Le Salvador

Le Salvador

1er novembre 2002 par Sarah Valin




 Situation et historique

Avec ses 21000 km2, le Salvador est le plus petit pays d’Amérique centrale mais aussi le plus densément peuplé, comptant 6,3 millions de personnes. Le quart des salvadoriens, soit plus de 2 millions de personnes, a émigré aux Etats-Unis.

Les dix années de guerre civile connues par le pays, entre 1981 et 1991, ont eu une influence incontestable sur l’économie, y compris pendant les années 90. Les deux tremblements de terre de 2001 sont venus anéantir les progrès escomptés en matière de développement. Cette catastrophe a sans doute générer une explosion de la dette Dette Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
extérieure, mais nous n’avons pas encore de données disponibles pour l’année 2001.

 Données économiques et politiques du Salvador

Des années 30 à la fin des années 70 : répression armée et résistance populaire

Le café est, depuis des décennies, un produit primordial pour l’économie du Salvador, son exportation dégageant de fortes ressources.

La crise de 1929, qui affecte fortement le prix de ce bien, induit une récession Récession Croissance négative de l’activité économique dans un pays ou une branche pendant au moins deux trimestres consécutifs. dans le pays,. Elle durera la décennie suivante et la population civile en sera la plus affectée : licenciements, baisse des salaires des emplois publics et des travailleurs agricoles. Face au sentiment d’exploitation et d’aggravation de la misère, une insurrection populaire se déclenche en 1932. Malgré la percée ponctuelle du parti travailliste, et après une sévère répression du soulèvement populaire, la dictature du général Maximiliano Martinéz s’imposera jusqu’en 1944.

Les années 70 sont celles de l’émergence d’organisations propres au peuple pour se défendre de la répression et lutter pour ses droits. Dans le même temps, elles marquent aussi une succession d’élections frauduleuses, dont les gagnants sont des généraux bradant le droit syndical et favorisant l’entrée d’entreprises internationales à la recherche de main d’œuvre bon marché.

La répression, du peuple et de membres de l’Eglise le soutenant, est monnaie courante. Les assassinats et les escadrons de la mort font naître un fort mouvement populaire (paysans réclamant leurs droits de propriété de la Terre, ouvriers occupant les usines, populations civiles manifestant dans les rues). Une figure publique émerge, Monseigneur Romero, « l’évêque des pauvres », qui défend les droits des plus démunis et se fait publiquement la voix des « sans voix ». Sa prise de position lui vaudra la vie lors de l’office de la messe en mars 1980, suite à un appel énergique aux militaires pour que cesse la répression et les massacres du peuple. Cet événement provoqua une forte indignation au sein du peuple et reste toujours un des éléments les plus marquants de la répression.

A la fin des années 70, le régime sandiniste du Nicaragua soutient les guérilleros du Salvador. L’Amérique centrale devient un grand foyer de tensions. Le triomphe du mouvement sandiniste en 1979 favorise la création d’organisations populaires et la lutte contre la tyrannie du dictateur salvadorien. En décembre 1980, se crée le Frente Farabundo Martí para la Liberación Nacional (FMLN), composé de plusieurs organisations armées, de conviction révolutionnaire et communiste.

 Le début d’une décennie de guerre

En 1981, le dialogue entre les différentes parties est dans l’impasse : la guerre civile éclate.

Sous la pression des Etats-Unis, déjà très présents économiquement dans le pays, des élections présidentielles en mars 1984 donnent victoire à Napoleon Duarte. Ce personnage est installé à la présidence car il suit à la lettre la politique américaine au Salvador, dont l’un des objectifs est de contrecarrer l’expansion du FMLN.

En mars 1989 la victoire du parti ARENA, au pouvoir aujourd’hui, marque l’entrée en vigueur de programmes néo-libéraux : libéralisation du commerce extérieur (alors que l’exportation de ressources tel que le café, le sucre ou le coton était, jusque là, contrôlée par l’Etat) ; libéralisation des prix des produits de base, prix qui ne connaissent plus aucun contrôle ; libéralisation du taux de change ; privatisations de plusieurs institutions publiques et entreprises étatiques ; parcellement des coopératives de la réforme agraire .

