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L’agriculture doit retrouver sa noble vocation de nourrir les humains
par Collectif
29 juillet 2008

Ce vendredi, se sont ouvertes à Libramont les portes de la Foire européenne
du monde rural. Sur son site officiel, celle-ci se présente comme un
rendez-vous de haute technologie et une véritable plate-forme d’affaires.
 [1]

Pour peu que le temps soit favorable, on doit s’attendre à près de deux cent
mille visiteurs ; plus de quatre mille délégations commerciales seront sur
le champ.

Cet événement nous amène à formuler une série d’observations et de constats
de portée internationale, comme lui.

De tout temps, la noble vocation de l’agriculture a été de nourrir les
humains. Aujourd’hui, elle est devenue avant tout un business qui asservit
producteurs et consommateurs aux multinationales de l’agroalimentaire,
enrichissant les uns, appauvrissant et affamant les autres !

Avec les agrocarburants, on en arrive à transformer une source de nourriture
en combustible. Produire un succédané du pétrole est devenu plus important
et surtout plus rentable que produire une nourriture saine.

Les « émeutes de la faim » qui se multiplient sont la conséquence d’une
politique agricole mondialisée qui, au lieu de favoriser la souveraineté
alimentaire des peuples, soumet ceux-ci aux intérêts de la « haute
technologie » et des « plates-formes d’affaires ». Par un jeu spéculatif
d’import-export, une concurrence déloyale ruine peu à peu l’autonomie des
petits producteurs locaux et les rend dépendants de nos fameuses « lois du
marché ».

Les agriculteurs de nos pays sont aussi victimes de ce système. Ils
consacrent à leur production une importante quantité de temps, d’énergie, de
savoir-faire, d’investissements, et ce pour un profit souvent dérisoire,
sans commune mesure avec celui de leurs « partenaires » de la longue chaîne
commerciale ! Et sans avantage pour le consommateur qui, lui, paie ses
produits de plus en plus cher…

C’est dans les ressources naturelles des pays dits « pauvres » – mais riches
en matières premières – que nous puisons abondamment pour produire tous les
intrants minéraux et végétaux dont a besoin notre mode d’agriculture et
d’élevage industriel. La farine de soja transgénique en est un bel exemple :
l’extension de cette culture soustrait en ce moment, en Amérique du Sud, des
millions d’hectares à l’agriculture vivrière et détruit d’immenses massifs
forestiers.

Autres exemples d’un commerce prédateur. Greenpeace a mené l’an dernier une
action pour protester contre l’importation en Belgique de bois tropicaux de
la forêt congolaise (c’est vrai aussi pour les forêts d’Amazonie, du Chaco
ou de Malaisie) dans des conditions d’exploitation qui dégradent
l’environnement sans contribuer au bien-être des populations locales. Des
dizaines de millions d’êtres humains dépendent de ces forêts pour leur
survie.

Rien qu’en République Démocratique du Congo, quarante millions de personnes
– agriculteurs bantous, communautés de pêcheurs et Pygmées semi-nomades –
dépendent de la forêt pour leur nourriture quotidienne, leurs plantes
médicinales et leur approvisionnement en énergie.

Nous protégeons avec un zèle louable notre environnement et nos forêts, mais
loin d’ici nous nous comportons comme des pillards par l’entremise de
sociétés dont nous sommes clients, voire actionnaires.

La complexité accrue de l’économie mondialisée fait que beaucoup d’entre
nous ne sont pas conscients de leur complicité objective d’épargnants, de
contribuables ou de simples consommateurs !

Nous élaborons chaque jour de nouveaux projets d’aide aux peuples victimes
de la faim et de la pauvreté, mais nous continuons à les affamer et à les
appauvrir en les spoliant de leurs terres et de leurs ressources par
multinationales interposées, parfois aussi par le biais d’« élites locales »
à notre solde.

Il a été démontré que les économies agricoles de subsistance ont des
rendements par hectare, à coût égal, supérieurs à ceux de l’agriculture
industrielle.

L’ignorance de ces faits ne nous excuse pas.

S’il ne sert à rien de culpabiliser, apprenons du moins à agir en citoyens
et consommateurs responsables ! En premier lieu, en nous informant de ce qui
se passe réellement.

L’agriculture dite « de haute technologie » qui nous fascine par ses
performances entraîne, en fait, des dépenses énergétiques exorbitantes,
augmente la pollution, accumule les déchets, contribue au dérèglement
climatique, accroît les inégalités et accentue les poussées migratoires.

Une telle agriculture alimente la guerre économique qui fait aujourd’hui
plus de victimes que les conflits armés !

Ce n’est évidemment pas le progrès technique comme tel qui est en cause,
mais son exploitation à des fins purement mercantiles.

(*) Coordination luxembourgeoise pour la paix (www.colupa.be) ; CADTM
Belgique et CADTM France (Comité pour l’annulation des dettes du
tiers-monde) ; ACRF (Action catholique rurale des femmes) ; SCI (Service
civil international) ; Oxfam, ça passe par ma commune ; Entraide et
Fraternité ; Communauté pour le développement humain ; Daniel Van Daele,
secrétaire fédéral de la FGTB-ABW.


Collectif