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L’accaparement des ressources naturelles de l’Ukraine et de l’est de la République démocratique du Congo. Les impérialismes à l’offensive.
par Eric Toussaint
15 mai 2025

L’administration de Donald Trump est à l’offensive pour augmenter son accès aux ressources naturelles stratégiques de différents pays. Parmi ses cibles : l’Ukraine et la République démocratique du Congo. En ce qui concerne l’Ukraine, un accord a été signé début mai 2025 entre Kiev et Washington. Pour ce qui est de la RDC, les négociations sont encore en cours. Éric Toussaint revient sur l’état de la question en réponse à une interpellation réalisée par un dirigeant d’une organisation paysanne africaine.

Les ressources naturelles de l’Ukraine convoitées par les États-Unis, la Russie et l’UE

David Otieno, de la Ligue des paysans du Kenya, organisation membre du réseau CADTM et de La Via Campesina me posait la question suivante au sujet de la dette de l’Ukraine : « Dans ton article de début janvier 2025 intitulé « La dette de l’Ukraine : un instrument de pression et de spoliation aux mains des créanciers », tu montres que l’Union européenne (UE) veut utiliser la dette qu’elle prête à l’Ukraine pour, ensuite, lui réclamer un accès à ses ressources naturelles, ses terres cultivables, ses terres ‘rares’ et d’autres ressources du sous-sol ukrainien. Trump, maintenant, veut lui-même avoir accès à ces ressources naturelles. Est-ce que c’est la même stratégie que l’Europe ? ». Ma réponse est la suivante.

Dans mon article de janvier 2025, j’expliquais que la dette la plus importante de l’Ukraine est à l’égard de l’UE, elle s’élève à un peu plus de 50 milliards . L’UE, qui se présente comme généreuse, prête de manière importante à l’Ukraine, au lieu de lui faire des dons. Elle fait des dons sous forme d’armes mais tout le reste de l’assistance financière est sous la forme de crédits que l’Ukraine devra commencer à rembourser un jour et le montant est très important. Selon mon analyse, l’UE veut utiliser les créances qu’elle a sur l’Ukraine pour forcer l’Ukraine à lui donner accès à ses ressources naturelles. Les puissances dominantes dans l’UE sont l’Allemagne et la France. On peut y ajouter l’Italie, les Pays-Bas, la Belgique et d’autres pays. Ces pays et les entreprises de ceux-ci veulent évidemment tirer bénéfice de leur relation avec l’Ukraine qui possède énormément de terres cultivables de bonne qualité.

En effet, l’Ukraine et la Russie, sont parmi les principaux producteurs et exportateurs de blé au monde [1]. L’Ukraine et la Russie exportent massivement notamment vers le Sénégal, l’Égypte, la Tunisie, l’Algérie, le Maroc et d’autres pays de l’Afrique subsaharienne.

Ils exportent des céréales, parce que les pays d’Afrique subsaharienne, qui étaient auto-suffisants en matière de céréales ont été amenés à abandonner les cultures vivrières et à favoriser des cultures d’exportation. Par exemple, dans les années 1940-1950, le Sénégal a été poussé vers l’arachide, le Ghana et la Côte d’Ivoire vers le cacao. Ce fut au détriment de la culture vivrière, notamment des céréales locales. Donc les pays d’Afrique subsaharienne et d’Afrique du Nord sont devenus de plus en plus dépendants, pour nourrir leur population, de l’importation qu’ils font des céréales ukrainiennes et russes.

