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États-Unis : Les « objecteurs de créances » de Strike Debt organisent la résistance
par Stéphanie Jacquemont
5 octobre 2012

Sur les bords de l’East River à Brooklyn, le 9 septembre dernier, des personnes se relaient au centre d’un cercle et prennent la parole pour expliquer comment leurs dettes leur sont devenues insupportables, par les paiements qu’elles supposent chaque mois et, plus fondamentalement, par les choix qu’elles les obligent à faire, ou plutôt l’absence de choix dans laquelle elles les enferment. Certaines disent la honte qu’elles ont ressenties, d’autres leur dégoût, leur incompréhension, le puissant sentiment d’injustice. Puis, dans un geste libérateur, elles mettent le feu à ce courrier leur rappelant le montant qu’elles doivent encore rembourser, ce relevé bancaire faisant état de crédits impayés... Cet acte rappelle celui des militants qui, pour protester contre la guerre du Vietnam, brûlaient leur carte d’incorporation dans l’armée. Mais le geste n’est pas seulement symbolique, il a une fonction cathartique : il s’agit aussi de se débarrasser du sentiment de culpabilité, de briser le tabou, le silence, l’isolement des personnes endettées afin de créer un mouvement de résistance. Strike Debt, le groupe « d’objecteurs de créances » à l’origine de cette action, a d’ailleurs pour slogan ce jeu de mots : « You are not a loan  !/ You are not alone !  [1] »

Les rouages du « système dette » mis à nu

Dans le combat que ces militant-e-s d’Occupy Wall Street (OWS) ont entrepris contre un des piliers – certes branlant-, de « l’American way of life », une des premières tâches consiste à comprendre et expliquer : analyser pour faire apparaître les rouages du système, dénoncer les vies pressurées, laminées, rognées, et éventuellement, être les grains de sable perturbant le bon fonctionnement de la machine. Tenter de décrypter parce que, pour reprendre les mots d’une militante qui, malgré la complexité du sujet, s’est attelée à l’étude de la dette municipale, cela arrange bien les 1% que les 99% n’y comprennent goutte.

Les membres surmotivé-e-s de Strike Debt saisissent donc toutes les occasions de partager le fruit de leurs recherches et leurs réflexions. Ainsi, le 17 septembre dernier, pour l’anniversaire d’OWS et après un été de travail intense, est sorti leur manuel du résistant, qu’ils distribuent gratuitement et qui est accessible en ligne sur leur site [2]. Ils/elles ont aussi animé plusieurs ateliers à la Free University organisée du 18 au 22 septembre 2012 au Madison Square Park à New York, et vont poursuivre ce travail d’éducation populaire pendant l’automne avec une série d’exposés et d’ateliers consacrés à la dette dans le cadre d’Occupy Université, l’université populaire d’OWS [3].

Le travail de ce collectif n’en est peut-être qu’à ses débuts, mais il est très enthousiasmant et va déjà loin en termes de théorisation du « système dette ». « La dette, écrivent-ils/elles, n’est pas personnelle, elle est politique. Le système dette vise à nous isoler, à nous faire taire, et à nous soumettre par la peur des notes délivrées par les toutes-puissantes agences de notation de crédit [4] ». En effet, il faut savoir que des agences attribuent aux Etats-unien-ne-s des notes selon un système très opaque et injuste, notes qui sont ensuite utilisées par les banques et autres établissements de crédit pour déterminer l’octroi ou non d’une carte de crédit, d’un prêt hypothécaire, le taux appliqué à tel ou tel prêt, etc. De plus en plus, les employeurs exigent même de voir ces notes avant d’embaucher ! Ou comment approfondir les inégalités en rendant l’emploi plus inaccessible, le crédit plus cher ou simplement interdit aux plus pauvres.

La dette fonctionne clairement comme un instrument de soumission et de contrôle des populations, qui oblige à accepter des jobs sous-payés ou dissuade de faire grève pour revendiquer plus de droits par exemple. Ainsi, Noam Chomsky voit dans la dette faramineuse des étudiant-e-s un moyen de faire rentrer les plus idéalistes dans le rang : « Si, pour aller à l’université, vous devez contracter une dette importante, vous serez docile. Vous êtes peut-être allé à l’université avec l’intention de devenir un avocat qui défend des causes d’intérêt public : mais si vous sortez de là avec une dette de 100 000 dollars, vous devrez aller [travailler] dans un bureau d’avocats pratiquant le droit corporatif. Et si vous vous dites : “Je vais y aller le temps de rembourser ma dette et ensuite je serai un avocat qui défend des causes d’intérêt public”, ils sont assez brillants pour savoir qu’une fois que vous êtes piégé au sein de l’institution, vous en assimilez les valeurs et intériorisez bien d’autres choses encore : et vous devenez un avocat qui pratique le droit corporatif [5] ».

