Carnage à Gaza

13 janvier 2009 par Michael Warschawski




Il n’y a pas de guerre qui ne soit aussi, et d’abord, une guerre de mots. Les derniers événements à Gaza ne font évidemment pas exception à cette règle. Le mot « guerre » par exemple, qu’utilisent la plupart des médias occidentaux, est particulièrement déplacé, car il s’agit bel et bien d’un face-à-face entre l’une des plus fortes armées du monde et une population civile, faite d’un million et demi de femmes, d’hommes, d’enfants, de vieillards. Une armée dont l’aviation a bombardé, pendant plusieurs heures, le centre de Gaza, ville dont la densité de population est l’une des plus fortes au monde ; une armée qui utilise l’artillerie, dont tous les experts reconnaissent l’absence de précision ; une armée qui, en lançant l’opération terrestre, annonce ouvertement que tout ce qui se trouvera sur son chemin sera considéré comme une cible légitime. Il s’agit donc bel et bien d’un carnage, d’un massacre prémédité et planifié.

Il y a cinq ans déjà, le gouvernement israélien définissait l’ensemble de la Bande de Gaza, femmes et enfants compris, comme « entité hostile », dont l’éradication devenait légitime. Le carnage actuel permet de dire que ce n’était pas une métaphore, mais un plan d’action Action
Actions
Valeur mobilière émise par une société par actions. Ce titre représente une fraction du capital social. Il donne au titulaire (l’actionnaire) le droit notamment de recevoir une part des bénéfices distribués (le dividende) et de participer aux assemblées générales.
. Parler de guerre signifierait un minimum de capacité de contre-attaque de la part des Palestiniens de Gaza. Or, ils n’ont à leur disposition qu’un armement primitif, dont la capacité de nuisance est minimale. En ce sens, comparer le bombardement massif de Gaza et les roquettes tirées par quelques petits groupes militants comme le Jihad islamique est pour le moins indécent, ces dernières ayant fait jusqu’à présent cinq victimes israéliennes, alors que la seule frappe aérienne du samedi 27 décembre a fait plus de 200 victimes. Il n’y a pas de symétrie militaire entre la Palestine et Israël, mais surtout, il n’y a aucune symétrie morale.

Depuis près de 42 ans, Israël occupe la Bande de Gaza et y fait alterner de courtes périodes d’occupation dite libérale et des périodes d’occupation brutale et sanglante. Depuis un an et demi, la Bande de Gaza est soumise à un état de siège et à un embargo international total. Même le redéploiement unilatéral, salué par une partie de la communauté internationale comme l’établissement d’une souveraineté palestinienne à Gaza, n’a pas mis fin à cette occupation, Gaza étant soumis à un blocus israélien total (aérien, naval et terrestre). Les actions de résistance, y compris les roquettes Qassam, sont donc des actes de résistance légitimes à une occupation que dénonce le droit international.

Israël ne « riposte » donc pas à des attaques palestiniennes en provenance de Gaza, mais il continue à occuper brutalement un territoire palestinien et sa population. L’invasion terrestre signifie l’échec de la stratégie du siège de la Bande de Gaza : après un an et demi d’embargo total, dans lequel l’État égyptien a joué un rôle particulièrement sinistre, le gouvernement élu est toujours en place et jouit du soutien de la majorité de la population. Comme on devait s’y attendre, la punition collective imposée à la population de Gaza a poussé ceux des Gazaouis qui n’étaient pas favorables au Hamas à faire front avec lui, et l’aspiration à l’union nationale est quasiment unanime. Si le but de l’opération militaire israélienne est de séparer la population du gouvernement qu’elle a démocratiquement élu, elle a d’ores et déjà échoué, car c’est méconnaître les Gazaouis que de croire qu’ils vont capituler sous les bombes et les menaces de petites ganaches comme Ehud Barak.

Tôt ou tard, le gouvernement israélien va négocier, sous la pression internationale, un cessez-le-feu… avec le Hamas, comme il avait été obligé de le faire avec l’OLP au Liban dans les années 1970 et avec le Hezbollah en 2006. Mais la communauté internationale porte une lourde responsabilité sur la situation qui aura précédé ce cessez-le-feu, en donnant sciemment à Israël le temps nécessaire pour tenter de mener son offensive jusqu’au bout. Les mains des dirigeants occidentaux sont, elles aussi, rouge du sang des martyrs palestiniens, et leurs enfants ne l’oublieront pas.

L’échec annoncé de l’offensive israélienne réside précisément dans le fait qu’il n’y a pas de « bout » à cette offensive, car tant que des hommes et des femmes, des jeunes et des vieux, des ouvriers et des paysans vivront sur les côtes de Gaza, sur les monts de Hebron et dans les belles vallées qui entourent Naplouse, la guerre coloniale d’Israël sera mise en échec par une résistance populaire, civile ou armée, offensive et défensive, à laquelle aucune répression, aussi sanglante serait-elle, ne pourra jamais mettre fin.

Source : Rouge


Michael Warschawski

est un journaliste et militant d’extrême gauche israélien, cofondateur et président du Centre d’information alternative de Jérusalem et ancien président de la Ligue Communiste Révolutionnaire Marxiste israélienne.

Il se présente à la fois comme un pacifiste et un anti-sioniste, et souhaite le remplacement de l’État juif par un État binational (Wikipedia).

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