Interview d’Éric Toussaint par Manoel Barbeitos de la Revue Tempos dixital.
Certains font valoir que la crise actuelle de l’économie capitaliste mondiale est causée par la pandémie du coronavirus. Partagez-vous ce point de vue ?
Toute affirmation doit être basée sur une analyse rigoureuse. Dans la phase actuelle de la crise, il est vrai que la pandémie joue le rôle principal. Sans aucun doute. Mais début mars 2020, avant le confinement décrété en Espagne, en France, en Belgique, aux États-Unis et ailleurs... les médias ont tenté de dire que tout ce qui allait se passer au niveau économique était causé par le virus. À l’époque, j’ai expliqué que même avant la pandémie, le système capitaliste mondial traversait une forte crise multidimensionnelle. Par exemple, depuis le premier semestre 2019, la production industrielle avait chuté dans plusieurs économies-clés, avec une réduction de la production en Allemagne et dans plusieurs branches industrielles aux États-Unis, ce qui signifie une véritable récession dans ces pays et, aussi, une baisse de la croissance en Chine. Nous étions également au bord d’une crise financière majeure. Avant le confinement tous les marchés boursiers du monde ont chuté. Entre le 15 février et le 17 mars, il y a eu une baisse de 30 à 40 % en un mois, à l’exception de la Chine où la baisse a été plus faible. La baisse a été générale en Europe et aux États-Unis et tout cela avant le confinement.
La crise provoquée par le virus corona ne s’est pas produite dans un ciel bleu mais dans un ciel plein de nuages et avec des éléments d’orages électriques
Tout cela devrait permettre de comprendre que la crise provoquée par le virus corona ne s’est pas produite dans un ciel bleu mais dans un ciel plein de nuages et avec des éléments d’orages électriques qui, à tout moment, pouvaient provoquer une crise financière encore plus importante que la chute des marchés boursiers et de la crise bancaire de 2007-2008.
C’est une exagération et il est faux de dire que le virus corona est une excuse pour couvrir la crise du capitalisme. Ceux qui disent cela se trompent, mais aussi ceux qui prétendent que tout vient du coronavirus. Nous devons procéder à une analyse nuancée comme nous venons de le faire.
Dans ce nouveau scénario mondial, l’Union européenne joue un rôle de plus en plus secondaire ?
Cette déclaration doit également être nuancée. Il est clair que les deux économies dominantes dans le monde sont les États-Unis et la Chine, mais l’Europe est en troisième position. La Chine est en train de dépasser l’Europe, c’est vrai, mais ce serait une erreur de parler de l’Europe comme d’une périphérie. Il n’en est rien. L’Europe est une puissance impérialiste qui domine une grande partie de l’Afrique et influence plusieurs pays d’Amérique latine, du Moyen-Orient et d’Asie. Il convient également de souligner qu’au sein de l’Union européenne, il existe une relation entre le centre et la périphérie.
Sur le plan économique, la voie suivie par l’UE aurait été conditionnée depuis plus d’une décennie par les intérêts de l’Allemagne qui, avec la troïka (FMI, BCE, CE), tracerait d’une main de fer le chemin à suivre. Partagez-vous ce point de vue ?
Je ne suis pas d’accord avec cette déclaration. Je pense que c’est le grand capital des plus grandes économies européennes qui domine l’Union européenne : les grandes entreprises privées, les grandes entreprises européennes. Dans ce cadre, les entreprises allemandes sont importantes, mais il existe aussi de grandes entreprises capitalistes dans d’autres pays. Il est très important de ne pas réduire le problème à l’Allemagne, la contradiction n’est pas l’Allemagne par rapport aux autres pays européens. C’est le grand capital européen, les grandes entreprises européennes, contre les peuples d’Europe. Même le peuple allemand est également victime de la précarisation du travail...
Il est très important de ne pas réduire le problème à l’Allemagne. C’est le grand capital européen contre les peuples d’Europe
La construction capitaliste de l’Union européenne n’a pas été faite uniquement par l’Allemagne. Le gouvernement français, complice du grand capital français, a également participé activement à la construction de l’Union européenne et les autres gouvernements européens qui sont tous sur une ligne pro-capitaliste sont eux aussi favorables aux traités signés. Le président du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, s’est comporté exactement de la même manière que le ministre allemand de l’économie et des finances, Wolfgang Schäuble, face à la Grèce en 2015, sous le gouvernement de Syriza. Le gouvernement espagnol a été l’un des plus durs face aux exigences de liberté du peuple grec.
