Dans un contexte de crise globale, la question de la dette, dans ses différentes dimensions (interne, externe, privée, publique, écologique,…), est devenue incontournable tant au Sud qu’au Nord de la planète. Cette crise systémique est dramatique pour les populations mais doit constituer une opportunité pour proposer des alternatives radicales basées sur un nouveau modèle de développement socialement juste et écologiquement soutenable. Nous proposons ici d’accorder une attention particulière aux éléments de la nouvelle conjoncture internationale qui ont un impact majeur sur le niveau d’endettement du Sud mais également du Nord. Ces changements constituent autant de défis que doit relever le CADTM dans le cadre de sa réflexion stratégique, son analyse et son action.
La crise actuelle est systémique et s’exprime sous différentes formes : financière, économique, alimentaire, écologique-climatique, migratoire et institutionnelle [1].
La crise économique et financière
En 2007-2008 a éclaté la plus importante crise économique et financière internationale depuis celle des années 1930. Sans l’intervention massive et concertée des pouvoirs publics qui se sont portés au secours des banquiers et des assureurs privés, pourtant les principaux responsables de la débâcle, la crise actuelle aurait déjà pris de plus amples proportions sur le plan financier. Cette crise financière trouve son origine dans le colossal montage de dettes privées, pure création de capital fictif, qui a fini par s’effondrer dans les pays les plus industrialisés, en commençant par les Etats-Unis, l’économie la plus endettée de la planète. En effet, l’addition des dettes publique et privée aux Etats-Unis s’élevait à la fin 2008 à 52 600 milliards de dollars, soit 370% du PIB [2]. La dette publique, quant à elle, s’élevait à 10 700 milliards de dollars. Cette dette publique a continué à croître et atteint 12 000 milliards de dollars en novembre 2009 selon le département du Trésor américain. En 2010, elle devrait atteindre 14 000 milliards de dollars (c’est-à-dire 10 fois le montant total de la dette externe publique de l’ensemble des pays en développement).
Le processus de destruction de ce capital fictif qui est en cours va à coup sûr se prolonger durant plusieurs années car les banques et assurances n’ont pas encore assaini tous leurs comptes. Un volume considérable d’actifs toxiques (= capital fictif) doit encore être effacé dans les actifs de ces institutions. Selon le FMI, le coût de la crise financière mondiale entre 2007 et 2010 dépassera 4 000 milliards de dollars [3], chiffre obtenu « en additionnant les pertes liées à des dépréciations d’actifs financiers américains (2 712 milliards), européens (1 193 milliards) et japonais (149 milliards) ». Entre le 2e trimestre 2007 et le 2e trimestre 2009, les banques privées ont dû supprimer dans leurs comptes environ 1 350 milliards de dollars (600 milliards aux Etats-Unis, 400 milliards dans l’eurozone, 250 milliards en Grande Bretagne, 100 milliards dans le reste du monde), c’est-à-dire l’équivalent de l’ensemble de la dette extérieure publique des pays en développement.
En mai-juin 2007, avant que la crise financière n’éclate aux Etats-Unis (en juillet 2007), le CADTM relevait déjà que de nouveaux produits financiers avaient pris une ampleur démesurée et préoccupante : il s’agit notamment des Credit Default Swaps (CDS). L’acheteur d’un CDS veut en l’acquérant se protéger contre un risque de non paiement d’une dette. Le marché des CDS s’est fortement développé depuis 2002. Le volume des montants concernés par les CDS a été multiplié par 11 entre 2002 et 2007 [4]. Le problème, c’est que ces contrats d’assurance sont vendus sans que s’exerce le moindre contrôle de la part des autorités publiques. L’existence de ces CDS a poussé les entreprises à prendre de plus en plus de risques. Se croyant protégés contre un défaut de paiement, les prêteurs ont octroyé des prêts sans avoir vérifié la capacité de l’emprunteur à rembourser. Or, comme la situation économique internationale s’est détériorée depuis 2007, des centaines d’emprunteurs sont devenus subitement insolvables et les CDS sont devenus des papiers sans valeur car les assureurs seront incapables d’exécuter leurs engagements. La faillite de Lehman Brothers et la nationalisation d’AIG aux Etats-Unis suivies de la quasi faillite de Fortis, Dexia et d’autres sont très largement le résultat de l’effondrement du marché des CDS et d’autres produits financiers comme les CDO (Collateralized Debt Obligations).
Mais la crise a déjà dépassé le stade de la simple élimination de capital fictif. Un large processus de destruction de capital productif a démarré : faillites d’entreprises et licenciements massifs de personnel sont légion. Nous sommes donc en présence d’une interconnexion des crises économique et financière. Cette interconnexion n’avait pas été aussi poussée lors des deux grandes crises financières qui ont secoué les économies des pays les plus industrialisés au cours des 25 dernières années. Le krach boursier de 1987 et l’explosion de la bulle internet (avec krach boursier) de 2000-2001 n’avaient pas eu des répercussions aussi lourdes et aussi durables sur la production.
Actuellement, l’interconnexion des économies de la planète est frappante. Au cours de l’année 2008, toutes les Bourses de la planète ont connu une baisse très importante, tant celles des pays les plus industrialisés (-34% aux Etats-Unis, -31% en Angleterre, -43% en France, -40% en Allemagne et en Espagne, -53% en Belgique, -42 au Japon et même -94% en Islande) que celles des pays émergents (-72% en Russie, -65% en Chine, -52% en Inde, -50% en Argentine...) [5]. Cette crise économique et financière qui a déjà touché l’ensemble de la planète affectera de plus en plus les pays en développement dont certains se croient encore à l’abri. La mondialisation capitaliste n’a pas découplé ou déconnecté les économies, bien au contraire : des pays comme la Chine, le Brésil, l’Inde ou la Russie n’ont pas pu se mettre à l’abri de cette crise et ce n’est que le début.
Le FMI le reconnaît à sa manière : « La complexité et la mondialisation croissantes des services financiers ont contribué à dynamiser la croissance économique, mais elles ont également augmenté les risques de propagation rapide des perturbations d’un marché à l’autre et d’un pays à l’autre. La crise montre combien il est difficile d’évaluer le risque de contrepartie et de détecter les liens potentiellement systémiques entre institutions financières au regard d’un éventuel problème d’interconnexion excessive [6]. » Traduction : pour assurer la croissance de leurs profits, banquiers et spéculateurs ont fait n’importe quoi et précipité le monde dans une crise aux multiples facettes.
Grâce aux aides massives injectées par les Etats du Nord, très souvent sans contrepartie pour les banques, ces dernières se refont actuellement une santé et recommencent comme avant la crise.
Soulignons enfin que d’autres défaillances massives des dettes des ménages et des entreprises vont très sûrement exploser à compter de 2010, 2011 et 2012. Ce sont notamment les contrats de prêt Alt A mortgage [7], une nouvelle catégorie de produits toxiques du type subprime. Autres bombes à retardement dont le mécanisme est en action : la crise dans le secteur immobilier commercial et les énormes dettes accumulées, la spéculation sur les titres de la dette publique et sur les junk bonds à haut rendement, la spéculation sur les matières premières et les aliments qui a repris à partir de la deuxième moitié de 2009…Une nouvelle crise financière est donc en gestation.
Cette crise globale est annonciatrice d’un nouvel épisode de la guerre sociale. La minorité profitant du système capitaliste en est pleinement consciente. Le milliardaire Warren Buffet déclarait avant l’éclatement de la crise : « Il y a une guerre des classes (class warfare), c’est vrai, mais c’est ma classe, celle des riches, qui mène cette guerre, et c’est nous qui la gagnons » [8].
La crise alimentaire
En 2007-2008, plus de la moitié de la population de la planète a vu se dégrader fortement ses conditions de vie car elle a été confrontée à une très forte hausse du prix des aliments. Le 27 mars 2008, le prix du riz a bondi de 31 % en une seule journée. Sur les trente-six mois qui ont précédé, le prix du blé a augmenté de 181 % et les prix alimentaires mondiaux de 83 %. Dans de nombreux pays, l’accroissement des prix de vente des aliments au détail dépasse 50 % en quelques mois. Le premier semestre 2008 marque un véritable tournant : l’envolée du prix des aliments sur les marchés, initiée au début des années 2000 et qui atteint alors son paroxysme, fait suite à deux décennies de baisse très importante. Cette flambée fait long feu et la tendance historique à la baisse reprend son cours dès le second semestre 2008. Pourtant, les conséquences humaines persistent dramatiquement. L’objectif du millénaire pour le développement, validé par l’Organisation des Nations unies (ONU) en 2000, qui consiste à réduire de moitié la proportion d’êtres humains souffrant de manière chronique de la faim d’ici 2015 ne sera très certainement pas atteint alors même qu’il est très peu ambitieux, au regard des engagements antérieurs des Nations-unies [9]. D’ailleurs, en avril 2009, les ministres de l’Agriculture des pays du G8 reconnaissaient que « le monde est très loin d’atteindre cet objectif ». Selon la FAO (l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture), 963 millions de personnes souffraient de la faim en 2008, soit un habitant de la planète sur sept. Au cours de cette année 2009, toujours selon la FAO, le cap du milliard de personnes souffrant de la faim a été dépassé [10], soit un individu sur six : c’est 100 millions de plus qu’en 2008 ! Paradoxalement, il s’agit en majorité de producteurs agricoles qui ne possèdent pas – ou pas assez - de terres et de moyens pour les mettre en valeur.
Malheureusement, la déclaration finale du sommet de la FAO à Rome (16-18 novembre 2009), où aucun chef d’Etat du G8 n’était présent à l’exception de Silvio Berlusconi en qualité d’hôte, passe à côté des principales causes de l’augmentation des prix alimentaires : la spéculation dans les bourses de matières premières, la production d’agrocarburants ou encore la vente de terres agricoles de pays d’Afrique et d’Asie à des Etats et des entreprises étrangères. Pis, cette déclaration reste prisonnière du dogme libéral en prônant une plus grande ouverture des marchés agricoles, dans la lignée des Plans d’ajustement structurel imposés par les Institutions financières internationales (IFI) et des accords de libre-échange bilatéraux ou négociés dans le cadre de l’OMC, qui sont en partie responsables de la crise alimentaire. Dans le même temps, cette déclaration du sommet de la FAO omet les effets destructeurs du dumping agricole sur les millions de paysans et plus largement sur le droit à l’alimentation ; un droit fondamental reconnu par le Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) [11] . Notons également l’absence de date butoir pour éradiquer la faim dans le monde ainsi que l’échec du président de la FAO, Jacques Diouf, de lever seulement 44 milliards de dollars afin de lutter contre la famine…Pourtant, comme il le fait justement remarquer, « ces 44 milliards de dollars représentent un montant très faible comparé aux 365 milliards de dollars dépensés en 2007 par les pays riches pour soutenir leurs agricultures, aux 1 340 milliards de dollars dépensés chaque année dans le monde sur les armements et aux sommes inimaginables qui ont été mobilisées très rapidement en 2008-2009 pour soutenir le secteur financier » [12].
Insistons également sur les funestes conséquences entraînées par les négociations commerciales menées dans le cadre du cycle de Doha de l’OMC : destructions d’emplois, insécurité alimentaire, dérégulation du secteur des services, etc. Pour l’OMC, la libéralisation du commerce international serait même la solution contre le changement climatique. Ce qui fait sourire lorsqu’on sait que le principe de « non-discrimination » régissant le commerce international des biens et des services, une des règles de base de l’OMC, interdit aux Etats qui le désireraient d’imposer aux produits importés une taxe carbone aux frontières. Soulignons également que la libre circulation des connaissances et des techniques, réclamée par les pays du Sud pour limiter les dommages liés au changement climatique, est entravée par l’ADPIC (Accord sur les droits de propriété intellectuelle).
La crise écologique et climatique
Aujourd’hui, l’écrasante majorité des scientifiques et l’ensemble de la « communauté internationale » s’accordent sur le constat du réchauffement du climat de la planète et sur la nécessité de le limiter pour éviter les catastrophes climatiques et plus largement préserver la nature. Ce réchauffement climatique de grande ampleur est d’autant plus inquiétant qu’il se produit à une vitesse que l’humanité n’a jamais connue. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), prix Nobel de la Paix en 2007, estime que « l’essentiel de l’élévation de la température moyenne du globe observée depuis le milieu du XXe siècle est très probablement attribuable à la hausse des concentrations de GES » (gaz à effet de serre). Si cette élévation est aussi rapide, c’est à cause des changements radicaux survenus dans les activités humaines, principalement depuis la Révolution industrielle capitaliste. Face à de tels dérèglements climatiques, des mesures drastiques s’imposent. Le GIEC recommande aux pays du Nord l’effort principal, de 25 à 40% de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2020 alors que le Sud devrait ralentir sa croissance de 15 à 30%. Rappelons que l’objectif du Protocole de Kyoto (qui expire en 2012) est de réduire entre 2008 et 2012 les émissions de gaz à effet de serre de 5,2% par rapport à 1990. Ce qui est totalement insuffisant !
