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Le Niger
Le Niger
par Damien Millet
1er novembre 2002

Histoire politique

Le Niger est un pays d’Afrique de l’Ouest d’environ 1,267 millions km2, enclavé entre le Mali, l’Algérie, le Tchad et le Nigéria. Il est divisé en trois parties : une grande partie au nord est désertique et faiblement peuplée par les Touaregs ; le cœur du pays est semi-aride ; la région du fleuve Niger, le long de la frontière avec le Burkina-Faso et le Nigéria est une zone de savane fertile.

Peuplée depuis au moins 10 000 ans, la région actuelle du Niger fut touchée par la désertification dans sa partie Nord au 1er millénaire avant notre ère. Elle acquit au Moyen-Age un rôle intéressant dans le commerce transsaharien en direction de l’Afrique du Nord, notamment pour le commerce du mil et du sel. Très vite, l’islam s’imposa dans la partie méridionale, les Touaregs (nomades) s’installant au nord.

Arrivés dans la région en 1890, les Français transformèrent en 1900 le Niger en un territoire militaire administré à partir du sultanat de Zinder, dans la partie sud. En 1921, il devint une colonie française, administrée depuis Niamey, la capitale actuelle, dans le sud-ouest du pays.

A partir de 1946, ce fut la lente marche vers l’indépendance : territoire d’outre-mer en 1946, république autonome au sein de la Communauté en 1958, et enfin l’indépendance le 3 août 1960.

Le premier président fut Hamani Diori, réélu en 1965. Mais après la terrible sécheresse de 1973, qui cristallisa beaucoup d’oppositions, il fut renversé par un coup d’Etat militaire le 15 avril 1974.

Une forte période d’instabilité s’ouvrit alors jusqu’en 1989, où Ali Seybou, ancien chef d’état-major du président du Conseil supérieur militaire qui dirigeait le pays, fut élu président. Il organisa le retour des civils au pouvoir à travers une nouvelle Constitution, puis en 1990, fut contraint de légaliser les partis d’opposition. Une conférence nationale fut organisée en 1991, et déboucha sur une nouvelle Constitution en 1992 et des élections en 1993. Mahamane Ousmane fut alors élu président, mais son gouvernement fut renversé dès février 1995.

Les nouvelles élections virent la victoire de l’ex-parti unique, le MNSD (Mouvement Nigérien pour une Société de Développement), qui s’allia avec plusieurs partis d’opposition. Hama Amadou devint Premier ministre, mais les relations avec le Président étaient conflictuelles et la situation économique très dégradée. Le président Mahamane Ousmane commence alors à devenir réticent aux plans d’ajustement structurel imposés par le FMI et la Banque mondiale, et soutenus par la France, l’ancienne puissance coloniale. Cela lui sera fatal.

En janvier 1996, le colonel Ibrahim Maïnassara Baré prit le pouvoir à la faveur d’un coup d’Etat militaire appuyé par la France, puis se fit élire président 6 mois plus tard, dans des conditions douteuses. Très vite, des tensions graves apparurent : manipulations politiques, fraudes électorales, restriction des libertés, secteur social sinistré, retards de salaires pour les fonctionnaires... Le 9 avril 1999, le président fut assassiné, remplacé par une junte militaire qui rédigea une nouvelle Constitution et organisa des élections présidentielles et législatives à la fin de 1999.

Depuis décembre 1999, le président est Mamadou Tandja (MNSD) et le Premier Ministre est de nouveau Hama Amadou, qui est parvenu à se faire désigner en décembre 2001 président du MNSD, assurant ainsi sa mainmise sur les rouages de l’Etat nigérien. Le ministre des Finances est Ali Badjo Gamatié. Le salaire des fonctionnaires est versé plus régulièrement et des accords de paix ont été signés avec les rebelles touaregs au Nord et à l’Est du pays. Mais de nombreux problèmes subsistent, notamment une pauvreté extrême et galopante.

Situation socio-économique

1. Indicateurs démographiques

En 2000, la population du Niger était estimée à 10,8 millions de personnes, en augmentation annuelle de 3,4% environ. L’espérance de vie à la naissance est de l’ordre de 46 ans. Chaque femme met au monde en moyenne 7,5 enfants.

La population est urbaine à 21%, en grande partie musulmane, et 90% des nigériens habitent dans le Sud agricole.

