Le droit du travail est sans conteste un domaine clé dans les ajustements structurels menés ces dernières années en Europe [1] Que ce soit aux premières heures de la cure d’ajustement grecque concoctée par les créanciers, avec la réduction du salaire minimum, le démantèlement du système de conventions collectives, la facilitation des licenciements collectifs.... Mais aussi encore aujourd’hui avec ces mêmes créanciers qui en veulent toujours plus et exigent des mesures supplémentaires afin de restreindre l’exercice du droit de grève pour clôturer leur troisième revue dans le cadre du dernier mémorandum. C’est cette situation actuelle : ce « nouveau cycle de conflictualité et d’opposition » (p.3), ses différents acteurs que sont le gouvernement Syriza-Anel, les créanciers et les syndicats, qu’analyse de manière détaillée cet article.
Il examine dans un premier temps la position ambiguë du gouvernement entre discours « pro-travailleur » et dérégulations du marché du travail (p.4-10). Puis il aborde les exigences des créanciers internationaux portant notamment sur les conventions collectives, le droit de grève et les licenciements collectifs (p.10-15). Enfin, il clôture sur les différentes luttes et conflits sociaux qui ont éclaté en Grèce ces derniers mois (p.15-18).
Depuis sa publication en septembre 2017, la loi limitant encore un peu plus l’exercice du droit de grève a été votée. En effet, le 15 janvier le parlement grec a durci, malgré les mobilisations et grèves syndicales, les modalités de déclenchement d’une grève : il faut désormais réunir 50 % plus une personne des syndiqué.e.s de l’entreprise contre un tiers auparavant.
L’auteure de cet article fait échos aux positions de la GSEE – la confédération générale des travailleurs grecs - sur la mine des Skouries (p.9). Une position qui consiste à dire que malgré des préoccupations environnementales légitimes [2], la préservation des emplois doit être prioritaire dans ce dossier. Bien que nous comprenions de telles inquiétudes sur le maintien de l’emploi -un argument d’ailleurs avancé par l’entreprise El Dorado Gold bien qu’elle soit prête à exploiter dans un pays voisin les minerais - ne nous semble pas pouvoir justifier pour autant les dégâts écologiques aux conséquences incalculables.
Un article publié dans Chronique Internationale de l’Ires, n°159, septembre 2017
Les mesures votées dans le cadre des deux procédures d’examen de la mise en œuvre du troisième programme d’ajustement économique [3] renforcent les politiques d’austérité des années précédentes. Au cours des négociations, les créanciers de la Grèce avaient beaucoup insisté sur une nouvelle diminution du montant des retraites, l’accélération des privatisations des entreprises publiques, la réforme du cadre législatif des négociations collectives, des droits syndicaux, des licenciements collectifs, etc.
Ainsi, bien que le gouvernement Syriza-Anel – et plus particulièrement les ministres du Travail consécutifs [4] – n’aient cessé d’arguer pendant les négociations qu’il y avait des « lignes rouges » qu’ils ne franchiraient pas, les mesures finalement votées ne font qu’entériner le démantèlement du marché de travail et du système de relations professionnelles. Le vote de ces mesures inaugure donc un nouveau cycle de conflictualité et d’opposition.
Nous examinerons les principaux thèmes qui opposent les organisations syndicales et le gouvernement. Dans un premier temps, nous nous concentrerons sur les débats et critiques autour de sujets tels que la dérégulation du marché de travail, ainsi que la position ambiguë du gouvernement qui, d’une part, essaye de maintenir un profil « pro-travailleurs » et, d’autre part, doit respecter ses engagements envers les créanciers internationaux. Ensuite, nous examinerons les oppositions liées au fait que le gouvernement ne soit pas revenu au cadre antérieur de la négociation collective, et qu’il ait même mis en œuvre une réforme de la loi syndicale, et des mesures pour faciliter les licenciements collectifs. Enfin, nous considérerons les principaux conflits sociaux (grèves, arrêts de travail, manifestations, etc.) autour de réformes telles que la diminution du montant des retraites, les privatisations, l’ouverture des magasins le dimanche.
Syndicats versus gouvernement : un conflit ouvert
Face à la position ambiguë du gouvernement, les syndicats ont de nombreux motifs de désaccords avec lui, qu’il s’agisse de ses propres contradictions, de la déréglementation du marché du travail, du travail informel, etc.
La dérégulation d’un marché du travail déjà précarisé
La hausse incessante du taux de chômage depuis 2010 est la face la plus visible de la dérégulation du marché du travail grec et sa mesure se trouve au cœur des débats entre les gouvernements successifs et les organisations syndicales (encadré).
Au-delà des chiffres du chômage, la précarisation incessante des relations et des conditions de travail, qui démontre la poursuite de la dérégulation d’un marché du travail déjà très flexible, pose un problème majeur.
Par exemple, le suicide d’une femme de 42 ans pour des raisons économiques [5] a mis en lumière un problème qui touche de plus en plus de travailleurs ces dernières années. Le fait que certains employeurs ne versent pas les salaires de leurs employés à temps (parfois pendant plusieurs mois) ou leur versent de petites sommes d’argent au lieu d’un salaire est une des faces statistiquement non mesurables et moins visibles de la précarisation des conditions de travail.
Ce suicide a eu lieu quelques jours après la décision 677/2017 de la Cour suprême, fondée sur une loi de 1920, et selon laquelle le non-versement des salaires dus – à l’exception des cas où celui-ci résulte d’une fraude ou d’une volonté de la part de l’employeur de forcer le travailleur à démissionner pour éviter de lui verser l’indemnité de licenciement – ne suffit pas par lui-même à justifier une altération défavorable des termes du contrat de travail [6].
La réaction de la Confédération générale des travailleurs grecs (GSEE) à cette décision a été immédiate. Selon l’organisation syndicale, la décision de la Cour suprême (qui n’était toutefois pas la première en ce sens) pose plusieurs problèmes, notamment parce qu’il incombe au salarié de prouver les intentions de l’employeur ; c’est donc à lui de prouver qu’il y a une fraude ou une volonté d’éviter l’indemnité de licenciement. D’après la GSEE, certains employeurs, profitant de la crise économique, retardent de manière injustifiable le versement des salaires, ou ne les versent pas du tout, alors que les salariés continuent à travailler. De plus, comme le note la GSEE, les tribunaux invalident souvent le refus du travailleur de reprendre son travail lorsque l’employeur est en retard sur le versement de ses salaires [7].
