2008, 1 milliard de personnes affamées… Une aubaine pour finaliser les accords de l’OMC en 2009 ? [1]
Le scandale de la faim dans le monde a été clairement entretenu et amplifié par les politiques néolibérales imposées telles que le « développement par promotion des exportations » et les plans d’ajustement structurels. Aujourd’hui, les remèdes proposés sont toujours en parfaite continuité avec ces thérapies néolibérale. Relance de l’endettement [2] auprès de la Banque mondiale et du FMI, conditionnée au passage en forces des réformes néolibérales dans les domaines agricole et alimentaire (marchandisation de l’accès aux terres, aux ressources hydriques, privatisation du vivant et finalisation des accords de l’OMC sur l’agriculture...)
Exporter pour manger
A l’inverse du « développement par substitution d’importation » la théorie du « développement par promotion des exportation » s’est imposée [3].
Les prêts réaliser par la Banque mondiale ont donc principalement servi au renforcement des infrastructures de productions de matières premières, agricoles (coton, arachide, cacao, café...), forestières ou minières destinées aux marchés des pays du nord.
Graphique 1 : Évolution de la balance céréalière Caraïbe et Amérique Centrale - En Millions de Tonnes
![]() |
Graphique 2 : Évolution de la balance céréalière de l’Europe de l’Ouest et de l’Afrique Sub Saharienne. En Millions de Tonnes
![]() |
Il faut avoir en mémoire que l’Europe importatrice nette de céréale au début des année 50 va en une vingtaine d’années devenir exportatrice. Ceci est réalisé grâce à la mise en place de la PAC (Politique Agricole Commune). C’est à dire une politiques protectionniste de garantie des prix aux producteurs jusqu’à la réforme de 1992. Les conséquences productivistes sur le modèle agricole européens (hyper-spécialisation des productions, , productivisme énergivore, concentration des terres...) doivent être critiquées et prise en compte pour qui ne voudrait pas refaire les même erreurs, mais les résultats sont parlant.
La libéralisation de la faim
La Banque mondiale et le FMI ont imposé la suppression des barrières douanières qui jusqu’alors protégeaient les marchés les uns des autres. Les conséquences de la libéralisation sont multiples.
Les prix des grandes bourses où se négocient des matières premières agricoles (Chicago, Kansas City et de Minneapolis par exemple) imposent leurs prix sur les autres marchés de la planète. Ainsi les marchés locaux sont complètement déconnectés des réalités locales.
La fluctuation des marchés agricoles
Les théories économiques libérales affirment que les fluctuations des prix d’un marché libre seraient atténuées lors de sa fusion avec plusieurs marchés (théories libérales basées sur la loi des grands nombres.) Cependant d’après les expérimentations et les modélisations réalisées, les fluctuations des prix des différents marchés entrent “ en résonance ” ! [4] Ainsi à l’inverse des théories libérales la réalité montre que les fluctuations augmentent. La FAO constate d’ailleurs l’augmentation constante de la volatilité des cours des matières premières agricoles ces deux dernières décennies. Volatilité qui semble désormais une caractéristique permanente sur les marchés, alors que n’était pas le cas auparavant. [5] Il est donc clair que la suppression des barrières douanières imposée aux PED -et négocié entre l’Europe et l’Amérique du Nord- est responsable de l’augmentation de la fluctuation des cours mondiaux des matières premières agricoles. Or la stabilité des prix est à la base du développement agricole. C’est un avantage pour les producteurs mais également pour les consommateurs finaux. Enfin la sécurité alimentaire des populations du Sud est maintenant dépendante des fluctuations des prix mondiaux.
La faim des campagnes
La faim des villes
Quelles ont été les conséquences pour les agriculteurs tournés vers l’exportation ? |
![]() |
Conséquences économiques de ces politiques ?
Il est préalablement nécessaire de remarquer que les graphiques qui suivent ne prennent pas en compte les années 2006, 2007 et 2008.
Graphique 4 : Balance commerciales céréalières et agricole des Caraïbes (en milliards de dollars)
![]() |
Graphique 5 : Balance commerciales céréalières et agricole de l’Afrique Sub Saharienne (en milliards de dollars)
![]() |
Dans ces graphiques, il ressort qu’à partir des années 70, le modèle agricole des cultures d’exportations au détriment des productions vivrières s’impose… Dés le début des années 80 les cours mondiaux des exportation agricoles des pays du sud diminuent. En effet ces pays produisent globalement les mêmes choses... Suivent les plans d’ajustements structurels qui suppriment les protections douanières sur les produits alimentaires. C’est l’origine de la destruction des producteurs locaux renforçant l’importation des produits vivriers. Enfin les années 90, sont marquées par la chute de l’URSS. Les risques de propagation du communisme dans les campagnes des pays pauvres disparaissant au même moment. Ainsi les quelques mécanismes internationaux de stabilisations des prix des produits d’exportations tropicaux sont alors démantelés provoquant l’effondrement des cours [6].