Six grandes communautés vivent au Niger : les Haoussas, implantés dans le sud-est, sont les plus nombreux (54%) ; les Djerma-Songhaï (dans la vallée du Niger) et les Peuls occupent le reste de la partie sud, tandis que les Touaregs sont dans la partie nord.

Le Niger est divisé en 8 départements. Les villes les plus importantes sont Niamey, Zinder, Maradi, Tahoua et Agadez.


2. Indicateurs économiques

- Ressources minières

La ressource importante est l’uranium. Le Niger, avec une production de l’ordre de 3 000 tonnes par an, est le troisième producteur mondial. Ses ressources sont immenses, estimées à environ 210 000 tonnes et situées près de la frontière algérienne, mais le marché mondial est à la baisse.

Le Niger exploite aussi un peu d’or, de charbon et de sel, les autres ressources présentes (étain, fer, cuivre, etc) n’étant quasiment pas exploitées, à l’image du pétrole (celui du Tchad a été privilégié dans la course à l’exploitation).

- Agriculture

La grande partie des Nigériens vivent essentiellement d’agriculture et d’élevage. Mais les surfaces arables sont réduites, les techniques agricoles sont rudimentaires et la production agricole est fortement dépendante des conditions climatiques. La situation est donc très fragile.

Comme dans de nombreux pays pauvres, le secteur primaire contribue pour près de 39% dans le PIB et occupe près de 90% de la main d’œuvre disponible.

Le Niger est le troisième producteur mondial de mil, qui fournit les trois quarts des céréales.

Les principales cultures vivrières sont le millet, le sorgho, le riz, les lentilles, le maïs, la patate douce, mais on trouve aussi un peu de canne à sucre, des épices, de la gomme arabique, ainsi qu’un peu de coton et d’arachide pour l’exportation.

Dans les zones arides, l’élevage (surtout ovin et caprin, avec 11 millions de têtes), constitue l’activité primordiale, comptant pour environ 15% dans le PIB.

- Industrie

L’industrie est assez peu développée, elle ne concerne que les produits alimentaires, la construction et la fabrication de savons et détergents. Elle apporte environ 17% du PIB. Les entreprises sont en général très petites et concentrées autour de Niamey et Zinder. L’artisanat est plutôt spécialisé dans le traitement des cuirs.

- Importations/exportations commerciales

Les exportations s’élèvent à 253 millions de dollars en 2000, dont 90 pour l’uranium et 49 pour la vente de bétail. Il s’agit à 97% d’exportations de produits primaires. L’Union européenne est le partenaire privilégié, en particulier la France.

Les importations se montent à 424 millions de dollars, d’où un déficit important de la balance des paiements.


3.Indicateurs du développement

Le Niger est l’un des pays les plus pauvres du monde.

- PIB et budget

En 2000, le PIB s’élève à 1,8 milliards US$, alors qu’il était de 2,5 milliards US$ en 1980. Si on considère le PIB par habitant, il a baissé en moyenne annuelle de 3,7% durant la décennie 1980-1990, puis de 0,8% durant la décennie suivante, avec notamment une baisse de 3,8% en 1999 et 6,2% en 2000. Mais les prévisions de la Banque mondiale sont comme toujours optimistes : +1,7% pour les années à venir...

Toujours est-il que, selon la Banque mondiale, « les Nigériens sont beaucoup plus pauvres qu’il y a 30 ans : la croissance du PIB sur cette période est négligeable alors que la population a plus que doublé. »

En 2000, le revenu par habitant s’élève à 180$.

Si on prend une base 100 en 1995, l’indice des prix à l’exportation est en 1999 de 105 alors que celui des importations est de 139. On assiste donc à une détérioration des termes de l’échange : 84 en 1999, puis 75 en 2000.

. Développement humain
Selon le rapport du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) de 2001, le Niger se classe 161e sur 162 pour l’indice de développement humain.

63% de la population vit avec moins de 1$ par jour, seuil de pauvreté absolue, dont 34% dans une pauvreté extrême.

42% des ménages sont raccordés à l’électricité.

