En 2015, la revue du CADTM « Les Autres Voix de la Planète » (AVP) faisait peau neuve.
Voici un condensé des 7 numéros pour en cerner la pertinence et le fil conducteur.
1. 2015 : Restructuration = solution ?
La Grèce fait la Une des médias, le CADTM participe à un audit citoyen de la dette publique. Restructurations ou annulations, c’est la thématique du premier dossier, au moment où Syriza (Grèce) et Podemos (Espagne) sont proches du pouvoir et mettent en avant les restructurations de dettes
Les restructurations de dettes souveraines prennent place dans des situations de crise, souvent en réponse à un défaut (suspension du paiement total ou partiel) ou à un risque de défaut de paiement du pays débiteur. Lorsque le FMI, le Club de Paris ou la Troïka (comme cela a été le cas en Grèce en 2012) interviennent en organisant une restructuration de la dette, ils visent à rétablir la solvabilité d’un pays débiteur en rendant tout simplement la dette soutenable du point de vue du paiement. Très souvent, en échange d’une restructuration, les créanciers imposent des conditions qui sont contraires à l’intérêt du pays endetté et surtout à son peuple. D’autre part, les stratégies géopolitiques des créanciers jouent un rôle déterminant dans le choix des pays auxquels est accordé une restructuration de dette et dans les termes de celles-ci. Ce numéro fut donc l’occasion d’analyser les différents types de restructurations comme ce fut le cas pour l’Argentine et la Grèce mais aussi l’initiative Pays Pauvres Très endettés (PPTE). Enfin, ce dossier permit aussi de confronter les différentes propositions pour faire face aux dettes illégitimes et notamment la proposition du CADTM de répudier les dettes illégitimes, illégales et odieuses.
2. 2016 : Dette écologique et extractivisme : deux expressions peu connues du grand public, mais pourtant synonymes de phénomènes marqueurs de notre temps
La dette écologique est depuis 2016 de plus en plus présente dans les discours médiatiques, dans une acception allégée, en faisant référence aux dégâts environnementaux laissés aux générations futures. Le CADTM et plus largement les mouvements sociaux du Sud global l’utilisent historiquement pour parler des ressources accaparées et pollutions provoquées par le Nord vis-à-vis du Sud. La non réparation de la dette écologique est une tragédie pour les populations des pays du Sud.
Nier la dette écologique constitue l’une des raisons majeures de l’échec des négociations pour le climat. Les principaux pays pollueurs ont refusé de reconnaître leur responsabilité actuelle et historique. Leurs signatures de Traités non contraignants sont loin d’être à la hauteur des enjeux.
Extractivisme , ce terme méconnu est le moteur de l’économie consumériste. À l’heure d’un capitalisme fragilisé, tant par une finance débridée que par le gaspillage et les pollutions, on assiste à la sur-marchandisation de tout ce qui peut l’être. Dans ce numéro, réflexions globales et luttes locales sont liées. Les alternatives passent nécessairement par la question des dettes et des réparations.
3. 2016 : Dette Sociale, qui doit à qui ?
Globalement, dans les pays dits développés, les mécanismes de protection sociale subissent un démantèlement structuré sous l’égide des politiques néolibérales et des mesures d’austérité, alors que dans les pays dits en développement, des initiatives privées et publiques pour étendre la protection sociale se multiplient, bien que leur portée reste limitée. En 2016, un partenariat avec le CNCD (Centre National de Coopération au Développement, en Belgique) dont la campagne était Protection Sociale : des droits pour tous a permis de mettre en avant certaines analyses portées par le réseau du CADTM. Le concept de dette sociale, développé depuis plusieurs années par le CADTM consiste avant tout à contrecarrer l’idée mensongère d’une dette causée par le financement de la protection sociale. Cette dette sociale permet par ailleurs de mettre en évidence le fait que les femmes sont les premières et véritables créancières de la dette.
4. 2017 : Dettes privées illégitimes
En avril 2016, lors de son Assemblée mondiale, le réseau CADTM change de nom et devient Comité pour l’abolition des dettes illégitimes, prenant ainsi en compte une nouvelle dimension du « système-dette » : comment la dette réduit en esclavage (non le mot n’est pas trop fort) des familles entières et les mobilisations de ces victimes.
