Grèce : L’ennemi est intra - muros. Supprimons le Programme de Stabilité du gouvernement du Pasok !

28 février 2010 par Panos Kosmas




L’éventualité d’une faillite de la Grèce –le « drame grec », comme aime l’appeler la presse internationale- provoque des réactions impressionnantes aux quatre coins de la planète : selon les évolutions sur le front de la « faillite grecque », le directeur du FMI FMI
Fonds monétaire international
Le FMI a été créé en 1944 à Bretton Woods (avec la Banque mondiale, son institution jumelle). Son but était de stabiliser le système financier international en réglementant la circulation des capitaux.

À ce jour, 190 pays en sont membres (les mêmes qu’à la Banque mondiale).

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Strauss-Kahn, des dignitaires américains et européens, ou encore le grand spéculateur Georges Soros font des déclarations. Les tristement célèbres agences de notation Agences de notation Les agences de notation (Standard and Poor’s, Moody’s et Fitch en tête) sont des agences privées qui évaluent la solvabilité et la crédibilité d’un émetteur d’obligations (État, entreprise). Jusqu’aux années 1970 elle étaient payées par les acheteurs potentiels d’obligations, depuis la libéralisation financière la situation s’est inversée : ce sont les émetteurs d’obligations qui rémunèrent les agences pour qu’elles les évaluent... Reconnaissons leur qualité de travail : c’est ainsi que Lehman Brothers se voyait attribuer la meilleure note juste avant de faire faillite. interviennent, elles influent sur les taux de change de l’euro, du dollar et du yen, mais aussi du peso, du real, etc . Les bourses montent et descendent – et pas seulement la bourse Bourse La Bourse est l’endroit où sont émises les obligations et les actions. Une obligation est un titre d’emprunt et une action est un titre de propriété d’une entreprise. Les actions et les obligations peuvent être revendues et rachetées à souhait sur le marché secondaire de la Bourse (le marché primaire est l’endroit où les nouveaux titres sont émis pour la première fois). grecque, mais même la puissante Wall Street qui s’est reprise dès qu’a circulé la nouvelle du plan européen de « sauvetage » de la Grèce.

Le « cas grec » semble confirmer le « dicton » bien connu de la globalisation Globalisation (voir aussi Mondialisation) (extrait de Chesnais, 1997a)

Origine et sens de ce terme anglo-saxon. En anglais, le mot « global » se réfère aussi bien à des phénomènes intéressant la (ou les) société(s) humaine(s) au niveau du globe comme tel (c’est le cas de l’expression global warming désignant l’effet de serre) qu’à des processus dont le propre est d’être « global » uniquement dans la perspective stratégique d’un « agent économique » ou d’un « acteur social » précis. En l’occurrence, le terme « globalisation » est né dans les Business Schools américaines et a revêtu le second sens. Il se réfère aux paramètres pertinents de l’action stratégique du très grand groupe industriel. Il en va de même dans la sphère financière. A la capacité stratégique du grand groupe d’adopter une approche et conduite « globales » portant sur les marchés à demande solvable, ses sources d’approvisionnement, les stratégies des principaux rivaux oligopolistiques, font pièce ici les opérations effectuées par les investisseurs financiers, ainsi que la composition de leurs portefeuilles. C’est en raison du sens que le terme global a pour le grand groupe industriel ou le grand investisseur financier que le terme « mondialisation du capital » plutôt que « mondialisation de l’économie » m’a toujours paru - indépendamment de la filiation théorique française de l’internationalisation dont je reconnais toujours l’héritage - la traduction la plus fidèle du terme anglo-saxon. C’est l’équivalence la plus proche de l’expression « globalisation » dans la seule acceptation tant soit peu scientifique que ce terme peut avoir.
Dans un débat public, le patron d’un des plus grands groupes européens a expliqué en substance que la « globalisation » représentait « la liberté pour son groupe de s’implanter où il le veut, le temps qu’il veut, pour produire ce qu’il veut, en s’approvisionnant et en vendant où il veut, et en ayant à supporter le moins de contraintes possible en matière de droit du travail et de conventions sociales »
capitaliste : « le vol d’un papillon au Pacifique provoque une tempête en Europe ». Dans un certain sens, c’est juste : tout ce qui survient est tout d’abord lié à une perturbation plus large des équilibres dans le cadre de la globalisation capitaliste, et ne se réduit pas seulement à un simple problème interne à l’eurozone ou à une affaire bilatérale Grèce-UE.

