Le budget français d’aide publique au développement sera en baisse de 6 % en 2014. L’annulation de la dette des pays pauvres, qui a été largement débattue au parlement, atteindra des sommets en 2014.
Éparpillée, en baisse, non-transparente... les critiques des députés sur l’aide publique au développement à la française ont fusé lors de l’examen du budget 2014 en commission des affaires étrangères.
La question de l’annulation de la dette des pays pauvres le plus endettés (PPTE) s’est invitée lors de l’échange de vues auquel participaient les ministres en charge du développement, Pascal Canfin, et Benoît Hamon, chargé de l’économie sociale et solidaire
Les annulations de dette ont triplé
« Les annulations de dettes ont quasiment triplé entre 2013 et 2014 » a relevé le député socialiste Jean-René Marsac. « A quels pays profitent-elles ? Il me semble que c’est aussi une demande répétée des ONG » a-t-il poursuivi.
La France est le principal créancier des pays « PPTE » en matière de dettes bilatérales.
Dans le budget 2014, l’annulation de dette représente environ 16% du montant total de l’aide publique au développement chiffré à 9,8 milliards d’euros.
« Les annulations de dettes passent de 607 millions d’euros en 2013 à 1,79 milliard d’euros en 2014 » a reconnu Benoît Hamon.
Une hausse conséquente, qui devrait donner des résultats rapides sur l’état d’endettement de plusieurs pays d’Afrique.
« Sur l’année 2014, on estime que cinq pays pourraient voir leur dette entièrement effacée : la Somalie, le Zimbabwe, le Tchad, la Côte d’Ivoire et le Soudan » détaille Benoît Hamon.
« L’effacement de la dette est quasi immédiat, puisqu’il s’agit de transférer des prêts effectués dans le passé en dons » a justifié le ministre.
En France, les programmes de désendettement de développement concernent 22 pays. Ces derniers continuent d’honorer leur dette auprès de la France. Lorsque le remboursement est terminé, la France leur reverse la somme correspondante pour l’affecter à des programmes de lutte contre la pauvreté.
La France reste loin de ses objectifs
Autre préoccupation des membres de la commission des affaires étrangères, la baisse sensible du budget. A l’instar de plusieurs pays, la France s’est engagée à consacrer 0,7% de son revenu national brut au développement d’ici à 2015. Elle reste, pour l’heure, loin du compte avec 0,46%.
« Les bonnes intentions du gouvernements ne se traduisent pas du tout dans le budget 2014 : -6% en 2013 et de nouveau – 6% en 2014, ce budget développement devient une vraie peau de chagrin » a regretté Jean-François Mancel, rapporteur spécial pour la commission des finances.
Mis à la diète budgétaire en 2014 comme la quasi-totalité des dépenses publiques, l’aide française au développement devrait « reprendre le chemin des 0,7% dès que le climat économique s’améliorera » a promis le ministre. « Nous sommes loin des pays comme l’Espagne ou les Pays-Bas qui ont drastiquement coupé dans leur APD avec la crise » a-t-il nuancé.
En 2013, l’aide au développement a été une des premières victime des politiques d’austérité budgétaires des pays de l’Union Européenne.
Selonun rapport d’AidWatch, elle est retombée à son niveau de 2007 au sein de l’UE. Sur 28 Etats membres, 19 ont réduit leurs contributions à la solidarité internationale, dont la France, l’Espagne ou l’Italie.
Le tableau n’est cependant pas totalement noir. Plusieurs pays européens ont substantiellement augmenté leur aide, selon l’ONG. C’est le cas de la Lettonie (+17%), du Luxembourg et de la Pologne (+14%), de l’Autriche et de la Lituanie (+8%), et du Royaume-Uni (+7%).
Seuls trois pays européen remplissent d’ores et déjà l’engagement de consacrer 0,7% de leur Revenu National Brut à l’aide au développement : le Danemark, le Luxembourg et la Suède.
En 2014, le Royaume-Uni devrait rejoindre ce trio de tête grâce à une augmentation conséquente de son budget. « Dans la même conjoncture économique, les anglais vont atteindre en 2014 leur objectif de 0,7 % du RNB » a noté Jean-François Mancel, pointant le manque de volonté politique du côté français.
Un budget en baisse, malgré des financements innovants
L’ambition de la France en matière d’aide au développement reposait sur la mise en œuvre de nouveaux financements : l’affectation d’une partie de la taxe sur les transactions financières (TTF) au budget de l’aide au développement. Cette année, la nouvelle taxe devrait à peine compenser la baisse des crédits.
« Les financements innovants prévus pour être des financements additionnels sont devenus des financements de substitution à la baisse des crédits. C’est un problème majeur » a dénoncé Jean-François Mancel.
« En 2011 et 2012, dans les programmations budgétaires, 0% de la TTF était affecté au développement. Aujourd’hui on est à 15% » s’est défendu le ministre. « Et j’espère qu’on pourra aller au delà dans le futur » a-t-il conclu.