Nourriture

  • Taux de malnutrition des enfants de moins de 5 ans : 43%
  • Personnes souffrant de malnutrition : 46%
  • Taux d’insuffisance pondérale des enfants de moins de 5 ans : 50%

Education

  • Taux d’analphabétisme : 85% des habitants de plus de 15 ans
  • Taux brut de scolarisation combiné (du primaire au supérieur) : 16%
  • Taux de scolarisation primaire : 22%
  • Dépenses publiques d’enseignement : 2,3% du PNB

Santé

  • Mortalité infantile : 162 pour 1000 naissances vivantes
  • Mortalité des enfants de moins de 5 ans : 275 pour 1000 naissances vivantes
  • Mortalité maternelle : 590 pour 100000 accouchements
  • Taux d’accès à des points d’eau aménagés : 59%
  • Taux d’accès à des équipements sanitaires appropriés : 20%
  • Taux d’accès aux médicaments et vaccins essentiels : 66%
  • Dépenses publiques de santé : 1,2% du PIB

- Environnement

Le Niger est, avec le Mali et le Soudan, l’un des pays les plus touchés par la désertification.


4.Indicateurs de la dette

En 2000, la dette est estimée à 1 577 millions US$. Elle est à court terme pour environ 5%.

La dette est multilatérale aux deux-tiers, dont 43% pour l’AID (le guichet concessionnel de la Banque mondiale) notamment.

Le tiers restant correspond à la partie bilatérale de la dette. Sur ces 33%, 17% correspondent à la dette (surtout pré-date butoir) due aux pays du Club de Paris, dont 12% vers la France, de loin l’Etat créancier le plus important du Niger. Les 16% extérieurs au Club de Paris (à forte majorité post-date butoir) sont détenus par des Etats arabes et asiatiques, principalement Taïwan, l’Arabie Saoudite et le Koweit.

Le service de la dette est de 46 millions US$, dont 14 pour l’AID. Cela représente environ 2,5% du PIB, soit environ le sixième du montant total des exportations de biens et de services.

En 1999, si on compare les flux financiers générés par la dette, le Niger a transféré 6 millions US$ vers ses créanciers.


5. L’économie des dernières années

Le Niger est impliqué dans des politiques d’ajustement structurel depuis 1981. Très tôt, des mesures très libérales ont été prises : libéralisation des prix et du commerce ; fin des monopoles dans le domaine agricole ; taux unique de TVA à 17%.

Après la dévaluation du franc CFA de 50% en janvier 1994, le Niger est entré dans un programme d’ajustement structurel en accord avec la communauté internationale. Mais à cause d’une grande instabilité politique, ce programme a pris fin très vite. A la fin de 1995, les autorités ont préparé un nouveau programme sous Facilité d’Ajustement Structurel Renforcée (FASR, en gros des engagements de libéralisation économique en échange d’un peu d’argent frais sous forme de prêts), accordée en avril 1996, malgré les évènements politiques de l’époque.

Le PIB, qui avait baissé de 1% par an entre 1990 et 1993, est reparti à la hausse ensuite, avec une année exceptionnelle en 1998 (+10,8%) grâce à des conditions climatiques favorables rejaillissant immédiatement sur la production agricole.

Dans les années 1998-1999, les autorités mirent en place un programme de maîtrise des dépenses : révision de l’échelle des salaires des fonctionnaires impliquant une diminution sévère de la masse salariale, un audit du Trésor et des restrictions financières diverses.

Si on ajoute à cela l’instabilité politique qui résulta des évènements de 1999, l’élan fut stoppé, surtout que le versement du salaire des fonctionnaires fut irrégulier. Le pays entra en récession.

- 2000

Les réformes prévues pour les années 2000 et 2001 devaient conduire, selon les engagements pris envers le FMI, à une croissance de 3% en 2000 et 3,7% en 2001, ainsi qu’à une inflation annuelle inférieure à 3%.

Mais les conditions climatiques furent très défavorables au cours du second semestre 2000, affectant fortement la production agricole. Par conséquent, la croissance fut tout juste positive, et la forte diminution de la production de céréales a entraîné une hausse des prix plus forte : +4,7% en 2000.

En janvier 2000, une nouvelle réglementation fut introduite dans l’Union économique et monétaire d’Afrique de l’ouest (UEMAO), à laquelle le Niger appartient, afin de diminuer les barrières douanières et taxations à l’importation, le taux maximum passant de 25 à 20%. De plus, les barrières intra-UEMAO ont été démantelées.

En mars 2000, une nouvelle loi sur les retraites est entrée en vigueur. Le départ à la retraite de 2400 salariés du service public, par abaissement de l’âge de la retraite de 60 à 58 ans avec un maximum de 30 ans de service, devrait entraîner une économie de l’ordre de 0,2% du PIB.