Mais la dette est aussi un formidable moyen d’extorsion. Extorsion d’argent, mais aussi de travail, de temps, de possibilités à venir. Ainsi, la dette que les étudiant-e-s contractent pour suivre des formations supérieures, parfois de très mauvaise qualité (notamment dans des écoles privées à but lucratif [6]), peut être vue comme un achat de travail futur de ces mêmes étudiant-e-s. On se rapproche alors de l’idée du vol du temps développée par Maurizio Larazzato [7], qui voit dans l’endettement généralisé une « dépossession […] de l’avenir, c’est-à-dire du temps comme porteur de choix, de possibles ». D’où aussi, parmi les militant-e-s, la référence très présente à l’esclavage, et ce d’autant plus que le système dette ne frappe pas indifféremment les Blancs et les personnes de couleur.

Les auteur-e-s du manuel ont, de leur propre aveu, été amené-e-s sur des terrains qu’ils/elles n’avaient pas envisagés et dont le lien avec la dette n’était pas a priori évident. Sans doute était-ce sans surprise pour nombreux d’entre eux/elles, mais il est vraisemblable que beaucoup d’autres découvrent maintenant grâce à Strike Debt comment la dette prolonge et accentue la discrimination contre les personnes de couleur. La pratique du « redlining » ou du « reverse redlining » consiste ainsi à refuser l’octroi de prêts ou à offrir des conditions différentes selon le lieu de vie de l’emprunteur/euse. Il va sans dire que les personnes vivant dans des quartiers où vit une majorité d’Afro-descendants ou d’enfants d’immigrés devront payer des taux d’intérêt plus élevés. De même, les personnes de couleur voulant bénéficier de la procédure de faillite personnelle sous le chapitre13 [8] ont 20% plus de risque que les Blancs de voir leur dossier rejeté par le juge. Et l’on pourrait citer bien d’autres exemples... Strike Debt résume le phénomène en ces termes : « L’endettement permanent est la caractéristique dominante du mode de vie moderne aux États-Unis. Pour contrôler le tout, un dispositif particulier propre aux États-Unis est en place, dans lequel l’incarcération de masse, la ségrégation raciale et la servitude de la dette se renforcent mutuellement [9] ».

Un autre lien à ne pas oublier a par ailleurs été développé dans un article paru dans Tidal, la revue d’Occupy Theory, par David Graeber, auteur de l’important ouvrage Debt : The First 5,000 Years (New York : Melville House Publishing, 2011) : celui entre la dette et l’exploitation de la nature. En effet, pour payer un intérêt de x% sur une somme empruntée, il faut produire x% de PIB supplémentaire. La dette, vue comme une « promesse de productivité future », alimente donc la course à la croissance et au productivisme. Une raison de plus de considérer toutes ces dettes comme littéralement insoutenables (et, espérons, un moyen de rallier les écologistes à la cause).

Le manuel du résistant : morceaux choisis

Le manuel a été conçu non pas comme un produit fini mais plutôt comme le début d’un projet collaboratif, « un manuel écrit de manière collective pour l’action collective ». Les lectrices et lecteurs sont invité-e-s à envoyer leurs corrections, ajouts, etc. pour améliorer le manuel. Produit en seulement deux mois, il est déjà dans sa forme actuelle un outil très utile, agréable à lire, et fourmille d’informations importantes, parfois choquantes, sur la dette, son fonctionnement, et sur les moyens à disposition des personnes endettées pour s’en sortir. En plus des solutions individuelles proposées, il n’omet jamais d’appeler à l’action collective et d’inscrire la lutte contre le système dette dans un combat plus large, contre la marchandisation de tous les aspects de la vie et pour la satisfaction des besoins élémentaires de toutes et tous.

Le manuel comprend dix chapitres qui se penchent chacun sur un aspect de la dette, et un dernier chapitre sur les perspectives de changement et les aspirations du mouvement. Voici quelques-unes des informations marquantes relevées au fil de la lecture.

La notation de crédit.