Ces signaux d’alerte ne viennent pas uniquement du GIEC mais aussi de hauts fonctionnaires comme Nicholas Stern, ancien conseiller économique du gouvernement britannique, qui a remis en octobre 2006 au Premier ministre Tony Blair un rapport sur les effets du changement climatique en cours et les moyens de les combattre. Il affirme : « Le changement climatique va détériorer des conditions élémentaires de la vie des populations sur l’ensemble de la planète - accès à l’eau, production de nourriture, santé et environnement [13] ». De manière implicite, il condamne dans ce rapport les politiques menées par le FMI et la Banque mondiale, dont Nicholas Stern a pourtant été économiste en chef entre 2000 et 2003. Stern ajoute que les pays les moins industrialisés, bien que moins responsables que les autres du réchauffement climatique, seront les plus touchés : « Tous les pays seront touchés. Les plus vulnérables - les pays et populations les plus pauvres - souffriront plus tôt et davantage, même s’ils ont beaucoup moins contribué au changement climatique. » Il ajoute, en contradiction avec la philosophie de la mondialisation néolibérale, que : « Le changement climatique est le plus grand échec du marché que le monde ait jamais connu et il interagit avec d’autres imperfections du marché ».
Et pourtant, le très attendu sommet de l’ONU sur le climat à Copenhague (7-18 décembre 2009) où la prise de conscience de ce défi planétaire aurait dû logiquement déboucher sur des décisions politique fortes pour combattre le réchauffement climatique qui frappe déjà de plein fouet les populations du Sud, est un échec cuisant. Aucun accord digne de ce nom n’a pu, en effet, être signé sur les objectifs et les mesures à mettre en œuvre à l’échelle internationale pour prolonger le protocole de Kyoto après 2012. Soumis aux lobbies du green business et enfermés dans les logiques diplomatiques héritées des périodes coloniales, les pays riches du Nord ont refusé de prendre les mesures qui reconnaîtraient leurs responsabilités historiques dans le changement climatique et ont précipité l’échec de ce sommet [14].
Les canicules, inondations et autres accidents climatiques font toujours plus de victimes dans les groupes sociaux à bas revenus : travailleurs, précaires, chômeurs, spécialement les femmes. Si les peuples du Sud sont en première ligne face aux menaces climatiques, le passage du cyclone Katrina à la Nouvelle Orléans (Etats-Unis) montre que les pauvres du Nord sont également menacés.
Les catastrophes humanitaires résultant du changement climatique ont déjà fait apparaître un nouveau type de réfugiés : les « réfugiés climatiques », contraints de quitter leur pays ou leur région d’origine pour survivre. La crise climatique accélérera fatalement des déplacements des populations touchées notamment celles qui seront affectées par la montée des eaux des mers et des océans.
La crise migratoire
La dégradation (ou la stagnation) des conditions de vie dans de nombreux pays en développement provoque de manière permanente un flux sortant de personnes à la recherche d’une meilleure qualité de vie dans les pays les plus industrialisés. Les politiques d’ajustement structurel et l’ouverture commerciale des PED voulues par l’UE, les Etats-Unis et les autres pays industrialisés sont en bonne partie responsables de cette dégradation. Dans un même temps, les pays industrialisés ont mis en place des politiques migratoires restrictives, sécuritaires et utilitaristes, pour se « protéger » d’une immigration jugée trop massive et indésirable, et taillées pour les besoins des Etats du Nord et de leurs entreprises.
Un autre phénomène est à prendre en compte : l’éclatement de la crise économique et financière au Nord a produit une forte augmentation du chômage, notamment dans la construction (à commencer par les Etats-Unis, l’Espagne, la Grande-Bretagne…) où travaille une grande quantité de migrants. Les aides qu’ils envoient à leur famille dans leur pays d’origine sont en baisse, certains d’entre eux reprennent le chemin du retour dans des conditions très difficiles. Malgré cette baisse liée à la crise, les envois des migrants restent encore beaucoup plus élevés que l’Aide publique au développement (APD).
La crise institutionnelle
L’Organisation des Nations-unies est sérieusement mise à mal par les grandes puissances qui lui préfèrent le G8 et le G20 pour préserver leurs intérêts au détriment des besoins humains fondamentaux des populations. Or, l’Assemblée générale de l’ONU, où tous les Etats sont mis sur un pied d’égalité puisque chacun dispose d’une voix au moment des votes, devrait être l’enceinte privilégiée pour faire face aux différentes crises qui secouent la planète. Malheureusement, l’initiative du président de l’Assemblée générale des Nations-unies de l’époque, le Nicaraguayen Miguel d’Escoto, de réunir du 24 au 26 juin 2009 tous les chefs d’Etats et de gouvernement sur la crise économique et financière a été sabotée par les grands argentiers du G8, qui n’ont pas jugé utile de s’y rendre. Ces derniers se sont par contre réunis dans le cadre du G8 à l’Aquila (en Italie) du 8 au 10 juillet 2009 pour leur grand-messe annuelle. Enfin, certains dirigeants du G8 ont mis l’échec du sommet de Copenhague sur le dos du système onusien qu’ils jugent inadapté pour apporter des solutions à la crise climatique…
L’OMC reste, quant à elle, paralysée. La 7e conférence ministérielle de l’OMC réunie du 30 novembre au 2 décembre 2009 à Genève a une nouvelle fois échoué à relancer les négociations du cycle de Doha entamé en 2001. L’échec de cette conférence confirme la crise de légitimité de l’organisation. Les pays en développement se sont d’ailleurs mis d’accord en marge de cette conférence pour négocier leur propre accord commercial à l’horizon de 2010.
La Banque mondiale et le FMI sont non seulement marqués par une crise de légitimité mais aussi par un grave déficit démocratique. Et ce ne sont pas les « réformettes » décidées lors du dernier G20 de Pittsburgh de septembre 2009 qui vont les transformer en organisations démocratiques. En décidant de transférer 5% des quotes-parts au FMI et 3% des droits de vote à la Banque mondiale vers « les pays émergents et en développement dynamiques » d’ici janvier 2011, ces deux institutions resteront, en effet, encore très largement dominées par les puissances occidentales. A titre d’exemple, la Chine, qui sera un des principaux bénéficiaires de ces fausses réformes, détient environ 3% des droits de vote aujourd’hui, très loin derrière les Etats-Unis qui possèdent à eux seuls plus de 16%, leur garantissant de facto un droit de veto sur toutes les grandes décisions. Autre exemple : le groupe emmené par le Rwanda, qui regroupe 24 pays d’Afrique noire et représente 225 millions d’individus, possède quant à lui 1,39 % des droits de vote.
A côté de la Banque mondiale et du FMI, le Club de Paris est le lieu privilégié des pays du Nord pour imposer leurs politiques néo-libérales aux pays endettés. Ce Club composé de 19 pays riches créanciers [15] se définit lui même comme une « non-institution » n’ayant pas de personnalité juridique. L’avantage est clair : le Club de Paris n’encourt aucune responsabilité quant à ses actes et ne peut donc être poursuivi en justice puisqu’officiellement, il n’existe pas ! Pourtant, ses décisions sont lourdes de conséquences pour les populations du tiers-monde car c’est en son sein qu’est décidé, de concert avec le FMI et la Banque mondiale, si un pays endetté du Sud « mérite » un rééchelonnement ou un allègement de dette. Lorsqu’il donne son feu vert, le pays concerné, toujours isolé face à ce front uni de créanciers, doit appliquer les mesures néolibérales dictées par ces bailleurs de fonds, dont les intérêts se confondent avec ceux du secteur privé.
L’interconnexion de toutes ces crises a des conséquences dramatiques pour les populations du Sud, l’Afrique en tête, mais aussi pour les populations du Nord. L’Europe de l’Est en paie déjà le prix fort en subissant les conditionnalités dictées par le FMI, ressuscité grâce à la crise économique. Plus largement, ces politiques d’austérité budgétaire s’étendent à tous les continents et risquent encore de se renforcer, du fait de l’augmentation vertigineuse de la dette publique au Nord et au Sud, dont les gouvernements se servent comme d’un alibi pour mener ces politiques anti-sociales.
La crise mondiale a pour conséquence d’augmenter le niveau d’endettement public des PED, qui était déjà insupportable avant l’éclatement de cette crise. Elle va également faire exploser la dette des pays industrialisés du Nord et renforcer la domination des IFI sur les pays endettés du Sud et d’Europe de l’Est.
L’érosion du niveau des réserves de change détenues par les PED
La chute de la croissance économique au Nord entraîne une réduction de la demande de matières premières, à commencer par le pétrole, ce qui fait baisser leur prix depuis juillet - août 2008. En conséquence, pour rembourser leurs dettes, les pays du Sud doivent puiser fortement dans les réserves de change qu’ils ont accumulées au cours des dernières années (en raison de la hausse des prix de leurs exportations entre 2004 et mi-2008) et ces réserves sont en train de fondre à un rythme très rapide (c’est notamment le cas de la RDC, de l’Equateur, du Pakistan, du Sri Lanka, du Bangladesh…). Les PED s’endettent alors de plus en plus sur leur marché intérieur ou extérieur à des conditions de plus en plus onéreuses pour le paiement la dette extérieure.
Forte augmentation de la dette publique interne des PED
La dette publique interne n’est pas un phénomène nouveau puisque celle-ci augmente fortement depuis la seconde moitié des années 1990. Selon la Banque mondiale, la dette intérieure publique de l’ensemble des PED est passée de 1300 milliards de dollars en 1997 à 3500 milliards de dollars en septembre 2005 [16] (soit 2,5 fois la dette extérieure publique qui s’élevait à 1415 milliards de dollars en 2005). Le service de la dette publique totale (extérieure et intérieure) dépassait en 2007 la somme astronomique de 800 milliards de dollars remboursés chaque année par les pouvoirs publics des PED.
Cet accroissement est particulièrement fort et inquiétant dans un grand nombre de pays à moyens revenus. L’Asie est le continent où la dette publique interne a le plus augmenté ces dernières années, notamment en conséquence de la crise du sud-est asiatique de 1997-1998 et des politiques que le FMI et la Banque mondiale y ont imposées. Par ailleurs, la dette publique interne a également fortement augmenté au Maroc. Bien que certains pays très pauvres ne sont pas encore touchés par ce phénomène, la tendance est clairement à la hausse. La crise capitaliste risque encore d’alourdir son coût pour les populations du Sud.
Cette augmentation brutale de la dette publique interne trouve en partie son origine dans la « nationalisation » des dettes privées liées aux crises financières qui ont touché les pays en développement (PED) entre 1994 et 2002. Ces crises financières sont elles-mêmes la conséquence de la déréglementation des marchés de capitaux et du secteur financier combinée à la suppression du contrôle des changes imposés par la Banque mondiale et le FMI. Ces mesures se sont accompagnées d’une déréglementation du secteur bancaire ; ce qui a poussé les banques privées à prendre de plus en plus de risques. Résultat : une succession de crises financières en Asie du Sud et en Amérique latine, en commençant par celle de décembre 1994 au Mexique. Les capitaux sont sortis en masse du Mexique, provocant des faillites bancaires en chaîne. Le gouvernement mexicain, soutenu par la Banque mondiale et le FMI, a ensuite transformé la dette privée des banques en dette publique interne. Notons que cela s’est passé exactement de la même manière dans des pays aussi différents que l’Indonésie en 1998 ou l’Equateur en 1999-2000.
L’augmentation de la dette publique interne provient également de l’incitation directe de la Banque mondiale à s’endetter sur les marchés internes. Dans le même temps, la banque recommande aux investisseurs étrangers d’investir dans le marché de la dette intérieure (dite aussi « domestique ») en pleine expansion.
La troisième cause est le processus de privatisation des systèmes de retraite sous l’impulsion de la Banque mondiale toujours, qui favorise l’utilisation de l’épargne des travailleurs (leurs futures retraites) pour acheter des titres de la dette intérieure publique. Les gouvernements brésilien, chilien, colombien et argentin ont appliqué cette politique de privatisation partielle des systèmes de retraite et les fonds de pensions sont devenus d’importants acheteurs des titres de la dette interne. Notons que la crise financière et économique internationale initiée en 2007-2008 a déjà provoqué l’effondrement des avoirs des fonds de pension privés en Colombie. Face au marasme des fonds de pensions privés (AFJP), le gouvernement argentin de Christina Fernandez de Kirchner les a renationalisés au début de l’année 2009.
