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Initiatives PPTE et allègement de la dette - nouveau mécanisme de subordination des pays pauvres
par Faustin Kuediasala
7 septembre 2006

Le problème de la dette excessive des Pays pauvres très endettés (PPTE) met désormais en danger le système des paiements internationaux.

Diverses solutions de traitement de la dette extérieure de ces pays ont été successivement mises en place visant à limiter les pertes pour les créanciers sans exclure les PPTE de la communauté internationale. Le Comité pour l’annulation de la dette du tiers-monde (CADTM), une Ong européenne, a posé une fois de plus, dans son dernier bulletin d’information, des questions sur le mécanisme mis en place par la communauté financière internationale pour rendre « soutenable » — selon leurs termes — le poids de la dette extérieure dans les pays en développement. Dans une analyse proposée par Barry Aminata Touré [1], le CADTM pense que, un an après le sommet du G8 à Edimbourg, le développement des pays pauvres accentué par le poids de la dette et des politiques néo-libérales doit se faire par une annulation à 100% de la dette extérieure et l’établissement d’un partenariat équitable entre les pays du nord et ceux du sud.

La communauté internationale a pris conscience du fait que le problème de la dette extérieure des pays très pauvres et très endettés (PPTE) doit être résolu dans l’intérêt de tous. Depuis deux décennies, des politiques de rééchelonnement et d’annulation partielle ont été mises en œuvre. Le sommet de Cologne (1999) a défini une nouvelle initiative visant à annuler les dettes insoutenables : « l’Initiative renforcée sur la dette des PPTE ». Celle-ci implique un nouveau coût pour les créanciers et un risque de ralentissement de l’aide publique au développement future.

Bien avant, au sommet du G8 à Toronto en 1988, les pays riches ont reconnu que la dette est un problème pour les pays du Sud. Dans le but de rétablir les équilibres macro-économiques, le Fonds monétaire international (FMI) fut la première institution financière internationale à imposer à nos pays un Plan d’ajustement structurel (PAS) dont l’objectif est « de redresser, de stabiliser et d’assainir la situation économique et financière du pays ».

Ensuite ce fut la Banque mondiale qui est venue en appoint par le financement des programmes de développement. Un constat dans ces différents programmes est que les priorités s’appuient sur les concepts de croissance, de libéralisation, de désengagement de l’Etat, de privatisation, d’intégration régionale et d’ouverture sur le marché mondial, en s’appuyant sur le modèle néo-libéral sans pourtant permettre de relancer cette croissance et de réduire le déficit budgétaire de l’Etat.

VIEILLES PROMESSES DU G8

En juin 1999 au G7 de Cologne, les argentiers du monde s’étaient engagés à répondre positivement à la pétition de 17 millions de signatures (la plus grande de toute l’histoire de l’Humanité) déposée par la coalition Jubilé 2000 : 90% de la dette des pays pauvres devaient être annulés au cours de l’année 2000, grâce à l’application de l’initiative PPTE. L’effort annoncé s’élevait à 100 milliards de dollars. Plusieurs pays annoncèrent jusqu’à 100% d’annulation. Pourtant, derrière ses effets d’annonce se cache une initiative complexe n’aboutissant pas à une réduction significative de l’endettement et de la pauvreté des pays pauvres.

La dette étant reconnue comme un problème pour les pays pauvres, le Club de Paris et les pays riches sont allés jusqu’à élaborer quelques mesures d’allègement et de ré-échelonnement qui se sont par la suite avérées insuffisantes. La dernière trouvaille est l’Initiative en faveur des Pays pauvres très endettés, dont le format révisé, dit renforcé, date de 1999. A ses côtés, l’on retrouve le FMI et la Banque mondiale avec leur Facilité de croissance et de réduction de la pauvreté.

En 2005, le sommet du G8 de Gleneagles annonçait une initiative « historique » d’annulation de la dette de certains pays pauvres envers la Banque mondiale, le FMI et la Banque africaine de développement (BAD). Cette annonce concernait 17 pays : 13 en Afrique et 4 en Amérique Latine.

Un an plus tard, on est loin du compte. Des discussions importantes sur les détails de l’opération ont fait l’objet au sein du FMI (qui a arrêté sa décision pour le 21 décembre 2005), la Banque africaine de développement (19 avril 2006) et la Banque mondiale (le 21 avril 2006).

Alors que le ministre britannique des Finances Gordon Brown avait rassuré le 11 juin 2005 que les 40 milliards de dette seraient immédiatement effacées, le FMI a fait 6 mois pour prendre une décision ; les créanciers les plus importants : la Banque mondiale et la BAD ont attendu dix (10) mois. C’est le 1er juillet 2006, date de mise en œuvre de leurs annonces excluant les dettes de l’année 2004, réduisant ainsi de 5 milliards de dollars le montant à annuler.

