printer printer Cliquer sur l'icône verte à droite
Dette irakienne : des ONG dénoncent l’opportunisme des pays riches
par Agence France Presse
25 novembre 2004

PARIS, 22 nov 2004 (AFP) - La gigantesque dette de l’Irak, contractée par un dictateur, est « odieuse » et n’a pas à être supportée par son peuple, tandis que l’allègement substantiel consenti par le Club de Paris vise surtout à préserver les intérêts des pays riches dans une zone stratégique, ont accusé lundi plusieurs ONG.

La dette extérieure de l’Irak est estimée entre 120 et 125 milliards de dollars. L’accord conclu dimanche par le Club de Paris, une instance informelle réunissant 19 pays industrialisés créanciers, a permis de ramener la part lui revenant de 38,9 milliards de dollars actuellement à 7,8 milliards en 2008.
Les autres créanciers de l’Irak - pays du Golfe ou de l’ancien bloc soviétique et créanciers privés - ont été invités à faire un geste à leur tour.

Mais cette annonce est loin de satisfaire les organisations non gouvernementales (ONG) réclamant l’annulation de la dette des pays du tiers-monde, qui dénoncent les méthodes du Club de Paris.

Ainsi la plate-forme Dette et Développement, qui rassemble une série d’associations, a dénoncé « l’opportunisme et le cynisme des créanciers, qui apportent des solutions à leur mesure à la dette irakienne, mais (sont) sans pitié lorsqu’il s’agit de pays pauvres sans enjeu stratégique ».

Les Etats-Unis « cherchent avant tout à offrir à leurs entreprises les marchés liés à la reconstruction du pays et à l’exploitation des considérables réserves pétrolières. Pour eux, il est hors de question que la dette laissée par Saddam Hussein vienne ponctionner le budget irakien et gager les futures recettes pétrolières » de ce pays très riche en ressources, poursuit l’association dans un communiqué.

Damien Millet, président du Comité pour l’annulation de la dette du tiers monde (CADTM-France), est également d’avis que le cas irakien pose un problème d’équité.

La somme que prévoit d’effacer le Club de Paris représente ainsi presque l’équivalent « de toutes les annulations qui ont eu lieu pour les 40 pays les plus pauvres » membres de l’initiative Pays pauvres très endettés (PPTE) du Fonds monétaire international (FMI), souligne-t-il. Ces derniers n’ont bénéficié d’une annulation de dette que dans la mesure où ils ne parvenaient pas à rembourser, explique-t-il à l’AFP.

Cet argument avait également été mis en avant par le gouvernement français dans les négociations sur l’Irak.

M. Millet souligne par ailleurs que la dette irakienne, contractée par Saddam Hussein, est « odieuse » et devrait donc être « nulle et non avenue ». Elle rentre selon lui dans le cadre de la doctrine juridique conceptualisée en 1927 par Alexander Nahum Sack, ancien ministre du tsar Nicolas II et professeur de droit à Paris.

Selon cette théorie, une dette contractée par un pouvoir despotique pour se renforcer au détriment de sa population est une « dette de régime, dette personnelle du pouvoir qui l’a contractée, par conséquent elle tombe avec la chute de ce pouvoir ».

Cette notion avait été utilisée dès 1898 pour le règlement de la dette cubaine, et en 1922 au profit du Costa Rica, a-t-il indiqué. Depuis, en revanche, les pays créanciers ont « verrouillé » le système pour empêcher de telles situations de se reproduire. Le travail des ONG consiste à « faire ressortir ces notions de droit international qui existent et ont été enterrées profondément », souligne-t-il.

Au Club de Paris, on estime à l’inverse que la notion de dette odieuse « existe dans la littérature, mais qu’il n’y a pas de normes juridiques internationales. Les créanciers ont retenu pour principe la continuité des Etats ». Une telle notion introduirait une énorme dose d’insécurité, souligne-t-on.

Par Amélie HERENSTEIN


Source : AFP, 22 novembre 2004.

Agence France Presse