L’épargne présente dans le secteur bancaire, au lieu de servir à l’investissement productif, que ce soit sous la responsabilité des pouvoirs publics ou celle des acteurs privés, est systématiquement déviée vers un comportement parasitaire de rentier. Les banques prêtent aux pouvoirs publics l’argent que ceux-ci leur remboursent et elles prélèvent des intérêts énormes, voire usuraires. Il est en effet moins risqué pour elles de prêter à l’Etat que d’octroyer des crédits aux petits ou aux moyens producteurs. Un Etat entre rarement en défaut de paiement en ce qui concerne la dette interne. En outre, les banques centrales des PED appuyées par la Banque mondiale et le FMI appliquent souvent des taux d’intérêts très élevés. Cela aboutit au comportement suivant : les banques locales empruntent sur les marchés financiers étrangers (Etats-Unis, Japon, Europe) à court terme à des taux assez bas et prêtent cet argent dans leur pays à long terme à des taux d’intérêt élevés. Elles font des profits juteux jusqu’au moment où les primes de risque que paient les pays du Sud pour emprunter au Nord se remettent à augmenter comme c’est le cas depuis 2008. Avec le risque que l’Etat assume une nouvelle fois leurs dettes privées, augmentant d’autant la dette intérieure publique. D’où le cercle vicieux de la dette publique interne qui complète celui de la dette publique externe.
La dette privée du Nord et du Sud transformée en dette publique
Avec le sauvetage des banques et des assurances privées réalisé à partir de 2007, les gouvernements d’Amérique du Nord et d’Europe ont remplacé un échafaudage branlant de dettes privées par un écrasant montage de dettes publiques : le coût de l’opération de sauvetage des institutions privées est en effet entièrement porté à charge des pouvoirs publics, ce qui entraîne une augmentation très importante de la dette publique [17]. Pour financer ces opérations, l’Etat apporte de l’argent frais aux banques et aux assurances au bord de la faillite, soit sous forme de recapitalisation, soit sous forme d’achat des actifs toxiques des entreprises concernées. Pour ce faire, les Etats émettent des titres du Trésor public qui sont souscrits par ces mêmes banques et ces assurances.
En 2009-2010, les gouvernements des pays les plus industrialisés devront ainsi emprunter sur les marchés financiers au moins 4.000 milliards de dollars (4.000.000.000.000 dollars). Pourtant, récemment encore, il y avait un consensus des mêmes gouvernements pour réduire la dette publique.
Au Sud, on risque également d’assister à la « nationalisation » des dettes privées, comme ce fut le cas en Argentine et au Chili en 1982-1984, au Mexique en 1995, en Indonésie et en Corée du Sud en 1998, etc. A cela s’ajoutent les nouveaux programmes conclus avec les IFI qui vont aggraver le poids de cette dette et la dépendance des pays du Sud et d’Europe de l’Est.
Le FMI et la Banque mondiale sont remis en selle grâce au G20
Il y a peu, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) étaient confrontés à une crise de légitimité. En 2007, la démission forcée du président de la BM, Paul Wolfowitz, accusé de népotisme, et le départ précipité du directeur général du FMI, Rodrigo de Rato, avaient accéléré la perte de crédibilité de ces deux institutions. Leurs recettes consignées dans le « consensus de Washington » (privatisations, déréglementation forcenée, abandon des protections douanières, réduction des budgets sociaux…) étaient partout critiquées, et des voix s’élevaient pour réclamer une réforme de leur fonctionnement, jugé non démocratique. Des réformes cosmétiques et un discours officiel de rupture avec le consensus de Washington n’ont rien changé en réalité : ces institutions restent dominées par les pays du G7 attachés au néolibéralisme. A cette crise de légitimité s’ajoutaient des difficultés financières et une perte d’influence, à mesure que ces institutions perdaient des clients. Entre 2004 et 2008, la hausse importante du prix des produits de base avait augmenté les réserves de change des pays en développement (PED). Plusieurs pays du Sud les ont utilisées pour rembourser de manière anticipée la Banque mondiale et le FMI afin de reconquérir une certaine autonomie.
Mais à partir de la fin 2008, l’aggravation de la crise économique mondiale a radicalement modifié la situation, le FMI est revenu sur le devant de la scène pour apporter des liquidités aux PED qui en manquaient. La crise a, en effet, démultiplié les demandes de prêts au FMI en 2008, à tel point que le G20 de Londres a décidé, le 2 avril 2009, de tripler les moyens du FMI pour lui permettre de répondre à la crise. Comme indiqué dans son communiqué du 2 avril 2009, le G20 de Londres a adopté la constitution d’un « programme supplémentaire de 1.100 milliards de dollars en vue d’alimenter un plan global pour un redressement à une échelle inédite à ce jour ». Grand gagnant de l’opération, le Fonds monétaire international voit ses capacités de prêts tripler, passant de 250 à 750 milliards de dollars « grâce à un financement immédiat des membres de 250 milliards de dollars, (…) augmenté jusqu’à 500 milliards ». Le G20 a en outre convenu de « soutenir une allocation générale de Droits de tirages spéciaux [18] qui injectera 250 milliards de dollars dans l’économie et augmentera les liquidités globales ». Par ailleurs, le produit de la vente d’une partie du stock d’or du FMI est censé « fournir aux pays les plus pauvres dans les deux à trois années à venir 6 milliards de dollars supplémentaires en fonds facilement accessibles ». Enfin, le FMI, dont le financement dépendait exclusivement du rendement de ses prêts, peut désormais « envisager des emprunts sur le marché si nécessaire ». Le FMI semble ainsi mandaté pour une nouvelle vie. Le 23 décembre 2009, il prévoyait même une augmentation de ses bénéfices pour 2009 et 2010. Cette augmentation résulte directement de ces nouveaux prêts accordés depuis l’avènement de la crise économique.
Entre octobre 2008 et juin 2009, une quinzaine de pays ont accepté les conditions draconiennes exigées par le FMI : réduction des salaires dans la fonction publique, allongement de l’âge de la retraite, compression des dépenses publiques. La liste des pays durement frappés par la crise s’est allongée et le G20 a remis FMI et Banque mondiale au cœur du jeu mondial. C’est ainsi que sous la pression du FMI, la Roumanie a dû appliquer des politiques anti-sociales comme la réduction brutale de 15 % des revenus des fonctionnaires, en contrepartie de liquidités pour surmonter la crise à court terme. Depuis 2008, une quinzaine de pays ont connu le même sort. A titre d’exemple, la Lettonie a imposé une baisse de 15% des revenus des fonctionnaires, la Hongrie leur a supprimé le 13e mois (après avoir réduit les retraites dans le cadre d’un accord antérieur) et la Roumanie est sur le point de s’engager aussi dans cette voie. La potion est tellement amère que certains gouvernements hésitent. C’est ainsi que l’Ukraine a récemment jugé « inacceptables » les conditions imposées par le FMI, notamment le relèvement progressif de l’âge de mise à la retraite et la hausse des tarifs du logement. En l’absence de solution alternative, le gouvernement de Kiev a finalement accepté les exigences du FMI. Bien que les créanciers occidentaux réfutent l’appellation de « consensus de Washington » pour qualifier le fondement idéologique de ces mesures, leurs politiques restent sensiblement les mêmes que celles contenues dans les fameux Plans d’ajustement structurel (PAS). Par ailleurs, malgré les nombreuses critiques des ONG, des mouvements sociaux et des syndicats, la Banque mondiale continue à décourager les pays d’adopter des programmes de protection sociale en qualifiant les gouvernements qui le font de « non-compétitifs [19] ». Signalons que l’indicateur relatif à la flexibilité du marché du travail est toujours utilisé dans son rapport annuel Doing Business. Plus la protection sociale des travailleurs est basse dans un pays donné, mieux il est classé dans le Doing Business !
Notons enfin que la Banque mondiale tire actuellement profit de la crise écologique en créant plusieurs fonds d’investissement climatiques alors qu’elle continue à financer des projets de déforestation et d’industries extractives. Durant l’année 2008, les fonds alloués aux énergies propres ont d’ailleurs été 5 fois inférieurs à ceux destinés aux énergies non-renouvelables dont le montant a augmenté de plus de 165% [20].
Le soutien de la BM et de la BEI aux industries extractives, aux barrages et à l’exploitation industrielle des forêts se poursuit
Dans son nouveau cadre stratégique pour le climat, la Banque mondiale reconnaît que les principaux facteurs responsables du réchauffement climatique sont, d’une part, les émissions de gaz à effet de serre et, d’autre part, la déforestation. Mais les projets financés par la banque participent grandement de l’un et de l’autre.
Robert Goodland, consultant en environnement à la BM pendant 23 ans, est aujourd’hui très critique envers ses anciens employeurs lorsqu’il évoque le financement des plantations d’huile de palme en Indonésie qui détruisent la mangrove, le financement des plantations de soja en Amazonie ou celui de l’élevage extensif en Argentine : « Un quart de la forêt amazonienne a déjà disparu et ce, avec l’aide et les encouragements de la Banque mondiale [21] ». De la même manière, la BM et une de ses agences, l’IFC (International Finance Corporation), continuent d’augmenter leurs investissements dans le domaine des énergies fossiles. Durant l’année 2008, les fonds alloués aux énergies propres ont été 5 fois inférieurs à ceux destinés aux énergies non renouvelables dont le montant a augmenté de plus de 165% [22]. La Banque mondiale a investi des fonds considérables (à hauteur de 2,3 milliards de dollars) dans des projets d’envergure destinés à la production énergétique.
Un nouvel acteur en pleine expansion dans les pays en développement est la Banque européenne d’investissement (BEI). Bien que la mission première de la BEI demeure concentrée à l’intérieur de l’Union européenne, son activité à l’extérieur de l’Union est en pleine croissance – en volume, en qualité et en variétés d’opérations. La BEI est aujourd’hui engagée dans les pays du pourtour méditerranéen, des Balkans, d’Amérique latine, d’Asie, et en Russie (dans le cadre de la politique de voisinage de l’UE) ; mais la BEI intervient surtout dans les pays ACP (Afrique Caraïbes Pacifique) dans le cadre de l’accord de Cotonou de 2000. Au total, environ 15% des investissements de la BEI se font en dehors de l’Union européenne. Elle gère un portefeuille presque deux fois plus important que celui de la Banque mondiale. En tant que banque d’investissement, elle ne fait que des prêts et aucun don. Toutes les sommes investies par la BEI doivent lui être remboursées. En 2007, la BEI est un des plus grands emprunteurs non souverains sur le marché obligataire de l’Union européenne et elle dispose en 2006 d’un capital souscrit s’élevant à 163,6 milliards d’euros.
Une critique majeure à l’encontre de la BEI est liée à la faiblesse de ses normes environnementales et sociales dans le cadre de ses interventions en dehors de l’UE. Au sein de l’UE, la BEI est liée par les normes européennes. Mais dans les pays du Sud, elle n’est soumise à aucune réglementation précise : les documents normatifs rendus publics se réfèrent à une multitude de principes vagues, sans procédures opérationnelles, ou à l’application du droit européen « en fonction des conditions locales ». La BEI est notamment impliquée dans des projets très controversés comme le projet minier de Tenke Fungurume en République démocratique du Congo (RDC).
La BEI est également très présente au Niger puisqu’elle a approuvé un prêt de 400 millions d’euros à la multinationale française Areva en septembre 2008 pour l’usine d’enrichissement d’uranium du Tricastin et s’apprête à débloquer un autre prêt d’un milliard d’euros pour Imouraren, le plus grand projet industriel jamais envisagé au Niger. Imouraren est aussi la plus importante mine d’uranium d’Afrique et la deuxième au monde. Pourtant, des études et mesures effectuées par la CRIIRAD (Commission de Recherche et d’Information Indépendantes sur la Radioactivité) entre 2004 et 2005 démontrent que les activités d’exploitation de l’uranium ont provoqué de graves contaminations des eaux distribuées aux travailleurs et à la population, avec des taux de contamination aux particules alpha (parmi les plus dangereuses pour la santé humaine) 7 à 110 fois supérieurs aux seuils recommandés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et le dépassement des normes internationales de potabilité. Informée par son laboratoire d’analyse, Areva se contente d’ignorer le problème.
Augmentation des prêts Sud-Sud et rôle grandissant de la Chine
En recourant au FMI pour obtenir des aides financières d’urgence face à la crise économique, les pays du Sud et d’Europe de l’Est doivent renforcer l’application des conditionnalités imposées par les Institutions financières internationales (IFI). Face au durcissement de ces conditionnalités, les pays du Sud et en particulier les pays africains se tournent de plus en plus vers la Chine et d’autres puissances du Sud comme le Brésil pour obtenir plus facilement des liquidités en diminuant le risque d’ingérence politique.
