Un an après le sommet du G8 à Edimbourg
Le développement des pays pauvres accentué par le poids de la dette et des politiques néo-libérales doit se faire par une annulation à 100% de la dette extérieure et l’établissement d’un partenariat équitable entre les pays du nord et ceux du sud.
Au sommet du G8 à Toronto en 1988, les pays riches reconnaissent que la dette est un problème pour les pays du Sud. Dans le but de rétablir les équilibres macro économiques, le FMI fut la première institution financière internationale à imposer à nos pays un plan d’ajustement structurel (PAS) dont l’objectif est « de redresser, de stabiliser et d’assainir la situation économique et financière du pays ».
Ensuite ce fut la Banque Mondiale qui est venue en appoint par le financement de programme de développement. Un constat dans ces différents programmes est que les priorités s’appuient sur les concepts de croissance, de libéralisation, de désengagement de l’Etat, de privatisation, d’intégration régionale et d’ouverture sur le marché mondial, en s’appuyant sur le modèle néo-libéral sans pourtant permettre de relancer cette croissance et de réduire le déficit budgétaire de l’Etat.
La dette étant reconnue comme un problème pour nos pays, le Club de Paris et les pays riches proposent alors quelques mesures d’allègement et de ré-échelonnement qui s’avèreront insuffisantes. Ainsi, on note différentes opportunités :
Conditions de Toronto : Annulation de 33% des échéances du service de la dette sur la période indiquée dans le tableau (16 mois en 1988 et 26 mois en 1989),
Conditions de Trinidad : Annulation de 50% des échéances du service de la dette sur la période indiquée dans le tableau (35 mois),
Conditions de Naples : Annulation de 67% de la dette éligible, Plusieurs déclarations entres autres de solidarité en faveur des populations dites pauvres et très pauvres de la planète ont été adoptées par les chefs d’Etats des pays riches dont :
L’initiative 20%-20% au sommet mondial pour le développement social à Copenhague en mars 1995,
L’initiative PPTE de 1996 (PPTE I)conçue par la Banque Mondiale et le FMI
L’initiative PPTE de 1999 (PPTE II) et ses facilités de croissance et de réduction de la pauvreté adopté encore par la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire Internationale,
La dette du Mali est restée insoutenable.
Le Gouvernement Malien a soumis en 1997 aux Institutions de Bretton Woods un dossier en vue de bénéficier des facilités prévues au titre de l’initiative sur la dette des pays pauvres très endettés (PPTE I) et le pays a été admis à cette initiative PPTE en septembre 1998.
Tous ces grands engagements et déclarations n’ont pas jusqu’à présent été respectés par les différents partenaires au niveau bilatéral et multilatéral. Le constat aujourd’hui est que les inégalités sociales et économiques dans les pays du Tiers monde et dans le monde ont augmenté.
Ces pays dit pauvres sont de plus en plus affectés par le cercle vicieux de la dette entraînant un renforcement de leur dépendance vis à vis des pays riches. La politique de lutte contre la pauvreté appelée Initiative PPTE adoptée en 1996 prévoyait l’allègement de la dette extérieure de 42 pays classés pays pauvres très endettés par la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International suivant les Facilités d’Ajustement Structurel Renforcés (FASR), remplacées par les Facilités pour la Réduction de la Pauvreté et la Croissance (FRPC) cela depuis la réunion de septembre 1999 à Cologne du G7/G8.
Une des conditions d’accès aux fonds issus de l’annulation des PPTE était que chaque Pays classé PPTE doit présenter à la Banque Mondiale un document stratégique de réduction de la pauvreté intitulé au Mali Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté (CSLP). Le pays concerné doit aussi avoir une dette soutenable et le processus du CSLP doit être participatif.
Dans le cas malien, élu pays pauvre très endetté (PPTE) en septembre 1998, le Gouvernement du Mali a élaboré en juin 2000 un document intérimaire du CSLP. Le document a été adopté en juillet 2000 et envoyé au conseil d’administration de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire International le mois de septembre 2000. Un CSLP final a été adapté en mai 2002 par le Gouvernement du Mali. Notre pays a atteint le point d’achèvement en mars 2003, et en mars 2004 il a bouclé sa première année d’exécution du CSLP.
Cependant, le pays connaît une ascension du service de sa dette : de 43,6 milliards de FCFA en 1998, il atteint 77,8 en 2002.
Montant des allégements accordés et prévisions en milliards de francs fcfa et le service de la dette
années | 2000 | 2001 | 2002 | 2003 | 2004 | 2005 | 2006 |
---|---|---|---|---|---|---|---|
Montant allégement | 2. 609 | 23. 058 | 27.538 | 29.2 | 24. 272 | 4.532 | 24. 708 |
Service de la dette | 59.5 | 70 | 77.8 | 56.6 | 93 | 97.4 | // // |
Malgré ces allégements de dette obtenus auprès des créanciers, le service de la dette continue à s’accroître. De la date à laquelle le Mali a été éligible 1998 à l’année 2001, l’accroissement du service de la dette a été de 54,7 % selon les services de la Direction Nationale de la Dette Publique. L’initiative PPTE qui fête ses 10 ans (1996-2006) n’a pas permis ni d’augmenter la croissance ni de réduire la pauvreté.