À l’est de l’Ukraine, se trouvent des zones minières importantes. La Russie a, de fait, annexé de grande parties de cette région de l’Ukraine, ce qu’on appelle le Donbass. L’UE, quant à elle, voudrait mettre la main sur la partie centrale et occidentale de l’Ukraine tant pour les terres cultivables que pour les terres rares, essentielles pour la reconversion de son industrie automobile vers les véhicules électriques et plus généralement pour le capitalisme vert. Les entreprises privées de l’agrobusiness de l’UE voudraient mettre la main sur de grandes quantités de terres très fertiles. Pour arriver à leurs fins, les dirigeantes de l’UE avaient décidé d’utiliser l’arme de la dette et la volonté de l’Ukraine d’intégrer l’UE. En substance, l’UE dit à la population ukrainienne et au gouvernement Zelenski : « Si vous voulez faire partie de l’UE, vous devez ouvrir complètement vos marchés, permettre aux entreprises étrangères d’acheter des terres ukrainiennes, d’acheter vos minéraux et d’obtenir des concessions du sous-sol ». C’est d’ailleurs ce que font aussi les gouvernements des grandes puissances et les entreprises européennes, étasuniennes, chinoises à l’égard des gouvernements africains. Ils et elles utilisent l’aide officielle et la dette.

L’offensive de Trump pour avoir sa part des ressources naturelles ukrainiennes

Lorsque j’ai écrit en janvier 2025 l’article sur l’Ukraine, Trump n’avait pas encore annoncé ce qu’il voulait de l’Ukraine. Ce que j’écrivais correspondait à la politique de l’administration Biden, qui était à la présidence des États-Unis pendant la période qui a suivi l’invasion de l’Ukraine par la Russie, invasion qui a commencé fin février 2022. Biden apportait une aide financière et militaire sous la forme de dons, à la différence des dirigeantes européenes.

En échange de ces dons, Biden voulait obtenir que l’Ukraine soit dépendante structurellement des Etats-Unis face à la Russie dans le présent et le futur. Il pensait aussi obtenir l’accès aux ressources naturelles et pour y arriver, mettre dans la balance le fait que les Etats-Unis avaient été très généreux avec l’Ukraine. Mais il n’avait pas encore mis en place une stratégie agressive pour avoir accès à ces ressources naturelles. Tandis que Trump, dès qu’il a occupé à nouveau la présidence à partir de fin janvier 2025, a affirmé grosso modo la chose suivante : « L’Ukraine nous doit de l’argent, les aides que les Etats-Unis ont apportées, c’est de la dette et j’exige que l’Ukraine rembourse sa dette en nature. En effet, pour rembourser sa dette, l’Ukraine doit nous donner accès à ses ressources naturelles. ». Il s’exprimait brutalement comme il l’a fait en disant qu’il voulait reprendre le contrôle du canal de Panama et qu’il voulait annexer le Canada et le Groenland.

Une remarque qui est importante, c’est que Trump, du point de vue du droit international, ne peut absolument pas dire que les dons que l’administration Biden a faits à l’égard de l’Ukraine sont des dettes. On ne peut pas décider, après coup, qu’un don devient une créance. Légalement ce n’est pas possible. Mais, comme vous le savez, Trump se fout complétement du droit international. Ce qui compte pour ce président, encore plus que pour ceux qui l’ont précédé, c’est le droit du plus fort, la loi de la jungle et, lui affirme de manière mensongère que les dons étaient en fait des prêts. En conséquence, selon Trump, l’Ukraine a contracté une dette à l’égard des États-Unis. Trump veut damer le pion à l’Europe. Il se rendait compte que l’Europe, avec laquelle il considère être en concurrence, allait mettre la main sur les ressources naturelles qu’il convoitait, notamment les ‘terres rares’.

Ce que veut Trump est-il comparable à ce que veulent les dirigeant-es de l’UE ?

Trump veut faire la même chose que les dirigeants européens mais à sa manière. Les Européens veulent donner l’impression qu’ils respectent le droit international puisqu’ils avaient fait des prêts et que l’Ukraine voulait entrer dans l’UE. Les Européens mettent des conditions et parmi ces conditions, il y a l’ouverture du marché de l’Ukraine à tous les investissements européens. Tout pays membre de l’UE doit ouvrir totalement ses frontières à toutes les entreprises du reste de l’Union. C’est la règle de base, règle que nous attaquons. Nous dénonçons cette politique de l’UE.