Le Brésil est entré en avril dernier dans le club des créanciers du Fonds monétaire international (FMI). Le Brésil a ainsi accepté une invitation à participer à l’augmentation des ressources du Fonds, prônée lors du récent sommet du G20 de Londres. Après avoir longtemps été dépendant de l’institution, le pays pourrait allouer un prêt de 4,5 milliards de dollars à l’organisation. Le Brésil prête déjà massivement via sa banque publique de développement (BNDES) aux entreprises brésiliennes qui obtiennent des contrats dans le reste du monde, principalement dans les PED [23]. La manière dont le Brésil procède est fortement critiquée par les mouvements sociaux brésiliens et de manière plus diplomatique par certains gouvernements amis de Brasilia (les gouvernements bolivien, équatorien et paraguayen notamment).
La Chine continue à investir massivement dans les pays disposant des richesses naturelles qui lui manquent. Les prêts accordés par la Chine aux PED constituent une alternative moins coûteuse et dépourvue des conditionnalités imposées par les institutions de Bretton Woods. Les pays africains pourvus de ressources naturelles y recourent déjà et les autres suivent ou souhaitent avoir accès à la manne chinoise. Pour autant, ce n’est pas une véritable alternative pour les pays du Sud. La Chine investit massivement dans les pays riches en ressources, mais elle prend soin de ne pas partager le pouvoir que cela lui confère et les populations ne sont pas plus associées qu’avant aux bénéfices de ces exportations. Les pouvoirs en place y trouvent leur compte car l’argent afflue sans que le bailleur de fonds ne mette son nez dans la gestion du pays. La Chine ne refuse pas d’injecter de l’argent dans des pays où ont lieu une captation des richesses financières par le clan au pouvoir et des violations régulières des droits de l’Homme, comme au Gabon ou au Soudan. Mais la Chine n’est pas du tout adepte de dons pour libérer le développement dans les pays où elle investit, elle y envoie de nombreux travailleurs qui prennent en charge les travaux d’infrastructure sans y associer les ouvriers locaux, et elle exige le remboursement des sommes prêtées jusqu’au dernier centime. L’endettement extérieur de ces pays s’accroît donc fortement.
Les banques privées de quelques pays en développement (Chine, Inde, Malaisie, Afrique du Sud) octroient également de plus en plus de prêts à des gouvernements ou à des entreprises d’autres PED. Les prêts des banques chinoises à l’Afrique augmentent fortement. En 2004-2006, les banques chinoises ont prêté deux milliards de dollars aux PED dans le domaine du pétrole, du gaz et d’autres matières premières. La Chine mais aussi le Brésil, l’Inde et l’Afrique du Sud sont à la recherche de matières premières, c’est pourquoi les banques de ces pays augmentent fortement leurs prêts de manière à garantir leur approvisionnement. Les pays les plus vulnérables risquent de tomber dans une nouvelle dépendance qui ne sera pas nécessairement meilleure que celle déjà existante à l’égard des pays les plus industrialisés. Il faut aussi souligner le développement de puissantes sociétés transnationales privées ou publiques du Sud (Petrobras, Petronas, PDVSA, CNOOPC, pour ne prendre que le domaine pétrolier).
Toutes ces conditions étroitement liées aux crises interconnectées à l’échelle mondiale (érosion des réserves de change, augmentation de la dette interne et des prêts léonins Sud-Sud, risque important de nationalisation des dettes privées) sont donc aujourd’hui réunies pour qu’une nouvelle crise de la dette des PED explose.
Une nouvelle crise de la dette des PED est en marche
La dette publique externe totale des PED se chiffrait en 2007 à 1350 milliards de dollars. La dette interne publique en constante augmentation s’élevait à la même période à 3500 milliards de dollars. Dans les mois et les années qui viennent, de nombreux pays vont rencontrer de grands problèmes de remboursement. De plus, le coût du remboursement de la dette a augmenté pour deux raisons :
La plupart des dettes sont libellées en dollar qui a gagné en valeur par rapport aux autres monnaies depuis juillet 2008. Pour se procurer les dollars nécessaires au remboursement de la dette, les gouvernements du Sud doivent débourser plus de monnaie nationale qu’auparavant.
Les primes de risque payées par les pays en développement pour emprunter ont fortement augmenté depuis juillet 2008. Pour faire face à la situation les gouvernements des pays en développement ont dû puiser dans leurs réserves de changes.
Enfin, il est fort probable que la dette publique augmente en raison de la reprise par les Etats des dettes du secteur privé. C’est pourquoi il est important d’adopter une attitude rigoureuse pour éviter qu’une nouvelle fois le poids de la dette n’empêche l’amélioration des conditions de vie des populations des PED. En effet, il est vain de compter sur l’Aide publique au développement (APD) des pays riches, compte tenu de sa composition et de son faible montant.
L’Aide publique au Développement (APD) continue de baisser
Selon Concord, la confédération européenne des ONG d’urgence et de développement, les gouvernements européens ne rempliront pas avant 2012 les promesses qui auraient dû être tenues en 2010. Il faut souligner que la plupart des pays « donateurs » ont gonflé artificiellement le chiffre de leurs efforts en comptabilisant comme aide au développement les 5 milliards d’euros d’annulations de dettes, les 2 milliards liés à l’accueil des étudiants étrangers et le milliard d’euros que représente l’accueil ou le rapatriement des candidats réfugiés.
Alors que l’Union Européenne se targue d’attribuer aux pays pauvres 0,40% de son revenu national, la réalité est bien différente : l’aide réelle ne représenterait que 0,34% du revenu national brut collectif. On est loin de l’objectif des 0,7%. Par ailleurs, il est absolument clair qu’un des objectifs des OMD ne sera pas du tout atteint, celui de la réduction de la faim. Rappelons à nouveau que selon la FAO le nombre de personnes souffrant de la faim a dépassé le milliard en 2009 alors qu’il était de 850 millions en 2006.
Sans surprise, le dernier G8 de l’Aquila n’y a absolument rien changé puisque les dirigeants du G8 se sont contentés de réaffirmer, comme l’année dernière à Hokkaido (Japon), leurs vieilles promesses datant du Sommet de Gleneagles (Ecosse) de 2005 : augmenter leur aide publique au développement (APD) de 50 milliards de dollars, dont la moitié pour l’Afrique sub-saharienne, d’ici 2010. Or, on est actuellement très loin du compte puisqu’il manquait environ 30 milliards de dollars pour atteindre cet objectif en 2008. Pire, l’APD stagne depuis 2005 d’après les chiffres donnés par l’OCDE et devrait même baisser en 2009 [24] ! A titre d’exemple, la France a annoncé qu’elle ne devrait pas consacrer cette année plus de 0,39% de son PIB. Quant à l’Italie, elle a coupé de 56 % son budget pour la coopération au développement et son APD représente aujourd’hui seulement à 0,18 % de son PIB…
Augmentation des missions de l’OTAN et des dépenses d’armement au détriment des PED
Alors que les pays riches sacrifient les budgets de la coopération au développement et violent manifestement leurs engagements, ils n’hésitent pas à augmenter leurs dépenses militaires qui atteignaient déjà 1339 milliards de dollars en 2007 (soit environ le montant de la dette publique externe de tous les pays du tiers-monde). Aux Etats-Unis, l’arrivée de Barack Obama à la présidence n’a pas non plus débouché sur une réduction du budget militaire de ce pays. Au contraire, il a augmenté de 18% en 2009 et Barack Obama a annoncé l’envoi de 30.000 soldats supplémentaires en Afghanistan. Le Center for Defense Information fait apparaître un montant budgété par le Congrès des Etats-unis de 300 milliards de dollars pour toutes les dépenses américaines en Afghanistan ou liées aux actions le concernant, forces armées, agences et ministères divers, y compris dépenses de maintenance ou médicales, pour l’année fiscale 2010. Ces dépenses s’élevaient à 173 milliards en 2009 et à 140 milliards en 2008.
L’augmentation des dépenses militaires mondiales est absolument scandaleuse lorsqu’on sait qu’il suffirait de 80 milliards de dollars par an pendant 10 ans pour assurer à l’ensemble des êtres humains les services sociaux essentiels tels que l’accès aux soins de santé de base, à l’eau potable, à un système sanitaire et à l’éducation primaire [25].
Enfin, soulignons les menaces liées à l’existence de l’OTAN qui élargit constamment ses missions dans le monde. La perturbation des approvisionnements en ressources vitales est considérée comme des motifs d’intervention de l’OTAN ; ce qui est en contradiction avec les menaces identifiées par l’ONU. En effet, selon le rapport onusien « Un monde plus sûr, notre affaire à tous », les menaces prioritaires sont de nature socio-économique : pauvreté, maladie, épidémies, détériorations environnementales. Ces motifs d’interventions de l’OTAN extrêmement larges sont un risque pour la paix et le développement économique des PED puisqu’une décision souveraine des pays du Sud sur leurs ressources naturelles pourrait théoriquement entraîner une réponse militaire des alliés de l’OTAN.
Face à l’aggravation de la situation internationale, des actes unilatéraux et radicaux doivent être pris immédiatement par les Etats (A). Agir sur la dette constitue une étape indispensable mais non suffisante pour satisfaire les besoins humains fondamentaux des peuples. Dans les faits, sous la pression du Club de Paris et des institutions financières, l’écrasante majorité des gouvernements du Sud choisissent de rembourser la dette. Ces Etats ont donc intérêt à se mettre ensemble pour constituer un front uni contre le paiement de la dette et mettre en place une véritable solidarité internationale basée sur la souveraineté des peuples (B).
A) Des actes unilatéraux des Etats s’imposent face au changement radical de la conjoncture internationale
Compte tenu de l’approfondissement de la crise globale, des actes unilatéraux tels que ceux posés par l’Equateur en 2007-2009 sur sa dette sont pleinement justifiés et nécessaires. Les gouvernements du Nord pourraient également s’en inspirer pour faire l’audit de leur dette.
Le gouvernement équatorien suspend le remboursement d’une partie de sa dette : une position singulière
Jusqu’ici, le gouvernement équatorien est le seul gouvernement au monde à avoir entrepris au cours des années 2000 un audit intégral de la dette publique avec une large participation citoyenne. En 2007, l’Equateur a mis en place un audit officiel de sa dette publique interne et externe via un décret présidentiel pris par Rafael Correa. La Commission d’audit ainsi créée était composée de représentants de l’Etat mais aussi de représentants de mouvements sociaux équatoriens et de représentants de réseaux internationaux agissant sur la problématique de la dette (dont le CADTM), ayant pour mandat d’identifier les dettes illégitimes qui pourraient faire l’objet ultérieurement d’une annulation. Soulignons le poids considérable de la dette publique équatorienne dont le remboursement accaparait en 2005 plus de 40% du budget alors que les dépenses de santé et d’éducation ne totalisaient que 15% du budget.
Après 14 mois d’enquête, la Commission d’audit a rendu son rapport [26] dans lequel elle recommandait au gouvernement de recourir à un acte souverain d’annulation de la dette commerciale externe et d’une partie importante de la dette multilatérale et bilatérale, de traduire en justice les responsables équatoriens de l’endettement illégitime et frauduleux ainsi que les banques nord-américaines à New York pour le rôle néfaste qu’elles ont joué dans l’endettement du pays. La première réponse de l’Equateur est intervenue en novembre 2008, lorsque le gouvernement a suspendu unilatéralement le remboursement d’une partie de sa dette commerciale (qui représente la majeure partie de ses dettes publiques), plus précisément des dettes contractées par les gouvernements antérieurs sous la forme de bons (les « bonos global » 2012 et 2030), dont l’audit avait permis de révéler le caractère frauduleux. Cette suspension du paiement de la dette rejoint l’appel lancé en avril 2009 par le secrétaire général de la CNUCED, Supachai Panitchpakdi, en faveur d’un moratoire sur le service de la dette pour les pays à bas revenus.
La deuxième mesure consécutive au rapport de la Commission d’audit a été prise le 20 avril 2009 lorsque le gouvernement équatorien a proposé aux détenteurs de ces bons d’accepter une réduction de valeur de 70%. Le CADTM, comme la majorité de la Commission, était partisan de mettre fin au remboursement de ces bons de manière définitive et d’entamer des poursuites légales contre les responsables équatoriens et étrangers (essentiellement de grandes banques des États-Unis) pour les différents délits qu’ils avaient commis. Mais les autorités équatoriennes ont choisi une voie plus modérée. Le 10 août 2009, dans son discours d’investiture, le président Correa déclarait que cette réduction de la dette « signifie un gain de plus de 300 millions de dollars annuels durant les vingt prochaines années, sommes qui serviront non aux portefeuilles des créanciers mais au développement national [27] ».
