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Maroc : Auditer la dette pour l’annuler
par ATTAC/CADTM Maroc
21 septembre 2018

L’association ATTAC CADTM Maroc réitère sa revendication pour l’abolition des dettes publiques comme l’une des conditions nécessaires pour un véritable développement économique, social et humain.

Chiffres de la dette publique marocaine (fin 2017)

L’encours de la dette publique a atteint 898 milliards de dirhams [1], soit environ 84 % du PIB.


Évolution de la dette publique du Maroc (en milliards de dirhams)

Dette publique 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017
Interne 267 278 306 347 395 444 466 509 539 566
Externe 134 152 174 189 213 235 278 301 312 332
Total 400 430 480 536 608 679 744 810 851 898
% du PIB 56 58 61 65 72 76 80 82 84 84


Service de la dette publique (en milliards de dirhams)

Service de la dette 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017
Total 93 101 117 106 117 162 145 157 148 149
Interne 75 87 102 88 97 140 123 132 120 117
Externe 18 14 15 18 20 22 23 25 28 32


Le service de la dette restreint les budgets sociaux

DépensesAnnée 2017 (milliards dirhams)
Service de la dette 149
Budget éducation 54
Budget santé 14
Dépenses fonctionnaires 107
Dépenses d’investissement 64


Pour garantir le remboursement de la dette, le trio Banque mondiale, Fonds monétaire international et Organisation mondiale du commerce dicte des politiques libérales (au service du grand capital) basées sur :

  • Réduction des budgets sociaux
  • Suppression des emplois dans la fonction publique, généralisation des contrats à durée déterminée (CDD), gel des salaires et réduction des pensions des retraites
  • Réduction des subventions pour les principaux produits de consommation de base
  • Privatisation des entreprises et établissements publics rentables au profit des grands capitalistes locaux et étrangers
  • Démantèlement des services publics au profit des grandes entreprises étrangères et locales par le biais de la gestion déléguée et du partenariat public-privé (PPP)
  • Facilités aux grands capitalistes pour accaparer les ressources naturelles de la mer, de la terre (mines et eau) et du ciel (centrales solaires et éoliennes)
  • Orientation de la production vers l’exportation, subventions aux grands groupes industriels et agricoles, destruction de l’agriculture vivrière et accentuation de la dépendance de notre alimentation principale à une poignée de spéculateurs
  • Ouverture des frontières de notre pays pour l’entrée des marchandises bon marché et de mauvaise qualité ainsi que des capitaux spéculateurs et la sortie des bénéfices grâce aux accords de libre-échange
  • Respect des brevets (propriété intellectuelle) des multinationales qui spolient le droit des petits paysans à produire leurs propres semences naturelles et le droit des citoyen-nes à obtenir des médicaments à bas prix.


Des politiques libérales appliquées par les classes dominantes à leur avantage par :

  • La mainmise sur l’appareil d’État pour augmenter les profits et élargir le réseau de prédation
  • Transfert des grands bénéfices accumulés vers le continent africain pour augmenter les profits
  • Octroi de subventions et facilités de prêts aux grands entrepreneurs
  • Encouragement de l’évasion fiscale, de la fuite des capitaux, et de la corruption administrative et judiciaire
  • Généralisation de l’accaparement des terres, des forêts et des sources d’eau
  • Investissement public au service du privé au Maroc comme sur le continent africain
  • Une Constitution accordée qui incarne le despotisme
  • Un gouvernement formel et sans capacité de décision
  • Législations immanentes d’un parlement (Chambre des représentants et chambre des conseillers) ne représentant pas les aspirations populaires
  • Utilisation des forces publiques pour réprimer les manifestations populaires, les luttes ouvrières, étudiantes, des femmes, des chômeurs et des différentes couches de la population victimes des politiques d’austérité et de marginalisation
  • Étouffement de la liberté d’expression et de la presse et atteinte au droit de grève et au droit de constituer des associations, des organisations et des partis
  • Un pouvoir judiciaire aux ordres pour condamner les militant-tes, les journalistes, les blogueurs, et les personnes solidaires des luttes et criminaliser les résistances populaires comme ce fut le cas pour le Rif, Jerada et autres régions marginalisées du pays.