Alors, de quoi s’agit-il en Grèce ? Pays « en faillite » participant à la monnaie unique européenne, elle a l’honneur de ne pas être simplement le « maillon faible » de l’eurozone, mais beaucoup plus que ça : le « talon d’Achille » des équilibres monétaires mondiaux et la « belle Hélène » de la nouvelle « Guerre de Troie » pour le réajustement de ces équilibres, tandis que la crise de la dette Dette Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
se déplace désormais vers les pays développés du Nord.

La crise de la dette au Nord

Un an et demi de crise économique capitaliste a eu (entre autres) comme résultat la création de conditions pour que se manifeste une « crise de la dette » dans le monde capitaliste développé. Une crise de la dette existe désormais dans les pays développés du Nord.

La crise de la dette dans les années 80 et 90 dans les pays en voie de développement, c’est à dire dans le Sud, , les conséquences pour les pays devenus son théâtre, mais aussi les bouleversements dans le système mondial lui-même qui l’ont accompagné, sont en général connus.

Ont agi comme instruments les taux d’intérêt Taux d'intérêt Quand A prête de l’argent à B, B rembourse le montant prêté par A (le capital), mais aussi une somme supplémentaire appelée intérêt, afin que A ait intérêt à effectuer cette opération financière. Le taux d’intérêt plus ou moins élevé sert à déterminer l’importance des intérêts.
Prenons un exemple très simple. Si A emprunte 100 millions de dollars sur 10 ans à un taux d’intérêt fixe de 5 %, il va rembourser la première année un dixième du capital emprunté initialement (10 millions de dollars) et 5 % du capital dû, soit 5 millions de dollars, donc en tout 15 millions de dollars. La seconde année, il rembourse encore un dixième du capital initial, mais les 5 % ne portent plus que sur 90 millions de dollars restants dus, soit 4,5 millions de dollars, donc en tout 14,5 millions de dollars. Et ainsi de suite jusqu’à la dixième année où il rembourse les derniers 10 millions de dollars, et 5 % de ces 10 millions de dollars restants, soit 0,5 millions de dollars, donc en tout 10,5 millions de dollars. Sur 10 ans, le remboursement total s’élèvera à 127,5 millions de dollars. En général, le remboursement du capital ne se fait pas en tranches égales. Les premières années, le remboursement porte surtout sur les intérêts, et la part du capital remboursé croît au fil des ans. Ainsi, en cas d’arrêt des remboursements, le capital restant dû est plus élevé…
Le taux d’intérêt nominal est le taux auquel l’emprunt est contracté. Le taux d’intérêt réel est le taux nominal diminué du taux d’inflation.
et les taux de change, et comme « exécutants » les capitaux spéculatifs internationaux. Des pays entiers se sont effondrés et ont été pillés (du Mexique dans les années 80 jusqu’à l’Argentine à la fin des années 90).

Les spéculateurs se soucient peu du risque politique et des conséquences sociales de leurs actes ou de qui sera cette fois-ci le « maillon faible », c’est-à-dire le pays propice à être attaqué. Comme c’est bien connu, au début des années 90, Georges Soros n’avait pas hésité à attaquer et faire plier la livre anglaise…

La crise de la dette des pays du Nord était et est due à la nouvelle architecture des rapports Nord-Sud imposée progressivement après le choc pétrolier au début des années 70, et plus particulièrement à la politique des taux d’intérêt et à celle des rapports commerciaux qu’ont pu imposer aux pays du Sud les pays riches du Nord.