Soulignons également que l’Equateur s’est doté en 2008 d’une nouvelle Constitution qui prévoit dans son article 8 plusieurs dispositions visant à prévenir l’apparition de dettes illégitimes, en réglementant strictement le recours à l’endettement [28]. Les paragraphes 5 et 6 de cet article 8 prévoient également des sanctions : « 5. Dans le cas de dettes déclarées illégitimes par un organisme compétent, on procédera à leur répudiation. En cas d’illégalité on exercera le droit de restitution. 6. La contraction de dette publique entraînera des responsabilités administratives, civiles ou pénales imprescriptibles. »
Le Brésil prévoit également dans sa Constitution une disposition relative à l’audit de la dette publique [29]. Sous la pression des mouvements sociaux brésiliens et du travail important mené par le Front parlementaire et social d’accompagnement de la dette publique, cette disposition a enfin pu se concrétiser en décembre 2008 avec l’adoption d’une loi portant création d’une Commission parlementaire d’enquête sur la dette publique (Comissão Parlamentar de Inquérito da Dívida Pública / CPI) [30]. Les travaux de cette commission ont débuté officiellement le 19 août 2009. A l’inverse, en Belgique, l’audit de la dette n’a toujours pas été mis en place malgré la demande formulée dans la résolution du Sénat du 29 mars 2007 [31]. Soulignons enfin que l’expert indépendant de l’ONU sur la dette externe, dans son rapport de 2009, encourage tous les États à mener des audits de la dette [32].
La Belgique mène généralement une politique alignée sur celle des grandes puissances, au détriment des pays du Sud. Notons cependant que le Parlement fédéral belge a fait preuve de volontarisme en adoptant la loi contre les fonds vautours le 6 mars 2008 [33].
Lutter contre les fonds vautours : la position singulière de la Belgique
La crise de la dette en gestation est une aubaine pour les fonds vautours, ces fonds d’investissement privés qui rachètent à très bas prix, sur le marché secondaire de la dette, des dettes de PED à leur insu pour ensuite les contraindre par voie judiciaire à les rembourser au prix fort, c’est-à-dire le montant initial des dettes, augmenté d’intérêts, de pénalités de retard.
Alors que les deux derniers G20 entendaient moraliser le capitalisme, aucune mesure n’a été prise pour supprimer ou même réguler les fonds vautours. Or, il y a urgence à les mettre hors d’état de nuire. Prenons un exemple récent : le cas du fonds FG Hemisphere qui a remporté une nouvelle victoire juridique contre la République démocratique du Congo (RDC) en janvier 2009. FG Hemisphere se présente comme un fonds d’investissement privé. Ce fonds vautour a son siège dans l’Etat américain du Delaware, connu comme paradis fiscal. En septembre 2004, il rachète au rabais une créance impayée de 18 millions de dollars envers la SNEL, l’entreprise publique d’électricité de la RDC [34]. La dette date des années 1980, l’époque de Mobutu. En 2007, il obtient une condamnation de la Cour d’appel du District de Columbia (Etats-Unis) qui oblige la RDC à lui payer 104 millions de dollars, intérêts inclus. FG Hemisphere a recommencé l’opération sur d’autres créances : au total, il a racheté pour 35,9 millions de dollars de dettes congolaises et obtenu que les tribunaux condamnent la RDC à lui payer 151,9 millions de dollars. Lui restait alors à se faire payer. En janvier 2009, FG Hemisphere a eu gain de cause puisqu’un tribunal sud-africain l’autorise à saisir pendant les 15 prochaines années les recettes escomptées par la SNEL sur le courant vendu à l’Afrique du Sud, estimées à 105 millions de dollars – ce qui représente deux fois et demi le budget de l’Etat congolais pour la santé en 2009.
L’histoire de FG Hemisphere contre la RDC n’est pas exceptionnelle. Le Libéria a été condamné le 26 novembre 2009 par un tribunal anglais à verser 20 millions de dollars à Wall Capital Ltd. et Hamsah Investments, deux fonds vautours basés dans les Iles vierges britanniques. La dette litigieuse avait été contactée en 1978 et avait servi à financer la guerre civile au Libéria. Sans action des Etats pour les éradiquer, ces fonds vautours continueront à se développer, tant ce « commerce » sur la dette des pays pauvres s’avère juteux. L’encours de leurs créances sur les pays en développement atteint près de 2 milliards de dollars.
L’Afrique est la première victime de ces fonds vautours puisque ces derniers traînent actuellement en justice une dizaine de pays africains dans une cinquantaine de procès. En juin 2009, la Banque africaine de développement (BAD) a décidé de réagir en créant la « Facilité africaine de soutien juridique » (en anglais ALSF : African Legal Support Facility ), un Fonds international qui vise à fournir l’assistance juridique aux Etats attaqués par les fonds vautours.
Mais dans ce contexte de crise mondiale, l’initiative de la BAD est insuffisante car elle permettra seulement de soulager un peu les pays pris dans les griffes des fonds vautours en réduisant les montants escomptés par ces derniers. Il faut donc aller au-delà en prenant des mesures radicales contre les fonds vautours.
Cette lutte doit se mener partout, au Sud comme au Nord. Pour être efficace, les Etats ont intérêt d’adopter immédiatement des lois visant à enrayer leurs actions mortifères. A cet égard, la Belgique, après avoir été elle-même victime d’un fonds vautours [35], a ouvert la voie en se dotant en janvier 2008 d’une loi avec pour article unique une disposition très forte pour lutter contre les fonds vautours : « Les sommes et les biens destinés à la coopération internationale belge ainsi que les sommes et les biens destinés à l’aide publique belge au développement – autres que ceux relevant de la coopération internationale belge – sont insaisissables et incessibles [36] ». Bien évidemment, cette loi ne concerne que les fonds belges et ne bloque donc que très partiellement l’action des fonds vautours, qui n’ont qu’à se tourner vers les autres pays pour saisir d’autres biens au vol. Ce type de loi doit donc être généralisé à l’ensemble des pays pour être totalement efficace.
Une autre mesure qui serait à même de contrecarrer l’action des fonds vautours est la mise en place d’audits de la dette. En effet, la plupart des contrats de prêt léonins, sur lesquels se basent les fonds vautours pour agir en justice, ont été signés sous des dictatures. C’est le cas de la dette de la République Démocratique du Congo (RDC) à l’égard du fonds FG Hemisphere. La RDC aurait donc pu invoquer la doctrine de la dette odieuse [37] pour remettre en cause la légalité de la dette réclamée par le fonds vautour. Le Libéria aurait également pu opposer le caractère odieux de sa dette.
La question des audits n’est pas réservée à la dette des pays du Sud. Les mouvements sociaux au Nord devraient également se saisir de cet instrument de contrôle citoyen pour décortiquer la composition de la dette dont leur pays doit soi-disant s’acquitter.
Auditer la dette du Nord
Les plans de sauvetage accordés aux banques privées pour éviter l’effondrement du secteur bancaire ont pour conséquence d’augmenter le poids de la dette publique. Contrairement aux discours hypocrites des dirigeants européens, les milliards de dollars injectés dans ces banques n’ont pas entraîné une facilitation des crédits pour les entreprises et les particuliers. Les fermetures en série d’entreprises continuent et le chômage ne cesse d’augmenter.
Ensuite, la crise actuelle, qui durera au moins plusieurs années, voire une dizaine d’années [38], va entraîner une réduction des recettes de l’Etat alors qu’augmenteront pendant une vingtaine d’années ou plus ses charges liées au remboursement de la dette. En conséquence, les pressions pour réduire les dépenses sociales vont être très fortes : réduction des services que l’Etat fournit à la population, pertes d’emploi, baisse du pouvoir d’achat, augmentation des contributions des patients pour les soins de santé, des parents pour l’éducation des enfants, réduction des investissements publics et augmentation des impôts indirects. En effet, les dernières Perspectives économiques de l’OCDE ne disent pas autre chose. Selon ce rapport, les gouvernements des pays industrialisés du Nord devraient mettre en œuvre « sans tarder les réformes trop longtemps différées des systèmes de pension et de santé » (…) « A mesure que la reprise progressera, les mesures d’urgence (régime d’indemnisation du chômage partiel par exemple) devront être progressivement supprimées car le maintien affaiblirait la capacité de production de l’économie » [39]. Ces perspectives de l’OCDE sont on ne peut plus explicites : elles traduisent une stratégie de plus en plus agressive du capital sur le travail. La dette publique en constitue un des alibis.
En effet, au Nord comme au Sud, la dette comporte une dimension idéologique très puissante : elle cautionne les baisses des dépenses publiques, les dizaines de milliers de suppressions d’emplois et de fonctionnaires et les politiques de régression sociale [40], tandis qu’une majorité de gouvernements s’appliquent à creuser le déficit public en comprimant les prélèvements obligatoires sur le revenu et le patrimoine des contribuables riches ou aisés. C’est pourquoi le CADTM poussera pour des audits citoyens de la dette du Nord pour en révéler la part illégitime et justifier son annulation.
L’annulation de la dette illégitime des pays du Sud et du Nord ne saurait constituer une fin en soi. Elle doit impérativement s’accompagner d’alternatives radicales plaçant l’être humain et la nature au cœur du système économique. Dans cette perspective, la sortie du capitalisme est inéluctable. A cette fin, différentes réformes doivent immédiatement être entreprises pour assurer cette transition vers un autre modèle socialement juste et écologiquement soutenable. Dans la dernière partie de cette étude, nous présenterons certaines alternatives qui concrétisent une véritable coopération internationale, basée sur le droit des peuples au développement.
B) La nécessité d’une véritable coopération internationale pour garantir des droits humains fondamentaux
Une véritable coopération internationale ne peut se réaliser dans le cadre de l’architecture financière existante. On le voit bien : le renforcement des IFI par le G20 est synonyme de lourdes menaces pour les populations au Sud et en Europe de l’Est. Il faut donc au contraire sortir de ces institutions pour rejoindre et construire de nouvelles alternatives centrées sur les droits humains. Au cours des dernières années, plusieurs alternatives se sont développées en Asie de l’Est et en Amérique latine notamment.
Quelques alternatives en cours en Amérique latine et en Asie de l’Est
En Asie de l’Est, les principales économies ont signé les accords de Chiang Mai, permettant une collaboration entre banques centrales pour affronter ensemble une éventuelle crise. C’est ce type d’accord que Washington avait réussi à empêcher au milieu de la crise de 1997-1998.
En Amérique latine, plusieurs initiatives régionales sont à suivre de près. Avec Petrocaribe, le Venezuela vend son pétrole à une quinzaine de pays de la région à un prix inférieur à celui du marché mondial et améliore leurs capacités de raffinage.
L’ALBA, l’Alternative Bolivarienne pour les Amériques, a été créé en 2004 par le Vénézuélien Hugo Chavez et le Cubain Fidel Castro, pour contrecarrer un projet, aujourd’hui au point mort, de zone de libre-échange des Amériques, promu par les Etats-Unis. Sept autres pays, la Bolivie, le Nicaragua, le Honduras (jusqu’au coup militaire du 28 juin 2009 qui a renversé le président constitutionnel Manuel Zelaya), la Dominique, Saint Vincent et les Grenadines, Antigua et Barbuda, et très récemment l’Equateur, ont rejoint ce bloc. L’ALBA fonctionne en partie sous forme de troc : par exemple, 20 000 médecins cubains fournissent des services de santé gratuits à la population vénézuélienne et 50 000 opérations des yeux ont été réalisées à Cuba sans frais pour les patients vénézuéliens en échange de pétrole. Dans le cadre de l’ALBA, une banque publique multilatérale est en voie de création.
En 2007, sept Etats d’Amérique latine (Argentine, Bolivie, Brésil, Equateur, Paraguay, Uruguay et Venezuela) ont créé la Banque du Sud, même si des divergences entre gouvernements ont ralenti son entrée en activité.
Soulignons qu’une nouvelle architecture financière régionale est nécessaire. En effet, que font jusqu’à présent la plupart des gouvernements avec leurs réserves de change ? Après avoir utilisé une partie de celles-ci pour rembourser certains organismes internationaux, ils placent le reste sous la forme de bons du Trésor américain ou de dépôts dans les banques des Etats-Unis (et, marginalement, d’autres pays industrialisés). En outre, le placement des réserves sous forme de bons du Trésor, américain ou autres, peut s’accompagner de nouveaux emprunts sur le marché intérieur ou international. Dans tous les cas, la rémunération des réserves placées en bons des Trésors étrangers ou en liquide est inférieure à l’intérêt versé pour emprunter. Les pays en développement devraient utiliser leurs réserves de change en les mettant en commun au sein d’institutions financières régionales, pour financer le développement régional.
En Amérique latine, la Banque du Sud est un défi majeur. Mais il faut assurer un fonctionnement démocratique en ne reproduisant pas la logique des organisations financières multilatérales de crédit. Cette Banque doit être au cœur de la transformation du réseau déjà existant de banques latino-américaines de promotion, orientées vers la reconstruction des appareils productifs basés sur les droits humains fondamentaux. Rappelons à cet égard la Déclaration ministérielle de Quito du 3 mai 2008 qui indique que : « Les peuples ont donné à leurs gouvernements le mandat de doter la région de nouveaux instruments d’intégration pour le développement. Ces instruments doivent se baser sur des modèles démocratiques, transparents, participatifs et responsables envers leurs populations ». Pour être démocratique, la Banque du Sud doit garantir le principe un pays = un vote.