Bilan de ces politiques libérales basées sur l’endettement

  • Accumulation des richesses par une minorité de familles historiquement connues pour leur prédation dont plusieurs sont classées dans le club des plus riches du monde
  • Faible revenu annuel par habitant pour la majorité des salarié-e-s et des couches populaires
  • Accentuation de la perte de souveraineté politique, économique, financière, alimentaire, environnementale et culturelle du Maroc
  • Approfondissement du sous-développement structurel et mauvaise classification du Maroc pour l’Indice de développement humain à l’échelle mondiale
  • Un chômage de masse, en particulier chez les jeunes scolarisés, les diplômés chômeurs et les femmes
  • Extension de la marginalisation et de la pauvreté
  • Hausse des prix des produits de consommation et des services de base et du coût de la vie en général
  • Augmentation de l’endettement bancaire des ménages vis-à-vis des banques et des institutions de microcrédit qui mènent des harcèlements terribles contre les pauvres, en particulier les femmes
  • Le nombre croissant de victimes de l’émigration (mort en mer, persécution, viol et toutes formes d’humiliation).


La dette publique ne se réduit pas seulement à des prêts qu’il faut rembourser, elle est un système d’asservissement et d’oppression de la population et du pillage généralisé des richesses par le grand capital local et étranger

La revendication d’annulation de la dette publique intérieure et extérieure signifie essentiellement le recouvrement de notre souveraineté populaire et alimentaire et la coupure des ponts avec les centres de décision extérieurs qu’ils soient des institutions financières et commerciales internationales ou les différentes forces impérialistes.

L’annulation de la dette publique permettra de dégager les ressources financières nécessaires pour un modèle de développement basé sur la satisfaction des besoins fondamentaux de larges couches populaires et l’adoption de politiques publiques qui assurent une vie décente, soutiennent les principaux produits de consommation, instaurent un système d’indexation automatique des traitements et des salaires au coût de la vie, fournissent des logements adéquats et des services publics gratuits et de qualité, garantissent les droits des femmes, instituent un impôt progressif sur les fortunes, respectent l’environnement, etc. Ce qui nécessitent de vraies institutions démocratiques, souveraines, qui établissent un contrôle populaire effectif sur la mise en œuvre de leurs programmes.


Auditer la dette pour l’abolir

Nous avons donc le droit de nous poser les questions suivantes :
Qui a emprunté ces sommes en notre nom ? Qui a-t-il consulté ? Qui a consenti ces dettes ? Dans quelles conditions et dans quelles circonstances ? Où ces dettes ont-elles été dépensées et comment ? De quoi avons-nous bénéficié ou plutôt qu’avons-nous perdu ?

Le rôle de l’audit de la dette publique consiste à déterminer ses différentes parties afin de les répudier. L’audit de la dette est une étape nécessaire pour une large mobilisation contre la dette et ses implications et préparer les conditions subjectives pour revendiquer l’annulation de la dette publique.

Sur la base de l’accumulation collective de mouvements et de réseaux internationaux luttant contre le système d’endettement dans de nombreux pays, les parties de la dette à répudier peuvent se résumer comme suit :

Dette odieuse : total des dettes accordées aux régimes dictatoriaux. Ce sont les dettes qui ont été accordées pendant « les années de plomb » dans notre pays, et qui ont servi au renforcement de l’oppression et l’asservissement du peuple marocain qui paye aujourd’hui leurs conséquences désastreuses.

Dette coloniale : les dettes accumulées par les pays impérialistes envers les pays pauvres du Sud depuis la période coloniale utilisées pour la répression, le pillage et la destruction de leurs économies et leur environnement. Ce fut le cas de la France qui a directement colonisé le Maroc pendant 43 ans. Nous devons exiger une compensation pour ces grands dommages, au lieu de permettre l’extension de leurs entreprises dans notre pays.