La crise de la dette était la « forme conjoncturelle » d’un mécanisme néocolonial de transfert de plus-value Plus-value La plus-value est la différence entre la valeur nouvellement produite par la force de travail et la valeur propre de cette force de travail, c’est-à-dire la différence entre la valeur nouvellement produite par le travailleur ou la travailleuse et les coûts de reproduction de la force de travail.
La plus-value, c’est-à-dire la somme totale des revenus de la classe possédante (profits + intérêts + rente foncière) est donc une déduction (un résidu) du produit social, une fois assurée la reproduction de la force de travail, une fois couverts ses frais d’entretien. Elle n’est donc rien d’autre que la forme monétaire du surproduit social, qui constitue la part des classes possédantes dans la répartition du produit social de toute société de classe : les revenus des maîtres d’esclaves dans une société esclavagiste ; la rente foncière féodale dans une société féodale ; le tribut dans le mode de production tributaire, etc.

Le salarié et la salariée, le prolétaire et la prolétaire, ne vendent pas « du travail », mais leur force de travail, leur capacité de production. C’est cette force de travail que la société bourgeoise transforme en marchandise. Elle a donc sa valeur propre, donnée objective comme la valeur de toute autre marchandise : ses propres coûts de production, ses propres frais de reproduction. Comme toute marchandise, elle a une utilité (valeur d’usage) pour son acheteur, utilité qui est la pré-condition de sa vente, mais qui ne détermine point le prix (la valeur) de la marchandise vendue.

Or l’utilité, la valeur d’usage, de la force de travail pour son acheteur, le capitaliste, c’est justement celle de produire de la valeur, puisque, par définition, tout travail en société marchande ajoute de la valeur à la valeur des machines et des matières premières auxquelles il s’applique. Tout salarié produit donc de la « valeur ajoutée ». Mais comme le capitaliste paye un salaire à l’ouvrier et à l’ouvrière - le salaire qui représente le coût de reproduction de la force de travail -, il n’achètera cette force de travail que si « la valeur ajoutée » par l’ouvrier ou l’ouvrière dépasse la valeur de la force de travail elle-même. Cette fraction de la valeur nouvellement produite par le salarié, Marx l’appelle plus-value.

La découverte de la plus-value comme catégorie fondamentale de la société bourgeoise et de son mode de production, ainsi que l’explication de sa nature (résultat du surtravail, du travail non compensé, non rémunéré, fourni par le salarié) et de ses origines (obligation économique pour le ou la prolétaire de vendre sa force de travail comme marchandise au capitaliste) représente l’apport principal de Marx à la science économique et aux sciences sociales en général. Mais elle constitue elle-même l’application de la théorie perfectionnée de la valeur-travail d’Adam Smith et de David Ricardo au cas spécifique d’une marchandise particulière, la force de travail (Mandel, 1986, p. 14).
du Sud vers le Nord. Accessoirement et exceptionnellement, n’ont pas manqué les épisodes de redistribution de plus-value (de pillage spéculatif mutuel) au sein du Nord lui-même –comme le montre l’exemple de l’attaque susmentionnée contre la livre anglaise.

Au l’aube de la deuxième décennie du nouveau siècle, les conditions pour une crise de longue durée de la dette au Nord sont désormais réunies ! La dette publique des 10 pays les plus riches du monde, des pays de l’OCDE OCDE
Organisation de coopération et de développement économiques
Créée en 1960 et basée au Château de la Muette à Paris, l’OCDE regroupait en 2002 les quinze membres de l’Union européenne auxquels s’ajoutent la Suisse, la Norvège, l’Islande ; en Amérique du Nord, les USA et le Canada ; en Asie-Pacifique, le Japon, l’Australie, la Nouvelle-Zélande. La Turquie est le seul PED à en faire partie depuis le début pour des raisons géostratégiques. Entre 1994 et 1996, deux autres pays du Tiers Monde ont fait leur entrée dans l’OCDE : le Mexique qui forme l’ALENA avec ses deux voisins du Nord ; la Corée du Sud. Depuis 1995 et 2000, se sont ajoutés quatre pays de l’ancien bloc soviétique : la République tchèque, la Pologne, la Hongrie, la Slovaquie. Puis d’autres adhésions se sont produites : en 2010, le Chili, l’Estonie, Israël et la Slovénie, en 2016 la Lettonie, en 2018 la Lituanie et, en 2020, la Colombie est devenue le trente-septième membre.

