Le rôle du militarisme, du commerce d’armes et des guerres dans la politique extérieure europeénne
Ce document est une version élargie et approfondie du quatrième des cinq textes qui font partie de la publication intitulée « L’impact sur le Sud des politiques financières européennes et des stratégies de coopération au développement et les alternatives possibles » élaboré dans le cadre du projet ReCommonsEurope. Cette version a été élaborée par son auteur Nathan Legrand. La version courte de ce texte a été publié récemment dans le média POUR. Depuis 2018, ce projet engage le CADTM, en collaboration avec l’association EReNSEP et le syndicat ELA, dans un travail visant à nourrir le débat sur les mesures qu’un gouvernement populaire en Europe devrait mettre en place prioritairement. Ce travail d’élaboration concerne tous les mouvements sociaux, toutes les personnes, tous les mouvements politiques qui veulent un changement radical en faveur des 99% .
Ainsi, une première phase de ce projet a abouti en 2019 avec la publication d’un « Manifeste pour un nouvel internationalisme des peuples en Europe », qui a été signé par plus de 160 activistes, mititant·e·s politiques et chercheu-rs-ses provenant de 21 pays d’Europe. Ce manifeste publié en 4 langues (français, castillan, anglais et serbo-croate) présente les mesures les plus urgentes concernant les questions suivantes : la monnaie, les banques, la dette, le travail et les droits sociaux, la transition énergétique dans le but de construire un éco-socialisme, les droits des femmes, la santé et l’éducation, ainsi que plus largement les politiques internationales et le besoin de promouvoir des processus constituants.
Avec cette deuxième phase, nous cherchons à définir un ensemble de propositions claires que devrait mettre en œuvre un gouvernement populaire pour modifier réellement et en profondeur les relations injustes entre les États européens et les peuples du Sud Global. A cette fin nous menons un processus d’élaboration de textes, sur la base d’un travail commun entre activistes, mititant·e·s politiques et chercheu-s-es des pays du Sud et des pays du Nord. Ce travail concerne les axes suivants : l’endettement des pays du Sud vis-à-vis des pays du Nord, les accords de libre-échange, les politiques migratoires et de gestion de frontières, le militarisme, le commerce des armes et les guerres, enfin, les politiques de réparations concernant la spoliation de biens culturels.
En plus de ce premier texte, nous vous invitons à lire les autres textes faisant partie de ce projet :
Mettre fin aux politiques néocoloniales de l’UE en matière de commerce et d’investissement
Mettre fin aux politiques migratoires inhumaines de l’Europe forteresse
Le système capitaliste mondial repose sur de profondes inégalités entre une classe dominante minoritaire et l’écrasante majorité de la population. La classe capitaliste, dominante, dispose exclusivement de la propriété des moyens de production et décide seule de la production. Cette dernière est ainsi orientée vers la réalisation d’un profit maximum à court terme, et non vers la satisfaction des besoins de l’ensemble de la population. Afin de réaliser ces profits, la classe capitaliste ne se soucie nullement de savoir si ses activités économiques ont une valeur d’usage bénéfique pour le plus grand nombre.
C’est ainsi par exemple que, depuis le début de la révolution industrielle et la transition vers les énergies fossiles à partir du 19e siècle, les plus grands industriels se sont rendus responsables de l’accumulation dans l’atmosphère de niveaux toujours plus importants de gaz à effet de serre sans se soucier du dérèglement climatique que ceux-ci provoquent, menaçant la survie des écosystèmes et de communautés entières – en particulier dans les pays dits du Sud –, alors même que le phénomène de réchauffement de la planète est largement connu depuis au moins trente ans. On retrouve également cette logique de recherche du profit quelles qu’en soient les conséquences sociales dans la spéculation immobilière qui exclut des millions de ménages du droit au logement. Les exemples pourraient être multipliés, tant cette logique est au cœur même du mode de production capitaliste [1].
La valeur d’usage des armes, sur lesquelles les États cherchent toujours à établir un monopole, est claire : elle est négative pour les millions de personnes affectées par les morts et les destructions provoquées par les conflits armés. Celles et ceux qui survivent dans des zones de conflits sont affecté·e·s par la destruction physique des logements, des services publics de santé et d’éducation, ou encore des unités de production d’énergie, d’assainissement d’eau, et des infrastructures permettant l’acheminement de ces biens vitaux. En cela, les conflits armés ont des conséquences négatives durables sur les capacités des sociétés affectées à garantir les droits humains fondamentaux et à être résilientes à d’autres chocs majeurs tels que des catastrophes naturelles ou des urgences sanitaires. Pensons à l’impact potentiellement dévastateur que pourrait avoir une épidémie telle que celle du Covid-19 dans des régions lourdement marquées par les destructions d’infrastructures comme la bande de Gaza, le Yémen ou la Syrie, ou dans les camps où sont entassées dans des conditions déplorables des centaines de milliers de personnes fuyant les conflits et les persécutions comme en Grèce, en Turquie, au Liban, en Jordanie ou au Bangladesh.