Près de dix ans après le début de la guerre civile, le dialogue reprend ainsi que la négociation pour la paix par la médiation des Nations-Unies. Les objectifs du processus de négociation s’établissent le 4 avril 1990 a Genève : mettre fin au conflit armé par la voix pacifique, lancer la démocratisation du pays et garantir le respect des droits de l’Homme. Même si le 26 Juillet un accord sur les Droits de l’Homme est signé, la guerre continue et les morts restent nombreux.

Ce n’est qu’en janvier 1992 que les Accords de Paix sont signés à Chapultepec au Mexique.

 La fin de la guerre civile et les années 90

Le conflit armé terminé, l’économie salvadorienne est entrée dans une période de relativement forte expansion et de changements, tant socio-politiques qu’économiques. Les anciens groupes armés en opposition sont passés à un affrontement sur la scène politique, notamment le FMLN, qui prend une importance considérable.

Des réformes sont mises en place. Elles correspondent aux programmes de stabilisation et d’ajustement structurel prônés par les Institutions Financières Internationales. La nouvelle administration, en vigueur depuis juillet 1989, oriente l’axe principal de sa politique vers la promotion du libre marché : privatisation bancaire, ouverture de l’économie à la concurrence extérieure, libéralisation des prix sont de mise.

Un autre changement important concerne l’appui financier extérieur de l’économie. Durant les années antérieures, l’économie salvadorienne a fonctionné notamment grâce à l’appui des donations. Mais à partir de 1990, ce schéma change. L’émigration de salvadoriens aux Etats-Unis commence à se traduire en un flux de d’argent envoyé par les migrants aux membres familiaux restés au Salvador : cela se traduit par un transfert d’argent des les Etats-Unis vers le Salvador. Ces flux se sont peu à peu substitués aux donations. Aujourd’hui, les envois d’argent des émigrés salvadoriens à leur famille (1,9 milliards de dollars pour 2001) couvrent 86% d’un important déficit commercial. Ils sont à la fois un facteur du dynamisme de la croissance mais ont aussi joué un rôle dans la perte de compétitivité des exportations salvadoriennes.

Vers le milieu des années 90, on assiste à une perte de vigueur de l’activité productive, du commerce, de la construction, de l’agriculture. Ceci a joué un rôle sur le faible rythme d’activité économique et sur la situation financière des banques dont la dette s’est élevé significativement. L’appréciation réelle de la monnaie a contribué à cette perte de compétitivité internationale de la production domestique, avec la combinaison d’un taux de change fixe et d’une inflation Inflation Hausse cumulative de l’ensemble des prix (par exemple, une hausse du prix du pétrole, entraînant à terme un réajustement des salaires à la hausse, puis la hausse d’autres prix, etc.). L’inflation implique une perte de valeur de l’argent puisqu’au fil du temps, il faut un montant supérieur pour se procurer une marchandise donnée. Les politiques néolibérales cherchent en priorité à combattre l’inflation pour cette raison. largement plus élevée que le niveaux internationaux jusqu’en 1996.

Alors que la situation économique n’est pas à son apogée, l’ouragan Mitch de novembre 98 vient encore plus freiner le développement du Salvador.