Paysans indiens poussés au suicide pour libérer leur famille, femmes victimes du microcrédit qui voient leur photo affichée lorsqu’elles ne remboursent pas dans les temps, étudiant-e-s endetté-e-s pour des décennies, familles expulsées de leur maison par les banques…
À côté des dettes publiques illégitimes, il existe donc aussi des dettes individuelles qui ne sont pas légitimes. Les deux étant liées. La dette publique constitue au Sud comme au Nord le prétexte pour s’attaquer aux droits humains, démanteler la protection sociale, détruire l’agriculture paysanne, privatiser les services publics et les ressources naturelles. Comme le souligne le mouve-ment Strike Debt aux États-Unis, « la dette n’est pas personnelle, elle est politique » car elle agit comme un outil de contrôle politique des individus, principalement ceux issus des classes populaires
5. 2017 : Fonds vautours : les ailes de la dévastation
Les fonds vautours sont des sociétés privées appelées « vautours » en raison de leur mode opératoire qui consiste à cibler des États en difficulté financière pour racheter à bas prix des créances sur ces États. Ils refusent de participer aux restructurations de dettes, et attendent patiemment que l’État se rétablisse financièrement (si nécessaire) puis lancent des procédures judiciaires pour obtenir le paiement intégral de leurs créances et provoquent ainsi des situations catastrophiques pour les populations. Leur taux de rendement est situé entre 300 et 2000 % ! Le combat du CADTM a mené à l’adoption d’une loi au Parlement fédéral belge, le 12 juillet 2015, avancée importante contre la spéculation financière indécente. Cette loi empêche les spéculateurs, dont les fonds vautours, de percevoir plus que ce qu’ils ont payé pour racheter les créances litigieuses. Cette loi, rédigée avec l’expertise du CADTM, du CNCD-11.11.11 et de son homologue flamand est si bien calibrée qu’elle a été attaquée en justice par le fonds vautour NML Capital, Ltd du milliardaire Paul Singer. Le 31 mai 2018, la Cour constitutionnelle belge a rejeté le recours du fonds NML Capital, Ltd qui demandait son annulation.
6. 2018 : Pour une socialisation des banques
La crise de 2007-2008 a démontré la nocivité de banques privées agissant en dehors de tout contrôle au seul service d’une minorité d’intérêts privés. Ayant pour principal objectif la spéculation, elles utilisent tous les moyens à leur disposition : paradis fiscaux, malversations diverses (par exemple la manipulation des taux du LIBOR), compromissions avec les narcotrafiquants et les marchands d’armes, etc. Le résultat de tels agissements se traduit par des politiques d’austérité qui mettent en péril les populations et l’équilibre de la planète.
Le CADTM propose une alternative radicale à cette situation : la création d’un service public bancaire par la socialisation des banques qui seraient affectées au service de l’intérêt général, en particulier la mise en œuvre de la transition écologique, et placées sous un contrôle citoyen associant les usagers des banques, leurs salariés, des élus ainsi que des représentants professionnels et associatifs. La campagne Belfius est à nous, menée en Belgique, est une illustration de ce combat.
7. 2019 : Dettes coloniales et réparations
Malgré une condamnation par le droit international, le transfert des dettes coloniales, organisé avec l’assistance des institutions financières internationales (Banque mondiale et Fonds monétaire international), a plongé les anciennes colonies fraîchement indépendantes, dans le piège de la dette. Thomas Sankara l’a dénoncé dans son discours historique à l’OUA, en 1987 : « La dette est une reconquête organisée de l’Afrique pour que sa croissance obéisse aux normes étrangères, faisant de nous des esclaves financiers. » Il sera assassiné trois mois plus tard. Parler du système-dette implique d’analyser le passé colonial, reposant sur des dettes illégitimes et odieuses qui oppriment les populations des anciennes colonies. Plans d’ajustement structurel, détournement de l’aide publique au développement, franc CFA sont les outils de la domination néocoloniale.
Parler du système-dette implique de s’arrêter attentivement sur le passé colonial des pays concernés. L’histoire officielle parle très peu de ces nombreuses zones d’ombres. Des questions se posent alors : qui est créancier, qui est débiteur ? Qui doit à qui ? Quelles reconnaissances et quelles réparations pour les victimes ?
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