Au moment où le premier ministre Van Rompuy annonce le renforcement de l’aide belge aux opérations militaires de l’OTAN en Afghanistan, près de 500 personnes décident le 21 mars de prendre d’assaut le quartier-général de l’OTAN situé à Evere près de Bruxelles pour le fermer symboliquement. Une seule personne a réussi à pénétrer dans cette forteresse et 442 personnes, selon les chiffres officiels de la police, ont été arrêtées puis emprisonnées dans les cellules du Palais de justice de Bruxelles. Deux semaines avant le sommet de Strasbourg et de Kehl qui célèbrera le 60e anniversaire de l’OTAN, cette action de désobéissance civile non-violente baptisée NATO GAME OVER [1], organisée par le mouvement de paix Vredesactie, visait à mettre en lumière le rôle criminel de l’OTAN et la présence de bombes nucléaires sur le territoire belge.
Tous les manifestants savaient bien évidemment qu’ils ne réussiraient pas à bloquer les activités de l’OTAN en Belgique et qu’ils seraient immédiatement placés en rétention administrative pendant de longues heures, comme les années précédentes. L’enjeu de cette action était donc d’attirer l’attention des médias et de l’opinion publique sur le danger que représente l’OTAN et sur le rôle complice de la Belgique. En effet, le territoire belge est d’une importance stratégique pour l’OTAN puisque s’y trouvent à la fois le quartier général de l’OTAN, où sont notamment prises les décisions relatives aux armes nucléaires, le commandement militaire (SHAPE) situé à Mons et une vingtaine de bombes atomiques américaines B61 à Kleine Brogel dans le Limbourg. Or, en acceptant ces armes nucléaires sur son sol, la Belgique agit en violation de l’article 2 du Traité de non-prolifération et du droit belge puisqu’une résolution du Parlement fédéral exige depuis 2005 le retrait de ces armes nucléaires [2.]
La Belgique viole non seulement ses engagements juridiques mais se rend aussi complice d’une organisation militaire illégitime, illégale et dangereuse pour l’humanité. En effet, l’OTAN créée en 1949 pour défendre ses membres en cas d’agression de l’ « ennemi communiste », est devenue, après la chute du mur de Berlin, une organisation capable d’intervenir préventivement partout dans le monde lorsqu’elle identifie une menace à la paix et à la sécurité internationale. Ce qui constitue normalement une prérogative de l’ONU selon sa Charte. L’OTAN place le terrorisme comme menace principale, se donne le droit d’intervenir sans mandat de l’ONU et se fixe comme nouvelle mission « la prévention des conflits, sur ou hors de son territoire, la gestion des crises et la riposte aux crises [3.]. Au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, le droit à la riposte collective consacré à l’article 5 du Traité de l’Atlantique nord est pour la première fois invoqué. L’attaque subie par les Etats-Unis sur son sol entraîne alors une réponse militaire collective des membres de l’OTAN. C’est ainsi que la Belgique se retrouve aujourd’hui embarquée dans la guerre en Afghanistan. Dans cette croisade contre le terrorisme, l’OTAN cherche également des alliés proches idéologiquement. C’est le cas d’Israël avec qui elle a conclu un partenariat privilégié en décembre dernier, peu de temps avant le massacre des Palestiniens dans la bande de Gaza.
Ajoutons que pour gérer ces « menaces » comme la possession présumée par un Etat tiers d’armes de destructions massives ou encore la perturbation dans l’approvisionnement de ses membres en ressources énergétiques, l’OTAN se réserve le droit d’utiliser la bombe atomique à titre « préventif [4.] ». Le projet de bouclier anti-missiles en Europe aggrave ce risque puisqu’il permettrait l’utilisation de l’arme nucléaire sans craindre des représailles. Soulignons que sur les cinq puissances nucléaires officielles, trois sont membres de l’OTAN (France, Grande-Bretagne, Etats-Unis) et que si ce bouclier est installé, son coût estimé entre 20 et 40 milliards d’euros sera encore supporté par les citoyens européens qui doivent déjà payer la facture du sauvetage des banques privées par leurs Etats.
