Le monde ne sera sauvé, s’il peut l’être, que par des insoumis. (André Gide)
Depuis plusieurs années, les peuples européens - après ceux du Sud - sont devenus la cible d’attaques concertées de la part de la finance internationale et de ses alliés politiques. L’inévitable faillite des banques leur a permis d’accélérer le démantèlement des acquis sociaux hérités des luttes du XXe siècle. La crise est l’occasion d’appliquer une stratégie du choc : en contraignant les États à s’endetter massivement pour sauver les banques de leurs agissements irresponsables, le monde de la finance et ses partenaires politiques ont précipité ces États dans l’étau de la dette publique. Ils se sont ainsi donné des arguments en apparence imparables pour justifier l’application de mesures d’austérité sans précédent en occident.
Néanmoins, les apparences sont parfois trompeuses, et si les solutions alternatives à l’austérité sont limitées dans un contexte d’économie capitaliste, nous sommes de plus en plus nombreux-ses à avoir compris que seul un changement de paradigme peut permettre aux peuples de recouvrer leur souveraineté. Le 15 octobre 2011, lors de la journée de mobilisation internationale, des voix se sont élevées partout dans le monde [1] pour demander des comptes aux gouvernants et s’opposer à leur volonté de faire payer la crise au plus grand nombre.
« Nous sommes 99%, nous ne payerons pas leur dette »
A Bruxelles, plus de 10 000 citoyen-ne-s européen-ne-s « indignad@s » se sont rassemblé-e-s pour dénoncer les plans d’austérité décidés par les gouvernements et des institutions financières non élues (BCE et FMI en tête). « Nous sommes 99%, nous ne payerons pas leur dette », avec ce slogan, inscrit sur une immense banderole hissée quelques mètres au dessus de la foule, les manifestant-e-s ont affirmé qu’ils refusent de payer la crise [2]. La dette publique était bien au cœur des préoccupations et les responsables de celle-ci ont été accusés tout au long du parcours. Au passage du cortège devant les banques, la Bourse ou encore les Institutions européennes, les manifestant-e-s criaient « coupables !, coupables ! ». Une fois arrivé-e-s sur les marches de la Bourse, les « indignad@s » ont jeté des centaines de chaussures sur celle-ci. Cette manifestation a constitué un moment fort de rassemblement et de lutte. La détermination et la force collective étaient au rendez-vous, accompagnées d’une atmosphère à la fois joyeuse et légère ... celle de la victoire.
Il n’y a pas de doute, en ce 15 octobre 2011 quelque chose de nouveau est arrivé pour les peuples des vieilles métropoles capitalistes : la conscience et la volonté collective, internationale, que le changement est non seulement nécessaire mais qu’il est avant tout possible. Le mouvement des indigné-e-s vient de gagner une bataille énorme : à travers le monde entier un premier pas vient d’être fait, faisant tomber le défaitisme, l’immobilisme, la peur ...
La mobilisation à Bruxelles a été celle de tous les peuples en lutte
Cette victoire historique ne vient pas de nulle part, elle est le résultat d’années de lutte contre l’oppression des peuples. Au moment où les révolutions arabes ont ouvert la voie du changement, la voie de la libération, le mouvement des indigné-e-s espagnol-e-s a été capable de s’étendre et d’avoir une compréhension internationaliste des enjeux en cours.
La mobilisation à Bruxelles a ainsi été celle de tous les peuples en lutte. Après l’accueil des marcheurs-euses ayant parcouru pas moins de 1.500 km depuis l’Espagne le samedi 8 octobre à Bruxelles, la semaine qui a suivi a été consacrée à la construction du mouvement et à la mobilisation pour le 15 octobre. Différents ateliers ont été organisés tout au long de cette semaine leur permettant d’échanger sur des questions centrales telles que : l’exploitation et l’oppression des femmes, les politiques migratoires, le fonctionnement des lobbies, l’endettement public, les révolutions arabes, les alternatives, le nucléaire, etc.
Divers ateliers ont été proposés sur la problématique de la dette publique : “Des origines à la crise de la dette en Europe”, “les femmes créancières de la dette publique”, “les ficelles de la dette”, et “les plans d’austérités contre la démocratie réelle”. Chacun d’entre-eux a suscité un grand intérêt parmi les indigné-e-s présent-e-s. On peut par exemple citer « Les femmes créancières de la dette publique » qui a réuni lundi 10 octobre plus d’une vingtaine de participant-e-s qui s’est ensuite mobilisée sur cette question pendant toute la semaine afin de préparer la grande mobilisation du 15 octobre. [3]
« Nous sommes indigné-e-s, révolté-e-s, insurgé-e-s »
En solidarité avec l’ensemble des peuples opprimés, le CADTM (Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers Monde) soutient les manifestant-e-s et réaffirme qu’un changement radical de société est indispensable. Il faut construire d’urgence un projet collectif basé sur les droits humains fondamentaux et le respect de la nature. Pour avancer vers leur souveraineté les peuples des pays du Nord et du Sud doivent réaliser l’audit complet des dettes publiques de leurs États, afin d’identifier et de répudier celles qui se révèlent odieuses et illégitimes. Les responsables financiers et politiques de ces endettements doivent répondre de leurs actes et restituer les sommes englouties au moyen de leur patrimoine personnel.
[1] Lire Eric Toussaint, 15 octobre 2011 : grande victoire pour les Indignés
[2] Voir les vidéos : http://vimeo.com/30608888 et http://www.youtube.com/watch?v=piUasD83WsI
[3] Cet atelier a fait l’objet d’un article parut dans le quotidien Belge Le Soir, le mardi 12 octobre. Lire l’article : http://www.doocu.com/pdf/read/85471
chercheuse en sciences politique
CADTM France