Ce suicide, qui a mis en lumière un phénomène très répandu sur le marché du travail grec [8], a « fait accélérer » les démarches législatives. Le Parti communiste (KKE) a déposé un projet d’amendement à une loi de 1920 relative aux responsabilités de l’employeur en cas de retards de versement des salaires. L’amendement a été voté par le gouvernement de coalition Syriza-Anel et la majorité des partis d’opposition et a été intégré dans une loi récente (4487/2017) sur la publicité télévisuelle. Désormais, tout retard important dans le versement des salaires dus est considéré comme une altération défavorable unilatérale des conditions de travail, indépendamment des raisons du retard [9].
Les organisations syndicales dénoncent également des incidents et pratiques répétées de la part des employeurs, qui confirment la dérégulation du marché du travail. En mars 2017, la GSEE et l’organisation syndicale représentant les salariés du secteur privé (OIYE) ont en effet signalé des pratiques patronales à la limite de l’illégalité [10], telles que : la substitution d’une partie du salaire par des tickets-restaurant ou des bons d’achat ; la création d’entreprises en Bulgarie, surtout dans des activités ne demandant pas une présence physique des salariés sur le lieu de travail (entreprises logistiques, consultants, vente, etc.), qui embauchent des travailleurs employés en Grèce mais dont le salaire est versé par le biais de cartes prépayées via des banques en Bulgarie pour éviter le versement des cotisations sociales ; la présence aux distributeurs automatiques de billets de « personnes de confiance » de l’employeur qui « accompagnent » les salariés au moment où ceux-ci prélèvent leur salaire et sont chargées de leur « demander » d’en restituer une partie à l’employeur.
La loi n° 4488/2017 [11] de septembre 2017 vise donc à créer un cadre protecteur pour les salariés du secteur privé, bien que les mesures finalement votées soient moins favorables que celles prévues dans le projet de loi initial. Ainsi, la loi instaure entre autres :
l’injonction à payer un salaire dû, si l’existence du contrat de travail peut être prouvée par un écrit ;
l’accélération des procédures juridictionnelles en cas de litiges du travail (licenciement illicite, salaires retardés, dommages et intérêts dus en raison du retard dans le paiement du salaire) ;
la mise en demeure de l’employeur 15 jours avant que la procédure d’injonction de payer les salaires ait lieu ;
la fermeture provisoire de l’entreprise dans le cas où l’employeur ne verserait pas entièrement les indemnités de congé, ne communiquerait pas le tableau des effectifs et des horaires de travail, emploierait des salariés hors des heures de fonctionnement de l’entreprise, etc. ;
des amendes assez élevées si l’employeur ne met pas à jour le tableau des effectifs ou s’il n’informe pas électroniquement les instances compétentes de toute modification des horaires ou de l’organisation du temps de travail ou du recours à des heures supplémentaires [12].
La réaction de la GSEE au moment de l’annonce du projet de loi a été ambiguë. Bien que la confédération estime que certaines dispositions vont dans le bon sens, la nouvelle loi se limite en réalité aux mesures minimales permises par les engagements du gouvernement dans le cadre des mémorandums. Comme le souligne la confédération syndicale dans sa lettre adressée au ministre du Travail, la loi inaugure une nouvelle période en matière de marché du travail. D’une part, le gouvernement, en appliquant les prescriptions des mémorandums récents et à venir, accentue la dérégulation du droit du travail (individuel et collectif) ; d’autre part, il tente d’introduire des dispositions pour soulager temporairement les travailleurs des effets de cette dérégulation [13].
Travail non déclaré : un consensus entre créanciers, gouvernement et partenaires sociaux ?
En Grèce, le travail – entièrement ou partiellement – non déclaré constitue encore un problème majeur à l’heure actuelle. Certes, le taux de travail non déclaré était estimé à un niveau élevé par rapport à d’autres pays européens même avant la crise, mais la crise semble l’avoir poussé à la hausse, même si cette tendance n’est pas facilement mesurable au plan statistique. D’après les chiffres des institutions rattachées au ministère du Travail, le taux de travail entièrement informel est passé de 29,7 % fin 2009 à 40,5 % fin 2013. L’introduction d’une amende assez élevée en 2013 [14] a eu pour résultat une diminution de cette forme de travail non déclaré (25 % en 2014 d’après le BIT). D’après les contrôles effectués par les services d’inspection, entre le 15 septembre 2013 et le 30 novembre 2015, le taux de travailleurs entièrement non déclarés était de l’ordre de 5,32 % (13,6 % dans le cas de la main-d’œuvre étrangère) [15]. Au-delà des questions méthodologiques autour de la possibilité de mesurer réellement le travail informel, on estime que le montant de l’amende a pu décourager son recours, mais ceci n’est pas le cas pour le travail partiellement non déclaré [16], lui aussi difficile à mesurer (ILO, 2016 ; ΙΝΕ-ΓΣΕΕ, 2017 ; Καψάλης, 2015).
La question du travail informel est abordée dans le troisième mémorandum, où les autorités grecques s’engagent à adopter un plan d’action pour lutter contre le travail entièrement ou partiellement non déclaré dans le but de renforcer la compétitivité des entreprises respectueuses des lois, de protéger les travailleurs et d’assurer la collecte des taxes et cotisations sociales. Ainsi, en 2016 a été mise en place une commission tripartite, en collaboration avec la Commission européenne et avec l’assistance technique de l’Organisation internationale du travail [17]. Les partenaires sociaux se sont mis d’accord sur l’adoption d’un plan d’action « holistique » qui prendra en compte tous les facteurs permettant d’expliquer le niveau du travail non déclaré, afin de pouvoir lutter plus efficacement [18].