Site : www.oecd.org
, mais aussi des pays de l’eurozone, tend déjà vers les 100% du PIB PIB
Produit intérieur brut
Le PIB traduit la richesse totale produite sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées.
Le Produit intérieur brut est un agrégat économique qui mesure la production totale sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées. Cette mesure est notoirement incomplète ; elle ne tient pas compte, par exemple, de toutes les activités qui ne font pas l’objet d’un échange marchand. On appelle croissance économique la variation du PIB d’une période à l’autre.
et on s’attend à ce qu’elle les dépasse au plus tard en 2014.

Le Nord développé est plongé dans les dettes jusqu’au cou pour deux raisons :

Primo, parce qu’il a largement socialisé les pertes privées (à travers les plans de sauvetage des banques, mais aussi au soutien d’autres secteurs industriels) ce qui a aggravé surtout la dette publique le déficit public.

Secundo, à cause de la baisse drastique des recettes de l’Etat, elle aggrave ainsi les déficits budgétaires et par voie de conséquence la dette publique.
Ici, on peut faire une remarque plus générale : les politiques budgétaires du néolibéralisme, qui ont été construits sur l’austérité salariale et des dépenses publiques ainsi que sur l’allégement de la fiscalité de la rente et du capital, se sont montrés de simples coquilles de noix dans la mer houleuse de la crise. La tentative de les maintenir en l’état au milieu de la crise (grâce à des politiques de réduction des dépenses), ne fait que prolonger, aggraver et compliquer la crise, approfondissant finalement la crise de la dette.

Tertio, parce que parallèlement à l’augmentation de la dette, son financement devient plus coûteux, d’un coté parce que se renforce la tendance à éviter le risque et de l’autre à travers un processus bien connu :qui dit baisse de la capacité d’emprunt dit augmentation des spreads (augmentation des taux d’intérêt), donc plus d’intérêts à payer pour la même « quantité » de dette, et par conséquent gonflement de la dette à travers le processus même de sa gestion !

Quarto, parce que d’énormes capitaux (des profits non réinvestis dans la production) voient tarir leurs traditionnelles sources de mise en valeur (c.-à-d. la spéculation Spéculation Opération consistant à prendre position sur un marché, souvent à contre-courant, dans l’espoir de dégager un profit.
Activité consistant à rechercher des gains sous forme de plus-value en pariant sur la valeur future des biens et des actifs financiers ou monétaires. La spéculation génère un divorce entre la sphère financière et la sphère productive. Les marchés des changes constituent le principal lieu de spéculation.
) et s’orientent vers le secteur des obligations Obligations
Obligation
Part d’un emprunt émis par une société ou une collectivité publique. Le détenteur de l’obligation, l’obligataire, a droit à un intérêt et au remboursement du montant souscrit. L’obligation est souvent l’objet de négociations sur le marché secondaire.
d’Etat et des équilibres monétaires.

Ces quatre causes mettent en évidence la crise de la dette, en tant qu’objet essentiel des antagonismes mondiaux. Elles accélèrent la formation, dans les pays du Nord eux-mêmes, des mécanismes de redistribution de la plus-value autant entre les pôles dominants (USA, Allemagne, Grande-Bretagne, Japon, etc) qu’entre ceux-là et les périphéries du Nord, c.-à-d. les pays capitalistes moins développés.
C’est vers ces deux directions, et avec une extrême violence, qu’est menée la guerre mondiale pour la gestion de la crise de la dette dans les pays du Nord.

Les « armes » de la guerre

Les instruments monétaires et financiers, mais aussi la concurrence des politiques budgétaires acquièrent une importance déterminante dans la gestion antagonique de la crise de la dette :

Les taux d’intérêt : Les taux d’intérêt plus élevés d’une monnaie rendent plus attrayants les placements dans des titres qui ont été émis dans cette monnaie (entre autres les obligations d’Etat). Cependant, la politique des taux d’intérêt est aussi fonction des rythmes de la croissance, et en conséquence, c’est ici que commencent les vraies contradictions avec l’« économie réelle ».