D’après les informations les plus récentes que nous avons pu obtenir [41], les gouvernements des 7 pays engagés dans la création de la Banque du Sud se sont mis d’accord sur les points suivants :
La Banque pourra financer des entreprises privées ou entreprises publiques, mixtes, coopératives etc. pour des projets de développement dans des secteurs économiques et sociaux clés, afin, notamment, d’améliorer l’infrastructure régionale et de réduire les asymétries régionales. L’accord parle de souveraineté alimentaire, énergétique, sur les ressources naturelles, le savoir et la santé (les projets financés devant y concourir).
Le pays concerné par un projet financé par la Banque doit donner son accord sur l’éligibilité des projets
La Banque peut émettre des bons et se financer par tous les moyens
Pourront être actionnaires : les pays de l’Unasur (actionnaires de classe A) ; d’autres pays (classe B) ; des Banques centrales, des entités financières publiques ou mixtes (au moins 50% détenus par l’Etat) et des organismes multilatéraux de crédit (classe C)
Si les pays augmentent leur part, cela n’affectera pas les droits de vote tels que convenus dans l’accord.
Les différents Organes de direction de la Banque du Sud sont les suivants :
• Le Conseil des ministres : responsable des politiques générales à moyen et long termes, il se réunit annuellement et a entre autres fonctions de nommer les membres du Directoire et du Conseil d’Administration, et d’admettre les nouveaux actionnaires. Il est
composé des ministres des pays membres. Les décisions y sont prises à une majorité des ¾, selon la règle « un pays = une voix ».
• Le Conseil d’administration : il se réunit trimestriellement et assure le suivi de la gestion économique, financière et de crédit. Les administrateurs (un par pays membre) seront nommés pour 3 ans. La règle « un pays = une voix. » y est également d’application. Pour que les décisions soient valides, il faut atteindre le quorum des 3/4 des membres, et elles doivent être approuvées à la majorité absolue des membres présents.
• Le Directoire exécutif : il se réunit toutes les semaines et comprend un directeur pour chacun des pays de l’Unasur membres de la banque (actionnaires de classe A), un directeur pour l’ensemble des actionnaires de classe B et un pour l’ensemble des actionnaires de classe C (les actionnaires de classe A y ont plus de poids). Les directeurs sont nommés pour 3 ans.
• Le Comité exécutif qui comprend le président du Directoire et trois directeurs
• Le Conseil d’audit
Le Brésil, le Venezuela et l’Argentine (les 3 « grands » parmi les 7) pourront emprunter jusqu’à 4 fois le capital qu’ils détiennent, la Bolivie, l’Equateur, le Paraguay et l’Uruguay (= les 4 petits parmi les 7) jusqu’à 8 fois. Pour le reste des pays de l’Unasur, le montant devra être déterminé plus tard.
En cas de litige, la juridiction compétente sera la juridiction d’un pays membre ou une autre juridiction, conformément à la décision du Directoire exécutif
Le personnel de la Banque bénéficie de l’immunité et d’exemptions fiscales (comme à la BM, au FMI, à la BID, etc.)
Par ailleurs, certains gouvernements parmi les 7 ont la volonté de créer un fonds monétaire de stabilisation [42]. Il existe déjà un Fonds latino-américain de réserve (FLAR), dont font partie cinq pays andins (Bolivie, Pérou, Colombie, Equateur, Venezuela) et un pays d’Amérique centrale, le Costa Rica. Il pourrait être transformé et, si cela s’avérait impossible, un nouveau fonds serait créé. Son but : faire face à des attaques spéculatives et à d’autres chocs externes en mettant en commun une partie des réserves de change des pays membres.
La décision de principe de créer une nouvelle monnaie, « le Sucre » (Système Unifié de Compensation Régionale), est également une bonne nouvelle. Sa création a été entérinée le 16 avril 2009 à Cumana au Venezuela par les principaux dirigeants de l’ALBA, l’Alternative bolivarienne pour les Amériques. Avec cette décision de créer une monnaie unique, un nouveau pas vient donc d’être franchi vers une nouvelle architecture financière régionale en s’affranchissant partiellement du dollar. Le Sucre servira essentiellement à régler les échanges commerciaux entre les pays qui y auront souscrit.
D’autres signes encourageants sont la reprise par le Venezuela, la Bolivie et l’Equateur du contrôle sur certaines de leurs ressources naturelles, la sortie de la Bolivie du Centre international de règlement des différends (CIRDI, tribunal de la BM en matière d’investissements), suivie par l’Equateur en 2009, sans oublier l’expulsion par ce dernier pays du représentant permanent de la Banque mondiale et la réalisation d’un audit intégral de sa dette publique.
Toutes ces décisions politiques en faveur du développement des populations se font forcément au détriment du secteur privé et de plusieurs accords commerciaux. Toutefois, elles sont fondées en droit international puisqu’elles visent à mettre en œuvre de manière effective les Traités internationaux de protection des droits humains.
Appliquer les différents pactes internationaux en matière de droits humains
Tous les Etats sont juridiquement tenus de respecter les droits humains, aussi bien les droits civils et politiques que les droits économiques, sociaux ou culturels. Dès 1948, la Déclaration universelle des droits de l’homme de l’ONU affirmait que « Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires. Toute personne a droit à l’éducation, au travail et à la sécurité sociale » (article 25) et que « Toute personne a droit à ce que règne, sur le plan social et sur le plan international, un ordre tel que les droits et libertés énoncés dans la présente Déclaration puissent y trouver plein effet » (article 28).
La Déclaration sur le droit au développement adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 4 décembre 1986, énonce quant à elle que « Les Etats ont le droit et le devoir de formuler des politiques de développement national appropriées ayant pour but l’amélioration constante du bien-être de l’ensemble de la population et de tous les individus, fondée sur leur participation active, libre et utile au développement et à la répartition équitable des avantages qui en résultent ». (Article 2).
Un autre texte juridique important est le Pacte sur les droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC), entré en vigueur le 3 janvier 1976 et ratifié par quasiment tous les Etats [43] (à l’exception notoire des Etats-Unis). Ce traité international définit comme partie intégrante et indissociable des droits humains : le droit à un niveau de vie suffisant (alimentation, logement, vêtements, etc.), le droit à l’éducation, le droit au travail dans des conditions justes et favorables, les droits syndicaux et de grève, le droit à la santé, le droit à la sécurité sociale et enfin le droit de participer à la vie culturelle et de bénéficier du progrès scientifique. Selon le Comité de l’ONU des droits économiques, sociaux et culturels : « Un Etat membre dans lequel un nombre important d’individus est privé des aliments essentiels, de l’attention de santé primaire, de vêtements décents et de logement de base ou d’enseignement élémentaire, n’accomplit pas ses obligations en vertu de ce Pacte ».
Or, il n’existe aucune sanction en cas de violation de ce traité. Toutefois, un pas important a été franchi le 10 décembre 2008 puisque le Protocole facultatif additionnel au PIDESC a été adopté par l’Assemblée générale des Nations unies. Ce protocole concrétise l’indivisibilité de tous les droits humains en mettant fin à une anomalie qui a duré 32 ans. En effet, entre son entrée en vigueur en 1976 et 2008, le PIDESC n’était assorti d’aucun mécanisme de contrôle alors que son pendant, le Pacte international sur les droits civils et politiques (PIDCP) adopté la même année, dispose depuis 1976 d’une procédure de plainte ayant permis le développement d’une jurisprudence riche en la matière.
Le protocole additionnel au PIDESC prévoit la création du Comité DESC de l’ONU pour examiner des plaintes d’individus, de groupe d’individus ou d’ONG mandatés, alléguant des violations des droits énoncés dans le PIDESC. Ce comité aura aussi le pouvoir de prendre des mesures provisoires pour que l’Etat concerné prenne immédiatement toutes les mesures urgentes afin d’éviter des dommages irréparables pour les victimes. Ce protocole n’est certes pas parfait puisqu’il ne prévoit pas de sanction contraignante à l’égard des Etats en cas de violation du PIDESC. Néanmoins, il constitue une avancée considérable pour la justice sociale en « officialisant » la justiciabilité des DESC et l’indivisibilité de tous les droits humains. La prochaine étape est de faire ratifier ce protocole par au moins dix Etats pour qu’il puisse entrer en vigueur.
Ouvert à la signature des Etats depuis le 24 septembre 2009, 30 Etats l’ont déjà signé. Ils doivent à présent le ratifier le plus rapidement possible.
Rappelons enfin que les Etats ont le droit et le devoir de mettre en place immédiatement des politiques qui assurent le respect des droits humains fondamentaux, indépendamment du Protocole additionnel au PIDESC. A cet égard, l’article 8 section 1 de la Déclaration sur le droit au développement est explicite : « Les Etats doivent prendre, sur le plan national, toutes les mesures nécessaires pour la réalisation du droit au développement et ils assurent notamment l’égalité des chances de tous dans l’accès aux ressources de base, à l’éducation, aux services de santé, à l’alimentation, au logement, à l’emploi et à une répartition équitable du revenu. Des mesures efficaces doivent être prises pour assurer une participation active des femmes au processus de développement. Il faut procéder à des réformes économiques et sociales appropriées en vue d’éliminer toutes les injustices sociales. »
La mobilisation populaire est indispensable
Toutes ces initiatives prennent du poids face à la crise financière mondiale qui a éclaté en 2007-2008. Mais elles n’offrent pas pour l’instant de cohérence alternative. Les accords signés par la Chine font la part belle aux intérêts de Pékin dans l’exploitation des ressources naturelles. Les banques centrales des pays émergents poursuivent l’achat massif de bons du Trésor des Etats-Unis. Elles feraient mieux d’utiliser leurs réserves de change pour financer leurs besoins sans devoir recourir à de nouveaux emprunts. Et même si certains pays du Sud ont réduit leur dette externe, leur dette interne a fortement augmenté, ce qui les oblige à consacrer entre 20 % et 30 % de leur budget au remboursement de la dette publique.
La crise financière mondiale souligne la faillite de la déréglementation des marchés financiers et de l’abandon du contrôle sur les mouvements de capitaux, prônés par le FMI. Cela rend indispensable la recherche d’une nouvelle architecture internationale basée sur le Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels (1966) et sur la Déclaration des Nations unies sur le droit au développement (1986). Mais une telle logique ne s’imposera pas sans épreuve de force. Si un nombre suffisant de gouvernements ne met pas en place une telle alternative, la Banque mondiale et le FMI surmonteront leur crise en mettant à profit la chute des prix des produits de base combinée à une augmentation du coût de refinancement de la dette des PED. C’est malheureusement le scénario le plus probable. Pour autant, la partie n’est pas encore gagnée et les futures mobilisations citoyennes et populaires seront déterminantes. Il nous appartient de sensibiliser le plus grand nombre sur les effets destructeurs de la dette au Sud et au Nord, soutenir les alternatives au modèle dominant ainsi que les différentes mobilisations populaires aux quatre coins du globe, et enfin de nous organiser efficacement pour rompre avec cette logique capitaliste mortifère. Le CADTM y contribuera !
En 2010, nous poursuivrons le combat pour l’annulation totale et sans condition de la dette du Sud tout en renforçant le mouvement altermondialiste et en misant sur la mobilisation populaire pour impulser de nouvelles politiques respectueuses des droits humains. La nouvelle crise de la dette en préparation au Sud et l’explosion de la dette des pays du Nord offrent, en effet, des opportunités pour renforcer l’impact de nos analyses et de nos propositions d’alternatives en rupture avec le modèle capitaliste. 2010 marquera également les 20 ans du CADTM et l’anniversaire des « indépendances » de plusieurs pays africains. Nous en profiterons pour sensibiliser le plus grand nombre sur la dette comme outil de domination politique et comme obstacle à la souveraineté des pays africains.
Analyser les mécanismes des différentes crises et les alternatives possibles
Cette crise systémique nous impose d’approfondir le travail de recherche et de sensibilisation sur les mécanismes ayant conduit à son éclatement. Elle rend également indispensable l’élaboration d’alternatives au modèle dominant. Dans cette perspective, la première Université d’été du CADTM Europe en juillet 2009, axée sur les alternatives, a constitué une étape importante [44].