Au final, force est de constater que cette initiative ne résout rien et s’inscrit dans le prolongement de l’initiative PPTE et comporte les mêmes limites.

On ne sait plus quel serait le montant réel à annuler et pendant combien de temps les pays pourront en bénéficier. En juin 2005 le G8 annonçait l’annulation de 55 milliards Usd de dette multilatérale, mais un an après, le G8 à travers ses institutions financières internationales ont réduit le montant de 5 millions de dollars environ. Les produits s’étaleront sur plusieurs dizaines d’années concernant les prêts de la Banque mondiale et la BAD. Elle va déboucher sur une réduction des remboursements de dette sur les 40 prochaines années pour les 19 pays concernés.

A St Petersbourg (Russie), le sommet du G8 va notamment chercher à avancer vers un accord sur le cycle de Doha en discussion à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), cycle imposant une libéralisation accrue de l’économie mondiale et pénalisant durement les pays les plus pauvres contraints de se soumettre davantage aux intérêts des plus puissants. Le président de la Banque mondiale, Paul Wolfowitz, a même écrit aux dirigeants du G8 et des 5 pays en développement pour leur demander avec fermeté d’inclure ces points dans les discussions.

Certaines réflexions sur les enjeux géostratégiques (Iran, Liban, Corée du Nord...), énergétiques (pétrole, gaz naturel...) et commerciaux (cycle de Doha, adhésion prochaine de la Russie à l’OMC) sont les priorités des pays du G8 bien plus que les problèmes de dette dont ils reconnaissent son impact en terme d’un handicap pour le développement socio-économique de nos pays.

Les derniers chiffres publiés par la Banque mondiale montrent une dette extérieure des pays en développement beaucoup plus élevée qu’avant : 2800 milliards de dollars.

Cela n’empêche au G8 d’organiser la poursuite de la main mise du FMI et de la Banque Mondiale sur l’économie des pays du Sud, rendant impossible toute forme de développement juste et durable.

DES RESULTATS MITIGES

De plus en plus, des analystes reconnaissant unanimement que la dette constitue un outil de subordination et de domination des pays en développement par les pays riches. Des réflexions se multiplient pour aider les pays du tiers-monde à sortir du cercle vicieux des mécanismes d’annulation de la dette élaborés dans des laboratoires occidentaux.

Comment rompre avec la dépendance financière par rapport au nord et mettre en place une autre logique économique, respectueuse de l’être humain et de son environnement ? N’est-il le moment d’instaurer un audit de la dette extérieure des pays en développement pour mieux circonscrire le problème et trouver des solutions appropriées ?

Il est temps peut-être de réfléchir sur la construction des partenariats équitables entre le Nord et le Sud.

Les critiques sont multiples quant à l’efficacité de l’initiative PPTE depuis son adoption par le G8. Début 2001, seuls 22 pays ont été réellement pris en considération. Concrètement, seul l’Ouganda a atteint jusqu’ici le terme des deux phases de réformes et a reçu un allégement de 2 milliards de dollars (ce qui représente 0,1% de la dette du Tiers Monde). Même en se projetant dans l’avenir et en prenant en compte l’ensemble des 22 pays « éligibles » pour un allégement, seuls 15% de la dette des PPTE (soit 1,6% de la dette du Tiers Monde) seront au mieux annulés. La pauvreté n’est pas susceptible de diminuer dans de telles conditions

Selon la Conférence des Nations Unies pour le développement économique (CNUCED), «  Les espoirs que l’on fonde actuellement sur la mise en œuvre de l’initiative renforcée en faveur des Pays pauvres très endettés ne sont pas réalistes. L’allégement de la dette envisagé ne suffira pas à rendre celle-ci supportable à moyen terme ( ) ; par ailleurs, l’ampleur de l’allégement de la dette et la manière dont il interviendra n’auront pas d’effets directs majeurs sur la réduction de la pauvreté »..

Le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) ne pense le contraire lorsqu’il dit : « La dette continue d’être un frein au développement humain et à la réalisation des droits de l’homme. ( ) L’initiative d’annuler le service de la dette en faveur des Pays pauvres très endettés n’a jusqu’ici eu qu’un impact limité. ( ) De nouvelles mesures, introduites en 1999, cherchent à fournir un allégement plus rapide et plus important en visant la réduction de la pauvreté. L’allégement de la dette reste toujours loin derrière les intentions et les promesses. Il est urgent que la mise en place de ces programmes s’accélère dans tous les pays et que de nouvelles initiatives soient mises en œuvre pour que la réduction de la dette ait une incidence sur le développement humain ».


Source : Le Potentiel(Kinshasa)

Faustin Kuediasala