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Communication à la Joint Social Conference
par Pascal Franchet
27 septembre 2010

Atelier : budgets publics, fiscalité, dette

Depuis le début des années 1980, les politiques budgétaires ont favorisé l’orientation néolibérale de l’économie, directement inspirée de l’école de Chicago.

Les diverses réformes de la fiscalité ont consacré des baisses très importantes de recettes fiscales avec creusement des inégalités , aggravé les soldes primaires, accru les besoins de financement des Etats et fait exploser les dettes publiques nationales.

Les résistances sociales, pourtant moins vives que dans la période précédente, ont empêché une forte baisse des dépenses publiques qui, globalement, se sont tassées en montant et en volume, à l’exception notable des ex-pays de l’Est, après la chute du mur de Berlin, et des pays des Balkans après la guerre de démantèlement de l’ex-Yougoslavie.

La création de l’euro et les différents traités de l’Union Européenne ont favorisé les inégalités entre pays et ont produit des logiques de dumping social, économique et fiscal qui amplifient les pratiques déficitaires. Résultat : dans un contexte de compétition mondialisée entre économies nationales, les déficits se sont accrus avec un effet cumulatif d’un exercice à l’autre.

Les tenants de l’économie réelle ont profité de ces politiques de régression sociale à l’œuvre ces 30 dernières années dans les pays du Nord pour accroître la part des profits dans les richesses produites par le travail au détriment de la part salariale. Ces profits se sont dirigés essentiellement vers les placements financiers et la spéculation au détriment des investissements productifs.

Des dizaines de millions d’emplois industriels ont été détruits, phénomène amplifié par la crise économique mondiale.

Toutefois, le lien entre profitabilité des entreprises et spéculation financière s’est maintenu. Le capitalisme financier est resté étroitemment dépendant du capitalisme réel.

Les politiques de régression sociale se sont traduites, depuis la moitié de la décennie 1980, par la chute du nombre d’entreprises publiques détenues directement ou contrôlés par les Etats, la destruction ou le transfert au privé de nombreuses missions publiques.

Le rôle régulateur des pouvoirs publics sur l’économie n’a cessé de se réduire. Les réformes des structures administratives ont impacté les pratiques budgétaires et fiscales. La gestion des dettes publiques a connu, à compter des années 2000, des changements importants avec la création des agences de gestion de la dette et les OATi.

Les fonctions strictement régaliennes des Etats ont été renforcées dans un sens antisocial :
Armée : guerres et Otan ;
Justice : accentuation de la protection de la propriété et du droit commercial au détriment des droits sociaux - Codes du travail et libertés collectives ;
Police : Frontex et logiques sécuritaires internes.

Les plans de sauvetage des banques et du secteur automobile, ainsi que les plans de relance, ont considérablement accentué cette situation. Fin 2009, tous les pays de l’Union Européenne accusaient des soldes budgétaires négatifs. La récession a aussi provoqué des chutes de recettes fiscales (Impôt sur les sociétés et TVA principalement).

Si les profits des entreprises non financières, qui avaient fortement chuté fin 2006 (juste avant la crise), se sont rétablis depuis le début 2009 et au 1er semestre 2010, c’est sur fond de chômage endémique (de l’ordre de 10% officiellement aux Etats-Unis et en Europe) et d’un accroissement du nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté dans les pays riches (14% selon l’OCDE).

Les réponses mises en œuvre aujourd’hui par les gouvernements, l’Union Européenne et les IFI (faire payer la crise aux populations) ne font qu’amplifier les déséquilibres sociaux..
Les fonctions redistributrices des politiques publiques ne répondent pas à l’augmentation des besoins sociaux de la population. Pire, la remise en cause de la protection sociale (santé et retraite, petite enfance, ..), couplée à l’expansion de la précarité sociale, condamne une part grandissante des habitants des pays du Nord à la misère et à l’exclusion.

C’est par cette lecture particulière que le CADTM appréhende l’analyse des budgets publics, de la fiscalité et des dettes publiques et qu ’il fait des propositions. (Voir tract 4 pages).

Ces propositions restent indissociables du mouvement social à construire et à consolider dans une logique unitaire et solidaire.

En guise de conclusion :

Nos propositions alternatives immédiates n’interdisent pas de pousser plus avant la réflexion en lien direct avec le thème de cet atelier.
- 1) Annuler tout ou partie de la dette publique (pour sa partie jugée illégitime) permettrait de rétablir des équilibres et/ ou de dégager des ressources dans le contexte de l’économie actuelle. Nos propositions induisent la remise en cause des logiques actuellement en vigueur.
- 2) Pour autant, une remise en cause ne constitue pas un programme alternatif et l’Histoire est riche d’exemples de pays ayant annulé tout ou partie de leurs dettes sans contester les fondements structurels du régime économique en vigueur.
- 3) Avec la crise écologique et l’urgence climatique, avec la finitude des matières premières, la question « Que produire, comment et avec quelle énergie ? », prend toute son acuité. On ne peut dissocier cette question des revendications immédiates.
- 4) Les contenus des budgets actuels, du point de vue des recettes (qui paie pour financer quoi ?) comme de celui des dépenses (est-ce que, par exemple, les budgets militaires sont socialement utiles ?) méritent une réflexion plus complète et raisonnée de façon plus globale.
- 5) Enfin, nos propositions ont un sens profondément politique. Elles induisent une démocratie renouvelée, transparente, où la participation citoyenne ne doit pas être une simple formule mais impliquer un contrôle effectif de l’exercice des mandats donnés.
- 6) Le CADTM n’a pas une position systématique de rejet de la dette. il est concevable que le financement de politiques socialement utiles implique le recours à la dette publique. Mais ce recours devra être encadré constitutionnellement et contrôlé démocratiquement, comme c’est le cas aujourd’hui en Equateur après le travail de la CAIC.
- 7) Une réflexion reste à engager sur le type d’économie que nous souhaitons, quelle organisation sociale et la finalité de la société. De cette réflexion doit découler le type de budget et de fiscalité que nous prônons.

De cet échange au sein de cet atelier, nous attendons des débuts de construction de l’alternative économique et sociale que nous souhaitons tous.

Pascal Franchet, vice président du CADTM France


Pascal Franchet

Président du CADTM France