Dans leur rapport commun, les partenaires sociaux insistent, d’une part, sur la nécessité de sensibiliser l’opinion à cette question et, d’autre part, sur le besoin de réformer le cadre institutionnel [19]. Sur le premier point, il est important de noter qu’un des problèmes majeurs de la lutte contre le travail non déclaré n’est pas autant l’absence de cadre législatif approprié que la tolérance de la société envers le travail non déclaré : les campagnes de sensibilisation proposées vont donc dans ce sens. Sur le deuxième point, les partenaires sociaux proposent entre autres : des mesures afin d’assurer une meilleure circulation des données entre les différents services de contrôle, des inspections plus ciblées, l’implication plus active des partenaires sociaux dans le repérage et la lutte contre le travail non déclaré, l’introduction d’une clause dans les contrats de travaux publics incitant les entreprises sous-traitantes à ne pas engager de travailleurs non déclarés, l’utilisation de coupons de prestations de services pour des activités où le travail non déclaré est trop répandu, etc. L’action commune a débouché sur l’adoption en 2016 d’une « Feuille de route pour la lutte contre le travail non déclaré » pour trois ans (2016-2019), qui a été ratifiée par la dernière convention collective nationale (CCN) signée en mars 2017 [20].
La loi votée début septembre 2017 (4488/2017) [21] constitue un progrès, dans la mesure où elle tente de renforcer le cadre institutionnel du traitement du travail non déclaré. Ainsi, la loi :
dote l’Inspection du travail de nouvelles prérogatives ;
oblige les employeurs qui embauchent des salariés pour des travaux de construction à les déclarer systématiquement (pour chaque jour de travail) aux services compétents par voie électronique ;
rend plus strict le cadre d’imposition des sanctions ;
prévoit l’exclusion des travaux publics, des appels d’offres publics et des financements publics des entreprises qui ne respectent pas la législation relative au travail non déclaré [22].
Les partenaires sociaux notent toutefois que la dérégulation du cadre des négociations collectives renforce le travail partiellement non déclaré : par exemple, certains employeurs ne versent que le salaire minimum légal à leurs salariés, en leur octroyant un complément non déclaré, non soumis à cotisations sociales ou à taxation (ILO, 2016). De plus, la pression s’accroît sur les salariés pour qu’ils acceptent des conditions de travail moins favorables ou cèdent à des pratiques illicites par peur d’être licenciés (INE-ΓΣEE, 2017).
Un gouvernement ambigu, entre discours « pro-travailleurs » et engagements auprès des créanciers
Au cœur de l’opposition entre organisations syndicales et gouvernement se trouve, aussi, la position ambiguë de ce dernier, qui, d’un côté, essaye de préserver son image favorable aux travailleurs et, de l’autre, se trouve dans l’obligation de respecter ses engagements envers les créanciers de la Grèce. Cette ambiguïté se reflète dans le décalage entre, d’une part, les intentions exprimées et les discours tenus, et, d’autre part, les mesures finalement votées. L’exemple de l’appel aux investisseurs à placer des capitaux en Grèce [23] en est une illustration. Fin août-début septembre 2017, le Premier ministre a décidé de prononcer un discours dans deux grandes entreprises grecques pour adresser un message de confiance aux investisseurs. Dans ces discours, il faisait référence au besoin d’un nouveau modèle productif permettant de créer des postes de travail permanents et avec un salaire adéquat. Ces discours contrastent toutefois avec la manière dont le gouvernement a traité l’affaire des investissements dans la mine des Skouries. Les retards dans l’obtention des autorisations nécessaires de la part des autorités grecques, pour des raisons de protection de l’environnement et de santé des habitants [24], ont mené le groupe canadien Eldorado Gold à annoncer qu’il était prêt à suspendre tout investissement dans ses carrières de la région de Chalcidique. Une telle décision aurait pu provoquer le licenciement de 2 500 personnes. À la dernière minute, le gouvernement a validé l’exploitation de la mine par le groupe. Préoccupations environnementales mises à part, le gouvernement a largement négligé ces travailleurs, dont les manifestations ont été fermement réprimées, au point de susciter la réaction de la GSEE. Devant le ministère du Développement, la GSEE a en effet dénoncé la répression des manifestants à l’arme de force, et le passage du « Gr-Invest » au « Gr-Crackdown [25] ». La confédération syndicale signale par ailleurs que l’appel à investir en Grèce (Gr-Invest) devrait aussi valoir pour les mines et que, bien que les préoccupations environnementales soient nécessaires et légitimes, il est aussi nécessaire et légitime d’assurer des postes de travail à tous ceux dont la survie dépend de l’entreprise en question [26].
Un deuxième exemple est celui du traitement des fonctionnaires qui ont refusé de remplir leurs feuilles d’évaluation, dans le cadre d’une action de « grève-abstention » organisée par la Confédération syndicale des fonctionnaires (Adedy). À noter qu’avant d’accéder au pouvoir, Syriza avait soutenu toutes les actions et formes d’opposition contre les procédures d’évaluation des fonctionnaires. Adedy dénonce le fait que la ministre de la Réforme administrative ait déposé dans la précipitation au Parlement, dans un projet de loi sans lien avec cette question, un amendement interdisant à ceux ne remplissant pas leurs feuilles d’évaluation – parce qu’ils participent à la grève-abstention d’Adedy – de participer à l’évaluation des performances de leurs chefs de service. Ainsi, d’après Adedy, elle devient la première ministre après la chute de la dictature à prendre des mesures légales contre la grève et à criminaliser l’action syndicale [27].
La négociation collective, les licenciements collectifs et les droits syndicaux au cœur des négociations avec les créanciers
D’après la déclaration du sommet de la zone euro du 12 juillet 2015 [28], le gouvernement grec doit, toujours en accord avec les institutions, « entreprendre un réexamen rigoureux et une modernisation des négociations collectives, de l’action syndicale et, conformément à la directive pertinente de l’UE et aux bonnes pratiques, des procédures de licenciements collectifs selon le calendrier et la méthode convenus avec les institutions ». Ainsi, toute initiative législative du gouvernement grec doit recevoir l’accord préalable des créanciers ; le nouveau cadre doit s’orienter vers les « meilleures pratiques européennes et internationales » ; les réformes du marché du travail ne doivent pas avoir pour effet de revenir à des « politiques antérieures » jugées « incompatibles avec les objectifs de croissance soutenable et inclusive [29] ». Toutefois, les mesures votées vont dans le sens contraire des recommandations du groupe d’experts indépendants sur le réexamen du cadre législatif du marché du travail, de la négociation collective, de l’action syndicale et des licenciements collectifs prévues par le troisième mémorandum d’août 2015 [30].