C’est pourquoi, pour moi, la lutte est contre la logique capitaliste de l’Union européenne. Quand vous devez dénoncer le comportement du gouvernement allemand, vous devez le faire. Mais il faut aussi avec les mêmes critères dénoncer les gouvernements espagnol, italien ou français... Les gouvernements belges successifs sont également totalement favorables à la logique capitaliste de l’Union européenne. C’est pourquoi l’ancien Premier ministre belge Charles Michel assure la présidence du Conseil européen, car il s’inscrit dans la même orientation que Juncker, ancien Premier ministre du Luxembourg et ancien président de la Commission européenne (2014-2019), ou Barroso, ancien Premier ministre du Portugal et ancien président de la Commission européenne (2009-2014) ... Ces gouvernements s’alignent sur la logique capitaliste... comme c’est le cas actuellement du gouvernement de la Grèce de K. Mitsotakis.
Il semble que la pandémie soit celle qui bouscule certains postulats néolibéraux, comme ceux du FMI. Comment évaluez-vous ces nouvelles positions publiques du FMI ?
Le FMI est un spécialiste de la production de documents qui ne reflètent pas la position du FMI... Ce sont des documents de travail, des déclarations... Si vous lisez attentivement ces documents, il est chaque fois indiqué que le contenu du document n’engage pas la responsabilité du FMI. Le FMI dit une chose et en fait une autre. Ce qui est sûr c’est qu’il va continuer ses politiques antisociales de réforme structurelle. Ce qu’ils appellent des réformes, ce sont en fait des contre-réformes antisociales, ce sont des attaques contre les acquis sociaux. Le FMI veut continuer dans cette direction sur des questions telles que la sécurité sociale, les pensions et les relations de travail. En bref, le FMI intervient en faveur du grand capital contre les classes populaires et en faveur des grandes puissances qui veulent poursuivre leur domination sur les peuples et les pays considérés comme périphériques.
Le FMI est un spécialiste de la production de documents qui ne reflètent pas la position du FMI...
Mais il y a un changement évident, comme la non-application temporaire des objectifs d’austérité budgétaire, le non-respect de la limite du pourcentage de la dette et du déficit par rapport au PIB, car le FMI sait que c’est une condition pour maintenir à flot les grandes entreprises, ainsi que les créanciers, qui sont les grandes banques privées (que ce soit Goldman Sachs, Bank of America, Deutsche Bank, BNP Paribas, HSBC, Santander, BBVA, Barclays...) et les grands fonds d’investissement (comme BlackRock ou Blackstone).
Que peut-on attendre de la BCE dans cette crise, y a-t-il vraiment un changement dans ses postulats dogmatiques ? Pourquoi ?
Pour la BCE, la préoccupation centrale est de maintenir la zone euro, de sauver les banques privées en injectant de l’argent, et elle le fait de manière incroyable. Les gens ne savent pas que non seulement les banques reçoivent un crédit normal à taux zéro, mais qu’en plus la BCE leur a prêté des centaines de milliards € à un taux négatif de -1 % (dans le cadre des crédits LTRO).
Au cours des derniers mois, la BCE a prêté aux grandes banques privées des centaines de milliards € à un taux négatif de -1 %
Cela s’est produit au cours des derniers mois. Les grandes banques privées européennes seraient une fois de plus au bord de la faillite s’il n’y avait pas l’intervention de la BCE, qui fait tout ce qui est nécessaire pour aider les banques privées et encourager davantage la concentration bancaire, comme c’est le cas actuellement en Espagne avec la fusion entre Bankia et Caixa.
La Commission européenne annonce que les objectifs budgétaires fixés dans le TSCG (traité de stabilité, de coordination et de gouvernance) sont « retardés ». Cette supposée flexibilité, telle que vous l’évaluez, que signifie-t-elle ?