« Avoir une note de crédit, c’est un peu comme avoir un tatouage ou un code-barres sur le front, et le tatoueur serait l’agence de renseignements des consommateurs (consumer reporting agency, CRA) ». Les CRA collectent les informations auprès de différents créanciers et les compilent pour fournir des rapports de crédit détaillés ou attribuer des notes de crédit. Cette activité est très peu régulée par l’État (notamment pour encadrer qui peut envoyer les informations traitées par ces agences et à qui elles peuvent fournir leurs rapports et notes), alors même que son influence s’étend dangereusement : les employeurs, les propriétaires de plus en plus exigent qu’on leur présente un rapport de crédit, les assurances ont commencé à prendre en compte les notes de crédit pour déterminer leurs taux, et même les hôpitaux utilisent ces données !

La logique perverse de ce système veut que pour être bien noté, il faut être endetté. Une personne sans dette ne se verra pas attribuer une bonne note et peut donc se voir refuser un logement par exemple. De plus, les rapports sont truffés d’erreurs. Une étude de 2004 a révélé que 79% des rapports contenaient des erreurs !

Les cartes de crédit

La stagnation, voire la baisse, des salaires réels depuis les années 1970 ont fourni le terreau idéal à l’essor des cartes de crédit. Il y aurait quelque 700 millions de cartes de crédit en circulation aux États-Unis. Les cartes de crédit sont parmi les produits de crédit les plus complexes et dangereux. Les nombreux frais cachés dans les contrats coûteraient aux familles états-uniennes plus de 12 milliards de dollars par an.

Au début de leur histoire dans les années 1960, les banques ne faisaient pas de profit sur les cartes de crédit, qu’elles offraient à leurs clients les plus aisés pour s’assurer de leur fidélité. La dérégulation de la fixation des taux d’intérêt dans les années 1980 a radicalement changé la donne. « Le crédit « gratuit » utilisé par les ménages les plus riches est alors subventionné par les taux élevés et les frais payés par les ménages en difficulté ». Selon Robert D. Manning, auteur de Credit Card Nation, près des 2/3 des bénéfices dégagés sur les intérêts et pénalités sont réalisés sur seulement ¼ des usagers de cartes.

La dette liée aux soins médicaux

On estime qu’environ 62% des procédures de faillite personnelle aux États-Unis sont liées à des maladies et/ou des factures médicales. Cette situation est due au système de santé du pays qui, au lieu de répartir le risque sur toute la population, fait au contraire payer les plus vulnérables.

La dette des étudiant-e-s

Il existe deux types de prêts étudiants : les prêts fédéraux et les prêts privés. Entre 1972 et 2010, les prêts fédéraux étaient administrés par des institutions financières, mais étaient subventionnés ou garantis par le gouvernement fédéral. En 2010, Barack Obama a introduit une loi qui supprime les agents intermédiaires, et les prêts fédéraux sont maintenant gérés directement par l’État. Cependant, ces prêts affichent toujours des taux très élevés (6,8%), et ne couvrent pas toujours l’ensemble des frais, obligeant nombre d’étudiant-e-s à contracter d’autre part des prêts privés.

De plus, depuis 1998, les prêts fédéraux sont exclus des procédures de faillite personnelle. Après un travail de lobby acharné de Wall Street, les prêts privés ont également été exclus en 2005.

Notons qu’en cas de retard dans les remboursements, les intérêts échus sont généralement ajoutés au capital en fin d’année.

La dette hypothécaire

Le marché de la dette hypothécaire est né en 1934, à l’initiative du gouvernement et pour le plus grand bénéfice des banques. Le Housing Act de 1934 a créé la Federal Housing Administration chargée notamment de fournir des assurances contre le non remboursement de prêts hypothécaires. En 1938, le gouvernement a également mis sur pied la Federal National Mortgage Association (aussi connue sous le nom de Fannie Mae), destinée à offrir aux banques un marché secondaire où revendre leurs créances hypothécaires (et donc transférer leurs risques).

Le marché a pris rapidement de l’ampleur, et le nombre de ménages propriétaires de leur logement est passé de 40 % dans les années 1930 à 65% dans les années 1970.

Le partenariat entre les banques et le gouvernement continue aujourd’hui, le gouvernement fédéral ayant garanti plus de 95% des prêts hypothécaires émis en 2011.

