Maria Lucia Fattorelli, fondatrice de l’Audit citoyen de la dette publique critique le discours qui légitime la proposition de réforme de la sécurité sociale de Bolsonaro.
Le scénario de crise économique qui s’est étendu à l’ensemble du pays au cours des dernières années a été approfondi par la politique monétaire de la Banque centrale, fer de lance du processus, qui a provoqué le ralentissement économique et la croissance du taux de chômage à l’échelle nationale. C’est Maria Lucia Fattorelli qui en fait la lecture, elle est fonctionnaire du Secrétariat du Trésor public, fondatrice et coordinatrice de l’Audit citoyen de la dette.
Dans un entretien pour l’hebdomadaire Brasil de Fato, elle a souligné l’inquiétude suscitée par la suprématie des banques accordée par différents gouvernements, a critiqué le discours officiel de la réforme de la sécurité sociale sur la défense et déclaré : « Ils veulent que notre peuple croie en l’ombre. Nous devons sortir de la grotte et voir nos potentialités. »
Quelques extraits de l’entretien donné à la journaliste Cristiane Sampaio
CS : Pourquoi le Brésil, qui est reconnu mondialement comme un pays très riche, est-il touché par la crise économique actuelle ? Quelle sorte d’idéologie économique nous a amené à ce processus ?
MLF : C’est au-dessus des idéologies connues, au-dessus de tout. C’est une avidité du marché financier. Il est au-dessus des gouvernements, au-dessus des partis. Nous devons voir dans quelle phase de l’histoire nous vivons, celle du capitalisme financier. Le grand capital entre au Brésil d’une manière qui a dominé pendant des années les différents gouvernements sous lesquels nous avons vécu. Sous le gouvernement du PT, qui dirigeait la Banque centrale ? Meirelles [1], un banquier.
Ils veulent que notre peuple croie en l’ombre. Nous devons sortir de la grotte et voir nos potentialités
Donc, rien n’a changé. C’est au-dessus de l’idéologie et c’est un domaine, une puissance mondiale. Et, malheureusement, ici au Brésil, les forces politiques n’y prêtent pas suffisamment attention. Vous voyez, par exemple, le peu d’attention qui a été accordé à la demande d’un audit citoyen de la dette, qui est l’outil qui pourrait montrer, par exemple, ce scandale des compromis, parce que c’est là que réside la dette.
Cette vision restreinte, ce flou de vision par rapport à la finance fait en sorte que ce domaine financier atteint un point où maintenant (disent-ils) la dette justifie la contre-réforme de la sécurité sociale, justifie la privatisation de la Monnaie, d’Eletrobras, Petrobras, qu’ils veulent céder à Banco do Brasil et Caixa Econômica, créant ainsi un autre mécanisme, la titrisation des crédits, où les banques prendront directement en charge le recouvrement des impôts, qui ne nourriront pas les budgets publics. Donc, soit la population se réveille, soit elle n’y parviendra pas. Nous perdons notre pays.
CS : L’économie brésilienne a débuté cette année 2019 sans souffle et certains acteurs maintiennent que l’effet de levier ne serait possible qu’avec la réforme de l’aide sociale. Quel est le piège dans ce discours ?
La réforme des retraites fera le contraire. Quand le gouvernement parle d’économiser 1 000 milliards de R$ - ce n’est d’ailleurs pas ce que les analystes ont dit, ils parlaient de 700 milliards de R$ -, quelle est cette économie ? C’est de l’argent qui n’arrivera plus entre les mains de la classe ouvrière par le biais des pensions et des prestations sociales. Que se passe-t-il lorsque la population a moins de ressources entre les mains ? Elle se retrouve sans les ressources nécessaires pour consommer ou acheter correctement de la nourriture et cela ne fait qu’augmenter les risques de maladies. C’est donc un coup de pied, et plus de 70 % des moyens financiers des municipalités brésiliennes proviennent de la sécurité sociale...
Traduit de l’espagnol par Antonio Mota et Eva Betavatzi, publié sur brasildefato le 7 mars 2019
Cet article est tiré du n° 77 de l’AVP (Les autres voix de la planète), « Dettes aux Suds » disponible à : https://www.cadtm.org/Dettes-aux-Suds
[1] Henrique Meirelles, ancien ministre des Finances et actuel secrétaire aux finances de l’État de São Paulo
CADTM Brésil et coordinatrice nationale de l’audit citoyen de la dette du Brésil. Membre de la Commission pour la vérité sur la dette grecque. A participé aussi à l’audit de la dette de l’Équateur en 2008.