Il est clair que la Commission européenne a suspendu l’application des derniers pactes et traités sur le déficit budgétaire et la dette. C’est vrai. Mais il est également vrai que nous devons analyser dans quelle direction vont les dépenses publiques. Vont-elles dans le sens de l’amélioration des conditions de vie des gens ou servent-elles principalement à défendre les grands actionnaires des grandes entreprises ? Comme vous le savez, il existe un plan d’aide de plusieurs centaines de milliards d’euros pour les grandes entreprises. Par exemple, Lufthansa (Allemagne) reçoit 9 milliards, Renault 8 milliards, Air France 5 milliards, KLM 3 milliards... Il est vrai qu’il y a des dépenses d’indemnisation du chômage et nous ne sommes pas contre ce type de dépenses, mais nous considérons que les gouvernements devraient les récupérer par le biais d’une taxe sur les riches et les grandes entreprises. Il est de la responsabilité de l’entreprise capitaliste de payer ses employés. Les gouvernements augmentent les dépenses publiques et la dette publique sous prétexte d’aider les gens alors que ce n’est pas le cas. Cette augmentation des dépenses publiques est illégitime car elle favorise une minorité privilégiée. D’un autre côté, il faut dire que cette aide de plusieurs centaines de milliards d’euros aux entreprises n’est pas conditionnée par le fait de ne pas licencier des travailleurs, et donc les mêmes entreprises qui reçoivent une aide de plusieurs milliards annoncent des milliers de licenciements. Qui va payer ces chômeurs ? Ils vont être payés avec des dépenses publiques qui vont augmenter la dette, de sorte que dans deux ans, on vous dira : « Mesdames, Messieurs, la dette augmente de façon extraordinaire, de sorte que nous devons prendre, une fois de plus, de fortes mesures d’austérité ». Pour ces raisons, nous devons dénoncer ce faux virage vers des politiques plus humaines alors qu’en réalité, c’est la poursuite de politiques injustes du point de vue social. C’est une chose qui doit être rejetée.
Il semble qu’une certaine ouverture vers une formule de mutualisation des dettes publiques par le biais du « plan de relance » était acceptée. Est-ce vrai ? Comment pouvons-nous l’interpréter ?
Les crédits du FMI ou de la BCE sont conditionnés à la réalisation des plans d'ajustement structurel selon l'idéologie néolibérale. C'est un cadeau empoisonné, c'est un faux cadeau. Alors que c’est le moment d’abandonner pour toujours les politiques néolibérales
Il est clair que dans l’accord du 21 juillet 2020, les chefs de gouvernements ont décidé que la Commission européenne pouvait contracter une dette au nom de l’Union européenne. C’est quelque chose de nouveau, mais il y a un mais très important. Tout cela est extrêmement conditionnel. Ainsi, par exemple, l’État espagnol, pour avoir accès à cet argent emprunté à la Commission européenne ou transféré directement sous forme de don, devra se soumettre à nouveau à l’accord des autres gouvernements et parmi ceux-ci vous aurez l’Allemagne, la Hollande, la Finlande, l’Autriche... qui vont demander à l’Espagne, l’Italie, le Portugal... des réformes structurelles sur les retraites, les contrats de travail, etc. C’est ainsi que les crédits du FMI ou de la BCE sont conditionnés à la réalisation des plans d’ajustement structurel selon l’idéologie néolibérale. C’est un cadeau empoisonné, c’est un faux cadeau. Alors que c’est le moment d’abandonner pour toujours les politiques néolibérales.
En Espagne, le système bancaire est désormais plongé dans un nouveau processus de concentration par le biais de fusions qui touchent les grandes banques. Comment analysez-vous ces fusions ?
Ils répondent à d’autres logiques totalement contraires à l’intérêt général des citoyens. Une plus grande concentration bancaire est totalement contraire aux intérêts des utilisateurs des services bancaires et est en général contraire aux intérêts du peuple. Pourquoi ? Parce qu’elle augmente le pouvoir d’influence de ces banques, leur capacité d’influence. En Espagne, vous savez que dorénavant Santander, BBVA et la banque issue de la fusion Caixa-Bankia contrôleront presque tout, décideront des règles du jeu, imposeront leurs conditions à leurs utilisateurs.
En outre, elles pourront encore plus faire chanter le gouvernement en le menaçant d’un risque de faillite qui aurait des effets catastrophiques. Ce que font ces banques est particulièrement spéculatif, notamment les investissements sur les marchés boursiers, l’achat et la vente de titres de créance publics et privés, etc. Cela doit changer radicalement.
Certains d’entre nous pensent qu’étant donné la dimension que ces fusions atteignent (« too big to fail »), les risques bancaires et économiques augmentent. Partagez-vous cet avis ?
Il est tout à fait clair qu’au cours des quarante dernières années, l’évolution vers des banques qui prennent de plus en plus de risques dans la spéculation pure s’accélère. Elles n’aident pas du tout l’économie réelle. C’est pourquoi je préconise un changement radical en ce qui concerne le secteur bancaire.
Avec ces fusions, nous nous éloignons en Espagne de la possibilité d’avoir une banque publique ?