La négociation collective encore sous pression
En ce qui concerne les négociations collectives, bien qu’un des premiers engagements de Syriza ait été de rétablir le cadre des négociations collectives, en réalité il n’y a pas eu de progrès en la matière depuis janvier 2015 (Karakioulafis, 2016). Le gouvernement avait pourtant annoncé qu’il y avait des « lignes rouges » qu’il ne franchirait pas, mais le troisième mémorandum d’août 2015 et l’accord finalement conclu lors du deuxième examen du programme d’ajustement économique en juin 2017 montrent le contraire [31].
Ainsi la loi n° 4472/2017, finalement votée en mai 2017, ne fait que renforcer le cadre législatif introduit par la loi n° 4024/2011 (Karakioulafis, 2013, 2015, 2016), n’effectuant que des changements de formulation. Ainsi, la loi de mai 2017 précise que la suspension du principe de la clause la plus favorable, ainsi que de la clause d’extension des conventions collectives de branche seront valables jusqu’à la fin du programme d’ajustement économique [32], sans que, toutefois, la date de fin du programme soit précisée de manière explicite. Leur suspension est aussi confirmée par un amendement de juin 2017 introduit dans une loi concernant la pêche (!).
De ce fait, les conventions collectives nationales (CCN) de 2016 et 2017 ne traitent que des questions institutionnelles et non salariales. Dans le cadre de la CCN de 2017, les partenaires sociaux signataires se sont mis d’accord pour sauvegarder les dispositions conventionnelles issues des CCN précédentes et s’engagent à reprendre les négociations collectives salariales dès que le cadre institutionnel sera rétabli. Les dispositions conventionnelles issues des CNN précédentes concernent, par exemple, diverses allocations, telle que l’allocation de mariage [33], ou encore certains types de congés, comme le congé parental.
Parmi les questions institutionnelles figurent l’accord des partenaires sociaux pour mener des actions communes contre le travail non déclaré et le racisme sur le lieu de travail (ainsi que contre les actes de violence raciste). La référence à ces sujets n’est pas un hasard : le premier thème fait partie d’une stratégie plus large de lutte contre le travail non déclaré (voir supra) ; le deuxième fait écho au verdict de la Cour européenne des droits de l’homme qui condamne l’État grec pour ne pas avoir protégé de manière efficace des migrants soumis au travail forcé et à la traite des êtres humains à Manolada [34], dans le cadre de l’affaire dite des « fraises sanglantes » du Péloponnèse [35].
En ce qui concerne les conventions collectives des autres niveaux de négociation, les statistiques montrent bien la priorité croissante de la négociation collective d’entreprise sur celle de la branche (tableau 1), et, plus généralement, une détérioration de la pratique de négociation collective.
La facilitation des licenciements collectifs
En plus de la modification du cadre de la négociation collective, celle du cadre législatif des licenciements collectifs a pris une place importante dans les négociations avec les créanciers de la Grèce, et était une des conditions fondamentales de la clôture de l’examen du programme d’ajustement économique. Or, la loi n° 4472/2017 votée en mai 2017 – pour conclure le deuxième examen du programme d’ajustement économique – facilite les licenciements collectifs, en supprimant la possibilité pour le ministre du Travail de mettre son veto et de ne pas approuver les licenciements sur la base de trois critères : la situation sur le marché du travail, la situation de l’entreprise, les intérêts de l’économie nationale.
Une décision de la Cour de justice de l’Union européenne de décembre 2016 dans l’affaire de la société grecque AGET Iraklis contre l’État grec [36] permet de comprendre la genèse de cette réforme. AGET Iraklis, qui produit du ciment et dont le principal actionnaire est la multinationale Lafarge, a contesté la décision du ministère du Travail grec de ne pas avoir autorisé son plan de licenciements collectifs de 236 salariés suite à la fermeture d’une de ses usines sur l’île d’Eubée. Pour rejeter ce plan, le ministre du Travail (et plus particulièrement le Conseil supérieur du travail) s’est appuyé sur les trois critères précités, à savoir les conditions du marché du travail, la situation de l’entreprise, et l’intérêt de l’économie nationale. L’entreprise s’est adressée à la Cour de justice pour demander si une telle autorisation administrative préalable était conforme aux dispositions de la directive 98/59/CE concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux licenciements collectifs [37], ainsi qu’avec l’article 49 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) relatif à la liberté d’établissement [38]. De son côté, le Conseil d’État a demandé si la réglementation grecque pouvait être jugée compatible avec la législation européenne étant donné que la Grèce subit une crise économique aiguë et est confrontée à un taux de chômage particulièrement élevé.
La Cour, examinant prioritairement la compatibilité de la législation grecque avec la directive, a considéré que celle-ci ne s’opposait pas, en principe, à un régime national conférant à une autorité publique le pouvoir d’empêcher des licenciements collectifs par une décision justifiée (suite à l’examen du dossier et la prise en compte de critères de fond prédéterminés), à moins qu’un tel régime ne prive la directive de son effet utile. La directive pourrait le perdre si les critères appliqués par l’autorité nationale privent, en pratique, l’employeur de toute possibilité effective de procéder à des licenciements collectifs. En l’occurrence, la Cour a considéré que la réglementation grecque était susceptible de constituer un obstacle sérieux à l’exercice de la liberté d’établissement. Toutefois, elle a accepté qu’une telle restriction puisse être justifiée par des raisons impérieuses d’intérêt général, telles que la protection des travailleurs ou de l’emploi. À ce sujet, la Cour a constaté que le régime grec n’avait pas pour conséquence d’exclure, de par sa nature même, toute possibilité de procéder à des licenciements collectifs, mais tentait de répondre à une exigence d’équilibre entre la protection des travailleurs et de l’emploi et la liberté d’établissement. Au sujet des trois critères, la Cour a suggéré que celui relatif à l’intérêt de l’économie nationale ne pouvait être admis, vu que les objectifs de nature économique ne peuvent constituer une raison d’intérêt général justifiant une restriction à la liberté d’établissement. Par rapport aux deux autres critères (situation de l’entreprise et état du marché du travail), la Cour a noté deux choses : d’une part, les deux critères sont légitimes par rapport à un objectif d’intérêt général tel que la protection des travailleurs et de l’emploi ; d’autre part, ils sont très généraux et imprécis et laissent aux autorités grecques une large marge d’appréciation difficilement contrôlable. Ainsi, bien que la directive 98/59/CE du 20 juillet 1998 « [doive] être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas, en principe, à une réglementation nationale, […] il en va, toutefois, différemment, s’il s’avère, ce qu’il appartient, le cas échéant, à la juridiction de renvoi de vérifier que, eu égard aux trois critères d’évaluation auxquels renvoie cette réglementation et à l’application concrète qu’en fait ladite autorité publique sous le contrôle des juridictions compétentes, ladite réglementation a pour conséquence de priver les dispositions de cette directive de leur effet utile [39] ».