La politique de distribution de liquidités Liquidité
Liquidités
Capitaux dont une économie ou une entreprise peut disposer à un instant T. Un manque de liquidités peut conduire une entreprise à la liquidation et une économie à la récession.
des banques centrales et l’inflation Inflation Hausse cumulative de l’ensemble des prix (par exemple, une hausse du prix du pétrole, entraînant à terme un réajustement des salaires à la hausse, puis la hausse d’autres prix, etc.). L’inflation implique une perte de valeur de l’argent puisqu’au fil du temps, il faut un montant supérieur pour se procurer une marchandise donnée. Les politiques néolibérales cherchent en priorité à combattre l’inflation pour cette raison.  :
L’émission de monnaie par les banques centrales accroît le danger inflationniste, lequel à son tour dévalorise la monnaie. Durant la crise, toutes les banques centrales des pôles capitalistes développés ont émis une masse considérable de monnaie, préparant ainsi le risque inflationniste dans une étape ultérieure.

La notation de la capacité d’emprunt : Elle détermine grandement le coût de refinancement de la dette, c.-à-d. quels vont être les taux d’intérêt appliqués aux nouvelles obligations d’Etat. Les agences de notation sont des sociétés privées et plus susceptibles d’être soudoyées ou manipulées par des fonds spéculatifs plutôt que par des États.

Les réserves de devises et les placements en obligations d’Etat : La Chine, l’Inde, le Brésil et les pays du Golfe, qui ont d’importantes réserves en devises, en investissent une grande partie en obligations libellées en monnaie forte : en dollar en premier lieu, en euro accessoirement. Le Japon, dont l’exorbitante dette publique (elle dépasse les 200% du PNB PNB
Produit national brut
Le PNB traduit la richesse produite par une nation, par opposition à un territoire donné. Il comprend les revenus des citoyens de cette nation vivant à l’étranger.
) est détenue à hauteur de 95% par des résidents, possède aussi des placements élevés en dollars.

L’antagonisme, mais aussi la coïncidence d’intérêts entre Chine-États-Unis et Japon détermine un point cauchemardesque d’équilibre instable pour le système mondial. Les réserves de devises sont bien sûr le résultat des excédents de la balance des paiements Balance des transactions courantes
Balance des paiements
La balance des paiements courants d’un pays est le résultat de ses transactions commerciales (c’est-à-dire des biens et services importés et exportés) et de ses échanges de revenus financiers avec l’étranger. En clair, la balance des paiements mesure la position financière d’un pays par rapport au reste du monde. Un pays disposant d’un excédent de ses paiements courants est un pays prêteur vis-à-vis du reste du monde. Inversement, si la balance d’un pays est déficitaire, ce pays aura tendance à se tourner vers les prêteurs internationaux afin d’emprunter pour équilibrer sa balance des paiements.
courants, ces excédents étant en rapport avec le volume mais aussi avec les modalités de la conduite du commerce mondial, etc.

Les politiques budgétaires : A cette concurrence mondiale participent des États avec leurs monnaies nationales et l’eurozone avec l’euro. Comme la mondialisation Mondialisation (voir aussi Globalisation)
(extrait de F. Chesnais, 1997a)
Jusqu’à une date récente, il paraissait possible d’aborder l’analyse de la mondialisation en considérant celle-ci comme une étape nouvelle du processus d’internationalisation du capital, dont le grand groupe industriel transnational a été à la fois l’expression et l’un des agents les plus actifs.
Aujourd’hui, il n’est manifestement plus possible de s’en tenir là. La « mondialisation de l’économie » (Adda, 1996) ou, plus précisément la « mondialisation du capital » (Chesnais, 1994), doit être comprise comme étant plus - ou même tout autre chose - qu’une phase supplémentaire dans le processus d’internationalisation du capital engagé depuis plus d’un siècle. C’est à un mode de fonctionnement spécifique - et à plusieurs égards important, nouveau - du capitalisme mondial que nous avons affaire, dont il faudrait chercher à comprendre les ressorts et l’orientation, de façon à en faire la caractérisation.