En expropriant la famille Bottin propriétaire de Santander et les grands actionnaires de BBVA ou de la nouvelle entité issue de la fusion Bankia-Caixia …, on pourrait presque contrôler l’ensemble du système bancaire espagnol
Il est clair qu’elle s’éloigne, sauf que, heureusement, il y a un autre côté de la médaille qui est que si nous avions un gouvernement du peuple, il serait beaucoup plus facile de socialiser le secteur bancaire puisqu’il n’y aurait pas besoin de socialiser 50 banques. En expropriant la famille Bottin propriétaire de Santander et les grands actionnaires de BBVA ou de la nouvelle entité issue de la fusion Bankia-Caixia …, on pourrait presque contrôler l’ensemble du système bancaire espagnol. Ils construisent des monstres financiers, mais si nous avions un gouvernement vraiment populaire et courageux, il aurait une tâche bien plus facile qu’auparavant pour exproprier ces gens parce qu’ils sont peu nombreux.
Les mesures approuvées par la Commission européenne et la BCE dans le sillage de la pandémie vont encore faire monter en flèche les dettes publiques et privées ?
Oui, bien sûr. L’explication est simple, elle concerne le mode de financement du budget de l’État. La dette est liée aux revenus de l’État. Les gouvernements actuels veulent aider les capitalistes à s’enrichir et décident d’alléger les impôts sur les bénéfices des grandes entreprises. Comme ces gouvernements ne veulent pas imposer les fortunes et les profits des plus riches, le budget repose alors sur deux piliers : d’une part, un impôt qui touche davantage les classes populaires, comme la TVA, ainsi qu’un impôt sur les salaires, et, d’autre part, la dette. Cette dette va augmenter énormément parce que nous avons des gouvernements qui refusent de prendre des mesures fortes d’imposition sur les grandes fortunes et sur les bénéfices des grandes entreprises. La dette de l’État espagnol va donc augmenter très fortement, comme c’est le cas dans les autres pays européens et aux États-Unis.
Nous (CADTM) sommes contre l’augmentation de cette dette. Si la dette publique devait servir le peuple et s’il existait une justice fiscale avec une participation proportionnelle aux impôts des plus riches, nous pourrions considérer qu’il est normal que la dette publique augmente. Mais l’augmentation actuelle de la dette espagnole avec le gouvernement Sanchez-Iglesias, comme auparavant avec le gouvernement Rajoy et le gouvernement Zapatero, est une augmentation illégitime. Je suis très critique à l’égard des politiques de Pedro Sánchez et de Pablo Iglesias. Malgré leurs discours, ils continuent à donner les cadeaux au 1 % le riche, et c’est totalement injuste.
Quelles sont les conséquences pour les États et les citoyens (familles et sociétés non financières) ?
Les dettes des familles populaires augmentent aussi considérablement. Actuellement, en Espagne, on assiste à une amplification des allocations de chômage. Cela compense la perte de revenu, mais pas complètement. Avant, les gens avaient des salaires insuffisants, beaucoup de gens travaillaient avec des contrats précaires et de faibles salaires. Maintenant la situation est pire. Dans la situation actuelle, les personnes qui veulent maintenir leur niveau de vie et payer des dépenses telles que les soins de santé doivent s’endetter pour rembourser l’hypothèque. Ils doivent maintenant demander un crédit en contractant de nouvelles dettes pour continuer à rembourser les anciennes. Pour toutes ces raisons, je pense qu’il y a toute une partie des dettes des ménages populaires qui peuvent être considérées comme des dettes illégitimes qu’il faudrait annuler. C’est pourquoi j’ajoute des arguments en faveur de la socialisation des banques privées ou de l’expropriation des grands actionnaires, car si vous transformez ces banques privées en services publics, il est très facile d’annuler la dette.
Dans la situation actuelle, les personnes qui veulent maintenir leur niveau de vie et payer des dépenses telles que les soins de santé doivent s’endetter pour rembourser l’hypothèque. Ils doivent maintenant demander un crédit en contractant de nouvelles dettes pour continuer à rembourser les anciennes
Les banques privées ne voudront pas annuler les dettes des familles. Il y a donc deux possibilités. La première est que les familles à faible revenu qui ont un niveau d’endettement insoutenable aient le droit, en vertu de la loi, de faire annuler leur dette. L’autre, qui n’est pas contradictoire, consiste à exproprier les grands actionnaires des banques et à transformer les banques privées en service public. Selon le CADTM, cela ne devrait pas être une banque publique, mais un service public de banque et d’assurance. Un service public tel que, par exemple, le service public de l’éducation et de la santé. Dans ce cas, il faudrait exproprier le secteur hospitalier privé et les grandes entreprises pharmaceutiques....
Pour conclure, quelles positions les forces politiques et sociales progressistes de l’Europe devraient-elles adopter dans ce contexte ?
