Les fonds vautours ont une longue histoire de pratiques prédatrices envers les pays dits en développement, en particulier les pays classés pauvres et très endettés (PPTE). La Zambie est à cet égard un cas d’école. Mais aucun pays n’est épargné. L’Argentine, sur laquelle les fonds vautours se sont acharnés pendant plus de dix ans, en est la démonstration. Depuis la crise de 2007, ces fonds spéculatifs se sont également tournés vers l’Europe en spéculant sur la dette de la Grèce mais aussi vers Puerto Rico.
Depuis 1898, Porto Rico est une colonie des États- Unis, un « territoire non incorporé » en langage politiquement correct. Les habitants y ont la nationalité étasunienne, mais pas de droit de vote ni de représentation au niveau fédéral. La vie est plus chère et les soins de santé moins bien pris en charge que sur le continent. Pendant des années, l’administration étasunienne a imposé à Puerto Rico une politique faite d’incitants fiscaux massifs pour les grandes entreprises et les classes capitalistes, afin de les pousser à y investir. Ce qu’ils se sont évidemment empressés de faire ! Cela a provoqué la création d’une bulle : les incitants étaient purement artificiels et les « investisseurs » n’avaient aucun projet réel pour Puerto Rico. Ainsi, lorsque l’administration Clinton y a mis fin en 2006, les investisseurs se retirèrent massivement, enfonçant l’île dans une récession dont la « crise » qu’elle traverse aujourd’hui n’est en fait que la continuité.
En tant que colonie, Puerto Rico s’est vue retirer le droit de lancer une procédure de faillite – ce que les collectivités locales étasuniennes peuvent faire afin de restructurer leur dette, et c’est ce que fit notamment Détroit en 2013. Cette procédure, qui a aussi des impacts négatifs sur la population, permettrait toutefois de se protéger des fonds vautours qui, depuis 2015, mettent en place leur stratégie mortifère. Leur cynisme est allé jusqu’à accuser le gouvernement de Puerto Rico, dans un rapport commandé à d’anciens économistes du FMI, de faire trop de dépenses publiques, notamment dans l’éducation alors que 56 % des enfants de Puerto Rico vivent sous le seuil de pauvreté.
Depuis 2016, plusieurs fonds vautours dont Aurelius, Monarch et Stone Lion ont lancé des actions en justice contre Puerto Rico et font pression sur l’administration des États-Unis. Ces fonds vautours font tout pour empêcher le gouvernement de Puerto Rico d’utiliser le droit de se déclarer en faillite et ainsi de pouvoir restructurer sa dette à l’abri de toute action judiciaire. Soulignons qu’une Commission d’audit de la dette a produit deux rapports, concluant que la moitié de la dette de Puerto Rico est tout simplement illégale. Puerto Rico pourrait donc légalement répudier cette dette [1]. Affaire à suivre…
Cet article est extrait du magazine du CADTM : Les Autres Voix de la Planète