Enfin, la Cour a considéré que l’existence d’un contexte marqué par une crise économique aiguë et un taux de chômage particulièrement élevé n’est pas de nature à affecter les conclusions précédentes, vu que ni la directive ni le traité TFUE ne prévoient de dérogations basées sur l’existence d’un tel contexte national [40].
Ainsi, en tenant compte de cette décision, les autorités grecques ont accepté de modifier le cadre législatif des licenciements collectifs (European Commission, 2017). C’est ce que note également le rapport de conformité dans le contexte du troisième programme d’ajustement économique.
Plus précisément, la loi n° 4472/2017 supprime l’obligation d’autorisation administrative des licenciements collectifs par le ministre du Travail ou par le préfet. Désormais, le Conseil supérieur du travail (CST), au sein duquel officie un département de contrôle des licenciements collectifs, avec la participation paritaire des représentants de l’État, de la GSEE et des organisations patronales, se limite à vérifier si les obligations de l’employeur d’informer et de consulter les représentants syndicaux et de notifier les documents adéquats ont été respectées. De ce fait, les compétences du CST se limitent au contrôle des procédures types. En cas de non-respect des obligations, le CST ne peut que proroger la procédure de consultation ou accorder à l’employeur un délai afin qu’il se mette en conformité avec la loi. Quoi qu’il en soit, même si l’employeur ne remplit pas les obligations susmentionnées, les licenciements collectifs ne sont pas suspendus et peuvent être effectifs dans un délai de 60 jours à partir de la notification de l’avis de consultation. Du fait de la suppression de l’autorisation préalable des licenciements collectifs par le ministère, la loi supprime les trois critères que le ministre du Travail prenait en compte pour proposer les consultations ou pour ne pas approuver, en tout ou partie, les licenciements collectifs (la situation sur le marché du travail, la situation de l’entreprise, les intérêts de l’économie nationale).
En d’autres termes, comme le note le service scientifique du Parlement grec, ni le Conseil supérieur du travail, ni aucune autre institution étatique ne peuvent invalider la dénonciation des contrats de travail en s’appuyant sur les trois critères précités [41], que prévoyait la loi n° 1387/1983 sur les licenciements collectifs. D’après la GSEE, l’assouplissement du cadre législatif des licenciements collectifs ne peut pas être compris si on fait abstraction de l’absence de toute obligation côté patronal de déposer un plan social. En effet, l’employeur peut le faire, mais rien ne l’y oblige. En outre, comme le soutient la confédération syndicale, le constat de la part du CST que l’employeur a bien respecté ses obligations limitées peut compliquer les actions en justice que les travailleurs pourraient vouloir intenter et le constat de l’invalidité des licenciements collectifs par les tribunaux [42].
Vers une remise en cause du droit de grève et des libertés syndicales ?
La loi en matière de libertés syndicales et de droit de grève a tenu une place importante lors des négociations avec les créanciers, qui ont exercé de fortes pressions sur le gouvernement grec pour qu’il procède à des réformes « nécessaires ».
Les droits et libertés syndicales, ainsi que le droit de grève sont réglementés par la loi n° 1264/1982 sur la démocratisation du mouvement syndical. D’après la loi, seuls les syndicats peuvent appeler à une grève légale. Les syndicats d’entreprise ne peuvent appeler à la grève qu’après vote secret de l’assemblée générale, dont le quorum est fixé à un tiers des membres qui paient leurs cotisations syndicales. Pour des arrêts de travail de quelques heures (pas plus d’un par semaine), la décision du comité exécutif est suffisante. Les organisations de deuxième (fédérations ou organisations régionales, qu’on appelle centres de travail) et de troisième niveau (confédérations) peuvent appeler à la grève suite à une décision de leurs comités exécutifs. La loi de 1982 interdit toute forme de lock-out, même dans sa forme défensive, qui était jusque-là permise.
Le groupe d’experts indépendants avait recommandé, dans son rapport de septembre 2016, le maintien du cadre actuel du droit de grève, et notait qu’il n’y avait pas besoin d’autoriser le lock-out. Toutefois, de son côté, le FMI considérait nécessaire de compléter les réformes du marché du travail de 2011 et 2012 par des mesures destinées à aligner la législation du droit de grève sur les « pratiques optimales [43] ».
La loi n° 4472/2017 votée en mai 2017 [44] n’introduit à première vue que des changements minimaux à la loi syndicale, mais donne un « avant-goût » des mesures à venir. En premier lieu, les jours et les conditions relatives aux congés syndicaux sont précisés de manière détaillée. Ensuite, les motifs de licenciement légal des représentants syndicaux sont étendus. La loi introduit comme motifs supplémentaires de licenciement le vol ou le détournement des fonds de l’entreprise, ainsi que l’absence injustifiée du travail pendant plus de trois jours. Toutefois, comme le note le service scientifique du Parlement grec, le deuxième motif n’est pas très précis. Ainsi, par exemple, la participation d’un représentant syndical à une grève déclarée illégale ou abusive peut être interprétée comme une absence injustifiée [45]. Enfin, la loi introduit aussi des changements en ce qui concerne le lock-out, qui peuvent sembler anodins, mais qui semblent s’écarter de son interdiction. Plus précisément, elle « ouvre les portes » à une forme de lock-out indirect, pour les grèves auxquelles tous les travailleurs ne participent pas, pour celles ayant lieu dans des entreprises tiers ou pour des arrêts de travail rendant impossible (ou non rentable) le fonctionnement de l’entreprise ou le fait que les non-grévistes poursuivent le travail. Dans ces hypothèses, l’employeur est dispensé de l’obligation de payer le salaire des salariés non grévistes [46], ce qui revient à transférer la responsabilité sur les salariés.