Trump, de manière plus brutale, sans respecter le droit international, dit : « Non c’est moi, président des États-Unis, qui ai droit aux ressources naturelles de l’Ukraine. On a envoyé plus d’armes que l’UE, on a donné plus d’argent que l’UE et vous Zelensky comme président de l’Ukraine, vous avez absolument besoin de nous face à Poutine. Nous, États-Unis, nous avons un bon dialogue avec Poutine ». Trump disait à Zelensky : « Vous devez renoncer à l’est de votre pays, Poutine peut le prendre. Moi je constate que Poutine a pris le Donbass (et la Crimée). C’est un fait. »

Trump considère que si Poutine est d’accord avec lui pour que les États-Unis prennent le reste des ressources naturelles de l’Ukraine, Washington peut mettre la pression sur Kiev pour que l’Ukraine accepte la perte d’une partie de son territoire. Pour atteindre cet objectif, il voulait que Zelensky donne son accord et signe un accord bilatéral avec les États-Unis qui leur octroie l’accès et la propriété sur les ressources naturelles de l’Ukraine. Il fallait, selon Trump, que Zelensky reconnaisse l’annexion de la Crimée, qui est intervenue en 2014, et l’annexion de fait du Donbass, et que Poutine accepte que les États-Unis prennent le contrôle des ressources naturelles qui sont à l’ouest et au centre de l’Ukraine. A cette condition, il pourrait y avoir un cessez-le-feu ou, dans le meilleur des cas, un accord de paix. A ces conditions-là Trump disait : « Moi je garantirai le cessez le feu et j’empêcherai Poutine de vous attaquer, je ferai respecter l’accord. »

Les dirigeantes européennes ont dit qu’ils étaient fâchées de l’attitude des États-Unis qui ne protègent plus directement l’Ukraine. Ils ont affirmé qu’ils allaient s’organiser entre eux et qu’ils allaient « réarmer » très fortement l’UE qui dépensait déjà beaucoup en armement. Les pays d’Europe occidentale étaient déjà très militarisés mais les dépenses militaires avaient un peu baissé au début des années 2000. Contrairement à la narration dominante, l’augmentation a précédé l’invasion de l’Ukraine en février 2022. Depuis 2022, l’augmentation a été très forte et cela ne fait que commencer . Les dirigeantes européennes n’émettent des critiques que sur le fait que Trump laisse tomber l’Ukraine et ils se plaignent des taxes que Trump veut imposer sur toute une série de produits européens. Ce que les Européens ne disent pas, parce qu’ils sont gênés de le dire, c’est qu’ils sont fâchés que Trump veuille mettre la main sur les ressources ukrainiennes parce qu’ils pensaient qu’ils pourraient le faire eux-mêmes. Les grandes entreprises allemandes, françaises, italiennes, belges, néerlandaises pensaient qu’elles auraient accès aux ressources naturelles de la partie de l’Ukraine qui est toujours sous contrôle du gouvernement constitutionnel de Zelensky. Donc les Européens sont fâchés mais ils ne peuvent pas protester là-dessus parce qu’officiellement, ils ne peuvent pas dire qu’ils voulaient les ressources naturelles. Ils pensaient arriver à mettre la main dessus progressivement et sans faire de bruit. Comme c’est un but inavouable du point de vue de la politique officielle des Européens, ils ne protestent pas là-dessus.

Finalement un accord a été signé entre le gouvernement d’Ukraine et l’administration Trump au début du mois de mai . Comme l’écrit le Guardian, cet accord «  exclut notamment de son champ d’application l’argent précédemment envoyé à l’Ukraine au titre de l’aide militaire et humanitaire, que M. Trump a déclaré à plusieurs reprises vouloir récupérer. Il stipule aussi explicitement qu’il doit être mis en œuvre de manière à ne pas entraver l’intégration de l’Ukraine dans l’UE et que les entreprises américaines n’auront pas le monopole des transactions en Ukraine, mais qu’elles obtiendront simplement le droit de participer à des appels d’offres concurrentiels dans des conditions équitables. » Source : https://www.theguardian.com/world/2025/may/01/trump-administration-readies-first-sale-of-military-equipment-to-ukraine

