Contre la logique communautaire et les politiques néolibérales, pour une société de citoyens

13 mai 2008 par Attac Lebanon




A propos de l’escalade de violence dans les rues de Beyrouth, analyse
d’attac Liban.

La violence dans les rues de Beyrouth est l’aboutissement de la violence
verbale qui s’estt accumulée depuis deux ans, plus rapidement que la
dette Dette Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
nationale. L’origine de cette violence de rue est à chercher dans
les discours des chefs communautaires et des politiciens, les mêmes qui
contrôlent le système politique et économique du Liban.

D’une part, l’opposition a utilisé l’appel à la grève de la
Confédération générale des travailleurs du Liban (CGTL) pour servir ses propres objectifs : elle a instrumentalisé les revendications des
travailleurs pour exercer une pression politique sur ses adversaires du
gouvernement. La direction de la Confédération s’est laissée ainsi
entraîner par les desseins politiques de l’opposition. De fait, dès
qu’ils ont été dans la rue, les « protestataires » ont tout oublié des
revendications des travailleurs.

D’autre part, le gouvernement a appliqué sans état d’âme et dans
son propre intérêt une politique allant dans le sens de la vision
américaine du Nouveau Moyen-Orient [1]. Ses dirigeants ont encadré
l’effondrement des structures de l’Etat, les institutions ont été
paralysées, et les députés, communautaristes, ont fait du parlement une
institution moribonde et sans utilité. Le gouvernement parle de majorité
et de minorité comme si on était dans un régime laïc, alors qu’il a
contribué à renforcer ce système communautaire qui ne représente
d’aucune façon les réalités démographiques et politiques du Liban.

Attac Liban avait vu dans la grève générale une occasion unique pour
tous les travailleurs du Liban de faire pression sur le gouvernement, en
vue de l’augmentation du salaire minimum et de la satisfaction des
besoins vitaux des citoyens du pays. De plus en plus nombreux vivent
dans des conditions de pauvreté, de malnutrition et d’insécurité
économique, politique et sociale, à une époque de « tsunami économique »global.

Attac Liban dénonce l’utilisation systématique des revendications
sociales et économiques par l’opposition, à des fins politiques
(politiciennes). N’est-il pas étonnant que les revendications des ouvriers, des paysans et des catégories les plus pauvres aient disparu
des discours des dirigeants de l’opposition ? N’est-il pas étrange que
la Confédération générale du travail n’ait pas condamné les milices,
pour avoir anéanti ce qui aurait pu se transformer en une action Action
Actions
Valeur mobilière émise par une société par actions. Ce titre représente une fraction du capital social. Il donne au titulaire (l’actionnaire) le droit notamment de recevoir une part des bénéfices distribués (le dividende) et de participer aux assemblées générales.
de
masse capable de faire pression sur ce gouvernement néolibéral, et de
freiner sa politique économique opportuniste et suicidaire ?

Attac Liban exprime avec force sa conviction que la crise a été
précipitée par le régime communautaire. La pratique politique
communautaire s’est reconfigurée à l’époque de la globalisation Globalisation (voir aussi Mondialisation) (extrait de Chesnais, 1997a)

Origine et sens de ce terme anglo-saxon. En anglais, le mot « global » se réfère aussi bien à des phénomènes intéressant la (ou les) société(s) humaine(s) au niveau du globe comme tel (c’est le cas de l’expression global warming désignant l’effet de serre) qu’à des processus dont le propre est d’être « global » uniquement dans la perspective stratégique d’un « agent économique » ou d’un « acteur social » précis. En l’occurrence, le terme « globalisation » est né dans les Business Schools américaines et a revêtu le second sens. Il se réfère aux paramètres pertinents de l’action stratégique du très grand groupe industriel. Il en va de même dans la sphère financière. A la capacité stratégique du grand groupe d’adopter une approche et conduite « globales » portant sur les marchés à demande solvable, ses sources d’approvisionnement, les stratégies des principaux rivaux oligopolistiques, font pièce ici les opérations effectuées par les investisseurs financiers, ainsi que la composition de leurs portefeuilles. C’est en raison du sens que le terme global a pour le grand groupe industriel ou le grand investisseur financier que le terme « mondialisation du capital » plutôt que « mondialisation de l’économie » m’a toujours paru - indépendamment de la filiation théorique française de l’internationalisation dont je reconnais toujours l’héritage - la traduction la plus fidèle du terme anglo-saxon. C’est l’équivalence la plus proche de l’expression « globalisation » dans la seule acceptation tant soit peu scientifique que ce terme peut avoir.
Dans un débat public, le patron d’un des plus grands groupes européens a expliqué en substance que la « globalisation » représentait « la liberté pour son groupe de s’implanter où il le veut, le temps qu’il veut, pour produire ce qu’il veut, en s’approvisionnant et en vendant où il veut, et en ayant à supporter le moins de contraintes possible en matière de droit du travail et de conventions sociales »
et de la
reconstruction pour laisser le champ libre à l’élite des nantis et des
puissants, pour livrer un peu plus les droits inaliénables du peuple aux
intérêts des firmes multinationales, et pour fabriquer une société qui
fonctionne à l’encontre d’une logique de reconstruction du Liban sur la
base des principes de la démocratie, de la justice sociale et de
l’équité économique.

Nous, militants d’Attac Liban, réaffirmons que le système communautaire
libanais institutionnalise la pauvreté, la concurrence, la pénurie,
quand les chefs communautaires se posent en intermédiaires entre le
gouvernement et les affamés de leur communauté. L’élite au pouvoir
devient le seul recours face aux difficultés sociales et économiques
causées par les politiques néolibérales de privatisation et d’érosion
des systèmes de protection.

Attac Liban condamne les actions de rue de toutes les milices. Ces
actions manifestent leur mépris flagrant de la sécurité et du bien être
de dizaines de milliers de Libanais innocents. Mais nous reconnaissons
que leur comportement est surpassé par la culpabilité de leurs leaders
communautaires.

Dans ce déferlement de violence, comme dans la violence quotidienne
rampante causée par la négligence économique de l’Etat depuis la fin de
la guerre civile, nous, militants d’Attac Liban, exerçons notre droit
démocratique de ne pas choisir entre : le parti néolibéral et ses
politiques antisociales, qui ont entrainé le creusement du fossé entre
les riches et les pauvres ; et le parti qui prétend être solidaire du
mouvement social, mais qui exploite l’injustice économique et l’absence
de représentation démocratique dans le sens de ses intérêts propres.

Attac Liban défend une culture laïque et démocratique. Nous appelons à
l’ouverture d’un débat national, excluant les (actuelles) élites
politiques qui devraient être bannies de la vie politique. Le débat
national devrait rassembler des représentants de toutes les régions du
Liban, y compris du monde ouvrier, des coopératives agricoles, des
organisations environnementalistes, des organisations de la société
civile, des associations locales, des militants pour les droits des
femmes et les droits humains, des Palestiniens des camps de réfugiés,
des organisations de défense des droits des enfants, des minorités, des
étudians, des intellectuls, des universitaires et des artistes.
L’objectif de ce débat devrait être de forger un nouveau système
politique pour le Liban, qui représente les intérêts des catégories les
plus larges de son peuple, et non ceux des élites au pouvoir, des nantis
ou des investisseurs internationaux.