La dette n’est ni une catastrophe naturelle ni le résultat de dépenses sociales excessives : son caractère odieux est scellé par les conséquences négatives qu’elle a sur la population. C’est le cas de l’Italie.
“Si Salvini voulait réellement combattre les décisions de l’Union européenne, comme il le proclame, il devrait demander que le gouvernement cesse de rembourser les 360 milliards d’euros de titres italiens détenus par la BCE. . . Mais s’il le faisait, il irait à l’encontre des intérêts des banquiers italiens et des institutions financières qui le soutiennent ”. Voilà ce que nous disait l’historien et docteur en sciences politiques Éric Toussaint, du Cadtm, en réponse à une question sur la situation en Italie lors d’une rencontre sur la dette à l’agence de presse DIRE (voir http://www.cadtm.org/Dans-le-systeme-de-la-dette-les-peuples-sont-les-perdants ).
À cette occasion il présentait la traduction italienne de son ouvrage Le système Dette : Il Sistema, Storia del debito sovrano e del suo ripudio (préface de Marco Bersani, Bordeaux editions), ceci tant à Rome que dans d’autres villes d’Italie (Tarente, Parme et Milan).
Rappelons-le une fois de plus : le système dette en tant qu’instrument de domination est un élément clé du fonctionnement capitaliste. Son bras opérationnel est constitué par des institutions comme le Fonds monétaire international, la Banque mondiale, l’Organisation mondiale du commerce, qui déstabilisent les marchés et les Etats en utilisant la dette comme outil de chantage pour imposer des plans de ‘sauvetage’ aux conditions qu’ils stipulent. Ceci aux dépens de la population dans les pays les plus pauvres qui, devant l’obligation de rembourser leurs dettes, bradent leurs ressources, leurs terres et leurs productions. Avec l’appui des gouvernements occidentaux, les grandes multinationales monopolisent les activités minières, imposent leurs produits, détruisent la petite économie paysanne, dévastent les territoires.
Même les institutions européennes comme la BCE et la Commission européenne ont créé des mécanismes qui obligent les Etats membres de la zone euro à recourir au marché spéculatif pour se financer.
La dette n’est ni une catastrophe naturelle ni le résultat de dépenses sociales excessives : son caractère odieux est scellé par les conséquences négatives qu’elle a sur la population.
Toussaint soutient que des dettes odieuses peuvent et doivent être répudiées, comme l’ont essayé beaucoup de populations et de gouvernements ces deux derniers siècles, souvent avec succès. “Pour qu’une dette légalement contractée par un gouvernement légal soit odieuse, il faut démontrer que les objectifs pour lesquels la dette a été contractée vont à l’encontre des intérêts de tout ou partie du territoire et que les créanciers étaient conscients de cette finalité odieuse au moment du prêt”.
Les causes de la dette publique italienne sont : le sauvetage des banques (13,5 milliards), des rentrées fiscales perdues suite à des réductions d’impôts au bénéfice des plus hauts revenus (295 mds), la spéculation financière (467 mds rien que pour les années 1992 / 2007/2011), les intérêts payés sur la dette (de 1992 à 2017 2 094 milliards, dont 1 299 de dette), l’évasion et la fraude fiscales (en moyenne 120 milliards par an). Au vu de ces données et d’autres dépenses comme celles consenties pour l’armement et des grands projets inutiles sinon nuisibles, la dette italienne peut-elle être répudiée ?
Nous pensons que oui, à condition de réussir à construire un large front d’opposition et de réseaux, en reliant les analyses et en nous concentrant sur la détérioration des conditions de vie et de travail. Pour relever ce défi, il faut nous dire que si aujourd’hui il y a beaucoup de langues mais une pensée unique, il nous faut multiplier les approches alternatives et forger un langage unique, commun à tous, enraciné dans la lutte, qui s’exprime par la construction d’une éthique partagée visant à une vie décente pour tous, ce qui n’est possible que dans un autre modèle de société.
Publié en italien dans “Il Manifesto” le 22 juin 2019
Traduction par Christine Pagnoulle.
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