Pour les classes dominantes qui représentent une infime minorité de la population mais ont le contrôle du pouvoir d’État, les armes constituent en revanche un moyen efficace – d’autant plus si le monopole de la coercition est exercé avec succès par l’État – pour maintenir l’ordre social existant dès lors que la domination n’est plus acceptée comme naturelle par les dominé·e·s. La nécessaire reconstruction de zones dévastées par les guerres permet en outre d’offrir de nouveaux champs d’accumulation pour le capital.
Au 19e siècle, le développement du capitalisme industriel a aiguisé la lutte de classes en créant de fortes concentrations ouvrières dont a résulté un saut qualitatif dans l’organisation collective des exploité·e·s – notamment à travers les syndicats et leurs relais politiques révolutionnaires (socialistes et anarchistes) –, menaçant la domination exercée par la bourgeoisie [2]. Depuis le 19e siècle jusqu’à nos jours, le mode de production capitaliste a connu une expansion internationale par l’impérialisme, c’est-à-dire par l’exportation agressive de capitaux à l’étranger – à travers les investissements directs et les prêts souverains notamment. Dès lors que ces capitaux quittent les frontières nationales, ils exercent un rapport de surexploitation sur des populations étrangères. En effet, la valeur d’échange de la force de travail est réduite au strict minimum, et même en-dessous du minimum nécessaire pour assurer sa reproduction, au nom d’une idéologie de la suprématie naturelle de la civilisation européenne et donc d’une infériorité naturelle des vies humaines extra-européennes (cette idéologie n’a été battue en brèche dans la deuxième moitié du 20e siècle que pour être remplacée par une idéologie de la suprématie culturelle des sociétés occidentales, permettant de perpétuer le rapport de surexploitation des populations des pays dits du Sud). De plus, les profits sont rapatriés dans les métropoles, et l’activité n’amène que peu ou pas de bénéfices au territoire où elle est menée. En conséquence, l’acceptation de la domination est moindre que celle de la domination du capital domestique. En outre, les capitaux venant de l’étranger ne bénéficient pas du cadre légal défini par leur État souverain (bien que ce dernier phénomène tende largement à s’atténuer à mesure qu’avance la mondialisation capitaliste et que sont adoptées des règles internationales favorables au grand capital en matière de commerce et d’investissement), et sont confrontés à une forte concurrence des capitaux des autres puissances impérialistes. Les classes dominantes sont donc amenées à protéger leurs exportations de capitaux par la force armée. La phase impérialiste du capitalisme coïncide ainsi avec une poussée du militarisme et des conflits armés, donc à une importante croissance de la production d’armes tant pour les marchés domestiques que pour les exportations.
La violence inouïe à travers laquelle a été permise l’accumulation primitive de capitaux dans les siècles précédant la révolution industrielle, notamment la violence justifiée idéologiquement par des théories racistes contre les populations noires d’Afrique transformées en esclaves, a ainsi laissé la place à la violence de l’impérialisme colonial puis néocolonial. Le mouvement ouvrier et les insurrections populaires ont été réprimées dans le sang jusqu’à nos jours. Les tensions inter-impérialistes ont mené au 20e siècle aux deux guerres mondiales, guerres totales d’ampleur cataclysmique. Le capitalisme industriel a permis la mécanisation des armes, l’industrialisation de la violence et a ainsi donné lieu à une véritable barbarie moderne faite de guerres impérialistes, de conflits et coups d’État contre-révolutionnaires, de génocides et massacres coloniaux ou visant à réprimer des mouvements populaires.
Au-delà des interventions militaires directes, l’impérialisme occidental s’est distingué depuis la décolonisation par son soutien diplomatique, matériel et financier à des régimes autoritaires dès lors qu’ils étaient favorables à leurs intérêts économiques – ou perçus comme tels. Comme les États-Unis, des puissances européennes ont soutenu des coups d’État visant à renverser des dirigeants perçus comme des menaces pour la domination néocoloniale. Dans ces domaines, les interventions de l’État français en Afrique sont de véritables cas d’école, mais d’autres puissances européennes telles que l’Allemagne, la Belgique et la Grande-Bretagne sont également impliquées dans cette déstabilisation néocoloniale.
