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Fonds vautours : Déclaration du CADTM et du CETIM à l’ONU
Genève, le 25 février 2015
par CADTM , CETIM
23 mai 2018

Le phénomène des fonds vautours est intimement lié à l’endettement des États et concerne la plupart des pays. En réalité, les fonds vautours ne sont que la partie visible de ce qu’on appelle « système dette » : un système basé sur l’exploitation et la domination des peuples.

En effet, il est notoire qu’une partie non négligeable de la dette externe de la plupart des pays du Sud est constituée des dettes odieuses, illégitimes, illégales et insoutenables (du point de vue du respect des droits humains), dues à l’héritage colonial, aux détournements de fonds, à la corruption, aux conditionnalités imposées par les bailleurs de fonds internationaux, au financement de projets nuisibles pour les populations et leur environnement, voire pour certaines d’entre elles à des écritures totalement fictives.

Il faut préciser que lorsqu’on parle de la dette, il s’agit aussi bien des dettes publiques et privées que des dettes bilatérales et multilatérales, sachant qu’elles peuvent changer de catégorie à travers les rachats et les transferts de créances, les reprises de dettes et les cautions, les prêts arrivés à échéance remplacés par de nouveaux emprunts, les rééchelonnements et les remises partielles mais conditionnées, les détournements et les évasions, les pots de vins et les inscriptions fictives.

Le « système dette » implique l’utilisation de ressources publiques pour payer les créanciers ou spéculateurs tels que les fonds vautours, au détriment de la satisfaction de besoins et de droits fondamentaux de la population. Pour garantir ainsi le paiement de la dette, des programmes d’ajustement structurel sont imposés (à travers les Institutions financières internationales telles que le FMI et la Banque mondiale), quelles que soient les conditions économiques et sociales du pays concerné et les conséquences pour ses populations. Ces programmes aboutissent bien souvent à la suppression des services publics et aux privatisations de nombreux secteurs qui privent bien souvent les plus vulnérables de leurs droits fondamentaux. La dette sert ainsi de prétexte pour imposer aux peuples des mesures d’austérité injustes et souvent illégales. En revanche, le service de la dette est soigneusement épargné alors qu’il constitue dans la majorité des pays la première dépense de l’État.

Le FMI et la Banque mondiale attaquent les droits sociaux et la souveraineté des peuples. En effet, depuis plusieurs décennies, les institutions financières internationales (FMI, Banque mondiale) et leurs relais régionaux imposent des politiques néo-libérales dans le monde entier. Dans les pays qui sont sous la tutelle directe de leurs créanciers, l’attaque contre les droits sociaux et la souveraineté des peuples se fait notamment à travers les conditionnalités attachées aux prêts et aux faux allègements de dettes. La Banque mondiale agit de concert avec le FMI dans les pays du Sud. Elle promeut également des programmes qui démantèlent la protection sociale (via le rapport Doing Business) et favorisent les accaparements de terres (via le Benchmarking the Business of Agriculture), ce qui provoque de nombreuses violations des droits humains, en particulier des droits économiques, sociaux et culturels. Les fonds vautours accentuent ces violations puisque, profitant de la vulnérabilité des États endettés, ils ne cherchent qu’à siphonner les ressources publiques. Ainsi, les maigres ressources disponibles de l’État concerné sont accaparées en quelque sorte par ces spéculateurs.

Le Club de Paris, un groupe informel réunissant les vingt et un plus riches États créanciers, qui se présente comme un intermédiaire pour la restructuration de la dette, se comporte également parfois comme les fonds vautours comme nous avons pu l’observer dans le cas de l’Argentine.

Face à ces violations massives de droits humains, le Comité consultatif devrait recommander aux États de prendre, à l’échelle nationale et internationale, les mesures suivantes :

- L’adoption immédiate de lois contre les fonds vautours, qui bloquent de manière effective les actions de ces fonds au niveau de leurs tribunaux nationaux.