En ce qui concerne les mesures à venir, les créanciers internationaux exercent des pressions fortes par rapport aux conditions de déclenchement d’une grève. À l’heure actuelle, un tiers des membres de l’assemblée générale doit voter en faveur de la grève pour qu’elle soit légale ; les créanciers proposent d’augmenter ce seuil à 51 % [47]
Les syndicats face aux réformes de la Sécurité sociale et des retraites, aux privatisations et au travail du dimanche
Une réforme du système de sécurité sociale et des retraites laborieuse et contestée
La réforme du système de sécurité sociale et des retraites a été laborieuse et a eu pour résultat une nouvelle diminution du montant des pensions. Or, bien que, dès le début des négociations à l’automne 2015, le ministre du Travail de l’époque Geórgios Katroúgalos, ait parlé de « lignes rouges » à ce sujet, la loi n° 4387/2016 votée en mai 2016 [48] touche aux systèmes de retraites des salariés, des professions libérales, des indépendants, des auto-entrepreneurs et des agriculteurs [49].
De février à mai 2016, où les mesures concernant la réforme du système de sécurité sociale et des retraites ont été finalement votées, plusieurs grèves générales (de 24 et de 48 heures), arrêts de travail et manifestations (Karakioulafis, 2016) ont eu lieu. Les mobilisations ont abouti le 6-7 mai 2016, quand les deux grandes confédérations syndicales, la GSEE et Adedy, ont appelé à une grève générale de 48 heures, la veille du dimanche 8 mai, date du vote de la loi sur la réforme du système de sécurité sociale. La GSEE reprochait au gouvernement d’utiliser des « procédures fast-track » pour essayer « de prendre au dépourvu la société grecque en faisant passer le vote de la loi sur la sécurité sociale et sur la taxation pendant le weekend [50] ».
La loi dite « Katrougalos » a été complétée par la loi n° 4472/2017, qui prévoit de nouvelles diminutions des retraites principales et complémentaires. La veille et le jour du vote de la loi, les deux grandes organisations syndicales ont donc organisé une grève de 24 heures (17 mai) et une manifestation devant le Parlement (18 mai) pour protester contre les nouvelles mesures d’austérité. L’organisation patronale représentant les petits employeurs (GSEVEE) a aussi participé aux manifestations.
Les privatisations dans la ligne de mire des syndicats
Les privatisations envisagées dans le cadre du mémorandum d’août 2015 ont pris une place très importante dans les négociations avec les créanciers de la Grèce. La première grande privatisation a été celle des aéroports régionaux début 2016. Plus précisément, en janvier 2016, le gouvernement a décidé de céder la gestion des 14 aéroports régionaux au consortium allemand Fraport-Slentel pour une durée de 40 ans. L’accord avec Fraport-Slentel a été approuvé par le Parlement grec en juin 2016.
Dans le champ des privatisations, la loi n° 4389/2016 [51] a mis en place un nouveau fonds de privatisations, remplaçant l’ancien Fonds d’exploitation du patrimoine public (TAIPED), et ayant pour objectif d’améliorer la rentabilité des actifs publics et d’accélérer leur cession. Parmi les entreprises d’intérêt public qui sont passées sous la tutelle de ce fonds suite à une loi de septembre 2016, on trouve entre autres les chemins de fer (OSE), la compagnie d’eau (EYDAP), la compagnie d’électricité (DEI), les moyens de transports d’Athènes (OSY-STASY), l’aéroport d’Athènes, les 23 autres aéroports régionaux, etc.
Les privatisations envisagées ont provoqué une nouvelle confrontation entre le gouvernement et les organisations syndicales. Les premières mobilisations ont eu lieu en janvier 2016 suite à la décision gouvernementale de céder la gestion des 14 aéroports régionaux au consortium allemand Fraport-Slentel, tandis que de nouvelles mobilisations ont eu lieu en juin 2016 lorsque l’accord avec Fraport-Slentel a été validé par le Parlement grec. En vue de la privatisation envisagée des chemins de fer, les cheminots ont aussi appelé à leur tour à des arrêts de travail reconductibles en janvier 2016.
Le vote de la loi n° 4389/2016 qui met en place le nouveau fonds de privatisations a de nouveau alimenté le conflit social. L’inscription des chemins de fer dans la liste des entreprises sous tutelle de ce fonds, afin d’accélérer sa privatisation, a déclenché des grèves et des arrêts de travail répétés en juin et juillet 2016. Les organisations syndicales de branche de la compagnie d’eau et des moyens de transports d’Athènes ont organisé à leur tour des grèves et arrêts de travail durant l’automne 2016 contre la privatisation envisagée de leurs compagnies. En septembre 2017, les cheminots ont repris les grèves pour s’opposer à la vente de leur compagnie, avec le soutien des organisations syndicales des moyens de transports d’Athènes.
« Dimanche, c’est fermé ! On n’achète pas – On ne travaille pas »
La loi relative à la clôture du deuxième examen du programme d’ajustement économique étend l’ouverture des magasins de 8 à 32 dimanches entre mai et octobre dans les zones touristiques (qui incluent les centre d’Athènes, de Pirée et de Thessalonique).
De ce fait, depuis le printemps 2017, lorsque les mesures prévues ont été rendues publiques, les organisations de petits employeurs (ESEE et GSEVEE) ont appelé leurs membres à des actions de fermeture de leurs entreprises les dimanches en question, comme ils l’ont fait le 7 mai 2017 dans le cadre d’une série de manifestations contre le vote des nouvelles mesures d’austérité prévu pour le 18 mai.
Du côté syndical, le jour du vote de la loi, la GSEE a organisé, avec la participation des organisations représentant les petits employeurs (ESEE et GSEVEE), une nouvelle grève générale de 24 heures contre l’ouverture des magasins le dimanche. En parallèle, la GSEE, en collaboration avec l’Association des travailleurs consommateurs, a organisé une campagne de mobilisation des consommateurs intitulée : « Dimanche, c’est fermé ! On n’achète pas – On ne travaille pas ». Au niveau de la branche, des grèves de 24 heures ont été organisées par l’organisation syndicale des employés du secteur privé (OIYE) tous les dimanches qui auraient dû être ouvrables.