Une liste non-exhaustive d’actes de barbarie moderne depuis la fin du 19e siècle Parmi les innombrables crimes commis par le capitalisme et l’impérialisme depuis le 19e siècle et outre les deux guerres mondiales, pensons à l’écrasement dans le sang de la Commune de Paris en 1871 par le régime de la jeune Troisième République en France ; au génocide des Héréros et des Namas au début du 20e siècle par le colonialisme allemand ; à celui des Congolais·es à la fin du 19e siècle par le colonialisme belge ; au génocide des Arménien·ne·s par le nationalisme turc dans un Empire ottoman en déclin, massacre qui a permis de jeter les bases de la République turque moderne ; à la guerre contre-révolutionnaire menée par les monarchistes et autres ultra-réactionnaires russes soutenus par les principales puissances impérialistes, visant à renverser le socialisme naissant en Russie après 1917 et à empêcher son extension internationale ; au génocide des Juifs et Juives d’Europe, ainsi que des Tziganes, des handicapé·e·s et des homosexuel·le·s, par le Troisième Reich et ses alliés sur l’ensemble du continent européen durant la Seconde Guerre mondiale ; aux guerres coloniales de la France en Indochine (1946 – 1954) et en Algérie (1954 – 1962) ; aux guerres des États-Unis en Corée (1950 – 1953) et en Indochine (1965 – 1973) ; au génocide des communistes ou présumés tels dans l’Indonésie de Suharto à partir de 1965, avec la complicité des impérialismes néerlandais et étatsunien ; au soutien des États-Unis et de leurs alliés aux conflits et coups d’État contre-révolutionnaires sur l’ensemble de la planète, et en particulier en Amérique latine, par exemple avec le soutien au coup d’État puis à la dictature militaire de Pinochet au Chili de 1973 à 1989, ou celui accordé aux Contras opposés au nouveau régime sandiniste au Nicaragua à partir de 1979 ; aux crimes du régime de l’Apartheid en Afrique du Sud, soutenu par les impérialismes occidentaux jusqu’à sa chute en 1994 ; à l’invasion de l’Afghanistan en 2001 par les États-Unis et leurs alliés de l’OTAN – dont de nombreuses forces armées européennes ; à l’invasion de l’Irak en 2003 par les États-Unis et plusieurs de ses alliés, au premier rang desquels se trouvaient le Royaume-Uni et l’État espagnol, mais aussi d’autres États européens ; à la colonisation de la Palestine par l’État d’Israël depuis plus de 70 ans, avec le soutien là encore des impérialismes européens et nord-américains. Notons ici la responsabilité du régime bureaucratique autoritaire de l’URSS dans la course aux armements durant la seconde moitié du 20e siècle, et son invasion de l’Afghanistan en 1979 alimentant le chaos géopolitique et ouvrant la voie à la déstabilisation continue de la région dans les décennies qui ont suivi (notamment par les interventions de Washington et de ses alliés). Notons également le soutien matériel criminel de la Chine (au côté du soutien a minima diplomatique des États-Unis !) au régime génocidaire – puis à la guérilla – des Khmers Rouges au Cambodge dans les années 1970 et 1980. |
À propos du néocolonialisme de la France et d’autres puissances européennes en Afrique Au Cameroun, le maintien au pouvoir depuis 1982 du président Paul Biya malgré ses nombreuses pratiques antidémocratiques, a certainement fort à voir avec le soutien appuyé de l’État français dont il bénéficie tant au niveau diplomatique que militaire, par les livraisons d’armes et la formation des forces de sécurité camerounaises assurées par l’Hexagone. Un soutien qui paye : les entreprises françaises sont les premières à investir au Cameroun, tandis que la France est l’un des principaux créanciers bilatéraux du pays. Paul Biya bénéficie en outre du soutien des États allemand et britannique et a été décoré par les trois anciennes métropoles coloniales. Au Togo, c’est certainement grâce à l’important mouvement de contestation qui a mis en lumière l’autoritarisme du régime en 2017 qu’un contrat de vente d’hélicoptères de combat français n’a pas été finalisé à cette période. Dans ce pays, Faure Gnassingbé se maintient au pouvoir depuis qu’il a « naturellement » succédé à son père Gnassingbé Eyadema en 2005. Eyadema avait pris le pouvoir en 1967 après avoir contribué au renversement du premier président du Togo indépendant quatre ans plus tôt, et avait dirigé le pays d’une main de fer avec le soutien de la France, Jacques Chirac n’hésitant pas à le décrire comme un « ami de la France » et un « ami personnel ». Si la liste dressée ici ne saurait être exhaustive, il est impossible de ne pas mentionner les rapports entre l’État français et le régime de Félix Houphouët-Boigny, au pouvoir en Côte d’Ivoire de 1959 à 1993 et dont les politiques – marquées par le développement d’une économie d’exportation et l’ajustement structurel conformément aux attentes de la Banque mondiale, du FMI et des impérialismes occidentaux, et ne bénéficiant sur le plan local qu’à une petite clique de compères dans l’entourage du pouvoir politique – ont été poursuivies par son successeur Henri Konan Bédié jusqu’en 1999. Houphouët-Boigny, ministre