En 1996, les autorités avaient lancé un vaste plan de désengagement de l’Etat, prévoyant la privatisation de 11 entreprises publiques, et la restructuration ou la liquidation de 12 autres. Trois petites sociétés (textiles : SONITEXTIL, ciment : SNC, produits laitiers : OLANI) furent vendues en 1997-1998, tandis que quatre autres étaient liquidées (élevage : LABOCEL, fonds pour PME : FIPMEN, gestion hôtelière : SONHOTEL, tourisme : ONT). Quatre autres encore, bien plus importantes, furent mises sur la voie de la privatisation : télécommunications (SONITEL), distribution de l’eau (SNE), distribution de l’électricité (NIGELEC), importation et stockage du pétrole (SONIDEP). Jusqu’en 2000, diverses étapes ont été franchies vers leur privatisation.

Les conditions de privatisation de NIGELEC ont été finalisées, et la privatisation est sur les rails. Un appel d’offres pour la privatisation de la SNE et de SONITEL s’est achevé en mai 2000. La stratégie pour la privatisation de la SONIDEP a été adoptée en juillet 2000, accompagnée d’une réforme du secteur pétrolier : deux augmentations de prix en mai et septembre 2000 ; révision des tarifs en septembre afin d’éliminer certains subsides permettant des prix fixes pour les produits pétroliers alors que le cours du pétrole sur les marchés mondiaux augmente ; libéralisation du transport des produits pétroliers ; nouveau système de prix prévu pour juin 2001.

En outre, le gouvernement a vendu à la fin de l’année deux licences de téléphonie mobile, pour un gain de l’ordre de 11 millions US$.

- 2001

La privatisation de la SNE a été achevée en mars 2001. Vivendi, qui était en concurrence avec la Lyonnaise des Eaux, a été retenu par la commission d’appel d’offres. Depuis avril 2001, deux sociétés ont été créées à partir de la SNE : la Société d’Exploitation des Eaux du Niger (SEEN, détenue pour 10 ans à 51% par Vivendi, 34% par des privés nigériens, 10% par le personnel et 5% par l’Etat) et la Société de patrimoine des eaux du Niger (SPEN, publique). Dans cette opération, Vivendi hérite de la gestion de 51 centres, 8 stations de pompage, 3 stations de traitement des eaux, 65 réservoirs et 124 forages en service. Dans les 3 mois suivants, Vivendi a été contraint de lancer un programme d’investissement de 5,5 millions d’euros pour l’extension de l’accès au réseau d’eau potable notamment dans les régions de Niamey, Tillabéry et Zinder.

En ce qui concerne la SONITEL, qui gère le réseau de téléphonie fixe du Niger, 51% des parts ont été cédés le 20 décembre 2001 au groupe chinois ZTE Corporate China Right Com pour près de 18 millions d’euros, l’offre de France Télécom ayant été inférieure. Cette adjudication se fait pourtant avec un important retard, dû au manque d’intérêt des investisseurs internationaux. En septembre 2001, la Banque mondiale a conditionné le versement de 60 millions de dollars à l’Etat nigérien à la relance de ce processus qui avait du mal à aboutir. Ce qui fut fait, car le Niger ne refuse rien à la Banque mondiale... Cela s’est accompagné d’un plan social de réduction des effectifs, d’un montant de 4,5 millions d’euros environ, financé par l’argent apporté par le groupe privé. Un programme de 10 ans est prévu, pour un montant de l’ordre de 240 millions d’euros, dans le but de baisser le coût des télécommunications et d’augmenter le nombre de lignes de 20 000 actuellement à 45 000 en 2004.

En février 2001, le Président du Niger a tenu à donner son nom à un programme spécial pour développer le secteur social. Ce programme spécial présidentiel doit permettre la construction de 1000 classes, 1000 centres de santé et 1000 puits d’eau potable dans les villages. Selon le gouvernement, l’année 2001 a déjà vu la construction de 244 écoles, 241 centres de santé, 119 puits et 34 mini-barrages. Reste à savoir si le personnel nécessaire à la bonne marche de ces outils séduisants (enseignants, médecins, infirmiers, etc) pourra être recruté... Il semblerait pourtant que le taux de scolarisation ait augmenté de 3% en un an, ce qui est beaucoup et peu à la fois...