Selon The Conversation, qui fait de la propagande pour l’accord : « L’Ukraine aura accès à la technologie et aux investissements américains, et les États-Unis obtiendront finalement une part des bénéfices. Le reste servira à financer le redressement du pays déchiré par la guerre, si un accord de paix est signé avec la Russie. (…) Contrairement aux projets précédents, le pays reste propriétaire de ses ressources naturelles. Tous les bénéfices doivent être investis en Ukraine pendant les dix années suivant l’entrée en vigueur de l’accord. » Source : https://theconversation.com/us-ukraine-minerals-deal-looks-better-for-kyiv-than-expected-but-trump-is-an-unpredictable-partner-255723

Sur le papier, l’accord paraît nettement moins défavorable à l’Ukraine que ce que Trump voulait. Comme le dit le Guardian, dans cet accord, il n’est fait aucune référence à une dette qui serait due par l’Ukraine aux États-Unis. Mais il est clair que Trump et les grandes entreprises privées étasuniennes chercheront à tirer le profit maximum de la dépendance de Kiev à l’égard de l’ « aide » américaine. Sans que cela fasse partie de l’accord signé sur les ressources naturelles, il apparaît par ailleurs que dorénavant, les armes fournies par Washington devront être payées par l’Ukraine alors que du temps de Biden, elles étaient offertes. Cette disposition, si elle est appliquée, va certainement déranger les plans de l’UE et de la Grande Bretagne dont les dirigeantes vont se demander pourquoi offrir des armes à l’Ukraine si Washington les fait payer. Et la volonté de Macron et d’autres dirigeants d’avoir des troupes sur le territoire de l’Ukraine correspond à la volonté d’être sur place pour défendre les intérêts impérialistes des entreprises européennes et des gouvernements à leur service face à Washington et à Moscou. Les véritables intérêts des ukrainiennes ne sont pas réellement pris en compte.

La prise de position de Vitaliy Dudin, membre en Ukraine de Sotsialny Rukh (Mouvement social) est nettement critique à l’égard de l’accord Kiev – Washington qui a finalement été ratifié par le parlement ukrainien le 8 mai 2025 sans qu’il y ait eu de véritable consultation de la population. Vitaly Dudin écrit : « L’accord minier signé entre l’Ukraine et les États-Unis reflète la volonté du capital américain d’accéder sans entrave aux ressources minérales ukrainiennes. (…) L’impérialisme américain a exploité la position vulnérable de l’Ukraine pour imposer un certain nombre de conditions désavantageuses. (…) Les bénéficiaires de cet accord sont le capital américain et, peut-être, une partie de l’oligarchie ukrainienne, mais pas les travailleurs ukrainiens. » Il ajoute : «  Les termes définitifs de l’Accord ont été gardés secrets jusqu’au dernier moment, ce qui a rendu impossible tout débat public sur cette question. Les négociations et les préparatifs se sont déroulés en secret, et la position du gouvernement ukrainien est restée secrète. Le vote de ratification de l’Accord s’est également déroulé dans un climat d’opacité et dans les délais les plus brefs. Le public ukrainien ne dispose toujours pas d’informations complètes sur les annexes de l’accord (appelé « Accord de société en commandite simple »). »

Mais ce responsable de Sotsialny Rukh ne baisse pas les bras et affirme qu’il faut une alternative : « Il serait toutefois erroné de qualifier cet accord de catastrophe nationale irréversible. L’Ukraine pourrait encore se libérer du joug colonial et renoncer à l’accord à l’avenir, si elle se débarrassait du capitalisme oligarchique et réaffirmait sa souveraineté. ». Il est vraiment utile de lire l’entièreté de l’analyse de Vitaly Dudin publiée sur le site du CADTM et d’autres sites.

Il faut s’opposer aux différents impérialismes qui interviennent en Ukraine

Nous sommes contre la guerre déclarée par Poutine à l’Ukraine et l’occupation d’une partie de son territoire, nous sommes contre la politique de Trump à l’égard de l’Ukraine et nous sommes contre la politique de l’UE à l’égard de l’Ukraine. Ces trois grandes puissances veulent, d’une manière ou d’une autre mettre la main sur les ressources naturelles du pays, tirer profit des Ukrainiennes. Nous dénonçons cette politique, nous dénonçons la guerre et l’invasion. Nous critiquons aussi Zelensky parce que c’est un gouvernement néolibéral qui est prêt à privatiser et poursuivre des politiques néolibérales.