de gouvernements français à la fin de la 4e République puis sous la présidence de Charles de Gaulle, avait fait campagne pour le maintien d’un statut colonial pour les États africains dans le cadre de la « Communauté française » voulue par l’impérialisme français. Le projet ayant finalement été mis en échec, Houphouët-Boigny est devenu le premier président de la Côte d’Ivoire indépendante en 1960 et a mis en place un régime autoritaire intimement lié au néocolonialisme français. En accord avec l’État français et ses services secrets, il a participé à la déstabilisation de nombreuses tentatives de développement indépendant et d’inspiration socialiste, de l’Afrique de l’Ouest jusqu’à l’Angola au Sud du continent. Outre les nombreux scandales de la « Françafrique » qui ont éclaté publiquement – sans pour autant que les responsables soient inquiétés par la justice –, la lumière doit encore être faite sur deux affaires en particulier dans lesquelles la responsabilité de l’État français, par l’intermédiaire du régime de Houphouët-Boigny, fait peu de doute : d’une part l’assassinat en 1987 de Thomas Sankara, dirigeant révolutionnaire du Burkina Faso (quelques mois après son appel à l’ensemble des États africains à cesser de rembourser la dette due aux créanciers occidentaux et à initier sur le continent un développement indépendant des anciennes puissances coloniales), remplacé par Blaise Compaoré qui mènera des politiques favorables à l’impérialisme français et international ; et d’autre part le soutien, par les livraisons d’armes et l’appui diplomatique – par l’intermédiaire de l’État ivoirien mais aussi du nouveau régime de Blaise Compaoré au Burkina Faso –, au seigneur de guerre libérien Charles Taylor qui a mis à feu et à sang son pays ainsi que la Sierra Leone voisine dans les années 1990 et jusqu’au début des années 2000. Les ingérences françaises dans la région se poursuivent, les gouvernements français ayant visiblement appuyé la rébellion contre le gouvernement de Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire jusqu’à la victoire d’Alassane Ouattara en 2011, tandis que l’armée française a exfiltré Blaise Compaoré lorsqu’un mouvement populaire massif l’a chassé du pouvoir au Burkina Faso en 2014 (il a pu s’enfuir… dans la Côte d’Ivoire d’Alassane Ouattara où il a acquis la nationalité ivoirienne). L’État français se distingue par les décorations remises à des dirigeants de régimes autoritaires. Mentionnons seulement le fait que la légion d’honneur a été remise aux despotes Zine El-Abidine Ben Ali en Tunisie, Hosni Moubarak en Égypte, Bachar Al-Assad en Syrie, tous trois visés par des soulèvements révolutionnaires à partir de décembre 2010 et début 2011 (les deux premiers ayant été rapidement renversés tandis que le troisième s’est maintenu au pouvoir au prix d’une terrible politique de la terre brûlée, provoquant des centaines de milliers de morts et des millions de déplacements forcés de populations). Par la voix de sa ministre des Affaires étrangères Michèle Alliot-Marie, le gouvernement français a proposé son assistance à Ben Ali dans la répression des manifestations tunisiennes, notamment via la vente d’armes de répression. Et depuis 2013, la France est impliquée dans un soutien sans faille au militaire devenu président ultra-autoritaire Abdel Fattah Al-Sissi en Égypte. Si la France est sans conteste au premier rang des acteurs du néocolonialisme européen par voie de ventes d’armes et de soutien aux régimes autoritaires dans les pays dits du Sud, d’autres États européens ne sont pas en reste. Rappelons ainsi la responsabilité de la Belgique, aux côtés des États-Unis, dans le coup d’État qui a renversé Patrice Lumumba, premier chef du gouvernement de la République démocratique du Congo indépendante en 1960, afin de protéger ses intérêts économiques (notamment dans l’extraction minière) menacés par une politique qui ne se cachait pas de vouloir aller jusqu’au bout du processus de décolonisation. Rappelons également les ventes d’armes par la France et la Belgique (impliquant également au moins une entreprise britannique, Mil-Tec) au régime autoritaire, puis préparant un génocide, de Juvénal Habyarimana au Rwanda – des ventes d’armes qui ont même continué après le déclenchement du génocide des Tutsis en avril 1994 en ce qui concerne la France et l’entreprise Mil-Tec. Ces ventes d’armes ont été permises par les financements reçus jusqu’à quelques mois avant le début du génocide par la Banque mondiale et le FMI qui supervisaient l’ajustement structurel et le développement d’une économie d’exportation dans le pays, tandis que les paiements de l’État rwandais à ses fournisseurs et créanciers ont été facilités par des banques belges (Belgolaise, Société générale de banque), française (BNP), allemande (Dresdner Bank). |