Accès à des engrais et des semences améliorés dès cette année | Imposer la dépendance à des technologies couteuses et non adaptées aux paysans ! Plus dur sera la chute des prix ! |
Investir dans les agro-industries | (Pas besoins de décryptage) En générale l’ensemble des changements de politiques étant faite pour permettre la participation du secteur privé |
Doubler le budget de recherche agricole au sein du CGIAR (+400 millions de dollars) | Seulement une remarque : c’est la moindre des choses car la recherche privé ne s’occupe pas des petits producteurs |
Réforme agraire | Donner des titres de propriété à tous et créer un marché des terres. Seul les « plus compétitifs » resteront ! |
Finalisation des accords de l’OMC | Plus de commerce et de concurrences à l’échelle de la planète |
L’augmentation du prix des matières premières agricoles est quasi unanimement présentée comme la conséquence d’un déficit de la production par rapport à l’accroissement de la demande - de la consommation croissante de viande dans les pays émergents ou de la production d’agro-carburants-. Ces explications ont le mérite de ne pas remettre en cause le fonctionnement du commerce agricole mondial ni la financiarisation croissante de l’économie ou l’importance de quelques multinationales tentaculaires contrôlant en amont et en aval les filières agricoles. L’agro-industrie a un intérêt particulier à analyser la crise actuelle comme une crise de la production. Ainsi, les solutions avancées pour résoudre la crise sont les semences améliorées -éventuellement OGM-, agro-toxiques et engrais chimiques [7]. C’est à dire une nouvelle révolution verte adaptée aux bénéficiaires d’un modèle agricole capitaliste et productiviste. En résumé, renforcer la mise en place des législations et des infrastructures nécessaires au développement de l’agro-business au détriment des paysanneries.
Graphique 6 : Balances commerciales des pesticides -en milliards de dollars.
![]() |
Conclusions
La sécurité alimentaire de la planète est désormais dépendante de la fluctuation des prix mondiaux. L’Europe et les Etats Unis sont en voie d’intervenir durablement pour la hausse des prix des céréales. Ils se sont en effet fixés des objectifs « criminels » de production d’agro carburants. Il est probable qu’à moyen terme les prix des produits alimentaires conservent un niveau élevé. Mais il est clair que les fluctuations des prix continuerons d’augmenter si les accord de l’OMC était finalisés. Tant que les Pays ne pourront pas mettre en place des protections douanières conséquentes la majorité des agricultures de la planète ne pourront développer et assurer leur production vivrière. Mais rappelons que des politiques redistributives et de soutien sont nécessaires même à l’intérieur d’un marché protégé. Dans cette situation il faut que les populations prennent en main leur souveraineté alimentaire. Pour cela il est essentiel que les peuples des pays du Sud s’affranchissent des conditionnalités jusqu’alors imposées. L’abolition des dettes est une première étape, permettant également de récupérer des ressources budgétaires nécessaires pour mener des politiques de développement –notamment agricole- et ainsi assurer les droits humains fondamentaux… et le droit à la souveraineté alimentaire. Il est important de rappeler qu’au nom de la dette et de la libre circulation des capitaux, les flux financiers vont du Sud vers le Nord et non l’inverse comme l’on voudrait bien souvent nous le faire penser.
Enfin la question de l’augmentation de la production agricole reste posée pour les 50 prochaines années. Or la petite agriculture est la mieux à même d’assurer sur le long terme la productivité nécessaire. Le modèle agricoles capitaliste -basé sur la monoculture, le commerces international, et la surexploitation des ressources hydriques, des terres et des énergies fossiles- n’étant pas capable de relever -ni de s’adapter- aux défis alimentaires, climatiques et énergétiques.
A l’inverse de la marchandisation des terres voulue par la Banque mondiale, de réelles réformes agraires sont nécessaires. Assurer en zone rural l’accès à des parcours de formation –via notamment la scolarisation- egalement. En fonction des réalités économiques, sociales et pédoclimatiques locales, les paysan(ne)s sont les mieux à même de définir leurs besoins pour réaliser leur développement. Dans ce cadre un retour à l’agronomie comme source d’amélioration des systèmes agricoles et des pratiques paysannes est nécessaire. Ce sont les paysans les mieux à même de nourrir la planète... car les mieux à même de valoriser les ressources naturelles (sol, eau, diversité génétique...) en ajustant au mieux les cycles des éléments organiques. Il est donc temps de mener des politiques agricoles leur donnant les moyens de perfectionner, de conserver ou de créer les systèmes agricoles dont la population de la planète à besoin.
[1] A part le graphique 3, toutes les données des graphiques proviennent de la FAO. FAOSTAT | © FAO Statistics Division 2008 | 13 December 2008 http://faostat.fao.org
[2] « La Banque mondiale a annoncé qu’elle irait jusqu’à augmenter globalement ses prêts agricoles de 6 milliards de dollars dans l’année à venir, ce qui devrait presque doubler le montant destiné à l’Afrique et à l’Amérique latine et octroyer plus de 1 milliard de dollars à de nouveaux projets agricoles en Asie du Sud. Les prêts pour la protection sociale, la nutrition et la sécurité alimentaire sont également voués à être doublés pour atteindre 800 millions de dollars. » www.worldbank.org
[3] Pour plus d’informations sur ce sujet, voir : Chapitre 10 du livre : Banque mondiale : le coup d’État permanent. CADTM/Syllepse/CETIM, 2006
[4] Boussard, J.-M, Gérard F, Piketty M.-G, 2005 Libéraliser l’agriculture mondiale ? Théories, modèles et réalités. CIRAD.
[5] Perspectives de l’alimentation Analyse des marchés mondiaux FAO Juin 2008
[6] Pour le cas du café par exemple, voir « L’empire de la honte », Jean Ziegler.
[7] Voir par exemple les explications de la FAO au travers de son Directeur général Jacques Diouf : « Augmenter la production agricole mondiale pour sortir de la crise des prix », 17 septembre 2008