Comme nous le faisons pour le peuple palestinien face aux troupes d’occupation israéliennes et au génocide que le gouvernement Netanyahou perpétue avec le soutien actif de Washington (et la complicité active des dirigeants européens), il faut soutenir le droit du peuple ukrainien à résister à l’invasion russe qui est une invasion impérialiste qui provoque des pertes humaines immenses et des destructions importantes. Nous sommes pour le droit du peuple ukrainien à résister avec des armes à l’invasion russe. Le peuple ukrainien qui doit avoir le droit également de critiquer Zelensky et de s’opposer à Trump et à l’UE, ce qui est évidemment très compliqué.

Nous sommes pour l’annulation des dettes réclamées à l’Ukraine, nous sommes pour la création d’un fonds pour la reconstruction géré sous le contrôle de la population d’Ukraine et alimenté par l’expropriation des oligarques, par des impôts sur les surprofits des entreprises d’armement,…

Pour en savoir plus sur les analyses de l’auteur à propos de la dette de l’Ukraine :
 « Pourquoi annuler la dette de l’Ukraine ? » Éric Toussaint interviewé par Sushovan Dhar publié le 21 avril 2022
– «  Ukraine : Résister aux créanciers  », Éric Toussaint interviewé par Sushovan Dhar, publié le 17 mai 2023
– « G7 : Poursuite ou non de la suspension du paiement de la dette ukrainienne », publié le 21 mai 2024
 « La dette de l’Ukraine : un instrument de pression et de spoliation aux mains des créanciers », Éric Toussaint, publié le 13 janvier 2025

Les grandes puissances et l’est de la République démocratique du Congo

Blanc : Territoire congolais contrôlé par les Forces armées de la république démocratique du Congo
Rouge : Contrôlé par le M23 et ses alliés
Situation militaire au 3 avril 2025 Territoire congolais contrôlé par les Forces armées de la république démocratique du Congo Contrôlé par le M23 et ses alliés", Source : Vertcamin Wikipedia

L’administration de Donald Trump à l’égard du gouvernement de la RDC manœuvre aussi pour avoir un plus grand accès aux ressources naturelles de l’est du Congo. Trump se dit prêt à mettre sous pression le Rwanda et son président Paul Kagamé pour trouver une solution à l’occupation du territoire de la RDC par le Rwanda et par le M23 qui est allié du Rwanda. En effet, le gouvernement du Rwanda participe directement au pillage des ressources naturelles de la RDC en intervenant à l’Est du pays qui a une frontière commune avec le Rwanda. Les premières victimes sont les civils et en particulier les femmes. Au cours des 30 dernières années, le nombre de victimes s’élèvent à plusieurs millions, le viol des femmes est systématiquement utilisé comme arme de guerre, d’humiliation et de terreur. Les grandes puissances laissent faire et leurs entreprises participent activement au pillage et au désespoir des populations.

Les entreprises des États-Unis ont réduit leur présence dans la région et voudraient y revenir avec l’aide de Trump. Les entreprises chinoises, européennes et canadiennes sont très présentes. Trump veut mettre sous pression Kagamé à la condition que Tshisekedi signe un accord pour donner beaucoup plus de droits aux entreprises privées américaines pour avoir accès aux ressources de l’est du Congo, et ça contre les intérêts des entreprises chinoises, européennes et d’autres pays. D’après Reuters relayées par d’autres médias, la personne chargée par Trump de faire avancer les négociations est Erik Prince. Celui-ci a fondé la sinistre société militaire privée Blackwater, rebaptisée par la suite Academi, et a vendu l’entreprise en 2010 suite à une succession de scandales (en Bosnie, en Afghanistan, en Irak, en Libye,…) et des condamnations de plusieurs mercenaires employés par Blackwater, accusés d’avoir tué illégalement des civils irakiens. Alors qu’ils avaient été condamnés, ils ont été graciés par Trump au cours de son premier mandat [2]. Erik Prince a agi pour la CIA régulièrement et Blackwater ainsi que les sociétés qui lui ont succédé ont bénéficié de nombreux contrats pour appuyer les opérations armées des États-Unis. Érik Prince est un libertarien d’extrême droite dans la même veine idéologique que Javier Milei ou Donald Trump.