Ainsi, le capitalisme industriel a conduit à la production massive d’armes depuis la fin du 19e siècle par des industriels qui ont gagné un poids économique et politique considérable, en particulier aux États-Unis, en Europe occidentale, en Russie et en Chine. De par l’objet de leur production, les capitaux de l’armement disposent d’un statut très particulier dans nos sociétés capitalistes : l’armement est un domaine où l’État et le capital privé sont très intimement imbriqués l’un dans l’autre. Les décisions quant à la recherche, à la production et au commerce des armes ne se font pas sans l’aval de l’État, tandis que les industriels sont protégés et subventionnés par celui-ci, qui joue même le rôle de représentant du commerce pour les capitalistes de l’armement. Pensons en effet au rôle joué par le roi d’Espagne dans la promotion des armements vendus par les capitalistes du royaume, ou à celui du ministère de la Défense en France, quelle que soit la couleur politique de celui qui en occupe le siège, dans la mise en avant du savoir-faire français en matière d’armements. Le rôle de Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense sous la présidence de François Hollande (et ministre des Affaires étrangères sous celle d’Emmanuel Macron), dans la vente d’avions de chasse Rafale à des régimes réactionnaires tels que l’Égypte, le Qatar et l’Inde de Narendra Modi, est tel qu’il a amené Serge Dassault, PDG du groupe constructeur de Rafale, Dassault Aviation, et alors membre de l’opposition parlementaire, à déclarer à son propos lors de l’annonce du contrat de vente passé avec l’Inde qu’il était « le meilleur ministre de la Défense qu’on ait jamais eu… Merci, M. Le Drian, merci M. Hollande pour tout ce que vous faites, pas seulement pour nous, pour toutes les exportations [3]. »
Poussée à l’innovation permanente, l’industrie de l’armement a développé des armes toujours plus destructrices, notamment à partir de la Première Guerre mondiale. Véhicules blindés, chars d’assaut et autres navires de guerre et sous-marins toujours plus performants se sont multipliés sur les champs de bataille. Surtout, le développement et la généralisation de l’aviation militaire (et des porte-avions) vont permettre de semer la mort et la terreur chez les populations civiles (caractéristique des guerres totales) comme en ont témoigné le massacre de Guernica, les raids aériens allemands sur les villes anglaises durant la Seconde Guerre mondiale, et inversement les villes allemandes entièrement rasées par les Alliés à la même période, ou encore les bombardements étatsuniens massifs sur la péninsule indochinoise durant la guerre du Vietnam. C’est un objectif similaire de terreur et de mort à l’échelle industrielle parmi les populations civiles qui est poursuivi par le développement des armes chimiques, utilisées pour la première fois à Ypres (en Belgique) en 1915 et qui seront au cœur de l’entreprise d’extermination nazie des Juifs et Juives d’Europe et des Tziganes avec les chambres à gaz, comme du déploiement impérialiste de Washington en Indochine avec l’agent orange. C’est toujours cette même logique qui présidera au développement de la bombe atomique, utilisée par les États-Unis à Hiroshima et Nagasaki en août 1945.
L’utilisation de technologies de pointe est aujourd’hui au cœur du développement des systèmes d’armements, par exemple avec les drones (véhicules – aériens ou non – commandés à distance ou automatisés, pouvant servir à la surveillance comme au combat lorsqu’ils sont équipés de missiles) ou les frontières automatisées (reconnaissant les traversées clandestines à travers un système de capteurs). Comme avec le développement de l’aviation au 20e siècle, ces technologies permettent d’établir une distance de plus en plus grande entre celui qui tue et celles et ceux qui sont tués (ou entre celui qui garde la frontière et celles et ceux qui cherchent à la traverser), et ainsi de limiter chez l’assaillant les risques de blessures, de pertes ou d’empathie pour les victimes.
L’Union européenne, ses États membres et plusieurs autres États européens portent de lourdes responsabilités directes et indirectes dans les conflits armés partout sur la planète. Ils produisent et vendent des armes massivement. Le rapport de mars 2020 du Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI) sur les transferts internationaux d’armements [4] indique le volume, l’origine et la destination des principales ventes d’armes dans le monde pour la période 2015-2019. Le SIPRI indique que les exportations d’armes ont augmenté de 5,5 % sur cette période par rapport à la période 2010-2014, et de 20 % par rapport à la période 2005-2009. Si les deux premiers États exportateurs d’armes que sont les États-Unis et la Russie sont à l’origine de plus de la moitié des exportations mondiales d’armements (36 % et 21 % respectivement), les États membres de l’UE ne sont pas en reste. La France et l’Allemagne sont les troisième et quatrième principaux États exportateurs d’armes, tandis que le Royaume-Uni (qui était encore membre de l’UE pour la période 2015-2019) et l’Espagne se classent aux sixième et septième rangs. Parmi les 25 principaux États exportateurs d’armes sur la planète, responsables de 99 % des exportations mondiales, on trouve neuf États membres de l’UE, à l’origine de 25,6 % des exportations mondiales.