Les points d’inflexion par rapport aux évolutions des principales économies, internes ou externes à l’OCDE, exigent d’être abordés comme un tout, en partant de l’hypothèse que vraisemblablement, ils font « système ». Pour ma part, j’estime qu’ils traduisent le fait qu’il y a eu - en se référant à la théorie de l’impérialisme qui fut élaborée au sein de l’aile gauche de la Deuxième Internationale voici bientôt un siècle -, passage dans le cadre du stade impérialiste à une phase différant fortement de celle qui a prédominé entre la fin de Seconde Guerre mondiale et le début des années 80. Je désigne celui-ci pour l’instant (avec l’espoir qu’on m’aidera à en trouver un meilleur au travers de la discussion et au besoin de la polémique) du nom un peu compliqué de « régime d’accumulation mondial à dominante financière ».

La différenciation et la hiérarchisation de l’économie-monde contemporaine de dimension planétaire résultent tant des opérations du capital concentré que des rapports de domination et de dépendance politiques entre États, dont le rôle ne s’est nullement réduit, même si la configuration et les mécanismes de cette domination se sont modifiés. La genèse du régime d’accumulation mondialisé à dominante financière relève autant de la politique que de l’économie. Ce n’est que dans la vulgate néo-libérale que l’État est « extérieur » au « marché ». Le triomphe actuel du « marché » n’aurait pu se faire sans les interventions politiques répétées des instances politiques des États capitalistes les plus puissants (en premier lieu, les membres du G7). Cette liberté que le capital industriel et plus encore le capital financier se valorisant sous la forme argent, ont retrouvée pour se déployer mondialement comme ils n’avaient pu le faire depuis 1914, tient bien sûr aussi de la force qu’il a recouvrée grâce à la longue période d’accumulation ininterrompue des « trente glorieuses » (l’une sinon la plus longue de toute l’histoire du capitalisme). Mais le capital n’aurait pas pu parvenir à ses fins sans le succès de la « révolution conservatrice » de la fin de la décennie 1970.
capitaliste est le système le plus inhumain de défense des intérêts des créanciers (en généralisant : des intérêts de ceux qui investissent dans la finance), les marchés mondialisés du capitalisme mondial exigent l’adaptation des politiques budgétaires (recettes et dépenses publiques) à cette priorité : réductions drastiques des dépenses publiques, c.à.d. des dépenses pour les salaires, les pensions et la protection sociale, et augmentation des impôts indirects, c.à.d. de cette forme d’imposition qui est répartie de façon égale, et donc injuste sur toute la population puisqu’elle ne prend pas en compte les différences de revenu de chacun.

Voici les conditions pour que ceux qui investissent en obligations d’Etat, c.à.d. ceux qui prêtent aux États, soient assurés qu’ils auront leur argent remboursé. Et en plus : qu’ils prêteront de façon de plus en plus avantageuse, c.à.d. au plus cher. Il est clair que les « armes » de la guerre sont liées aux développements de « l’économie réelle » et l’influencent. De faibles taux d’intérêt et une politique souple de distribution de liquidités des banques centrales agissent contre la récession Récession Croissance négative de l’activité économique dans un pays ou une branche pendant au moins deux trimestres consécutifs. , tandis qu’à l’inverse, les sous-notations de la capacité d’emprunt et l’adaptation des politiques budgétaires aux besoins des préteurs renforcent la récession.
Voici pourquoi la crise de la dette et sa gestion accroissent les incertitudes et rendent plus précaire et complexe la gestion de la crise du système économique et financier dans son ensemble.

L’eurozone

La « crise de la dette » grecque et sa propagation à l’Irlande, l’Espagne, le Portugal (les tristement célèbres « PIGS »), et éventuellement à l’Italie, constitue un épisode de l’intégration de l’eurozone à la mondialisation et accélère la crise de la dette des pays du Nord.