Conclusion
La signature du troisième mémorandum en août 2015 et les négociations intenses avec les créanciers les deux années suivantes pour conclure les deux procédures d’examen du « programme grec » ont mis fin aux espoirs d’un changement de paradigme et d’une remise en cause des politiques d’austérité. La formation du deuxième gouvernement Syriza-Anel et le non-respect des engagements pris par Syriza avant son accès au pouvoir et lors de son premier mandat ont initié un nouveau cycle de conflits sociaux, d’opposition et de critiques.
Sans doute les relations entre syndicats et gouvernement sont-elles « conflictuelles », notamment parce qu’avant 2015 Syriza avait un programme et une façade « pro-travailleurs », et qu’il n’a pas pu respecter ses engagements après son accès au pouvoir et suite aux pressions des créanciers internationaux. Cette opposition prend le caractère d’un conflit d’ordre politique et idéologique et ne se limite plus à des conflits sociaux au sens strict.
De son côté, la GSEE doit affronter les conséquences de sa délégitimation des années précédentes, une certaine « lassitude » du côté des travailleurs après sept ans de politiques d’austérité, et des « scissions » internes. Ces facteurs pèsent tant sur la fréquence que sur l’intensité des conflits sociaux. Dans ce cadre, la confédération paraît essayer de mobiliser d’autres ressources. Ainsi, les réseaux sociaux sont de plus en plus utilisés dans le but de sensibiliser le monde du travail, ainsi qu’un « investissement » sur des sujets qui préoccupent la vie quotidienne des travailleurs (précarité, chômage, etc.).
Sources :
European Central Bank (2017), « Assessing Labour Market Slack », Economic Bulletin, n° 3, p. 31-35, https://www.ecb.europa.eu/pub/pdf/other/ebbox201703_03.en.pdf.
European Commission (2017), Compliance Report. The Third Economic Adjustment Programme for Greece, Second Review, Brussels, June, https://ec.europa.eu/info/sites/info/files/compliance_report-to_ewg_2017_06_21.pdf.
ILO (2016), Diagnostic Report on Undeclared Work in Greece, Geneva, http://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/---ed_emp/
documents/projectdocumentation/wcms_531548.pdf.
ΙΝΕ-ΓΣΕΕ (2016), Η ελληνική οικονομία και η απασχόληση, Αθήνα, ΙΝΕ-ΓΣΕΕ.
ΙΝΕ-ΓΣΕΕ (2017), Η ελληνική οικονομία και η απασχόληση. Ενδιάμεση έκθεση, Αθήνα, ΙΝΕ-ΓΣΕΕ.
Καψάλης, Α. (2015), Η αδήλωτη εργασία στην Ελλάδα, Μελέτες, 43, Αθήνα, ΙΝΕ-ΓΣΕΕ.
Karakioulafis C. (2013), « Grèce : les syndicats dans la ligne de mire de la troïka », n° spécial, « Les syndicats face à la nouvelle gouvernance européenne », Chronique inter-
nationale de l’IRES, n° 143-144, novembre, p. 121-132, https://goo.gl/c5b5vF.
Karakioulafis C. (2015), « Les plans d’austérité imposés à la Grèce : impact sur les droits sociaux et syndicaux et réactions syndicales », Interventions économiques, n° 52, en ligne, http://interventionseconomiques.revues.org/2426.
Karakioulafis C. (2016), « Grèce : un an après l’arrivée de Syriza au pouvoir, des relations professionnelles encore sous pression », Chronique internationale de l’IRES, n° 153, p. 54-65, https://goo.gl/oMdbzt.
Source :IRES
[1] Voir notamment Simon PERRIN et Anouk RENAUD, « Quand la dette publique « légitime » la casse du droit du travail », CADTM, novembre 2017. Accessible à : http://www.cadtm.org/Quand-la-dette-publique-legitime.
[2] Comme le fait que le procédé d’extraction va assécher les nappes phréatiques de tout la région ; que la teneur en arsenic des matériaux extraits est extrêmement forte et que le procédé de nettoyage proposé est inédit et que l’on ignore son impact exact sur l’environnement.
[3] Le référendum portait sur l’approbation ou le rejet du projet d’accord soumis par la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international lors de l’Eurogroupe du 25 juin 2015 concernant les réformes pour la réussite du programme actuel et futur, ainsi que la soutenabilité de la dette. Les Grecs devaient répondre « (non accepté) non » ou « (accepté) oui ». Environ 60 % des votants ont voté « non ».
[4] Pour la période avant 2015 et pendant le premier gouvernement Syriza-Anel, voir Karakioulafis (2013, 2015, 2016).
[5] Le premier examen du « programme d’ajustement économique grec » s’est achevé en mai 2016 et le deuxième en juin 2017.
[6] Geórgios Katroúgalos (septembre 2015-novembre 2016) et Effie Achtsioglou (depuis novembre 2016).
[7] Elle n’avait pas reçu son salaire pendant 15 mois.
[10] L’organisation syndicale représentant les salariés du secteur privé (OIYE) avait déjà depuis décembre 2016 dénoncé l’entreprise où travaillait la femme qui s’est suicidée en demandant à l’État d’intervenir : https://goo.gl/Dvr4rC.
[14] Il est important de noter que le nouveau cadre législatif essaye aussi de protéger des travailleurs
qui ont subi une altération défavorable unilatérale de leurs conditions de travail. Ainsi, tout travailleur qui considère cette altération comme une dissolution de son contrat de travail et a fait usage de tous ses droits contre l’employeur (qu’il peut prouver de manière écrite) peut demander à percevoir l’allocation de chômage (sous des conditions strictes).
[16] 10 550 euros par travailleur non déclaré, ou 9 200 euros par travailleur non déclaré de moins de 25 ans.
[18] En Grèce, ceci prend plus habituellement la forme du versement d’une partie du salaire de façon informelle ou de la transmission de « fausses » heures de travail à l’Inspection du travail : par exemple, un travailleur est embauché officiellement à temps partiel mais travaille à temps plein. Il ne faut pas non plus négliger le faux travail indépendant.
[19] Le programme s’appelle : « Supporting the transition from informal to formal economy and
reducing undeclared work in Greece : Identifying drivers and ensuring effective compliance »,http://www.ilo.org/employment/units/emp-invest/WCMS_481007/lang--en/index.htm.
[20] .http://www.sev.org.gr/Uploads/Documents/49757/1_Diagnostic_Report_on_undeclared_work_in_Greece_gr.pdf.
[21] Ibid.