Pour l’année 2001, 17% des dépenses de l’Etat sont allées à l’éducation, contre 12% pour la santé et 12% pour le développement agricole.

En août 2001, le gouvernement a adopté un nouveau système de tarification des produits pétroliers, qualifié de souple et transparent, dont le rôle est de refléter les évolutions du marché. En fait, ce système cache une élimination des subsides sur les produits pétroliers et une libéralisation de leur transport, d’où une augmentation des prix à la pompe pour les nigériens... Ce système est entré en vigueur en novembre 2001.

- 2002

L’objectif économique pour 2002 est une croissance de l’ordre de 4,2%, une inflation inférieure à 3% et un déficit des comptes courants externes stable à 9,5% du PIB. Malgré la détérioration économique mondiale en cette année 2002, le Niger s’estime capable de tenir ses objectifs initiaux eu égard à sa faible intégration à l’économie globale. Intégration que pourtant les institutions internationales nous présentent comme la seule issue viable...

Au titre des dépenses publiques, le gouvernement prévoit la construction d’infrastructures routières et des projets d’irrigation. Mais il entend aussi poursuivre sa politique de privatisations, comme le lui ordonnent le FMI et la Banque mondiale.

Dans le secteur financier par exemple, le gouvernement veut poursuivre la restructuration de la Banque de Crédit du Niger (BCN), et doit prendre une décision en ce qui concerne le Crédit du Niger (CDN) et la Caisse des Prêts aux Collectivités Territoriales (CPCT) avant avril 2002. Il a commandé des études sur le financement des petites et moyennes entreprises, et des communautés locales, et à partir de là, doit décider de la viabilité de la fusion de ces deux organismes en une Banque de l’Habitat et du Développement Local (BHDL). Mais cela ne se fera pas sans l’accord de le Banque mondiale, bien sûr.

Dans le domaine de l’assurance, SNAR-Leyma, une des trois compagnies nationales, devrait être restructurée. Et il devrait en être de même de l’Office National de la Poste et de l’Epargne (ONPE), dans un grand plan de modernisation, avec réductions d’effectif et séparation de la Poste d’un côté, et le regroupement des Comptes Chèques Postaux et de la Caisse Nationale d’Epargne d’autre part.

Enfin, sont prévues d’autres privatisations, achevant le bradage des entreprises publiques : la SONIDEP (Distribution des Produits Pétroliers, avec le projet d’une ouverture du capital à 20% à des privés nigériens et 40% à un opérateur privé étranger qui pourrait être le libyen Tamoil ou le français TotalFinaElf), la NIGELEC (avec le début du processus de privatisation au 1er semestre 2002), l’Hôtel Gaweye (pour un projet de mise en concession), l’Abattoir frigorifique de Niamey (projet de séparer la propriété de l’abattoir de sa gestion par un opérateur privé, mais pas d’offre de reprise pour l’instant à cause d’un appareil de production vétuste), le Riz du Niger (RINI), l’Unité de Phosphate de Tahoua, l’Organisation commune Bénin Niger pour le réseau ferroviaire (dans une situation financière catastrophique, avec une baisse importante de ses activités, donc un projet peu attrayant en l’état), ou encore la restructuration de l’Office national des produits pharmaceutiques et chimiques (constamment en rupture de stock).

Cependant des incertitudes subsistent, qui peuvent peser sur la croissance : la situation au Nigeria voisin affecté par la baisse des prix du pétrole dont il est un important exportateur, et les prix de certains produits d’exportations comme les oignons ou le bétail. Les conditions climatiques seront essentielles dans tous les cas de figure...

Les exportations devraient baisser de 0,6% du PIB à 13.7% (à cause d’une stagnation des ventes d’uranium et de produits agricoles dans la sous-région), partiellement compensés par une baisse des importations de 0,2% du PIB grâce à la baisse du prix des produits pétroliers.


6. Position actuelle dans les Institutions Financières Internationales

- Au FMI (Fonds Monétaire International)

Le Niger est entré au FMI le 24 avril 1963.
La quote-part du Niger au sein du FMI est de 65,8 millions de DTS (Droits de tirage spéciaux, approximativement la monnaie du FMI), soit 0,03% du total. Rappelons que le FMI a un fonctionnement anti-démocratique au possible puisque le système adopté est « 1$=1 voix », le nombre de voix d’un pays en cas de vote étant proportionnel à la quote-part que ce pays a versée au Fonds. C’est la raison pour laquelle le Niger détient 908 droits de vote, soit 0,04% des votes totaux. Il est représenté au FMI par son ministre des Finances.