Dette écologique : les dettes accumulées par les pays industrialisés du Nord envers les populations pauvres des pays du Sud depuis la période coloniale en raison du pillage des ressources naturelles et la destruction des écosystèmes dans ces pays. Ce fut le cas de la France et de l’Espagne dans les régions du Maroc qu’elles occupaient au sud et au nord.

Dette illégitime : total des dettes signées par ceux qui gouvernent le pays sans tenir compte de leurs effets dévastateurs sur la population et de leur droit au développement social et à une vie décente. Cela s’applique à une grande partie de la dette marocaine conditionnée par l’application des programmes d’austérité tout en réprimant les protestations de ceux et celles qui les subissent.

Dette insoutenable : son remboursement se fait au détriment des besoins et les droits fondamentaux de la population. On peut l’illustrer par une comparaison des montants du service de la dette avec les principaux indicateurs sociaux tels que l’éducation et la santé, comme indiqué dans le tableau ci-dessus.

Dette illégale : total des dettes non conformes ou contraires aux dispositions de la loi. Dans notre pays, le contrôle populaire des contrats de dette est absente même sous cet angle légal.


Qui auditera la dette pour l’abolir ?

Une coalition démocratique de ceux et celles d’en bas, dans laquelle toutes les organisations de lutte ouvrières et populaires, les organisations de Droits humains, de diplômés chômeurs, de femmes, de jeunes et tous les progressistes, universitaires, économistes et juristes, journalistes, etc. En fait toutes les couches populaires qui payent le prix de l’endettement. On pourrait solliciter l’aide des experts internationaux dans des réseaux internationaux militants ayant une expérience de l’audit de la dette à travers le monde entier.


Ancrer la revendication d’abolition de la dette au cœur des protestations populaires et ouvrières

Le défi fondamental reste la capacité des organisations de lutte ouvrières et populaires à ancrer la revendication de l’audit de la dette afin de l’abolir au cœur des protestations populaires et ouvrières et des luttes contre le despotisme, la cherté de la vie et l’austérité et œuvrer pour qu’elle soit assimilée par les diverses victimes du système de la dette. ATTAC CADTM Maroc tente de contribuer à ce travail avec ses modestes capacités.


Expériences d’annulation de la dette publique

Il y a eu de nombreuses expériences d’annulation de la dette à travers l’histoire, y compris l’expérience récente de l’Équateur et de l’Argentine. Il y a eu aussi des mobilisations pour l’audit public de la dette dans certains pays au niveau de l’Europe devenue le centre de la crise de la dette, ainsi qu’en Tunisie et en Égypte, d’autant plus que la chute des dictateurs dans ces deux pays a posé concrètement la revendication de l’annulation des dettes odieuses.

Soyons plus réalistes, revendiquons le possible : stoppons le remboursement des dettes !!

Le peuple ne veut pas payer des dettes dont il n’a pas bénéficié. C’est à ceux qui en ont bénéficié de payer !!

Aujourd’hui, un autre Maroc est nécessaire et possible !!

Lien vers l’article en arabe


Notes :

[1Le taux de change moyen au début de l’année 2018 : 1 dollar = 9,67415 dirhams.

ATTAC/CADTM Maroc

membre du réseau CADTM, l’Association pour la Taxation des Transactions en Aide aux Citoyens au Maroc (ATTAC Maroc) a été créée en 2000. ATTAC Maroc est membre du réseau international du Comité pour l’annulation de la dette du tiers monde (CADTM) depuis 2006 (devenu Comité pour l’abolition des dettes illégitimes depuis juin 2016). Nous comptons 11 groupes locaux au Maroc. ATTAC veut être un réseau aidant à l’appropriation par les acteurs engagés dans l’activité sociale, associative, syndicale et plus largement militante des enjeux de la mondialisation sur les problématiques de résistance sociale et citoyenne.
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