Donc on voit que la question de l’accès aux ressources naturelles touche une région comme l’est du Congo comme elle touche l’Ukraine ou d’autres parties du monde ; chaque fois qu’il y a des ressources naturelles considérées comme vitales par les grandes puissances, les pays en question deviennent l’objet d’interventions extérieures, de manipulations, de déstabilisations et de guerres s’il le faut.

Nous sommes contre l’intervention du Rwanda et du M23 au Congo, contre l’intervention des grandes entreprises privées étrangères qui déstabilisent la région et volent les ressources naturelles sans que le peuple de la RDC ne puisse bénéficier de ce qui lui appartient. Nous dénonçons Trump qui veut obtenir de Tshisekedi un accord pour avoir un plus grand accès aux ressources naturelles de l’est de la RDC. Nous soutenons également toutes les initiatives visant à auditer et à contrôler les prêts et les investissements chinois, européens, canadiens et autres dans la région car les entreprises étrangères participent au pillage des ressources et entretiennent l’insécurité et des milices armées.

L’auteur remercie Jawad Moustakbal, Maxime Perriot, Claude Quemar et Christian Varin pour leur relecture.


Notes :

[1Voir Agreste – République française, «  CÉRÉALES En 2023-2024, net reflux des cours mondiaux des céréales  », Décembre 2024, n°492, https://agreste.agriculture.gouv.fr/agreste-web/download/publication/publie/SynGcu24432/consyn432202412-COP.pdf

[2Mining.com, “Blackwater founder and Trump ally strikes mineral security deal with Congo”, publié le 17 avril 2025, https://www.mining.com/trump-ally-prince-strikes-mineral-security-deal-with-congo/ Voir la dépêche de Reuter publiée le 17 avril 2025 : https://www.reuters.com/world/trump-supporter-prince-reaches-deal-with-congo-help-secure-mineral-wealth-2025-04-17/ Lire aussi plus largement sur les négociations entre Trump et les dirigeants de la RDC : «  The Guardian view on Donald Trump’s Congo deal : mineral riches for protection  », The Guardian, 13th April 2025, https://www.theguardian.com/commentisfree/2025/apr/13/the-guardian-view-on-donald-trumps-congo-deal-mineral-riches-for-protection

Eric Toussaint

Docteur en sciences politiques des universités de Liège et de Paris VIII, porte-parole du CADTM international et membre du Conseil scientifique d’ATTAC France.
Il est l’auteur des livres, Banque mondiale - Une histoire critique, Syllepse, 2022, Capitulation entre adultes : Grèce 2015, une alternative était possible, Syllepse, 2020, Le Système Dette. Histoire des dettes souveraines et de leur répudiation, Les liens qui libèrent, 2017 ; Bancocratie, ADEN, Bruxelles, 2014 ; Procès d’un homme exemplaire, Éditions Al Dante, Marseille, 2013 ; Un coup d’œil dans le rétroviseur. L’idéologie néolibérale des origines jusqu’à aujourd’hui, Le Cerisier, Mons, 2010. Il est coauteur avec Damien Millet des livres AAA, Audit, Annulation, Autre politique, Le Seuil, Paris, 2012 ; La dette ou la vie, Aden/CADTM, Bruxelles, 2011. Ce dernier livre a reçu le Prix du livre politique octroyé par la Foire du livre politique de Liège.
Il a coordonné les travaux de la Commission pour la Vérité sur la dette publique de la Grèce créée le 4 avril 2015 par la présidente du Parlement grec. Cette commission a fonctionné sous les auspices du parlement entre avril et octobre 2015.