- Initiative PPTE (Pays Pauvres Très Endettés)

L’initiative PPTE, instaurée par le FMI et la Banque mondiale à la fin de l’année 1996, consiste à accorder des remises de dette à des pays très pauvres et très endettés ayant prouvé leur volonté d’appliquer des politiques ultralibérales. Après un programme de telles politiques pilotées par les institutions financières internationales, d’une durée de 3 ans, si le pays concerné est toujours en situation d’endettement insoutenable, il atteint le point de décision et bénéficie d’un premier allégement, mais il continue bien sûr à être étroitement surveillé jusqu’à ce qu’il atteigne le point d’achèvement, où il bénéficie d’un allégement supplémentaire.

S’ajoute à cela l’initiative PPTE renforcée, instaurée fin 1999, qui prend le relais pour pouvoir, après de nouvelles réformes d’inspiration libérale, poursuivre sur la voie des allégements. Mais attention, les montants cités correspondent toujours à des allégements étalés sur plusieurs dizaines d’années, donc souvent homéopathiques.

Le Niger a atteint le point de décision dans l’initiative PPTE renforcée le 14 décembre 2000. Cela a permis de réduire le service de la dette d’environ 11,5 millions US$ en 2001, soit environ 0,6% du PIB.

La lecture du document préparatoire à l’arrivée au point de décision est très intéressante. Il est établi par le FMI et la Banque mondiale, et daté du 6 décembre 2000. On peut donc y lire l’analyse de la situation nigérienne par les institutions financières internationales.

Tout d’abord, le FMI et la Banque mondiale distribuent des bons points au Général Baré qui mettait en œuvre une politique de stabilisation macro-économique et de réforme structurelle, après la signature d’une Facilité d’Ajustement Structurel Renforcée. Ensuite ils regrettent que les progrès significatifs effectués grâce à cette politique aient été interrompus par un coup d’Etat militaire en 1999, même si finalement ce coup d’Etat mettait fin à une dictature et allait permettre en fin de course de rétablir un régime civil et d’organiser des élections à peu près démocratiques. Heureusement selon ce rapport, les autorités élues ont poursuivi dans le sens initié entre 1996 et 1999, et elles peuvent donc recevoir le quitus des institutions internationales.

Le point de décision (qui est la première étape avant d’atteindre des allégements de dette en contrepartie d’une politique d’ajustement structurel soutenue) est atteint favorablement car la dette du Niger restera insoutenable, selon leurs critères, jusqu’en 2013 au moins, essentiellement à cause de la baisse des ressources procurées par l’exportation d’uranium, qui joue un rôle primordial. Ces exportations d’uranium devraient passer, selon le FMI et la Banque mondiale, de plus de 5% du PIB en 1999 à 2,2% en 2010.

Comme d’habitude, toutes les chiffres sont négatifs pour la période actuelle, et les prévisions sont presque euphoriques, jusqu’en 2019, rien de moins. Ne serait-ce pas là la traduction d’un comportement plutôt choquant : le FMI ne tient pas compte du fait que la situation actuelle découle surtout de ses directives, mais croit fermement qu’en accentuantencorelapolitiquecatastrophique qu’il impose aux pays en développement, ils s’en sortiront forcément.

Pour le croissance du PIB, alors qu’elle fut négative en 1999, ce rapport la prévoit de 3% en 2000 (on sait qu’il n’en fut rien), puis de plus en plus importante : 4,1% en 2002, 5% en 2007, et même 5,5% en moyenne annuelle sur la période 2010-2019. On rêve...

Le Document Stratégique de Réduction de la Pauvreté (DSRP, en anglais PRSP, document qui conditionne le passage au point d’achèvement, dernière étape de ce marathon ultralibéral pour gagner quelques allégements de dette) fut finalisé au début 2002. Le Niger est parti pour atteindre ce point d’achèvement de l’initiative PPTE au début de 2003.

- Club de Paris

Le Club de Paris est le groupe très fermé des pays riches dont le rôle est de trouver des solutions aux difficultés de remboursement de la dette publique bilatérale rencontrées par des pays débiteurs.

