printer printer Cliquer sur l'icône verte à droite
Dexia : Et si on arrêtait de banquer ?
par Comité de soutien au recours du CADTM Belgique, ATTAC Bruxelles 2 et ATTAC Liège contre les garanties Dexia
18 octobre 2012

Il y a un an, Dexia était sauvé une deuxième fois par l’Etat. Après avoir sorti 4 milliards d’euros pour prendre le contrôle de la branche belge aujourd’hui rebaptisée Belfius, le gouvernement de l’époque, en affaires courantes, prenait le 18 octobre 2011 un arrêté royal qui engage la Belgique à garantir conjointement avec la France et le Luxembourg les emprunts du groupe Dexia (duquel Belfius ne fait donc plus partie) pour les vingt prochaines années. Le montant garanti par l’Etat belge aux termes de cet arrêté royal s’élève à 54,46 milliards d’euros (sans compter les intérêts et les accessoires), soit 15% de son produit intérieur brut ! Concrètement, si Dexia ne parvient pas à rembourser ses dettes, alors les pouvoirs publics devront casquer immédiatement. En effet, l’arrêté du 18 octobre précise que ces garanties sont payables à première demande. Autrement dit, l’Etat n’a aucun moyen de se défendre même si Dexia poursuit ses placements aventureux ; ceux-là même qui ont entraîné sa débâcle et ses deux sauvetages grâce à l’argent public.

Une nouvelle socialisation des dettes privées constitue donc un véritable risque à moins que cette garantie d’Etat soit annulée. C’est possible puisqu’une requête en annulation de l’arrêté du 18 octobre introduite devant le Conseil d’Etat par trois associations belges (CADTM, ATTAC Liège et ATTAC Bruxelles 2) est actuellement en cours d’examen. Ces associations rejointes par les députées écologistes Zoe Genot et Meyrem Almaci demandent ensemble l’annulation de cet arrêté au motif qu’il est entaché de plusieurs vices de forme et qu’il viole plusieurs dispositions fondamentales du droit belge dont la Constitution. En effet, le Parlement fédéral qui, en vertu de la Constitution, est compétent pour intervenir dans les matières budgétaires, n’a ni délibéré ni légiféré sur l’octroi de ces garanties de 54,46 milliards. Or, les conséquences de l’activation de ces garanties seraient catastrophiques pour le budget de l’Etat. L’augmentation vertigineuse de la dette publique qui en résulterait serait encore utilisée comme arme de chantage pour justifier une dose supplémentaire d’austérité contre la population. De plus, nos élus sont tenus à l’écart jusqu’en 2031 par l’arrêté attaqué qui habilite le seul Ministre des finances à conclure des conventions de garantie avec les créanciers de Dexia. Au-delà des conséquences dramatiques sur le plan social et économique, le maintien de cet arrêté royal entraînerait donc une violation manifeste des règles élémentaires d’un Etat démocratique.

Tout cela pour quoi ? Pour sauver une banque vouée à disparaître. En effet, ces garanties visent à maintenir à flot Dexia (qui n’a plus de dépôts d’épargnants) le temps qu’elle liquide ses actifs plus toxiques les uns que les autres. Or, même avec les garanties, elle continue à perdre de l’argent si bien que son dirigeant Karel De Boeck prévient qu’une nouvelle recapitalisation de Dexia par les États sera nécessaire d’ici la fin 2012 ou début 2013. Autrement dit, la Belgique doit se tenir prête à renflouer une fois encore le tonneau percé de Dexia ! Le coût de l’opération se situerait entre 5 et 10 milliards d’euros, autant d’argent qui augmentera la dette publique.

Ces garanties sont donc non seulement dangereuses pour la population, la démocratie mais aussi incapables de régler le « problème Dexia ». Dans ces conditions, leur annulation apparaît comme la première étape indispensable pour sortir de cette impasse. Il revient dans un second temps aux responsables politiques de mettre en place d’autres mesures pour protéger la population. En attendant, le débat citoyen sur les alternatives doit immédiatement être lancé en s’inspirant notamment des expériences à l’étranger. A titre d’exemple, aux États-Unis, le législateur a récemment adopté un cadre légal nouveau défini par la loi Dodd Frank et la règle Volcker. L’objectif est d’éviter le sauvetage d’une grande institution financière en allant clairement soit vers la faillite ou la liquidation ordonnée. La philosophie à la base de la loi Dodd Frank est que les actionnaires et les créanciers privés doivent supporter l’intégralité des pertes et des coûts sans aucune participation des contribuables. Plus près de chez nous, la Suède, la Norvège et la Finlande ont répondu dans les années 1990 à la crise de leur système bancaire en faisant également porter le coût de l’opération sur les actionnaires. La philosophie de base de ces interventions étatiques reposait sur trois principes. Primo, le but des opérations était de sauver le système financier et pas une banque en particulier. Il était, dès lors, préférable d’acter un état de faillite plutôt que de renflouer continuellement une banque non viable comme Dexia. Secundo, les actionnaires devaient subir les pertes les plus importantes. Tertio, le Conseil d’administration et la direction responsable de l’échec de la banque devaient démissionner [1].

