Il faut rassurer les marchés ! Il faut sauver notre Triple A ! Il faut des plans de rigueur, nous n’avons pas le choix ! Voila la chanson qui domine aujourd’hui. Les 12 et 13 mai derniers, une quarantaine de sympathisants et de militants du CADTM Belgique se sont réunis pour s’informer et échanger, afin de partager un autre son de cloche, et balayer ce refrain lancinant !
L’austérité que la Troïka (UE, BCE, FMI) entend imposer en Europe, d’autres peuples en ont souffert et continuent d’en souffrir. Dès lors, pour démarrer ce week-end, nous avons d’abord traversé près de huit décennies, de 1940 à nos jours, pour comprendre les processus d’endettement des pays dits « du Sud », identifier certains travers à ne pas reproduire, s’inspirer des mobilisations et alternatives au Sud. Car face au vieux refrain de l’austérité scandé par les classes dominantes, repris en chœur par les médias, face aux tentatives de division des classes populaires et des travailleurs, la réponse des Européens à la crise ne peut se traduire par un repli nationaliste, mais au contraire par la solidarité internationale : tous unis contre la dette et l’austérité, du Sud au Nord !
Face à la crise, quelles sont les politiques menées par les gouvernements, le FMI, la BCE et l’UE ? Quelles conséquences pour les peuples ? La dette que les banques réclament aux pouvoirs publics est-elle illégitime ? Les processus démocratiques fondamentaux sont-ils respectés ? Nous avons cherché à mieux comprendre les structures qui se mettent en place au niveau européen comme le Mécanisme européen de stabilité (MES) censé permettre la gestion des crises au sein de la zone euro [1]. Le MES bafoue les principes de base de la démocratie : il échappe à tout contrôle démocratique et bénéficie d’une immunité juridique totale alors qu’il dispose librement des caisses des États. Cette prise de pouvoir a toutes les apparences d’un véritable coup d’État. Le MES ne fait pas cavalier seul : pour pouvoir bénéficier de son « assistance », les États devront d’abord avoir ratifié le fameux Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) incluant la règle d’équilibre budgétaire selon laquelle le déficit structurel ne pourra pas excéder 0,5% du PIB. Le TSCG prévoit le devoir de transposer cette règle dans les législations nationales, si possible au niveau constitutionnel : il s’agit donc de constitutionnaliser l’austérité et de la rendre automatique. Devant une telle atteinte à la souveraineté des peuples, nous devons réagir. Le temps presse car le traité, déjà approuvé au niveau européen, doit rapidement être ratifié par les parlements des États signataires. Entre autres initiatives [2], les militants du CADTM Bruxelles ont présenté l’action d’interpellation qu’ils ont lancée en Belgique à l’égard des parlementaires (http://www.interpellation-mes.be/).
Nous avons examiné le fonctionnement du système bancaire, l’impact des dérégulations des dernières décennies sur les difficultés actuelles. Nous nous sommes intéressés à un cas concret : celui de la banque Dexia, dont l’Etat belge a assuré par deux fois le sauvetage au côté d’autres banques, voyant par là sa dette exploser, et du Holding communal (filiale de Dexia qui finance les collectivités locales), sa liquidation et ses conséquences pour la population, pour les communes. La requête en annulation introduite par le CADTM et ATTAC contre les garanties accordées au groupe Dexia par l’Etat belge - dont la situation pourrait encore se dégrader si celles-ci étaient activées - a aussi été présenté : ce combat juridique s’inscrit plus largement dans une lutte politique pour l’annulation de la dette publique illégitime, notamment celle issue du sauvetage des banques, et en faveur de banques publiques [3].
Enfin, nous avons consacré l’après-midi du dimanche à nous armer d’arguments et d’alternatives pour une Europe solidaire ! Nous avons notamment fait un tour d’horizon des campagnes euro-méditerranéennes pour un audit de la dette. Ces initiatives très enthousiasmantes, présentes dans plus de 8 pays européens, en Tunisie et Égypte [4], font partie des voix dissonantes qui n’entendent pas plier au chantage de la dette.
[1] Lire « Nouveau traité MES, l’Europe sourde aux réclamations des peuples », par S.Berwez, http://www.interpellation-mes.be/nouveau-traite-mes-leurope-sourde-aux-reclamations-des-peuples/
[2] D’autres initiatives ont vu le jour dans des États-membres concernés comme la France ((http://www.petitionpublique.fr/PeticaoVer.aspx?pi=MES2012 et l’Allemagne ( http://www.abgeordneten-check.de/email/unentschieden/69.html)
[3] Voir sur le site d’Attac Liège et sur le site www.sauvetage-dexia.be
[4] Voir notamment le compte-rendu et les vidéos du 7 avril, journée de réunion euro-méditerranéenne des audits citoyens de la dette, qui a donné naissance au réseau « ICAN » (International Citizen debt Audit Network), http://www.cadtm.org/Des-efforts-coordonnes-en-Europe