En janvier 2001, le Salvador procède à la dollarisation Dollarisation Substitution du dollar à la monnaie nationale, laquelle, à la différence d’un régime d’arrimage, disparaît totalement. La dollarisation est l’ultime stade de la disparition de l’autonomie monétaire. de son économie. Déjà fortement dépendante des Etats-Unis, les relations « intimes » depuis toujours des Etats-Unis envers le Salvador ont incontestablement appuyé ce choix. Le gouvernement salvadorien a justifié la dollarisation par le fait qu’elle engendrerait une baisse des taux d’intérêt Taux d'intérêt Quand A prête de l’argent à B, B rembourse le montant prêté par A (le capital), mais aussi une somme supplémentaire appelée intérêt, afin que A ait intérêt à effectuer cette opération financière. Le taux d’intérêt plus ou moins élevé sert à déterminer l’importance des intérêts.
Prenons un exemple très simple. Si A emprunte 100 millions de dollars sur 10 ans à un taux d’intérêt fixe de 5 %, il va rembourser la première année un dixième du capital emprunté initialement (10 millions de dollars) et 5 % du capital dû, soit 5 millions de dollars, donc en tout 15 millions de dollars. La seconde année, il rembourse encore un dixième du capital initial, mais les 5 % ne portent plus que sur 90 millions de dollars restants dus, soit 4,5 millions de dollars, donc en tout 14,5 millions de dollars. Et ainsi de suite jusqu’à la dixième année où il rembourse les derniers 10 millions de dollars, et 5 % de ces 10 millions de dollars restants, soit 0,5 millions de dollars, donc en tout 10,5 millions de dollars. Sur 10 ans, le remboursement total s’élèvera à 127,5 millions de dollars. En général, le remboursement du capital ne se fait pas en tranches égales. Les premières années, le remboursement porte surtout sur les intérêts, et la part du capital remboursé croît au fil des ans. Ainsi, en cas d’arrêt des remboursements, le capital restant dû est plus élevé…
Le taux d’intérêt nominal est le taux auquel l’emprunt est contracté. Le taux d’intérêt réel est le taux nominal diminué du taux d’inflation.
, permettant des investissements dans des projets jusque là trop coûteux, donc développement. Pourtant, cette baisse des taux d’intérêt aurait pu s’établir sans passer par la dollarisation mais par une fixation légale, qui aurait apporté les mêmes bénéfices sans rendre rigide la politique monétaire. La dollarisation est plutôt mal perçue et mal vécue par l’opinion publique salvadorienne et bien que le président Flores ait annoncé que les deux monnaies co-existeraient, plus un seul colon ne circule déjà au Salvador.

Les tremblements de Terre mi-janvier et mi-février 2001, avec un bilan de plus de 1200 morts, 8000 blessés, 1,5 million de sans-abris, viennent aggraver la situation de façon catastrophique. Plus de 40000 micro et petites entreprises ont été affectées, les pertes totales s’élèvent à 1,66 milliards de dollars, soit 13% du PIB PIB
Produit intérieur brut
Le PIB traduit la richesse totale produite sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées.
Le Produit intérieur brut est un agrégat économique qui mesure la production totale sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées. Cette mesure est notoirement incomplète ; elle ne tient pas compte, par exemple, de toutes les activités qui ne font pas l’objet d’un échange marchand. On appelle croissance économique la variation du PIB d’une période à l’autre.
ou 55% des exportations du pays en 2000. De mai à juillet, une sécheresse prolongée compromet les récoltes de la région. De plus, les producteurs de café ont vu leur prix de vente s’effondrer, due à la concurrence à niveau international. L’aide internationale afflue suite aux désastres humanitaires, mais en même temps de nombreux prêts sont consentis, ce qui donnera vraisemblablement de fortes hausses du niveau de l’endettement pour les années 2001 et 2002.
La récession économique américaine et les suites des attentats de New-York et Washington se ressentent évidemment au Salvador, 55% des exportations salvadoriennes étant absorbées par les Etats-Unis.

 La dette du Salvador

Comme nous l’avons vu, le Salvador reçoit de ses ressortissants émigrés aux Etats-Unis d’importants transferts d’argent. Dès le début des années 90, ces envois d’argent ont connu une magnitude telle qu’elles commencent à avoir une incidence dans les décisions de politique économique. Elles se substituent au fur et à mesure aux donations officielles et l’économie salvadorienne dépend alors fortement de ce mode de financement extérieur.

Le montant des envois d’argent des migrants n’a cessé de progresser depuis les années 80. A partir de 1995, il atteint plus de 1 milliard de dollars. En 2000, l’envoi d’argent des migrants dans le pays s’élève à 1, 75 milliards de dollars, ce qui représente 13% de la richesse nationale (PIB).

 Situation globale

De façon globale, la dette extérieure totale du Salvador a augmenté, fortement mais progressivement, passant de 911 millions de dollars en 1980 à plus de 4,3 milliards de dollars en 2000.

En 2000, la dette extérieure totale du Salvador représente un tiers de son produit intérieur brut. Ce n’est certes pas le pays le plus endetté d’Amérique centrale, mais nous pouvons imaginer le fardeau que représente cette dette pour le pays au regard de ce ratio. Le montant total de la dette représente bien plus que celui retiré de l’exportation de biens et services : il représente 118% des exports.