Des alternatives existent donc. Seule manque la volonté politique. Mais les choses peuvent changer. Les actions en justice comme celles intentées en Belgique contre les garanties Dexia mais aussi en Espagne, France, Irlande, etc. contre les banques doivent être connues du grand public afin de construire un large mouvement social pour un véritable contrôle public des banques et pour un audit citoyen de la dette afin d’identifier et d’annuler la part illégitime comme celle résultant des sauvetages bancaires. A cette fin, le CADTM organise à Bruxelles le 24 novembre une conférence européenne sur les résistances face aux banques et les alternatives [2]. Et si on arrêtait de banquer !

Signataires et membres du Comité de soutien :

  • Mateo Alaluf (sociologue, professeur émérite ULB)
  • Bernard Bayot (Directeur du réseau financement alternatif)
  • Georges-Henri Beauthier (avocat)
  • Stephen Bouquin (Professeur de sociologie)
  • Jean Bricmont (professeur de physique à l’UCL)
  • Franco Carminati (président d’Attac Bruxelles 2)
    Lucas Catherine (écrivain)
  • Céline Caudron (Formation Léon Lesoil et La Gauche et LCR)
  • Marie-Rose Cavalier (ex-conseillère communale et ex-Députée wallonne)
  • Patrick Deboosere (Interface Demography Department of Sociology Vrije Universiteit Brussel)
    Herman De Ley (Professeur émérite - Universiteit van Gent)
  • Céline Delforge (députée au parlement bruxellois)
  • Marc Delrez (Professeur l’Université de Liège)
  • Bernard Duterme (directeur du CETRI - Centre tricontinental) :
  • Pierre Galand (président du Forum Nord-Sud )
  • Corinne Gobin (politologue à l’ULB)
  • Odette Goffard, (administratrice de l’asbl Pierreuse et Ailleurs - La Casa Nicaragua)
  • Jacques Gouverneur (professeur émérite - UCL)
  • Anke Hintjens (artiste)
  • Zakia Khattabi (Zakia KHATTABIPrésidente du groupe ECOLO au Sénat)
  • Florence Kroff (coordinatrice de FIAN Belgium)
  • Hugues Le Paige (journaliste – réalisateur)
  • Francine Mestrum (coordinatrice ‘Global Social Justice’)
  • Christine Pagnoulle (Chargée de cours en littérature anglaise et traduction à l’Université de Liège, présidente d’ATTAC-Liège)
  • Riccardo Petrella (professeur émérite de l’UCL)
  • Daniel Puissant (délégué syndical)
  • Daniel Richard (secrétaire régional interprofessionnel de la FGTB Verviers – communauté germanophone)
  • Pieter Saey (professeur émérite de Géographie sociale - Universiteit van Gent)
  • Angelo Simonazzi (Secrétaire général de Vivre Ensemble Education asbl Action Vivre Ensemble asbl)
  • Yannis Thanassekos (professeur de sociologie politique)
  • Éric Toussaint (maître de conférence à l’ULg, président du CADTM Belgique)
  • Thomas Weyts (Socialistische Arbeiderspartij)
  • Frank Vanaerschot ( FAIRFIN)
  • Arnaud Zacharie (maître de conférence à l’ULg)

La liste complète des membres de ce comité se trouve sur : http://sauvetage-dexia.be/spip.php?article5


Notes :

[1Xavier Dupret, Et si nous laissions les banques faire faillite ? http://www.gresea.be/spip.php?page=imprimir_articulo&id_article=1048

[2Plus d’infos sur le site du CADTM http://cadtm.org/Agenda

Comité de soutien au recours du CADTM Belgique, ATTAC Bruxelles 2 et ATTAC Liège contre les garanties Dexia