Le rêve d’une nation de propriétaires s’est cependant transformé en cauchemar, avec l’explosion de la crise des subprime. Aujourd’hui, près de 11% de logements sont vides, la part des propriétaires de leur logement est retombée au niveau observé en 1998. Près de 8 millions d’États-unien-ne-s accusent au moins un mois de retard dans leurs remboursements, 5 millions au moins deux mois. 5 millions de logements ont été saisis. Les Afro-descendant-e-s et les Latino/a-s sont les plus sévèrement touché-e-s, puisqu’un quart d’entre eux/elles ont perdu leur maison ou risquent de la perdre, contre « seulement » 12% des propriétaires blancs/blanches.

Des communautés entières sont plongées dans un cercle vicieux : les saisies de maisons font baisser les prix de l’immobilier et réduisent les recettes issues des taxes foncières. Cela augmente la dette des municipalités, qui réduisent leurs services publics, ce qui augmente la spirale baissière du marché de l’immobilier local.

La dette municipale

Les municipalités ont vu les financements fédéraux s’amenuiser au cours des trente dernières années, et ont dû s’endetter, principalement via l’émission de bons municipaux. Ces bons sont une aubaine pour les investisseurs puisque les intérêts empochés sont exemptés d’impôts.

Services et produits financiers pour les « interdits bancaires »

Comme l’a justement souligné l’écrivain James Baldwin, il est extrêmement coûteux d’être pauvre. Les personnes qui n’ont pas accès au secteur bancaire traditionnel, ou celles qui ont besoin de multiplier les crédits pour joindre les deux bouts se trouvent contraintes de recourir à des services financiers « alternatifs » (alternative financial services, ou AFS en anglais), que l’on peut considérer comme une forme légale de vol. Si l’on cumule les bénéfices dégagés par le secteur AFS, en plein essor, et qu’on les divise par le nombre de ménages qui doivent vivre avec moins de 30 000 dollars par an (40 millions), on s’aperçoit que ce secteur reçoit chaque année l’équivalent de 2 500 dollars de chaque ménage à bas revenu. C’est ce que l’on peut appeler une « taxe sur la pauvreté » de presque 10%.

Les services et produits AFS sont variés mais ont en commun leur prix exorbitant : une commission de 1,5% à 3,5% pour l’encaissement de chèques, jusqu’à 20% pour les transferts d’argent à l’étranger, plus de 400% d’intérêt pour les prêts à court terme (les fameux « payday loans », des avances d’argent consenties rapidement, sans formalité, censées aider en attendant la prochaine paye, mais qui sont généralement renouvelées plusieurs fois, avec capitalisation des intérêts dus et pénalités de retard), et parfois jusqu’à plus de 900% d’intérêt pour les prêts sur gage auto (prêts en échange du titre de propriété d’une voiture).

Au commencement, la dette des étudiants...

Le mouvement anti-dette a débuté l’an dernier autour de la dette des étudiant-e-s. Une dette qui atteint des proportions inquiétantes et qui fait l’objet d’une attention particulière dans la presse. La dette étudiante a en effet dépassé les 1000 milliards de dollars, soit plus que les encours de dette liés aux cartes de crédit. Certains y voient même une menace équivalente à celle qu’ont constituée les crédits hypothécaires subprime dans un passé récent. Il faut dire que les conditions pour les emprunteurs/euses sont sévères : contrairement à d’autres types de dette, la procédure de faillite est pratiquement impossible et il n’y a pas non plus de prescription ; par ailleurs, la majorité des prêts étant délivrés ou garantis par le gouvernement fédéral, l’État met en œuvre des moyens considérables pour le recouvrement, qui peuvent aller jusqu’à la saisie d’une partie des salaires, des remboursements d’impôts ou même des allocations pour personnes handicapées ! Certes, des aménagements ont été prévus pour les étudiant-e-s ayant des petits revenus ou se trouvant au chômage ou en incapacité de travailler, mais le manque d’information des étudiant-e-s d’une part, et l’absence d’incitation financière pour les institutions gérant cette dette à éviter le défaut de paiement (voire la prime au recouvrement après défaut !) font que trop peu d’étudiant-e-s recourent à cette solution. En ces temps de chômage important, et avec des frais de scolarité toujours plus hauts, le nombre de défauts sur la dette étudiante ne cesse d’augmenter. Près de 5,9 millions de personnes dans le pays ont au moins 12 mois de retard sur les remboursements, un chiffre en hausse d’un tiers sur les cinq dernières années. Pour l’exercice 2011, le montant moyen de dette en défaut était de 17 005 dollars, et les sommes collectées par l’État ou les agences travaillant pour sont compte se sont élevées à 12 milliards de dollars [10].

