, marginale, chômeuse, sans-papier... Cette cible est tellement plus atteignable, que nos véritables oppresseurs qui ne sont atteignables que lorsqu’on s’organise.
L’histoire nous a montré, et continue de nous montrer, que les prétenduEs dirigeantEs ne prennent des décisions dans l’intérêt de l’ensemble de la population que lorsque celle-ci ne lui laisse pas d’autre choix.
[1] Lire, à ce sujet, La violence des riches de Monique et Michel Pinçon-Charlot.
[2] Voir, entre autres, tout le travail de Corporate Europe Observatory (CEO) : http://corporateeurope.org/
[3] Citons, s’il en faut, l’exemple, d’un projet de règlement relatif aux émissions sonores des véhicules sur lequel les parlementaires européenNEs se sont prononcéEs en 2012. Affaiblissant drastiquement les normes au bon plaisir de l’industrie automobile, le texte émanait directement des bureaux de Porsche AG. Source : http://www.iew.be/spip.php?article4982