Nous développerons en 2010 et 2011 différents outils pour mettre en évidence les mécanismes et les responsabilités dans l’éclatement des différentes crises interconnectées, et les alternatives possibles. Parmi ces outils, nous pouvons citer le livre La crise, quelles crises ? publié fin 2009, un ouvrage qui analyse l’interconnexion entre toutes les crises et détaille les alternatives en cours dans certains pays d’Amérique latine (sortie en librairie début 2010) ; le livre 50 questions/50 réponses sur les alternatives, qui brossera un tableau large des alternatives à construire ou déjà en construction, paraîtra courant 2010 ; un ouvrage pédagogique sur le FMI dont la sortie est prévue fin 2010, une brochure consacrée à la dette écologique (courant 2010), et enfin, l’ouvrage sur les résistances et les alternatives en Afrique écrit par plusieurs membres du réseau en Afrique (sortie prévue en 2011). Ce livre est d’autant plus important qu’il constitue le premier ouvrage collectif du réseau CADTM Afrique. Il offrira à ces lecteurs un état des lieux des luttes sociales et mettra en avant les alternatives possibles sur le continent africain, qui sera aussi touché par la crise mondiale.
Le contexte international propice à la mise en place d’alternatives doit être compris par un maximum de citoyens. C’est pourquoi nous développerons, à côté des ouvrages, d’autres outils pédagogiques tels que la vidéo, les diaporamas, un module de formation consacré au féminisme, etc. Soulignons que l’égalité des sexes et la lutte contre l’oppression des femmes constituent une thématique importante du CADTM dans son combat pour l’émancipation sociale. Nous exploiterons également le film « La Fin de la Pauvreté ? » de Philippe Diaz avec qui le CADTM collabore activement, en animant des débats autour de ce film, qui retrace la mondialisation capitaliste du 15e siècle à aujourd’hui. Nous continuerons également à sensibiliser sur la relation entre le mécanisme de la dette et les migrations en utilisant le documentaire du CADTM Dem Walla Dee - Partir ou mourir réalisé par Rodrigo Saez.
Enfin, pour accroître notre impact auprès des citoyens, nous continuerons à miser sur les collaborations. A titre d’exemple, pour la conférence célébrant les 20 ans du CADTM qui aura lieu fin 2010 en Belgique, nous ferons appel à plusieurs conférenciers reconnus internationalement qui partagent les positions du CADTM. Cette grande conférence sera articulée autour de la crise de la dette du Sud en préparation et les alternatives pour un nouveau modèle de développement. Le lien sera établi avec la situation d’endettement au Nord.
Mettre en évidence les similitudes dans les mécanismes d’endettement public au Sud et au Nord et leur impact sur les populations
Nous accorderons une attention particulière à l’évolution de l’endettement public au Sud et au Nord pour souligner les similitudes dans les mécanismes d’endettement public, à la fois dans leurs causes puisqu’une large partie de la dette publique provient de la reprise des dettes privées par les pouvoirs publics, et dans leurs impacts puisque, tant au Nord qu’au Sud, les marges budgétaires pour les dépenses sociales seront limitées afin de rembourser la dette. L’évolution de l’endettement public constituera donc un thème prioritaire dès 2010. En effet, ces similitudes entre les deux processus permettent de sensibiliser plus aisément le public du Nord à la problématique de la dette telle qu’elle est vécue au Sud.
Pour ce faire, nous nous appuierons entre autre sur le livre 60 questions/ 60 réponses sur la dette, le FMI et la Banque mondiale paru fin 2008 car il constitue un précieux outil pour faire le parallèle entre les mécanismes d’endettement au Nord et au Sud. Un cycle de formation autour de cet ouvrage sera donc organisé en 2010.
Nous organiserons également un stage de formation sur la dette publique du Nord en mai 2010. L’évolution la dette publique interne en Amérique latine et Caraïbe fera également l’objet d’une attention particulière puisqu’un livre en espagnol sur ce sujet est prévu.
Porter une attention particulière au FMI et à la BEI
Du fait du retour en force du FMI grâce à la crise et au G20, le CADTM publiera un ouvrage didactique consacré au FMI. Nous serons également attentifs et réactifs à l’évolution de cette institution au sein de l’OID (Observatoire International de la Dette) tout en continuant notre important travail de recherche et d’écriture sur la Banque mondiale, qui est moins exposée médiatiquement. Nous suivrons également de près les « nouveaux » acteurs de l’endettement du Sud comme la Chine et le Brésil.
Nous travaillerons également dès 2010 sur les prêts de la Banque européenne d’investissement. En effet, les interventions de la BEI dans les pays en développement sont de plus en plus importantes. Ainsi, le CADTM mènera plusieurs interpellations politiques des décideurs européens sur l’action de la BEI dans les pays en développement. Plus généralement, nous mènerons un travail d’interpellation sur la dette, les fonds vautours, etc. au niveau des instances européennes. Par ces interpellations, nous visons l’adoption de décisions progressistes pour libérer le développement du Sud. Toutefois, vu la composition actuelle des différentes instances européennes (Parlement, Commission notamment), la tâche sera très compliquée. C’est pourquoi le CADTM poursuivra sa stratégie basée sur la mobilisation populaire pour faire pression sur le politique.
Obtenir par la mobilisation que les décideurs politiques prennent des mesures urgentes pour stopper les effets du remboursement de la dette par les PED
La crise qui touchera principalement les PED impose des décisions politiques immédiates pour stopper l’hémorragie que représente la fuite des capitaux du Sud vers le Nord. En effet, la crise est à elle seule un motif pour stopper le remboursement des dettes aux créanciers.
Dans cette perspective, le renforcement des collaborations avec les autres mouvements travaillant sur la dette et plus généralement au sein du processus « Forum Social Mondial » (FSM) sera déterminant. Ainsi, nous participerons entre autres au prochain Forum Social Européen (FSE) qui se tiendra à Istanbul en juin 2010 et nous mobiliserons à l’occasion de la journée mondiale d’Action dans le cadre du FSM qui aura également lieu en juin, pendant le Forum Social des Etats-Unis. Le réseau CADTM participera autant que possible aux différents forums régionaux et thématiques qui auront lieu en 2010.
Une autre activité importante à laquelle le CADTM prendra part est l’Assemblée de la Marche Mondiale des Femmes (MMF), qui se tiendra à Bukavu, à l’est de la RDC en octobre 2010. Plusieurs membres du CADTM sont impliquées dans la préparation de cette mobilisation qui est symboliquement très forte vu les massacres commis à l’est de la RDC dont les femmes sont les premières victimes. Plusieurs actions de soutien à la Marche - dont l’organisation en juillet d’un week-end de formation sur les féminismes et les stratégies d’émancipation des femmes - jalonneront le calendrier des activités 2010 du CADTM.
En marge de ces différentes mobilisations internationales, le CADTM veillera à renforcer l’action des mouvements sociaux au niveau mondial pour impulser des propositions d’alternatives radicales au sein du FSM. Ce travail de convergence est absolument indispensable pour réussir le prochain FSM qui se tiendra à Dakar en 2011. Nous suivons de près la préparation de ce Forum et participons aux différents Conseils Internationaux du FSM.
Enfin, le CADTM organisera en Belgique, fin 2010, son 9e séminaire international sur le droit et la dette qui verra, comme chaque année, la participation des délégués du réseau CADTM. Nous inviterons une fois de plus des juristes internationaux pour intervenir lors de ce séminaire, qui sera axé sur la responsabilité juridique des institutions multilatérales de financement (FMI, Banque mondiale, BEI, Banque inter-américaine de développement, Banque africaine de développement, Banque asiatique de développement) dans la paupérisation du Sud. De nouveaux outils juridiques seront présentés pour renforcer notre plaidoyer pour l’annulation de la dette et la mise en œuvre de politiques sociales. Ces arguments juridiques serviront notamment aux audits de la dette menés par les membres et les partenaires du réseau CADTM. Soulignons par ailleurs le travail réalisé par le groupe droit du CADTM qui organise deux fois par an des week-ends résidentiels d’étude et entreprend un travail de recherche et d’élaboration sur des notions juridiques telles que « la dette illégitime [45] » .
Consolider et/ou initier les audits de la dette réalisés par les membres du réseau CADTM au Sud
Le CADTM consolidera les audits de la dette commencés par les organisations membres du réseau international, l’audit de la dette étant une des stratégies mises en avant par le CADTM pour légitimer l’annulation de la dette des PED. Nous mettrons également en avant l’audit de la dette comme moyen de lutter contre les Fonds vautours.
Soulignons que l’audit citoyen mené par la CAD Mali a été finalisé en 2009 et que des interpellations politiques ont été réalisées en juin 2009. Cet audit, qui porte sur la période 1992-2002, a bénéficié de l’appui du CADTM Belgique au moment de son lancement en 2007 (deux membres permanents se sont rendus sur place pour apporter leur expertise en termes de méthodologie [46]). De même, à l’initiative du CADTM Belgique et de la CAD Mali, Maria Rosa Anchundia, une membre de la Commission d’audit intégral de la dette publique (CAIC) de l’Equateur s’est rendue au Mali en novembre 2008 pour transmettre son expérience acquise lors de l’audit en Equateur. Cette diffusion de l’expérience équatorienne participe du renforcement des synergies Sud-Sud.
Notons toutefois que ce travail d’audit n’est pas facile et s’inscrit dans une perspective à long terme. Les avancées concrètes dans ce domaine dépendent de toute une série de facteurs, dont certains sont indépendants de la volonté du CADTM. Par exemple, les gouvernements favorables, en principe, à des audits de dette ne sont pas homogènes ; ils connaissent des tiraillements internes où des ministres souvent issus de milieux académiques ou financiers conservateurs, répugnent à communiquer les documents de ce qu’ils considèrent comme leur chasse gardée.
C’est pourquoi le CADTM répondra favorablement aux demandes émanant d’autorités publiques comme ce fut le cas avec le gouvernement équatorien en 2007 et 2008 ainsi qu’avec le gouvernement du Paraguay en décembre 2008. Par ailleurs, nous nous tenons toujours prêts pour participer aux travaux des parlementaires congolais sur l’audit de la dette. Nous répondrons également aux demandes sérieuses pour mener des audits dans des pays où le réseau n’est pas implanté, et poursuivrons la collaboration avec les autres organisations travaillant sur le thème de la dette (Jubilé Sud, AFRODAD, EURODAD).
L’Assemblée mondiale du réseau qui se tiendra fin 2010 en Belgique sera un moment privilégié de restitution, discussions et bilan collectifs sur les audits de la dette menés par les membres du réseau.
Aider à la concrétisation d’une action en justice contre la BM
Du fait de l’expertise qu’il a développée sur l’absence d’immunité des organisations internationales, le CADTM se tiendra prêt à faciliter des poursuites judiciaires contre la Banque mondiale. En effet, le CADTM ne peut, du fait de ses statuts et parce qu’il n’est pas victime directe de la banque, intenter de procès contre elle.
Une action en justice contre la Banque mondiale est donc une option entre les mains des individus et des organisations victimes directes de l’action de la banque. Soulignons qu’un tel procès constituerait un précédent. Le fait qu’il n’y ait jamais eu d’action judiciaire intentée contre la banque ne signifie pas qu’elle ne peut pas un jour être poursuivie devant les tribunaux. La section 3 de l’article VII de ses statuts (articles of agreement) prévoit explicitement que la Banque peut être traduite en justice sous certaines conditions. La Banque peut être jugée notamment devant une instance de justice nationale dans les pays où elle dispose d’une représentation et/ou dans un pays où elle a émis des titres [47] . Il est donc parfaitement possible de porter plainte contre la banque dans les nombreux pays (près de 100) où elle dispose de bureaux. Contrairement à une idée largement répandue, la Banque mondiale n’est donc pas couverte de l’immunité de juridiction comme les autres institutions reliées à l’Organisation des Nations Unies, conformément à la Convention du 21 novembre 1947 [48]. Une précision importante : toute institution, tout sujet de droit international et tout individu peut être poursuivi en justice à tout moment s’il est impliqué dans des crimes contre l’Humanité (ces crimes sont imprescriptibles).
En facilitant une procédure en justice contre la Banque mondiale, nous visons deux choses : créer un précédent, ce qui devrait logiquement ouvrir la voie à d’autres actions en justice contre elle, et exiger l’octroi de réparations aux victimes de la Banque mondiale. Soulignons que la thématique des réparations est centrale dans le travail du CADTM.
[1] Pour une analyse détaillée de l’interconnexion de ces crises, lire Damien Millet et Eric Toussaint, La crise, quelles crises ?, coédition Aden-CADTM-Cetim, 2010
[2] Source : Réserve fédérale des Etats-Unis. En 2006, le total des dettes privée et publique représentait le pourcentage suivant du produit intérieur brut des pays mentionnés : 234% en Grande-Bretagne, 227% en Espagne, 208 % en Italie, 192% en Allemagne, 181% en France.
[3] Dépêche AFP, « FMI : le coût de la crise à 4.000 mds $ », 21 avril 2009.
