Après que l’affaire des biens mal acquis a, selon toute vraisemblance, fait ses premières victimes, au Congo-Brazzaville, la Cellule Françafrique veut exprimer sa plus vive émotion et sa colère. Nous réitérons notre admiration et notre soutien indéfectible à tous ceux et celles qui, au risque de leur vie, refusent le pillage criminel de leur pays par le régime Sassou Nguesso.
Alors que les funérailles de l’opposant congolais se tenaient aujourd’hui 6 février, Nicolas Sarkozy, qui se rend au Congo-Brazzaville fin mars, doit sans tarder exiger une enquête indépendante sur les circonstances de l’incendie meutrier.
Le 21 janvier 2009 restera de sinistre mémoire pour les Congolais qui militent contre la criminalité économique du régime Sassou Nguesso, et toux ceux qui leur sont solidaires.
A Brazzaville, un incendie a tué la femme et les deux enfants de 9 et 11 ans de Bruno Jacquet Ossebi, journaliste franco-congolais de mwinda.org et animateur d’un site web dénonçant les biens mal acquis du clan Sassou. Il avait, le premier, envisagé de rejoindre les plaignants dans la plainte déposée à Paris à ce sujet. Lui-même, brûlé au deuxième degré, est mort quelques jours après, à Brazzaville.
Le même 21 janvier à Saint-Ay, près d’Orléans, Benjamin Toungamani a lui aussi vu son pavillon partir en fumée, sans faire de victime. Ce Congolais avait renoncé, sous la menace, à se porter partie civile, aux côtés de Transparence International et Survie, dans la récente plainte sur les biens mal acquis déposée auprès du Parquet de Paris.
Faut-il voir dans ces incendies parallèles une coïncidence ? La compagnie d’assurances a conclu à l’origine accidentelle du sinistre en France. Un court-circuit. Quel crédit lui apporter ? Côté congolais, évidemment, aucune espèce d’enquête n’a été menée. Malgré les demandes d’autopsie et de rapatriement du corps en France, Bruno Jacquet Ossébi a été enterré aujourd’hui à Brazzaville. On ne manquera pas de s’interroger sur les circonstances exactes de sa mort, le 29 janvier, tandis que le disgnostic vital était annoncé positif quelques jours auparavant.
Hélas, le pire est à craindre. Le raidissement du régime gabonais d’Omar Bongo, malgré la libération provisoire des 5 militants incarcérés, mi-janvier, augurait mal. Son beau-père et dictateur congolais, Denis Sassou Nguesso, ayant un pedigree beaucoup plus sanglant et qui continue de s’enrichir sur le dos des Congolais (voir doc ci-joint), l’hypothèse de l’assassinat politique n’est pas à exclure. D’autant que Benjamin Toungamani projetait de rejoindre finalement les plaignants, dans l’affaire des biens mal acquis. De son côté, Bruno Oussébi venait derévéler sur son site, le 17 janvier, l’imminence d’un prêt gagé de la BNP Paribas au Congo-Brazzaville de 100 millions d’euros. Une pratique interdite par la loi et qui est unle mécanisme central du pillage du Congo depuis 25 ans. Sa révélation avait contraint les acteurs du deal à se rétracter.
Parce que ces enfants n’avaient rien demandé à personne. Parce que nous avions échangé avec Bruno, dont le site sur les biens mal acquis de Sassou faisait référence. Parce que nous ne saurons probablement jamais ce qui est réellement advenu. Parce que pas une personnalité française n’a pris la parole à ce sujet. Parce que les médias français, à l’exception notoire de Témoignage Chrétien, n’ont pas été foutus d’écrire une ligne sur cette affaire gravissime - et ce, alors même que l’affaire des honoraires de Kouchner au Gabon et au Congo-B faisait la ’une’ des journaux !
Il nous reste aussi la honte. La honte parce que nous avons la chance de militer, malgré ses limites, dans un pays de droits et de libertés. La honte parce que notre mobilisation sur les biens mal acquis ne nous expose pas au centième des risques encourus par nos amis congolais ou gabonais. La honte aussi parce que la médiatisation des biens mal acquis à laquelle nous avons contribué a peut-être exposé encore un peu plus des militants dont la seule armure est la foi en la justice et la vérité.
Se taire serait la pire des solutions. Ce serait non seulement abdiquer devant l’abomination, mais aussi donner un sauf-conduit aux représailles politiques et ainsi, risquer de condamner tous les autres militants qui continuent de se battre au péril de leur vie.
Il faut faire du bruit ! Face à l’autoritarisme, un combat isolé est un combat risqué. Il faut que le combat des Congolais épris de justice devienne le combat des Français, moins exposés. On le sait, la France a un poids déterminant dans la politique congolaise. Il faut que se lèvent tous ceux qui refusent de voir l’Afrique pillée, ses militants opprimés et la France, piétiner ses valeurs pour quelques gouttes d’or noir.
Il faut que la justice fasse son travail. Que le juge d’instruction de Paris profite qu’il existe encore pour juger recevable la plainte avec constitution de partie civile déposée à l’encontre de Denis Sassou Nguesso & consorts. Pour qu’il puisse mener en toute indépendance l’enquête sur l’origine de la fortune du clan au pouvoir à Brazzaville. Pour que Bruno et ses proches ne soient pas morts pour rien.
Il faut que les médias couvrent le Congo-Brazzaville et enquêtent. C’est sans doute, depuis une douzaine d’années, le pays où les entreprises et les banques françaises sont le plus directement impliquées dans un crime de masse. Avec le probable assentiment de l’Etat. Qui le sait ? Trop rares sont les articles qui ont couvert la guerre meutrière de 98-99 et les complicités françaises. Trop rares sont les ouvrages sortis sur le sujet : Verschave, Harel... Le dixième anniversaire du retour au pouvoir par les armes de Denis Sassou Nguesso, en ce moment, devrait être l’occasion de revenir sur ces pages noires de notre histoire. Avez-vous lu un seul article dans les grands médias ? La visite prévue de Sarko à Brazza, fin mars, doit en être l’occasion.
Il faut que les politiques s’emparent du sujet. On le sent, ni la droite ni la gauche n’osent en parler : on était alors sous Jospin et Chirac, et Sassou continue depuis de bénéficier, sans discontinuer, de l’accueil à bras ouverts des plus hautes autorités françaises - Elysée, Sénat... Une Commission d’enquête parlementaire devra faire toute la lumière sur le rôle joué par la France, ses entreprises et ses banques au Congo-Brazzaville entre 1997 et 1999. Les personnalités politiques qui ont le sens de l’honneur doivent s’emparer du sujet.
Il faut qu’au moins, Nicolas Sarkozy ait la décence de ne pas aller serrer la main sanglante du dictateur fin mars tant qu’une enquête internationale indépendante n’aura pas démontré l’innocence du régime dans ce qui ressemble fort à une énième épuration politique de la part de Denis Sassou Nguesso et ses affidés.