Depuis le 9 avril, les populations indigènes mènent une grève générale pacifique pour obtenir l’annulation de onze décrets pris par le gouvernement d’Alan Garcia pour livrer l’Amazonie péruvienne aux multinationales, en particulier aux compagnies pétrolières, forestières et minières, dans le cadre du Traité de libre commerce avec les États-Unis et en vue du futur Accord d’Association bilatérale avec l’Europe. En effet, ces décrets portant sur l’exploitation de la faune, la flore et les ressources hydrauliques de cette région menacent le droit des peuples indigènes à disposer librement de leurs terres et de leurs ressources naturelles.
En réponse à ces mobilisations, la Police Nationale du Pérou, sur ordre du président Alan Garcia, s’est déchaînée contre les populations indigènes de la province Amazonas qui bloquaient une route en appui à leurs demandes. Le bilan est extrêmement lourd : au moins cinquante personnes, majoritairement indigènes, ont été tuées et les derniers chiffres font état de plus de deux cents blessés, mais le décompte des victimes pourrait être encore plus important. Le gouvernement a depuis placé cinq départements en état d’urgence et les arrestations de militants se multiplient.
Ce massacre s’est produit quelques heures après que le congrès péruvien ait une nouvelle fois reporté le débat sur l’abrogation des décrets législatifs incriminés. Le gouvernement d’Alan Garcia refuse en effet d’entamer un dialogue réclamé par les communautés indigènes depuis le début de la crise. La logique défendue par le gouvernement, à travers les traités de libre échange avec les États-Unis et l’Europe et l’application des plans d’ajustement structurel imposés par la Banque mondiale et le FMI, piétine les besoins fondamentaux des populations et sert avant tout les grandes entreprises privées. Ce qui provoque une forte dégradation des conditions de vie des populations, notamment autochtones.
En agissant ainsi, le gouvernement a violé plusieurs Conventions dont il est signataire, notamment la Convention 169 de l’OIT et la Déclaration des Nations-unies sur les droits des peuples indigènes qui prévoit l’obligation pour l’État péruvien de consulter les communautés indigènes avant de prendre des décisions qui pourraient affecter leurs conditions de vie.
Le drame de Bagua oblige le gouvernement à revoir sa copie. Une majorité parlementaire a « suspendu indéfiniment » deux décrets parmi les plus contestés : le décret 1090 appelé « Loi forestière et de la faune sylvestre » et le 1064 établissant le régime juridique des terres à usage agricole. Les Indiens réclament l’abrogation pure et simple de l’ensemble des décrets et maintiennent leur mobilisation.
Le CADTM tient à rappeler son opposition déterminée aux traités et accords néo-colonialistes promus par les États-Unis et l’Union européenne ainsi qu’aux politiques d’ajustement structurel imposées par les institutions financières internationales, servant les intérêts des transnationales occidentales.
Le CADTM est pleinement solidaire des luttes menées par les peuples indiens du Pérou, et plus généralement par les peuples des Andes, contre les traités de libre commerce et les politiques néolibérales promues par la Banque mondiale et le FMI.
Le CADTM exige du gouvernement péruvien :
la suspension de l’État d’urgence et la libération sans condition des personnes arrêtées lors des manifestations et justice pour les victimes.
l’arrêt immédiat de la répression orchestrée par le gouvernement d’Alan Garcia à l’égard des peuples indigènes et le respect de leurs droits, conformément à la Convention 169 de l’OIT et à la Déclaration des Nations-unies sur les droits des peuples Indigènes.
l’abrogation immédiate de tous les décrets anticonstitutionnels et son retrait du TLC.
Au moment où l’Europe est en train de négocier des accords commerciaux avec le Pérou ainsi qu’avec la Colombie, le CADTM exige de l’Union européenne :
l’arrêt des négociations commerciales illégitimes, menée sans consultation des peuples, par l’Union européenne avec le Pérou et la Colombie, qui sont par ailleurs les deux régimes les plus autoritaires de l’Amérique du Sud.
la mise en place un modèle économique radicalement différent basé sur la satisfaction des droits humains fondamentaux de tous les peuples. Cela passe nécessairement par l’annulation totale de la dette, illégitime et largement odieuse, et par une nouvelle architecture financière internationale.