Quoi qu’en disent les gouvernements lorsqu’ils sont interrogés sur le sujet, il est évident que les meilleurs acheteurs sont les régimes autoritaires et en guerre non pas car ils seraient uniquement intéressés par l’augmentation de leurs capacités de dissuasion, mais parce qu’ils font usage de ces armes. Ainsi, un rapport de plusieurs ONG dénonçait en 2018 l’utilisation d’armes françaises dans la violente répression déployée par le régime autoritaire d’Abdel Fattah Al-Sissi en Égypte depuis 2013 [5] – en effet, la France est le premier fournisseur d’armes du Caire. Le rôle des États européens dans la fourniture d’armes à la coalition militaire dirigée par l’Arabie saoudite menant une guerre sanglante au Yémen depuis mars 2015 est également régulièrement pointé du doigt : le Royaume-Uni et la France sont les deuxième et troisième fournisseurs d’armes au régime ultraréactionnaire saoudien, les Émirats arabes unis importent des armes de France (deuxième fournisseur du pays) et des Pays-Bas (troisième fournisseur), tandis que le Qatar se fournit auprès de la France (deuxième fournisseur) et de l’Allemagne (troisième fournisseur), et le Koweït auprès de la France (deuxième fournisseur). Les puissances européennes sont impliquées dans la répression des mouvements de contestation massifs qui secouent l’Algérie (dont l’Allemagne est le troisième fournisseur d’armes) et la monarchie autoritaire du Maroc (Paris est le deuxième fournisseur d’armes du royaume, et Londres est le troisième), de même qu’elles arment le régime autoritaire de Recep Tayyip Erdogan en Turquie (dont l’Italie est le deuxième fournisseur d’armes, et l’État espagnol est le troisième), qui mène une guerre de basse intensité dans les régions kurdes du pays et une guerre directe contre le mouvement kurde au Nord de la Syrie. Des armes européennes sont également utilisées par l’État d’Israël (dont l’Allemagne est le deuxième fournisseur d’armes, et l’Italie est le troisième) qui colonise les territoires palestiniens, organise le blocus de la bande de Gaza (et y intervient militairement) et mène une politique d’apartheid à l’intérieur de ses frontières. La France est le troisième fournisseur d’armes au régime d’extrême-droite de Narendra Modi en Inde, qui mène une politique répressive dans l’ensemble du pays et une politique coloniale au Cachemire. L’Italie est le troisième fournisseur d’armes du Pakistan voisin, où les droits humains sont constamment piétinés par une institution militaire puissante. Parmi les autres régimes autoritaires achetant des armes auprès d’États membres de l’UE, on trouve encore la Chine (dont la France est le deuxième fournisseur d’armes) ou Singapour (dont l’État espagnol est le deuxième fournisseur d’armes, et la France est le troisième). L’Indonésie qui réprime violemment les luttes des populations papoues achète des armes auprès de l’ancienne puissance coloniale néerlandaise, qui est le deuxième fournisseur du pays. Et le Brésil, dont la police est l’une des plus meurtrières au monde, se fournit en armes auprès de la France (premier fournisseur du pays) et du Royaume-Uni (troisième fournisseur).
Le caractère criminel de ces ventes d’armes à des régimes répressifs et en guerre est d’autant plus criant lorsqu’elles sont mises en miroir du manque d’assistance portée à des populations en danger. Ainsi les révolutionnaires de Syrie se battant contre le régime meurtrier de Bachar Al-Assad n’ont jamais reçu les armes défensives (anti-char et anti-aviation) qu’ils demandaient au début du processus révolutionnaire (avant que les groupes réactionnaires ne gagnent une influence dominante en leur sein). Les livraisons de ces armes qui auraient pu faire la différence ont systématiquement été bloquées par les puissances occidentales au prétexte qu’elles craignaient de les voir tomber entre de mauvaises mains, et seules des armes légères ont été livrées aux combattants insurgés [6]. En ce qui concerne le soutien occidental apporté aux Kurdes du PYD au Nord de la Syrie, il s’est limité à un soutien militaire tactique dans la lutte contre Daesh. Une fois l’organisation fondamentaliste largement défaite, ce soutien tactique a cessé et les populations kurdes ont dû faire face à l’armée turque dans un rapport de forces qui leur était profondément défavorable. Lorsque l’OTAN (dont sont membres une majorité des États membres de l’UE comme nous le verrons plus loin) est intervenue en Libye en 2011 dans l’objectif affiché de porter assistance à des populations en danger, les puissances étatsunienne et européennes ont largement outrepassé le cadre de l’établissement d’une « zone d’exclusion aérienne » pour lancer une offensive de grande ampleur visant à faire avancer leurs intérêts propres.
En intervenant militairement en différents endroits de la planète (y compris à travers les accords de coopération militaire avec des régimes en place), les impérialismes cherchent non seulement à maintenir leur domination économique et politique sur les pays dits du Sud tout en y renforçant les régimes autoritaires, mais aussi à démontrer l’efficacité de leurs systèmes d’armements pour leurs clients potentiels. Le commerce des armes est donc non seulement responsable de guerres indirectement (par la vente d’armes à des régimes belligérants), mais aussi directement générateur d’interventions militaires. Dans les années récentes, on peut mentionner de façon non-exhaustive la participation des États de l’UE membres de l’OTAN à la guerre en Afghanistan à partir de 2001, la participation de plusieurs États de l’UE (au premier rang desquels le Royaume-Uni et l’État espagnol) à l’invasion de l’Irak en 2003, la participation des États européens membres de l’OTAN à l’intervention militaire en Libye de 2011, l’intervention militaire de la France au Mali à partir de 2013, puis de nombreuses puissances européennes dans le pays dans le cadre de la MINUSMA, opération militaire des Nations unies, ou encore la participation de nombreux États membres de l’UE à la coalition militaire intervenant contre différents groupes djihadistes en Irak et en Syrie à partir de 2014. En outre, les armées européennes sont déployées dans de nombreux pays du globe dans le cadre des accords de coopération militaire avec des régimes en place. Ici encore, le cas de la France, qui a signé de tels accords avec de nombreux pays africains, est emblématique. Pour ceux de ces pays qui exportent des armes, ces interventions sont autant d’occasions d’exhiber l’efficacité des armements qu’ils proposent à la vente.