Le service de la dette Service de la dette Remboursements des intérêts et du capital emprunté. passe de 96 millions de dollars en 1980 à 389 millions en 2000.

En 1999, il représente 7,6% des exportations de biens et de services. Ce ratio a progressé au cours des années 80 et suivantes, mais il avait connu, à partir de 1995, un niveau aussi bas qu’en 1981, en dessous du seuil des 10%.

 La nature de la dette salvadorienne

En 2000, la dette extérieure du Salvador se partageait comme suit :
- 43 % de dette multilatérale, contractée auprès d’organismes internationaux (diverses branches de la Banque mondiale Banque mondiale
BM
La Banque mondiale regroupe deux organisations, la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement) et l’AID (Association internationale de développement). La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) a été créée en juillet 1944 à Bretton Woods (États-Unis), à l’initiative de 45 pays réunis pour la première Conférence monétaire et financière des Nations unies.

En 2022, 189 pays en sont membres.

Cliquez pour plus de détails.
) à long terme,
- 26 % de dette à court et moyen terme,
- 17 % de dette commerciale privée à long terme,
- 13 % de dette bilatérale auprès de gouvernements à long terme.

 Evolution

Au niveau de l’évolution de la structure de la dette, on note qu’au début des années 80, la dette multilatérale représentait entre 1/4 et 1/3 de la dette extérieure totale. A partir de 1986, elle dépasse le tiers de la dette totale et c’est en 1993 qu’elle devient supérieure à 50%. En 1999, elle était redescendue à 45%.

L’origine de la dette multilatérale du Salvador se répartit de la façon suivante :
- 0,9 % auprès de l’IDA (international development association de la Banque mondiale, qui agit surtout avec les pays les plus pauvres en proposant des taux inférieurs à ceux du marché)
- 16,6 % auprès de la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement, branche de la Banque mondiale travaillant avec les pays à revenu intermédiaire)
- 82,6 % auprès d’autres sources multilatérales,
- il est important de noter que le Salvador n’a, jusque là, contracté aucun prêt vis-à-vis du Fonds monétaire international.

La dette privée, qui représente 17% de la dette extérieure totale en 2000, retrouve là son poids le plus élevé depuis 1980. En effet, depuis 1980 et jusque 1997, ce poids n’a cessé de décroître pour atteindre des niveaux extrêmement bas, inférieurs à 1%, entre 1991 et 1996. Le pic de 1998, et le niveau encore élevé en 1999, peuvent s’expliquer par l’endettement privé généré suite aux dégâts causés par l’ouragan Mitch de novembre 1998.

La dette de long terme du Salvador progresse toujours en valeur et elle a représenté, depuis les années 80, plus des ¾ de la dette extérieure totale. Entre, 1991 et 1993, elle en atteignait les 95%.

Pour la première fois en 1995, la dette de long terme chute, laissant à la dette de court terme la part de 20% de la dette totale. Celle-ci restera au-dessus des 20% dans les années suivantes, pour atteindre un quart de la dette totale en 2000.
Par rapport à la nature de la dette de long terme contractée, en 2000, 96% était de nature publique ou garantie publiquement, alors que 4% seulement relevait de dette privée non garantie.

La dette exclusivement de court terme a évolué de façon chaotique pendant les années 80 et le début des années 90, mais restant de nombreuses années en dessous de la barre des 10% de la dette extérieure totale. C’est en 1995 qu’elle connaît un pic puis qu’elle oscillera, entre 1995 et 1999, entre le 1/5 et le quart de la dette extérieure totale.

L’année 1995 paraît être charnière dans la mesure où la dette de court terme explose par rapport aux années antérieures, alors que la dette de long terme ne représente plus que les 4/5 de la dette extérieure totale.

Dette et remboursement du Salvador pour des années clés (en milliards de dollars)

1980 1986 1991 1995 1999
Dette totale 0,91 1,86 2,18 2,61 4,01
Service dette 0,096 0,29 0,25 0,28 0,35
Ratio service dette/exportations 7,5% 24% 17,7% 9% 7,6%

Clic