Les montants alloués jusqu’à présent sont minimes par rapport aux décaissements budgétaires relatif au remboursement de la dette et c’est une gymnastique très dure pour nos états, puisque c’est lié au problème de trésorerie.
En fait, cet allègement n’est pas suffisant et n’apporte aucune recette supplémentaire au budget de l’Etat Malien. L’allègement attendu par le pays est estimé à 539 millions de dollars en valeur actualisée, soit environ 241,5 Milliards de FCFA en ce qui concerne l’Initiative PPTE.
En 2005, le sommet du G8 de Gleneagles annonçait une initiative « historique » d’annulation de la dette de certains pays pauvres envers la Banque Mondiale, le FMI et la Banque Africaine de Développement (BAD). Cette annonce concernait 17 pays : 13 en Afrique dont le Mali et 4 en Amérique Latine.
Un an plus tard, on est loin du compte. Des discussions importantes sur les détails de l’opération ont fait l’objet au sein du FMI (qui a arrêté sa décision pour le 21 décembre 2005), la BAD (19 Avril 2006) et la Banque Mondiale (le 21 Avril 2006).
Alors que le Ministre Britannique Gordon Brown avait rassuré le 11 juin 2005 que les 40 milliards de dette seraient immédiatement effacées, le FMI a fait 6 mois pour prendre une décision ; les créanciers les plus importants : la Banque Mondiale et la BAD ont attendu dix (10) mois. C’est le 1er juillet 2006, date de mise en œuvre de leurs annonces excluant les dettes de l’année 2004, réduisant ainsi de 5 milliards de dollars le montant à annuler.
Au final, force est de constater que cette initiative ne résoud rien et s’inscrit dans le prolongement de l’IPPTE et comporte les mêmes limites.
On ne sait plus quel serait le montant réel à annuler et pendant combien de temps les pays pourront en bénéficier ? En juin 2005 le G8 annonçait l’annulation de 55 Mds de dollars de dette multilatérale, mais un an après, le G8 à travers ses institutions financières internationales ont réduit le montant de 5 Millions de dollars environ. Les produits s’étaleront sur plusieurs dizaines d’années concernant les prêts de la Banque Mondiale et la BAD. Elle va déboucher sur une réduction des remboursements de dette sur les 40 prochaines années pour les 19 pays concernés.
A St Petersbourg (Russie), le sommet du G8 va notamment chercher à avancer vers un accord sur le cycle de Doha en discussion à l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), cycle imposant une libéralisation accrue de l’économie mondiale et pénalisant durement les pays les plus pauvres contraints de se soumettre davantage aux intérêts des plus puissants. Le président de la Banque mondiale, Paul Wolfowitz, a même écrit aux dirigeants du G8 et des 5 pays en développement pour leur demander avec fermeté d’inclure ces points dans les discussions.
Certaines réflexions sur les enjeux géostratégiques (Iran, Liban, Corée du Nord...), énergétiques (pétrole, gaz naturel...) et commerciaux (cycle de Doha, adhésion prochaine de la Russie à l’OMC) sont les priorités des pays du G8 bien plus que les problèmes de dette dont ils reconnaissent son impact en terme d’un handicap pour le développement socio-économique de nos pays.
Les derniers chiffres publiés par la Banque Mondiale montrent une dette extérieure des pays en développement beaucoup plus élevée qu’avant : 2800 milliards de dollars.
Cela n’empêche au G8 d’organiser la poursuite de la main mise du FMI et de la Banque Mondiale sur l’économie des pays du Sud, rendant impossible toute forme de développement juste et durable.
La dette constitue un outil de subordination et de domination de nos pays par les pays riches et les propositions faites jusqu’à maintenant ne constituent pas des solutions.
Est-ce qu’il n’est pas intéressant de réfléchir comment :
rompre avec la dépendance financière par rapport au nord,
refuser le paiement de la dette extérieure,
mettre en place une autre logique économique, respectueuse de l’être humain et de son environnement,
instaurer un audit de la dette extérieure de nos pays.
Les pays riches réunis au sein du G8 ne doivent en aucun cas bloquer le développement de nos pays déjà appauvris par leurs politiques néolibérales. Ils doivent tenir au respect de leur engagement ; procéder à l’annulation à 100 % de la dette extérieure de tous les pays endettés ; construire des partenariats équitables entre le Nord et le Sud.
Barry Aminata Touré
Présidente de la Coalition des Alternatives Dette et Développement CAD-Mali.
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Quartier Djélibougou, B.P.E1539 Bamako, Mali
Document publié le 1er août 2006, par www.penserpouragir.org