[24] Le projet de loi initial faisait aussi référence aux sous-traitants offrant des services de sécurité ou de nettoyage, où le travail non déclaré est assez répandu. Cet article sera inséré finalement dans une autre loi relative aux contrats publics.
[25] Le Premier ministre a parlé début septembre 2017 du passage du Gr-Exit au Gr-Invest.
[26] La mine de Skouries se situe dans la région de Chalcidique, au nord de la Grèce. En 2011, elle a été rachetée par la compagnie canadienne Eldorado Gold. La mine a fait l’objet de nombreuses polémiques, surtout environnementales, et est devenue un enjeu politique en Grèce.
[27] Répression ; http://www.gsee.gr/?p=34910.
[30] http://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2015/07/12-euro-summit-statementgreece/.
[31] « Les relations industrielles en Grèce – sommaire », ETUI, http://www.etui.org/fr/Reforms-Watch/Greece/Les-relations-industrielles-en-Grece-sommaire.
[32] Dans leur rapport, publié en septembre 2016, le groupe d`experts recommandait notamment le rétablissement de la fixation du salaire minimum à travers des négociations collectives (décision majoritaire), la restauration du principe de l’extension des conventions collectives
de branche (décision unanime), la réintroduction du principe de la clause la plus favorable (décision majoritaire). Aucun changement du cadre actuel concernant le droit de grève n’a été recommandé, tandis que le groupe d’experts n’a pas fait de recommandations sur le seuil des licenciements collectifs. Voir « Les relations industrielles en Grèce », op. cit. ; http://www.
capital.gr/Content/RelatedFiles/68/6898c2f55b6f4348828383f331261304.pdf.
[33] L’accord signé confirme les intentions des créanciers de la Grèce : il n’y aura aucun changement jusqu’à la fin du programme d’ajustement économique. À noter que le gouvernement s’est, en outre, engagé à mettre en place une système administratif fiable dans le but d’évaluer la représentativité des partenaires sociaux signataires des accords de branche (European Commission, 2017).
[34] La formulation précédente était « …jusqu’à la fin du cadre de stratégie budgétaire à moyen terme ».
[35] L’allocation de mariage correspond à environ 10 % du salaire minimum. Depuis novembre 2012, les entreprises privées non membres d’une organisation patronale avaient le droit de supprimer l’allocation de mariage de façon unilatérale. Elle a pu être conservée dans la mesure où les partenaires sociaux se sont mis d’accord, dans le cadre de la CCN de 2012-2013, sur le fait qu’il s’agissait d’une allocation d’ordre institutionnel et pas seulement salarial.
[36] CEDH, 30 juin 2017, affaire Chowdury et autres contre Grèce, Requête n° 21884/15, https://goo.gl/qzEaH5.
[37] M. Malagardis, « Les fraises sanglantes du Péloponnèse », Libération, 28 avril 2013, http://
www.liberation.fr/planete/2013/04/28/les-fraises-sanglantes-du-peloponnese_899688.
[38] . CJUE, 21 décembre 2016, Anonymi Geniki Etairia Tsimenton Iraklis (AGET Iraklis) contre Ypourgos Ergasias, Koinonikis Asfalisis kai Koinonikis Allilengyis, aff. C-201/15, http://curia.europa.eu/juris/liste.jsf?language=fr&num=C-201/15.
[39] Directive 98/59/CE du Conseil du 20 juillet 1998 concernant le rapprochement des législations
des États membres relatives aux licenciements collectifs, Journal officiel, n° L 225 du 12 août 1998, p. 0016-0021, http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:31998 L0059&from=EN.
[40] Traité sur l’Union européenne et TFUE, 2012/C 326/01, Journal officiel, n° C 326 du 26 octobre 2012, p. 0001-0390, http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:12012E/TXT.
[41] « Renvoi préjudiciel – Directive 98/59/CE – Rapprochement des législations des États
membres relatives aux licenciements collectifs – Article 49 TFUE – Liberté d’établissement
– Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Article 16 – Liberté d’entreprise
– Réglementation nationale conférant à une autorité administrative le pouvoir de s’opposer à des licenciements collectifs après évaluation des conditions du marché du travail, de la situation de l’entreprise et de l’intérêt de l’économie nationale – Crise économique aiguë – Taux de chômage national particulièrement élevé » : https://goo.gl/XFTVr1.
[42] CJUE, 21 décembre 2016, arrêt précité ; CJUE, « Le droit de l’Union n’empêche pas, en principe, un État membre de s’opposer, en certaines circonstances, à des licenciements collectifs dans l’intérêt de la protection des travailleurs et de l’emploi », communiqué de presse, n° 143/16, Luxembourg, 21 décembre 2016, https://curia.europa.eu/jcms/upload/docs/application/pdf/2016-12/cp160143fr.pdf.
[45] Bien que l’annonce du FMI ne précise pas ce qu’il comprend par « pratiques optimales », on peut comprendre du rapport du groupe d’experts indépendants qu’il fait référence à l’alignement de la législation grecque sur les meilleures pratiques européennes et internationales et le non-retour à des politiques antérieures jugées incompatibles avec les objectifs de croissance soutenable et inclusive. « Les grèves en Grèce – sommaire », ETUI, http://www.etui.org/fr/Reforms-Watch/Greece/Les-greves-en-Grece-sommaire ; « Grèce : priorités pour renouer avec une croissance durable », 7 février 2017, https://goo.gl/swcnSU ; « Recommendations Expert Group for the Review of Greek Labour Market Institutions », September 27, 2016, http://www.capital.gr/Content/RelatedFiles/68/6898c2f55b6f4348828383f331261304.pdf.
[47] Note du CADTM : Cette disposition anti-grève est désormais inscrite dans la loi votée le 9 janvier 2018, préalable au troisième versement par les créanciers prévu par le mémorandum d’août 2015.
[48] https://www.taxheaven.gr/laws/law/index/law/751 ; S. Kouvelakis, « Grèce : la mort sociale des retraités », Unité populaire, 18 août 2016, https://goo.gl/NfFJ8x.
[50] La GSEE fait surtout référence au fait que le gouvernement ait pris la décision de programmer le vote de la loi le 5 mai, trois jours avant qu’il ait lieu pour éviter les réactions.
Professeur Assistante au Département de Sociologie à l’Université de Crète et Docteur de l’Université Paris I – Sorbonne.