Ce qui se produit avec la Grèce, et qui est susceptible de concerner également l’Italie, l’Espagne et le Portugal, dépend de leur capacité d’adaptation à ces conditions hostiles. Les attaques spéculatives massives à la périphérie de la zone Euro mettent à l’épreuve les faiblesses systémiques de l’architecture monétaire de toute la zone Euro.

Ces faiblesses tiennent d’une part au fait que les règles de l’Union Européenne ne permettent pas le transfert des ressources pour renforcer les États membres en difficulté, d’autre part à l’existence d’une monnaie commune sans budget commun ni autorité budgétaire commune, et enfin, à l’exigence d’une politique commune en matière de dépenses sans système fiscal commun, etc.

Les concurrents mondiaux de l’euro et les marchés ne rappellent pas seulement au capitalisme grec que la croissance créée avec de l’argent emprunté grâce au gonflement de la dette se paie très cher dans la mondialisation capitaliste. Ils rappellent aussi à l’Allemagne et aux pays dominants de l’eurozone qu’un euro fort – monnaie de réserve mondiale, ne peut pas s’appuyer sur un édifice branlant et sur l’architecture incohérente de l’actuelle eurozone et de l’UE.

Le dernier sommet informel de l’UE a exprimé son soutien politique a la Grèce, mais le fameux « plan de sauvetage » n’a pas encore vu le jour. Les dirigeants de l’UE ont pleinement conscience que l’attaque contre la Grèce fait partie d’une attaque plus générale contre l’euro, mais ils se trouvent devant une impasse : la « solidarité » envers la Grèce peut leur coûter le début d’un processus dont la finalité serait de changer l’architecture même de l’eurozone.

Les dirigeants néolibéraux de l’UE ne veulent pas ouvrir ce chantier car ils ont peur de la contestation de l’architecture néolibérale de l’édifice européen que ça pourrait déclencher.

Mais à part cela, ce qui est central, c’est le rôle du « dépositaire » de l’euro : l’Allemagne. C’est le seul pays qui profite de l’euro fort. C’est ainsi que l’expression de la « solidarité communautaire » à la Grèce a abouti à ce résultat irritant : une déclaration politique selon laquelle on ne laissera pas la Grèce faire faillit, mais sans spécifier les conditions de cette « aide ».

A l’occasion de ce sommet, ils ont d’ailleurs combiné une déclaration portant des exigences pour la prise immédiate de nouvelles mesures coercitives de réductions des dépenses publiques (suppression du 14e mois de salaire) et d’augmentation de la TVA.

Le sommet a en outre imposé une tutelle internationale tripartite, Commission-BCE BCE
Banque centrale européenne
La Banque centrale européenne est une institution européenne basée à Francfort, créée en 1998. Les pays de la zone euro lui ont transféré leurs compétences en matières monétaires et son rôle officiel est d’assurer la stabilité des prix (lutter contre l’inflation) dans la dite zone.
Ses trois organes de décision (le conseil des gouverneurs, le directoire et le conseil général) sont tous composés de gouverneurs de banques centrales des pays membres et/ou de spécialistes « reconnus ». Ses statuts la veulent « indépendante » politiquement mais elle est directement influencée par le monde financier.
-FMI, ce dernier assumant un rôle d’…expert. Quant à comment aider, ils n’ont encore rien déclaré, ce qui a eu comme conséquence immédiate la poursuite des attaques spéculatives contre les obligations grecques.
Selon certaines fuites, la méthode préconisée pour le cas grec sera la plus coûteuse : l’absorption des obligations grecques par des banques des États-membres.
Cela signifie que la « solidarité communautaire » se traduira par l’engagement des banques européennes pour garantir la couverture de l’émission des obligations grecques au niveau actuel, c.-à-d. sur la base de taux d’intérêt élevés. Ce qui signifie que l’économie grecque va continuer de plier sous les attaques des marchés et qu’elle payera au plus cher la « solidarité communautaire ».