[4] World Bank, Global Development Finance 2007, Washington DC, p. 83-84
[6] FMI, Rapport sur la stabilité financière dans le monde, avril 2009, chapitre 2
[7] Pascal Franchet, Dette publique : quelle réponse ? www.cadtm.org/dette-publique-quelle-reponse
[8] New York Times, 26 novembre 2006. Lire Michel Husson, Les plans de la bourgeoisie, dans le journal Politis (numéro 1079), décembre 2009
[9] Si on prend en compte les engagements politiques antérieurs, les OMD ne constituent pas une avancée mais bien un recul réel. En effet, éradiquer la pauvreté, et non la diminuer, a bien fait partie de l’agenda mondial par le passé. En 1974, les Etats membres de l’ONU s’étaient engagés à éradiquer la pauvreté dans le monde d’ici 2000.
[10] FAO, Communiqué de presse, « 1,02 milliard d’êtres humains souffrent de la faim », 19 juin 2009, http://www.fao.org/news/story/fr/item/20690/icode/
[11] Ce traité international, ratifié par la majorité des Etats, reconnaît dans son article 11 « le droit fondamental qu’a toute personne d’être à l’abri de la faim » et impose aux Etats d’adopter « individuellement et au moyen de la coopération internationale, les mesures nécessaires, y compris des programmes concrets (…) pour assurer une répartition équitable des ressources alimentaires mondiales par rapport aux besoins ». Malgré le caractère juridiquement contraignant de ces dispositions pour les Etats et les études qui montrent qu’il y a assez de nourriture pour tous les humains, la situation s’est considérablement dégradée dans le cadre de la mondialisation néo-libérale et ce, bien avant l’éclatement de la crise globale.
[13] Nicholas Stern, Stern Review on the Economics of Climate Change, octobre 2006. Les citations suivantes du Rapport Stern sont tirées des conclusions du rapport. Voir www.hm-treasury.gov.uk/independent_reviews/stern_review_economics_climate_change/sternreview_index.cfm
[14] Lire le Communiqué de presse d’ATTAC France, “Copenhague ou le fardeau légué par les riches », 19 décembre 2009 http://www.France.attac.org/spip.php?article10608
[15] Institution informelle qui s’est réunie pour la première fois en 1956, composée aujourd’hui de 19 pays : Allemagne, Australie, Autriche, Belgique, Canada, Danemark, Espagne, Etats-Unis, Finlande, France, Irlande, Italie, Japon, Norvège, Pays-Bas, Royaume-Uni, Russie, Suède et Suisse. Pour une analyse détaillée, lire Damien Millet et Eric Toussaint, 60 Questions 60 Réponses sur la dette, le FMI et la Banque mondiale, CADTM-Syllepse, 2008, p 21.
[16] World Bank, Global Development Finance 2006, p. 44.
[17] Du côté des gouvernements et de la Commission européenne pourtant chargée de veiller au respect des normes de Maastricht, on évite soigneusement le sujet. Quand des journalistes deviennent vraiment insistants, ce qui est très rare, on leur répond qu’on n’avait pas le choix. Il faut aussi préciser que plusieurs gouvernements réalisent tout comme les banques faillies, des opérations hors bilan ou hors budget afin de dissimuler le montant exact de leurs obligations en termes de dettes publiques.
[18] Les Droits de tirages spéciaux (DTS), créés en 1969 comme avoir de réserve mondiale, désignent la « monnaie » du FMI, c’est-à-dire une unité de compte propre au FMI qui représente une créance sur les monnaies des pays membres et dont la valeur représente la somme de quatre monnaies de référence (dollar, euro, livre et yen) calculée chaque jour. Les 250 milliards de DTS annoncés par le G20 seront alloués aux 186 Etats membres du FMI en fonction de leur quote-part, ce qui signifie que 44% du total seront alloués aux pays du G7, les pays en développement se contentant de moins du tiers, dont seulement 7,6% (19 milliards) pour les 50 pays les plus pauvres (PMA).
[21] “A quarter of the Amazon forest has already been destroyed, aided and encouraged by the bank” dans Robert Goodland, “How aid destruction ? My former employees, the WB, is damaging the planet and punishing the poor”, the Guardian, 23 octobre 2007
[22] « Climate Bank or fossil fuel Bank ? World Bank Group increases lending to high carbon projects », Srabani Roy, 29 septembre 2008, in www.brettonwoodsproject
[23] La BNDES dispose d’un portefeuille de prêts de 22 milliards de dollars (plus que la Banque mondiale). Les pays qui bénéficient de ces prêts « ne pourront pas employer leurs propres entreprises de construction pour ces travaux financés par la BNDES. Ils seront obligés d’engager des constructeurs brésiliens », parmi lesquels se distinguent Odebrecht, Andrade Gutierrez, Camargo Correa, Queiroz Galvao, etc. De plus, « la BNDES exige que tout le matériel pour les travaux soit importé du marché brésilien » (Istoé Dinheiro, juin 2004, cité par Carlos Tautz, in « Brasil y el difícil camino hacia el multilateralismo », Raúl Zibechi, http://www.ircamericas.org/esp/3124#_ftn24.
[24] http://www.lesechos.fr/info/france/02057859861-aide-au-developpement-le-g8-ne-tient-pas-ses-promesses.htm
[25] Banque mondiale, OMS, PNUD, UNESCO, UNFPA, UNICEF, Implementing the 20/20 Initiative. Achieving universal access to basic social services, 1998, www.unicef.org/2020/2020.pdf Les organismes mentionnés plus haut estiment à 80 milliards de dollars par an (dollar de 1995) la somme supplémentaire à consacrer annuellement aux dépenses relatives aux services sociaux de base concernés sachant qu’environ 136 milliards de dollars y sont actuellement consacrés. Le montant total annuel à garantir oscille environ entre 206 milliards et 216 milliards de dollars. Pour le détail du calcul : voir le document cité p. 20
[26] Les conclusions de la CAIC sont accessibles en espagnol, format PDF à partir du site du CADTM à la page : http://www.cadtm.org/spip.php?article3902
[28] « Art. 8.- L’endettement public est régi par les principes suivants :
1. On ne recourra à l’endettement public que dans les cas où les rentrées fiscales et les ressources issues de la coopération et de la réciprocité internationales sont insuffisantes.
2. On veillera à ce que l’endettement public n’affecte pas la souveraineté nationale, les droits humains, le bien-être et la préservation de l’environnement.
3. L’endettement public financera exclusivement des programmes et projets d’investissement dans le domaine des infrastructures ou des projets qui génèreront des ressources permettant le remboursement. On pourra également refinancer une dette publique déjà existante à condition que les nouvelles modalités soient largement bénéfiques à l’Equateur.
4. Les accords de renégociation ne contiendront aucune forme tacite ou écrite d’anatocisme ou d’usure.
5. Dans le cas de dettes déclarées illégitimes par un organisme compétent, on procédera à leur répudiation. En cas d’illégalité on exercera le droit de restitution.
6. La contraction de dette publique entraînera des responsabilités administratives, civiles ou pénales imprescriptibles
7. L’ « étatisation » des dettes privées est interdite.
8. L’octroi de garanties sur les dettes par l’Etat, sera régulé par la loi dans le cadre du Plan National de Développement.
9. L’Exécutif n’a aucune obligation constitutionnelle à assumer des dettes de gouvernements autonomes et d’organismes locaux. »
[29] L’article 26 de l’Acte sur les dispositions transitoires de la Constitution de 1988 dispose que : « Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente Constitution, le Congrès de la Nation promouvra à travers une commission mixte, l’analyse et l’expertise des actes et faits générateurs de l’endettement ». Il précise que cette commission aura le caractère légal de commission d’enquête parlementaire associée à la Cour des comptes, et qu’en « cas d’irrégularité le Congrès émettra une déclaration de nullité et transmettra au Ministère public ».
[30] Virginie de Romanet, « Brésil : la commission d’enquête parlementaire sur la dette. Vers un audit officiel ? », 6 juin 2009, sur www.cadtm.org
[32] Renaud Vivien, entretien avec l’expert de l’ONU sur la dette externe, 16 juin 2009, sur www.cadtm.org/spip.php?article4483
[33] Loi adoptée le 6 mars 2008 visant à empêcher la saisie ou la cession des fonds publics destinés à la coopération internationale, notamment par la technique des fonds vautours.
[34] Créance rachetée à la société bosniaque Energoinvest, après que celle-ci eut obtenu en 2003 un arbitrage en sa faveur. Cf. Arrêt de la Cour d’Appel du District de Columbia, 19 mai 2006.
[35] Kensington International, filiale du fonds vautour Elliott Associates, a pu faire saisir à deux reprises près de 12 millions d’euros issus de la coopération belge au développement au Congo-Brazzaville.
[36] www.senate.be (doc. nº 4-482/4)
[37] Alexander Sack, 1927 Les Effets des Transformations des Etats sur leurs dettes publiques et autres obligations financières. « Si un pouvoir despotique contracte une dette non pas pour les besoins et dans les intérêts de l’État, mais pour fortifier son régime despotique, pour réprimer la population qui le combat, etc., cette dette est odieuse pour la population de l’Etat entier (…). Cette dette n’est pas obligatoire pour la nation ; c’est une dette de régime, dette personnelle du pouvoir qui l’a contractée, par conséquent elle tombe avec la chute de ce pouvoir »
[38] On peut la comparer à la crise dans laquelle le Japon s’est débattu à partir du début des années 1990 et dont il sortait à peine quand cette crise l’a touché de plein fouet.
[39] Lire Michel Husson, Les plans de la bourgeoisie, dans le journal Politis (numéro 1079), décembre 2009
[40] Lire Pascal Franchet, Dette publique, quelle réponse ? www.cadtm.org/dette-publique-quelle-reponse
[41] Le CADTM a été associé par le gouvernement équatorien à certaines étapes de la négociation de la création de la Banque du Sud. Il reçoit régulièrement des informations sur l’évolution des négociations. Le résumé des points d’accord est relatif à un document interministériel non public datant du 26 mai 2009. Rappelons que le CADTM a publié en 2008 un livre intitulé Banque du Sud et nouvelle crise internationale et qu’Eric Toussaint a été consultant des Nations unies sur la question de la banque du Sud au cours de l’année 2008.
[42] L’adhésion du Venezuela à cette proposition n’est pas garantie car, au départ, Hugo Chávez souhaitait que la Banque réunisse la fonction de banque de développement et de fonds monétaire de stabilisation.
[43] 159 Etats ont ratifié le PIDESC à ce jour. Voir la liste des Etats parties sur http://www2.ohchr.org/english/bodies/ratification/3.htm
[44] Pour accéder aux présentations et enregistrements audio : http://www.cadtm.org/Premiere-universite-d-ete-du-CADTM
[45] « Dette illégitime, l’actualité de la dette odieuse. Position du CADTM » http://www.cadtm.org/IMG/article_PDF/article_3637.pdf
[46] Signalons que les frais de déplacement Belgique - Mali et de séjour ont été pris en charge par la CAD Mali.
[47] Section 3 de l’article VII : « La Banque ne peut être poursuivie que devant un tribunal ayant juridiction d’un état membre où elle possède un bureau, a désigné un agent chargé de recevoir les significations ou notification de sommations ou a émis ou garanti des titres ».
”Actions may be brought against the Bank only in a court of competent jurisdiction in the territories of a member in which the Bank has an office, has appointed an agent for the purpose of accepting service or notice of process, or has issued or guaranteed securities.”
Docteur en sciences politiques des universités de Liège et de Paris VIII, porte-parole du CADTM international et membre du Conseil scientifique d’ATTAC France.
Il est l’auteur des livres, Banque mondiale - Une histoire critique, Syllepse, 2022, Capitulation entre adultes : Grèce 2015, une alternative était possible, Syllepse, 2020, Le Système Dette. Histoire des dettes souveraines et de leur répudiation, Les liens qui libèrent, 2017 ; Bancocratie, ADEN, Bruxelles, 2014 ; Procès d’un homme exemplaire, Éditions Al Dante, Marseille, 2013 ; Un coup d’œil dans le rétroviseur. L’idéologie néolibérale des origines jusqu’à aujourd’hui, Le Cerisier, Mons, 2010. Il est coauteur avec Damien Millet des livres AAA, Audit, Annulation, Autre politique, Le Seuil, Paris, 2012 ; La dette ou la vie, Aden/CADTM, Bruxelles, 2011. Ce dernier livre a reçu le Prix du livre politique octroyé par la Foire du livre politique de Liège.
Il a coordonné les travaux de la Commission pour la Vérité sur la dette publique de la Grèce créée le 4 avril 2015 par la présidente du Parlement grec. Cette commission a fonctionné sous les auspices du parlement entre avril et octobre 2015.
membre du CADTM Belgique, juriste en droit international. Il est membre de la Commission pour la Vérité sur la dette publique de la Grèce créée le 4 avril 2015. Il est également chargé de plaidoyer à Entraide et Fraternité.