Face à ce problème pressant, des militant-e-s d’Occupy se sont rassemblé-e-s autour de l’Occupy Student Debt Campaign (campagne d’Occupy contre la dette étudiante), pour revendiquer une éducation supérieure publique gratuite, des prêts étudiants à taux 0, l’ouverture des comptes des écoles privées et à but lucratif, et l’effacement des dettes existantes. Un combat qui a logiquement débouché sur la remise en cause d’autres types de dettes et sur la dénonciation de l’enrichissement d’une minorité par l’endettement de la majorité.

Au-delà des actions concrètes d’entraide, des objectifs ambitieux

Le groupe de Strike Debt a des objectifs ambitieux : plus qu’un mouvement de débiteurs, il se veut un mouvement de résistance général à la dette, qui permette de modifier le discours sur la dette et in fine, de transformer radicalement la société.

La résistance que Strike debt oppose à la dette prend de nombreuses formes, l’une d’entre elles étant l’entraide. C’est notamment un des objectifs du manuel du résistant : offrir des informations et des solutions concrètes aux personnes endettées pour qu’elles puissent se battre contre les créanciers. C’est également le sens du projet du « Rolling Jubilee », qui constitue par ailleurs un moyen d’action directe : l’objectif est d’acheter à bas prix sur le marché secondaire des dettes en défaut pour ensuite les annuler [11].

Bien sûr, la résistance va au-delà de la stricte question de la dette et inclut la lutte pour la gratuité de l’éducation, des soins de santé, etc. La question de la dette municipale, au nom de laquelle les autorités locales licencient des fonctionnaires, gèlent leurs salaires ou réduisent les services fournis aux habitant-e-s, est aussi à l’ordre du jour, et le groupe Strike Debt y voit un sujet potentiellement très fédérateur (la question de la dette privée est parfois perçue comme un problème de « classes moyennes », les populations les plus marginalisées étant exclues de fait du circuit bancaire et du crédit).

L’objectif pour les militant-e-s de New York est que le mouvement s’étende à d’autres villes et États ; Strike Debt s’inscrit d’emblée dans une perspective internationaliste et souhaite également multiplier les contacts avec les mouvements à l’échelle internationale qui partagent nombre de leurs revendications. Ils/elles portent d’ailleurs le carré rouge des étudiant-e-s québécois-es et ont repris à leur compte un slogan qui a fleuri dans les manifestations grecques, portugaises, espagnoles, etc. : « On ne vous doit rien ! ». On ne peut qu’adhérer !


Notes :

[1« Tu n’es pas un prêt / Tu n’es pas seul ! »

[2The Debt Resitors’ Operations Manual, téléchargeable à l’adresse suivante : http://strikedebt.org/initiatives/the-debt-resistors-operations-manual/

[4“Debt is not personal, it is political. The debt system aims to isolate us, silence us, and scare us into submission with the all-powerful credit rating”, in “Strike Debt !”, Tidal, septembre 2012, p. 10

[5Cité par Normand Baillargeon, dans « Chomsky : misères et grandeur de l’université », http://www.ababord.org/spip.php?article1309 (source : Noam Chomsky, Permanence et mutations de l’université, PUQ, 2011)

[6Voir à ce sujet Christopher Newfield, « La dette étudiante, bombe à retardement », Le Monde diplomatique, septembre 2012, p 4-5.

[7« La dette ou le vol du temps », Le Monde diplomatique, février 2012 http://www.monde-diplomatique.fr/2012/02/LAZZARATO/47416

[8Il existe deux procédures de faillite, celle relevant du chapitre 7 et celle relevant du chapitre 13 de la loi, la deuxième étant à bien des égards moins avantageuse et plus risquée. Pour Strike Debt, cette deuxième procédure n’est rien moins qu’une arnaque. Voir le chapitre 10 de leur manuel sur la faillite.

[9“Permanent indebtedness is the pre-eminent characteristic of modern American life. Keeping all this in check is the peculiarly U.S.-specific apparatus, in which mass incarceration, racialized segregation ans debt servitude are mutually reinforcing”, in “Strike Debt !”, Tidal, septembre 2012, p. 10.

[10Andrew Martin, “Collection Agencies Cashing In on Student Loan Roundup”, The New York Times, 9 septembre 2012

Stéphanie Jacquemont