- La suspension du paiement des dettes lorsque son remboursement empêche les pouvoirs publics de garantir les droits humains fondamentaux de leurs populations. Rappelons que les droits humains priment sur les autres engagements de l’État comme ceux à l’égard de ses créanciers, en vertu de l’article 103 de la Charte de l’ONU, comme il a été réaffirmé à de multiples reprises par des mécanismes onusiens de protection des droits humains.

- La réalisation d’audits de la dette publique, comme l’a recommandé M. Cephas Lumina, ancien expert indépendant de l’ONU sur la dette, dans ses principes directeurs adoptés par le Conseil des droits de l’Homme. Avec participation citoyenne, ces audits permettraient d’identifier et d’annuler sans condition les dettes illégales, odieuses, illégitimes et insoutenables. Ces audits peuvent être combinés à des suspensions unilatérales du remboursement de la dette publique. Ils permettraient également de fournir aux États des arguments juridiques et politiques sur lesquelles s’appuyer pour la répudiation/annulation des dettes illégitimes mais aussi pour contrer l’action des fonds vautours.

- Spécifier, dans les titres de la dette que les États émettent, la compétence de la justice nationale en cas de litige, renouant ainsi avec la doctrine Calvo (voir l’encadré)

- Mettre fin aux conditionnalités des Institutions financières internationales pour que celles-ci se mettent en conformité, en particulier, avec le Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) et le Pacte sur les droits civils et politiques (PIDCP). Ces traités internationaux consacrent notamment le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et les droits économiques, sociaux et culturels.

Toutes ces mesures se fondent à la fois sur le droit international et les rapports de l’ONU comme ceux de l’Expert des Nations unies sur la dette. Les États doivent agir sur le problème de la dette publique en général. Aborder la question des fonds vautours nous oblige, en effet, à aborder la question de la dette publique. Cette dette est en grande partie illégitime concernant les pays du Sud mais aussi les pays du Nord.

Pour lire l’intégralité de la déclaration : www.cadtm.org/Activites-des-fonds-vautours-et

Réhabiliter la doctrine Calvo et sortir du CIRDI

Cette doctrine de droit international, établie en 1863 par le juriste et diplomate argentin Carlos Calvo, prévoit que les personnes physiques ou morales étrangères doivent se soumettre à la juridiction des tribunaux locaux pour les empêcher d’avoir recours aux pressions diplomatiques de leur État ou gouvernement. Cette doctrine s’est matérialisée dans du droit positif, par exemple la résolution 1803 sur les ressources naturelles de 1962 (souveraineté permanente sur les ressources naturelles) ou encore dans la Charte des droits et devoirs économiques des États de 1974. Selon cette doctrine, tous les biens, corporels, incorporels, matériels et immatériels, sont soumis à la loi de l’État souverain et en cas de différends, ce sont les tribunaux nationaux qui sont compétents. Si des fonds vautours ou tout autre créancier portent plainte ou réclamation, ils auraient l’obligation d’épuiser tous les recours légaux devant les tribunaux internes des pays endettés en litige avec eux.

Drago, ministre argentin des Relations extérieures en 1902, se saisit de la doctrine Calvo dont il reprit une partie et ajouta l’interdiction du recours à la force militaire pour obtenir le paiement d’une dette externe. Cela souleva à l’époque tout un débat diplomatique car les États-Unis s’opposaient évidemment fermement tant à la Doctrine Drago qu’à la Doctrine Calvo. Dans les années vingt et trente, les pays d’Amérique latine ont néanmoins commencé à adopter et transposer dans leurs Constitutions nationales des éléments des doctrines Drago et Calvo.

À partir des années quatre-vingt, l’offensive néolibérale a consisté à détruire l’application de ces doctrines à travers le sous-continent. Le CIRDI prend alors de l’ampleur [1].

Puisque le CIRDI est incontestablement une institution partiale qui ne tient pas compte des traités de protection des droits humains, il est nécessaire de s’en retirer à l’instar de la Bolivie, de l’Équateur et du Venezuela [2].

Cet article est extrait du magazine du CADTM : Les Autres Voix de la Planète


Notes :

[1Voir la partie II avec les actions portées contre l’Argentine devant cette cour d’arbitrage.

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