Face à cette situation qui met en danger des millions de vies humaines, les « désobéissants » de NATO GAME OVER
inculpés de «
trouble à l’ordre public
» ont commis cette infraction pour empêcher un crime. En effet, la menace d’utilisation des armes nucléaires est contraire au droit international et en particulier au droit humanitaire, selon la Cour internationale de justice [5.].
Cette action de désobéissance civile est une réussite à plus d’un titre ; tout d’abord en raison de l’engagement militant de ses participants dont la connaissance des enjeux liés à l’OTAN dépassait largement celle des forces de l’ordre, qui pour la plupart n’y voyaient qu’un « jeu ». Ensuite, l’action s’est déroulée sans aucune violence de la part des manifestants et a mis en évidence le caractère disproportionné des moyens humains et logistiques de la police. Enfin, NATO GAME OVER a brillé par la solidarité entre ces militants et l’ambiance festive dans les cellules ! Nul doute que cette « expérience désobéissante » a renforcé leur détermination à lutter contre l’OTAN et plus largement la militarisation qui font partie intégrante du système capitaliste. Soulignons que les dépenses militaires en constante augmentation atteignaient 1339 milliards de dollars en 2007 (soit environ le montant de la dette publique externe de tous les pays du tiers-monde [6.]) alors qu’il suffirait de 80 milliards de dollars pendant 10 ans pour assurer à l’ensemble des être humains les services sociaux essentiels tels que l’accès aux soins de santé de base, à l’eau potable, à un système sanitaire et à l’éducation première. L’accès de tous aux services sociaux de base serait sans aucun doute un bien meilleur outil de lutte contre le terrorisme que des bombes nucléaires parsemées sur la planète.
L’éradication de la pauvreté au Sud et au Nord est donc tout à fait possible. Seule la volonté politique fait défaut. A nous de faire pression sur nos dirigeants pour exiger des changements radicaux en vue de la satisfaction des besoins humains fondamentaux. Comment ? Entre autres par la désobéissance civile ! Le contre-sommet de l’OTAN à Strasbourg, qui s’inscrit dans la semaine d’action globale contre le capitalisme du 28 mars au 4 avril [7.], sera l’occasion de faire entendre nos voix même si la tâche s’annonce compliquée. Le gouvernement français a, en effet, décidé de rétablir temporairement les contrôles à ses frontières intérieures. Les contrôles aériens seront rétablis, ainsi que les contrôles terrestres aux frontières avec la Belgique, le Luxembourg, la Suisse, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne [8.].
Les auteurs sont membres du CADTM (www.cadtm.org) et ont participé à l’action NATO GAME OVER
[1] En parallèle à l’action de désobéissance civile non-violente, une cérémonie d’adieu à l’OTAN a eu lieu aux alentours du quartier général de l’OTAN
[2.] résolution S 3-985/5 du 21/04/2005
[3.] CNAPD et ULDP, L’OTAN : du bouclier à l’épée, février 2009
[5.] CIJ, 8 juillet 1996 http:// www.icj-cij.org/docket/files/95/7494.pdf
[6.] En 2007, la dette publique externe des pays en développement atteignait 1350 milliards de dollars.
Voir D. Millet, E. Toussaint, 60 questions 60 réponses sur la dette, le FMI et la Banque mondiale , Novembre 2008
[7.] Déclaration de l’Assemblée des mouvements sociaux lors du Forum social mondial 2009 http://www.cadtm.org/spip.php?article4079&var_recherche=Belem
[8.] Le dispositif entrera en vigueur le 20 mars à 13h et prendra fin le 5 avril à 13h
membre du CADTM Belgique, juriste en droit international. Il est membre de la Commission pour la Vérité sur la dette publique de la Grèce créée le 4 avril 2015. Il est également chargé de plaidoyer à Entraide et Fraternité.
CADTM France
CADTM France