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Des organisations camerounaises planchent sur un audit de la dette
par Jean-Marc Bikoko
11 octobre 2006

Jean-Marc Bikoko est président de la Centrale syndicale du secteur public (CSP) du Cameroun. Le CADTM l’a rencontré en février 2006 à Paris. Il est interviewé par Renaud Savéan (CADTM France).

A propos de la dette, il s’avère que Paul Biya est connu pour sa « mauvaise gouvernance » et c’est un dictateur pour grand nombre d’entre nous. Est-ce que le caractère odieux de la dette ne devrait pas amener non seulement une annulation mais aussi des réparations de la part des bailleurs de fonds ?

Jean-Marc Bikoko Oui. Il est grand temps que l’on fasse un audit de la dette du tiers-monde, et particulièrement au Cameroun. Nous sommes surpris que le Cameroun soit redevable de milliers de milliards de FCFA de dette sans qu’on ait vu ce à quoi cet argent a servi. Sans que l’on sache même sur la base de quels projets les dettes ont été contractées. Il faudrait que l’on fasse un audit de la dette avant toute idée de remboursement. Premièrement parce qu’il faut qu’on soit d’accord que cet argent est dû avant qu’on le rembourse et deuxièmement, il faut qu’on connaisse la nature des projets qui ont été financés. On sait que l’on a financé les projets de sécurité, de protection du territoire, c’est-à-dire la défense, l’achat d’armes, etc. On a financé des choses qui n’étaient pas éthiques, les « éléphants blancs » par exemple. On nous a fait construire au Cameroun une usine de pâte à papier qui n’a pas duré un an et qui aujourd’hui a été démantelée pour transfert en Malaisie. Où est passé cet argent ? Et nous, on doit payer. Donc la dette qu’on exige de nous aujourd’hui et à cause de laquelle les Camerounais sont sous ajustement structurel depuis 1987 est nocive et elle participe de ce qu’on appelle la dette odieuse, contractée par des dictateurs avec la complicité de leurs mentors dans les pays du Nord juste pour se partager de l’argent. On sait bien qu’une partie a été recasée dans les paradis fiscaux, banques suisses et banques étrangères au vu et au su des dirigeants européens, comme les dirigeants de la France, et ces dirigeants en ont eu leur part.

Il existe une Plateforme d’information et d’action sur la dette du Cameroun, qui regroupe-t-elle et quels sont ces objectifs ?

Jean-Marc Bikoko Elle regroupe un certain nombre d’associations, de syndicats et d’ONG du Cameroun qui sont intéressés sur les questions de la dette. A ce jour, parmi les plus en vue, il y a le Bureau des activités socio-caritatives de l’Église catholique (BASC), le Service oecuménique pour la paix qui en est le coordinateur, la CSP, la Confédération générale du Travail-Liberté, le CANADEL, la SEPCA (Fédération des Eglises et missions évangéliques), l’ASIC (musulmans), le COSADER (Collectif sur la sécurité alimentaire, qui organise « les Jeudis de Cotonou » sur les Accords de partenariat économique ACP/Union européenne), bref une dizaine de dynamiques spécialisées par thématique. Nos objectifs sont d’analyser la situation de l’endettement du Cameroun, d’analyser et d’agir sur les différents mécanismes d’allégement. Nous essayons de suivre cela pour engager des actions de lobbying et de plaidoyer auprès des institutions et pour essayer de distiller l’information auprès de la société civile camerounaise pour une information permanente et pour une remise à niveau de tous les acteurs par rapport à la situation d’endettement du Cameroun. C’est dans ce cadre-là que nous nous sommes spécialisés sur les questions de la dette, à travers aussi les relations avec la Plateforme française Dette et Développement.

Concernant l’audit, doit-il être organisé par la société civile ou par le gouvernement ?

Jean-Marc Bikoko Le gouvernement, qui pourtant devrait être promoteur de cet audit, ne pourrait pas le faire. C’est une réalité aussi bien camerounaise que française. (...) Il faudrait un véritable partenariat entre le Nord et le Sud pour qu’on mette en place une banque de données sur la dette pour que toutes les informations concernant la dette puissent être recueillies et mises ensemble afin d’en faire l’analyse et engager un audit. Il est évident qu’il y a des informations que nous n’avons pas, que vous n’avez pas non plus. Il faut déjà commencer à chercher ces informations-là pour espérer aboutir à quelque chose. On a quand même un certain nombre de projets qui ont été financés. C’est la société civile qui devrait organiser cet audit, mais il faut construire cet audit : Quels sont les éléments ? Quels sont les axes ? Quels sont les différents et grands points ? Il faut d’abord faire un premier travail de préparation pour avoir des outils d’audit. Vous avez une expertise au Nord, il faudrait que l’on s’entraide pour aller vers une expertise au Sud.


Morceaux choisis du Bulletin N° 24 du CADTM France.

Jean-Marc Bikoko

CADTM Cameroun, PFIAD, Plate-forme d’information et d’action sur la dette, Réseau International CADTM.