L’UE développe une politique de sécurité et de défense commune (PSDC). Si le projet n’a encore jamais pu aboutir à une politique militaire pleinement intégrée et à une armée commune, il permet néanmoins de renforcer la coopération militaire de ses États membres. En outre, si l’impérialisme de l’UE et de ses États membres conserve une certaine autonomie, son alignement sur l’impérialisme étatsunien constitue la règle générale. En termes d’impérialisme militaire, la majorité des États membres de l’UE sont membres de l’OTAN, et l’accession à l’OTAN des États d’Europe de l’Est et de l’ancien bloc yougoslave est de facto une précondition nécessaire à leur adhésion à l’Union européenne. L’UE permet ainsi le renforcement de la présence militaire des États-Unis et de leurs alliés aux portes de l’Afrique, du Moyen-Orient et de l’ancien bloc soviétique, et participe directement à la domination impériale de l’Occident sur le reste du monde. Ce constat ne saurait masquer que plusieurs États européens, notamment du centre de l’UE, participent eux-mêmes directement à cette domination en tant qu’États.
Ainsi, l’UE et ses États membres participent à l’établissement de sociétés de plus en plus violentes, en Europe, à ses frontières mais aussi dans le reste du monde. Dans un capitalisme dont les crises (qui lui sont inhérentes) arrivent à intervalles de plus en plus courts, le mode de domination des classes possédantes passe de moins en moins par l’acceptation de cette domination comme étant naturelle et légitime, et de plus en plus par la coercition. L’ordre social est maintenu par l’usage des armes : l’exploitation de la force de travail de l’écrasante majorité de la population mondiale est facilitée par la soumission de celle-ci à une autorité que l’on sait (potentiellement) violente, y compris dans des sociétés dotées d’institutions politiques considérées comme « démocratiques ». Il s’agit évidemment d’un choix politique des classes possédantes, qui privilégient cette militarisation des sociétés au détriment d’un développement des domaines de la reproduction sociale – santé, éducation, logements, loisirs, etc. Cette logique a été largement mise en évidence par la crise sanitaire inédite depuis plus d’un siècle qu’a constitué la pandémie de Covid-19 en 2020, durant laquelle les systèmes de santé d’États qui figurent parmi les principaux vendeurs et acheteurs d’armes au monde se sont révélés incapables de faire face à la situation. En France, la pénurie de masques et de moyens pour le personnel soignant et la population a été largement observée à l’aune de l’achat par l’État de stocks d’armes de répression pour plusieurs années.
En outre, de nombreux clients des États exportateurs d’armes sont également débiteurs de ces mêmes États et des institutions financières internationales (Banque mondiale et FMI). La dette contractée par ces États répressifs et en guerre devrait être considérée comme odieuse selon la définition du Comité pour l’abolition des dettes illégitimes (CADTM), dont il convient ici de citer un extrait : « tout prêt octroyé à un régime, fût-il élu démocratiquement, qui ne respecte pas les principes fondamentaux du droit international tels que les droits humains fondamentaux, l’égalité souveraine des États, ou l’absence du recours à la force, doit être considéré comme odieux. Les créanciers, dans le cas de dictatures notoires, ne peuvent arguer de leur ignorance et ne peuvent exiger d’être payés. Dans ce cas, la destination des prêts n’est pas fondamentale pour la caractérisation de la dette. En effet, soutenir financièrement un régime criminel, même pour des hôpitaux ou des écoles, revient à consolider son régime, à lui permettre de se maintenir. D’abord, certains investissements utiles (routes, hôpitaux…) peuvent ensuite être utilisés à des fins odieuses, par exemple pour soutenir l’effort de guerre. Ensuite, le principe de fongibilité des fonds fait qu’un gouvernement qui emprunte pour des fins utiles à la population ou à l’État – ce qui est officiellement presque toujours le cas – peut libérer des fonds pour d’autres buts moins avouables [7]. »
Pour les forces de la gauche politique et sociale qui voudraient incarner une force de changement en Europe visant à établir les bases d’une société égalitaire et solidaire, il est impératif dans ce contexte de se saisir des politiques antimilitaristes. Il s’agit de lutter non seulement contre les guerres des impérialismes européens, mais aussi contre les ventes d’armes et le soutien accordé à des régimes répressifs et en guerre. Si de telles forces pouvaient incarner des gouvernements populaires, elles devraient mettre en œuvre ces politiques afin de rompre radicalement avec un monde inégalitaire et violent. Les mesures suivantes peuvent cependant être mises en avant par les mouvements sociaux sans attendre l’établissement de gouvernements populaires.
Un gouvernement populaire d’un pays membre de l’OTAN quittera cette organisation et cessera toute coopération avec elle. Cela constitue un enjeu majeur de rupture symbolique et matérielle avec l’ordre politique existant au niveau international ; il ne s’agit de rien de moins que de « désoccidentaliser » les relations internationales en refusant l’alignement sur les intérêts de la superpuissance étatsunienne et en démontrant que des rapports internationaux de solidarité plutôt que de subjugation sont possibles.