Le Niger est passé 10 fois devant le club de Paris pour des rééchelonnements de dettes. Le premier passage détermine une date butoir (1er juillet 1983 pour le Niger), et en principe, seules les dettes pré-date butoir peuvent faire l’objet d’un rééchelonnement futur.

Les cinq premières fois, il s’agissait de rééchelonnements classiques, portant sur quelques dizaines de millions de dollars : 30 en novembre 1983, 32 en novembre 1984 et 1985, 26 en novembre 1986, 38 en avril 1988.

Ensuite entrent en jeu les termes de Toronto. En 1988, à Toronto, le sommet du G7 (des sept pays les plus riches) reconnaît le caractère structurel du problème de la dette, il ne s’agit plus seulement de problèmes passagers de remboursement. Pour garantir la poursuite des remboursement, il autorise un léger allégement des échéances (sur une période donnée) des pays les plus pauvres, dont le Niger fait partie. Les créances APD (Aide Publique au Développement, contractées à un taux inférieur à ceux du marché) sont rééchelonnées sur 25 ans dont 14 de grâce, alors que les créances non APD sont annulées à hauteur de 33% et le reste est rééchelonné sur 14 années dont 8 de grâce. Ce fut le cas pour le Niger en décembre 1988 pour 43 millions US$, puis encore en septembre 1990.

En mars 1994, de nouvelles conditions sont offertes au Niger : rééchelonnement des créances non APD traitées sur 23 années dont 6 de grâce, après annulation à hauteur de 50%, et rééchelonnement des créances APD traitées sur 30 années dont 12 de grâce. Les montants traités sont de 160 millions US$.

Mais la situation des pays endettés s’aggrave encore. Au fond, ce n’est pas étonnant avec un tel saupoudrage de mesures inadaptées à l’ampleur du problème. Pour éviter de trop importants refus de paiement, car impossibilité il y a, le G7 décide à Naples d’augmenter à 67% le taux d’annulation pour les créances non APD traitées, et d’allonger les périodes de rééchelonnement : 23 années dont 6 de grâce pour les non APD, 40 années dont 16 de grâce pour les APD. En décembre 1996, le Niger en bénéficie pour ses échéances portant jusqu’au 30 juin 1999, soit un total de 128 millions US$.

Déclaré éligible pour l’initiative PPTE renforcée en décembre 2000, le Niger peut dès janvier 2001 repasser en Club de Paris pour de nouvelles aventures. Le fardeau de la dette étranglant de plus en plus les pays du Tiers Monde, une nouvelle initiative est lancée, avec rééchelonnement des créances non APD traitées sur 23 années dont 6 de grâce, après annulation à hauteur de 90% cette fois-ci. Les échéances concernées sont celles jusqu’au 31 décembre 2003, pour un total de 115 millions US$, dont 84 sont annulés et 31 rééchelonnés.

Les discussions avec les pays membres du Club de Paris sont arrivées à leur terme (sauf la France). Un accord est intervenu avec la Chine pour l’annulation de la dette pré-date butoir et d’une partie de la dette post-date butoir contractée par le Niger, et des consultations avancées ont lieu actuellement avec l’Algérie également.

- FRPC (Facilité pour la Réduction de la Pauvreté et la Croissance)

Le fait d’être éligible à l’initiative PPTE implique la reconnaissance d’une bonne politique libérale menée au Niger, et donc la porte ouverte à de nouveaux prêts de la part des institutions internationales : en décembre 2000, une FRPC était signée, avec la possibilité pour le Niger de contracter de nouveaux emprunts pour un montant de 74 millions US$ sur 3 ans. Environ 11 millions US$ ont été tirés en août 2001, et encore 11 millions US$ viennent de l’être en février 2002. C’est la récompense d’une politique économique jugée saine, car docile, qui a vu le Niger se soumettre complètement en 2001 aux diktats des institutions internationales.

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Damien Millet

professeur de mathématiques en classes préparatoires scientifiques à Orléans, porte-parole du CADTM France (Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers Monde), auteur de L’Afrique sans dette (CADTM-Syllepse, 2005), co-auteur avec Frédéric Chauvreau des bandes dessinées Dette odieuse (CADTM-Syllepse, 2006) et Le système Dette (CADTM-Syllepse, 2009), co-auteur avec Eric Toussaint du livre Les tsunamis de la dette (CADTM-Syllepse, 2005), co-auteur avec François Mauger de La Jamaïque dans l’étau du FMI (L’esprit frappeur, 2004).