Les priorités doivent être définies. Nous devons partir des besoins des personnes qui ont besoin d’être protégées contre une crise sanitaire très grave. Les gens doivent améliorer leurs conditions de vie, leurs revenus. Les gens doivent avoir accès à des services publics de qualité. Il faut aussi combattre la crise écologique, le changement climatique. Cela permet de définir les priorités.
Parmi les mesures immédiates, il faudrait une taxe exceptionnellement forte sur les grandes propriétés, les revenus les plus élevés et les bénéfices des grandes entreprises
En outre, les forces progressistes doivent prôner la socialisation, par le biais de l’expropriation, du secteur privé de la banque et de l’assurance. La seconde serait l’expropriation et la socialisation du secteur énergétique, de la production et de la distribution d’énergie, afin d’assurer un service d’éclairage électrique, de chauffage, etc. respectant les intérêts de la population et en abandonnant les combustibles fossiles et la production nucléaire. Il faut produire de l’énergie d’une manière propre compatible avec la nature et en utilisant des petits centres de production énergétiques proches des gens, ce qui est parfaitement possible.
Le secteur pharmaceutique doit être socialisé au niveau international, européen et national. Les grands laboratoires devraient être des services publics. La recherche d’un vaccin devrait être financée au niveau public et le résultat, le vaccin, devrait être exempt de droits de propriété intellectuelle, de brevets, et devrait être le patrimoine commun de l’humanité.
Parmi les mesures immédiates, il faudrait une taxe exceptionnellement forte sur les grandes propriétés, les revenus les plus élevés et les bénéfices des grandes entreprises. Il faudrait également un plan de création d’emplois basé sur la lutte contre le changement climatique, la crise sanitaire... ce qui implique d’augmenter l’emploi dans le secteur de la santé, dans tout ce qui a trait à la transition écologique, au logement et à sa réhabilitation afin d’avoir moins de consommation d’énergie.
Et la dette ?
Bien sûr. Nous devons suspendre le paiement de la dette publique pour éviter de continuer à la payer avec des impôts, pour éviter de continuer à financer le budget avec de nouvelles dettes. Nous devons également procéder à un audit de la dette avec la participation des citoyens.
Il est essentiel de ne pas penser uniquement aux intérêts des peuples européens, de revoir la question de l’immigration et des droits des réfugiés, dénoncer cette Europe inhumaine et la changer radicalement
En ce qui concerne les dettes des classes populaires, des mesures d’annulation de la dette doivent être approuvées pour les familles à faibles revenus.
Autre chose que vous voulez ajouter ?
Je dirais qu’il est essentiel de ne pas penser uniquement aux intérêts des peuples européens. Je pense qu’il est essentiel de revoir la question de l’immigration et des droits des réfugiés. Lutter contre la forteresse Europe et dénoncer cette Europe inhumaine... égoïste qui condamne à mort des milliers de personnes qui tentent de traverser la Méditerranée ou d’autres frontières. Cette politique européenne doit être dénoncée et changée radicalement. Nous devons également changer complètement les relations entre les pays européens et les autres pays, avec l’Afrique, avec le Moyen-Orient, avec l’Asie, avec l’Amérique latine. Les dettes que les pays européens réclament aux peuples du Sud doivent être annulées. Nous devons même penser en termes de compensation pour tout le pillage qui a existé pendant des siècles et qui continue d’exister.
Docteur en sciences politiques des universités de Liège et de Paris VIII, porte-parole du CADTM international et membre du Conseil scientifique d’ATTAC France.
Il est l’auteur des livres, Banque mondiale - Une histoire critique, Syllepse, 2022, Capitulation entre adultes : Grèce 2015, une alternative était possible, Syllepse, 2020, Le Système Dette. Histoire des dettes souveraines et de leur répudiation, Les liens qui libèrent, 2017 ; Bancocratie, ADEN, Bruxelles, 2014 ; Procès d’un homme exemplaire, Éditions Al Dante, Marseille, 2013 ; Un coup d’œil dans le rétroviseur. L’idéologie néolibérale des origines jusqu’à aujourd’hui, Le Cerisier, Mons, 2010. Il est coauteur avec Damien Millet des livres AAA, Audit, Annulation, Autre politique, Le Seuil, Paris, 2012 ; La dette ou la vie, Aden/CADTM, Bruxelles, 2011. Ce dernier livre a reçu le Prix du livre politique octroyé par la Foire du livre politique de Liège.
Il a coordonné les travaux de la Commission pour la Vérité sur la dette publique de la Grèce créée le 4 avril 2015 par la présidente du Parlement grec. Cette commission a fonctionné sous les auspices du parlement entre avril et octobre 2015.