Le commandement militaire le plus étroitement lié à l’État et à la classe capitalistes sera démis de ses fonctions et l’armée sera réorganisée sous contrôle démocratique. Si l’État est impliqué dans des guerres à l’étranger, il initiera un processus de désengagement à achever le plus rapidement possible et remplacera son action par un soutien humanitaire sous contrôle démocratique des populations concernées.
Un gouvernement populaire s’engagera en faveur d’un désarmement mondial et démantèlera son arsenal nucléaire s’il en possède un. Il socialisera l’industrie de l’armement et instaurera un moratoire sur la production et la vente d’armes à l’étranger, et reconvertira les secteurs de production d’armes offensives en privilégiant les secteurs de la reproduction sociale – santé, éducation, logement, etc. –, avec accompagnement des salarié·e·s et maintien des salaires. Il engagera des actions judiciaires rétroactives à l’encontre des responsables de la vente d’armes à des régimes criminels.
Un gouvernement populaire prendra des sanctions contre les régimes violant le droit international et les droits humains fondamentaux, en veillant à ne pas mettre davantage en danger les populations de ces régimes lorsqu’il s’agit de pays dépendants (par exemple, il appliquera des sanctions ciblées contre des individus responsables des actes du régime plutôt que des sanctions économiques indiscriminées). Il gèlera tous les liens économiques avec l’État d’Israël tant que celui-ci ne respectera pas le droit international et les résolutions des Nations unies, c’est-à-dire jusqu’à ce que l’État d’Israël reconnaisse la souveraineté de l’État palestinien dans les frontières de 1967 et le régime international de Jérusalem (ce qui signifie l’abandon des colonies israéliennes en Cisjordanie et à Jérusalem-Est), mette fin à son blocus de la bande de Gaza et à son régime d’apartheid à l’intérieur de ses propres frontières, et permette aux réfugiés palestiniens de rentrer chez eux.
Un gouvernement populaire soutiendra activement les nations et les peuples opprimés (par exemple les Palestinien·ne·s, les Kurdes, les Sahraoui·e·s, les Rohingya) par le biais d’une aide humanitaire et diplomatique. Il portera assistance aux populations dont la vie est directement menacée, y compris en prenant des mesures pour empêcher les régimes criminels de commettre des crimes de masse.
À moyen terme au niveau international, plusieurs gouvernements populaires devraient pouvoir établir un rapport de forces suffisamment fort pour entamer des négociations significatives avec des puissances oppressives en vue du règlement de problèmes nationaux (par exemple la Palestine, le Sahara occidental, le Kurdistan) et de guerres civiles prolongées (par exemple en Syrie). Il s’agira également de réformer l’ONU en profondeur (ou, le cas échéant, de la remplacer) afin d’en faire un organe visant à résoudre les conflits qui soit réellement démocratique, et non dominé par cinq puissances (États-Unis, Royaume-Uni, France, Russie, Chine) disposant d’un siège permanent et d’un droit de veto au sein du Conseil de sécurité comme c’est le cas actuellement.
[1] Cette logique donne lieu à une forte contradiction, puisque la reproduction de la force de travail indispensable à la reproduction du capitalisme nécessite la réalisation d’activités socialement utiles au plus grand nombre (préparation de nourriture, soins de santé, éducation et accès à la culture, travail émotionnel, etc.). Le capitalisme patriarcal cherche à résoudre cette contradiction de différentes manières, parmi lesquelles on retrouve en particulier l’attribution de ces tâches aux femmes et minorités de genre au sein de la sphère familiale via un travail non-reconnu et non-rémunéré, et la marchandisation des services publics.
[2] En 1848, Karl Marx et Friedrich Engels écrivaient à ce propos : « Avant tout, la bourgeoisie produit ses propres fossoyeurs. » (Le Manifeste du Parti Communiste, disponible sur marxists.org).
[3] « Serge Dassault (LR) : « Merci M. Le Drian, merci M. Hollande » », Public Sénat, 22 janvier 2016, cité dans Claude Serfati, Le militaire. Une histoire française, Paris, Éditions Amsterdam, 2017.
[4] Pieter D. Wezeman, Aude Fleurant, Alexandra Kuimova, Diego Lopes Da Silva, Nan Tian, Simon T. Wezeman, Trends in International Arms Transfers, 2019, SIPRI Fact Sheet, mars 2020.
[5] Égypte : une répression made in France, FIDH, juin 2018. URL : https://www.fidh.org/fr/regions/maghreb-moyen-orient/egypte/egypte-une-repression-made-in-france
[6] Outre les armes légères, quelques armes anti-char semblent avoir été délivrées à l’opposition armée à Bachar Al-Assad malgré le refus des États-Unis. Mais les divers signalements de ces armes aux mains de groupes armés dans une courte période de temps ne constituent pas la preuve d’une abondance de ces livraisons – on pourrait au contraire penser qu’une telle publicisation a tenu au caractère exceptionnel de la chose.
[7] Éric Toussaint, « La dette odieuse selon Alexandre Sack et selon le CADTM », cadtm.org, 18 novembre 2016. URL : http://www.cadtm.org/La-dette-odieuse-selon-Alexandre