Sauvetage de Dexia : : Coûteux, dangereux et … illégal ?

11 janvier 2012 par Axel Bernard




Des sections d’Attac et le CADTM ont introduit un recours devant le Conseil d’État contre la garantie de 54 milliards accordée par l’État belge lors du sauvetage de la banque Dexia en octobre 2011. Une décision qui aggrave les finances publiques et viole la démocratie.

Le sauvetage des banques coûte cher aux contribuables. La Cour des comptes vient de calculer le coût net : 17,6 milliards d’euros. Ce montant risque à tout moment d’être considérablement alourdi par l’ensemble des garanties Garanties Acte procurant à un créancier une sûreté en complément de l’engagement du débiteur. On distingue les garanties réelles (droit de rétention, nantissement, gage, hypothèque, privilège) et les garanties personnelles (cautionnement, aval, lettre d’intention, garantie autonome). offertes par l’État belge aux institutions financières. Avec ces garanties, si une banque ne peut plus rembourser ces créanciers, ceux-ci peuvent exiger le paiement à l’État.

Les montants garantis par la Belgique sont énormes. Depuis la crise financière de 2008, c’est près de 40 % du PIB PIB
Produit intérieur brut
Le PIB traduit la richesse totale produite sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées.
Le Produit intérieur brut est un agrégat économique qui mesure la production totale sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées. Cette mesure est notoirement incomplète ; elle ne tient pas compte, par exemple, de toutes les activités qui ne font pas l’objet d’un échange marchand. On appelle croissance économique la variation du PIB d’une période à l’autre.
(Produit intérieur brut) belge, soit 138 milliards d’euros, qui est mis en gage par l’État belge et pourrait s’envoler en cas de défaillance des banques.

En octobre 2011, la garantie des créances bancaires par l’État belge a encore été le principal instrument du plan de sauvetage de la banque Dexia. Concrètement, la Belgique a racheté Dexia Banque Belgique pour plus de 4 milliards d’euros. Parallèlement, elle a offert des garanties pouvant aller jusqu’à 54 milliards d’euros. L’objectif était de permettre à Dexia de continuer à emprunter à d’autres banques les montants dont elle avait besoin pour couvrir ces opérations quotidiennes.

Incitation à la spéculation Spéculation Opération consistant à prendre position sur un marché, souvent à contre-courant, dans l’espoir de dégager un profit.
Activité consistant à rechercher des gains sous forme de plus-value en pariant sur la valeur future des biens et des actifs financiers ou monétaires. La spéculation génère un divorce entre la sphère financière et la sphère productive. Les marchés des changes constituent le principal lieu de spéculation.

Ce deuxième sauvetage de la banque Dexia s’est fait en mettant totalement le Parlement hors jeu, via le mécanisme des pouvoirs spéciaux. Le gouvernement est en effet autorisé à prendre une série de mesures, dont des garanties financières de l’État, s’il existe une crise soudaine des marchés financiers Marchés financiers
Marché financier
Marché des capitaux à long terme. Il comprend un marché primaire, celui des émissions et un marché secondaire, celui de la revente. À côté des marchés réglementés, on trouve les marchés de gré à gré qui ne sont pas tenus de satisfaire à des conditions minimales.
ou en cas de menace grave de crise systémique.

Le but est clair : ces pouvoirs ne sont autorisés qu’en vue de limiter l’ampleur ou les effets de cette crise systémique. C’est principalement sur ce point que le CADTM (Comité pour l’annulation de la dette Dette Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
du Tiers-Monde) et ATTAC (sections Bruxelles 2 et Liège) constatent une aberration. Selon Pierre Robert, avocat des associations, « en mettant en gage 54 milliards, soit 15 % de son PIB, le gouvernement belge ne limite par le risque de crise systémique. Il ne fait que transférer le risque pris par les banques sur les finances publiques ».

De plus, les créances garanties sont payables « à la première demande ». « Il s’agit du plus mauvais signal que le gouvernement pouvait lancer, poursuit Pierre Robert. L’État sera toujours là pour sauver les banques qui spéculent. »
Contrairement à la France qui a conditionné ces garanties en fixant une certaine franchise ou en définissant un plafond maximum d’intervention, la Belgique offre son patrimoine en garantie sans aucune réelle condition. « Les garanties octroyées ne règlent pas le problème, elles l’aggravent. Les banques restent impunies et leurs futures prises de risque sont même garanties. D’autres sauvetages bancaires sont donc à prévoir », annoncent les associations.

Pleins pouvoirs au ministre des Finances

La mesure ne met pas seulement le budget de l’État en danger mais aussi notre Constitution. Le gouvernement agit en effet seul sans réel débat public et démocratique. Pire, dans les faits, tous les pouvoirs en cette matière ont été confiés au seul ministre des Finances, qui négocie et conclut ces conventions de garantie seul et dans le plus grand secret. Il ne s’agit d’ailleurs pas de la seule illégalité commise. Les pouvoirs spéciaux ne peuvent en principe qu’être limités dans le temps. Or aucune limitation dans le temps n’est envisagée pour les garanties données aux banques. Les mesures prises par pouvoirs spéciaux doivent aussi donner lieu à une confirmation législative. Or, à nouveau, rien n’a été prévu.

Le recours du CADTM et de ATTAC vise donc l’annulation de ces pouvoirs spéciaux. Mais, plus fondamentalement, les associations veulent lancer un réel débat démocratique : n’y avait-il pas d’autres alternatives que celles d’alourdir considérablement les finances publiques en garantissant les créances des banques sans qu’aucune mesure ne soit prise pour changer leur comportement ?

Bonus indécents

Des bonus allant de 25 000 à 45 000 euros en 2011 pour les plus hauts cadres supérieurs du Holding franco-belge Dexia (cela concerne une cinquantaine de personnes en Belgique). Il n’en fallait pas moins pour créer le tollé. 2011 a été une année catastrophique pour le groupe Dexia (perte probable de 10 milliards d’euros).
Sans le soutien des États belge, français et luxembourgeois, la banque serait en faillite. Le bon sens voudrait que cela change certaines pratiques, notamment en termes de rémunération des tops managers. Il n’en est rien…

Source : http://www.banquepublique.be/archives/6042

Plus d’info sur le recours : lire Pourquoi le CADTM introduit avec ATTAC un recours en annulation de l’arrêté royal octroyant une garantie de 54 milliards d’euros (avec en sus les intérêts et accessoires) à Dexia SA et Dexia Crédit Local SA