Face à « l’amour vache » de Bruxelles, le gouvernement du Pasok commence déjà à lorgner vers le FMI, non pas pour ses qualités d’expert, mais en tant que prêteur. Ils sont de plus en plus nombreux dans le gouvernement ceux qui disent que le recours au FMI fera cesser la spéculation sur les obligations grecques. Ils disent aussi : « Mais qu’est ce que le FMI pourra nous demander de plus ? »…

Cependant, le recours au FMI est considéré par les dignitaires européens comme un « Casus Belli » car il menace de « détricoter » l’eurozone. Les dirigeants européens rappellent que, dans cette éventualité, ils ont les moyens de punir la Grèce… Déjà dans le Financial Times est apparu un projet d’exclusion de la Grèce de l’euro pendant cinq ans, de retour à la drachme avec la parité d’entrée dans l’euro (1 euro=340,75 drachmes) et au bout de cinq ans (qui seront, cela va sans dire, cinq ans d’austérité sanglante)… un retour à l’euro avec une parité 1/600 !!!

L’européanisme du capital s’effondre avec fracas, puisqu’il se traduit cyniquement par l’injonction suivante : "vous allez rester de force dans l’eurozone car il faut sauver la crédibilité de l’euro et l’architecture néolibérale de l’eurozone. Vous allez traverser plusieurs années d’austérité et de pillage, et tout ça afin que la Grèce protège l’euro –et non pas qu’elle soit protégée par lui », contrairement à que disait jusqu’à aujourd’hui la doxa dominante.
De l’autre coté, le recours au FMI signifierait se déplacer vers l’« axe » des alliances anglo-saxonnes.
Sonnée, la bourgeoisie grecque est en train de se chercher des alliances dans la jungle de la mondialisation néolibérale à laquelle elle a adhéré de plein gré, réussissant l’exploit d’être promue au rang de bourgeoisie de pays capitaliste développé.

La « faillite grecque »

Ceci dit, on peut récapituler et conclure ainsi :

1. Le piège, c’est la dette et pas le déficit : Si c’était simplement le déficit, alors ce serait un problème interne de l’eurozone, il y auraient des pressions européennes pour des mesures dures, mais ne se poserait pas la question de la faillite. Pour le dire en mots plus simples : même si Bruxelles permet à la Grèce de continuer d’enfreindre les 3% du déficit prévus par le Pacte de Stabilité, les marchés continueront de faire pression sur la Grèce, la menaçant de faillite. Pour la simple raison que la dette grecque (c.à.d. plus de 300 milliards d’euros en obligations grecques) est disséminée et est négociée sur les marchés financiers Marchés financiers
Marché financier
Marché des capitaux à long terme. Il comprend un marché primaire, celui des émissions et un marché secondaire, celui de la revente. À côté des marchés réglementés, on trouve les marchés de gré à gré qui ne sont pas tenus de satisfaire à des conditions minimales.
mondiaux.
Il suffit qu’il y ait une dépréciation Dépréciation Dans un régime de taux de changes flottants, une dépréciation consiste en une diminution de la valeur de la monnaie nationale par rapport aux autres monnaies due à une contraction de la demande par les marchés de cette monnaie nationale. massive des obligations grecques et de la bourse grecque pour que l’économie grecque arrive au bord du gouffre –d’autant plus qu’elle se trouve déjà en récession durable. Le problème est donc la dette, et si on parle du déficit, c’est parce que les coupes dures sont considérées comme la seule preuve crédible que la dette peut diminuer à court terme.

26 des 27 pays-membres de l’UE ont un déficit supérieur à 3% ! En clair, ceux qui déterminent l’ampleur des mesures de régression ne sont pas à Bruxelles mais constituent l’internationale des spéculateurs, c.à.d. les marchés mondialisés de capitaux.

Bruxelles laisse « tout simplement » la Grèce à la merci de ces marchés et lui demande de faire ce qu’ils désirent pour que l’euro ne soit pas touché. Pour protéger leur monstruosité néolibérale, elle lui « offre » une exposition durable aux attaques spéculatives, c.à.d. qu’elle la condamne à rester le punching-ball de service, lui garantissant seulement qu’elle… ne fera pas faillite.

2. L’attaque des spéculateurs contre la Grèce est une attaque contre l’eurozone : Et ceci pas seulement objectivement, mais aussi subjectivement. Ayant correctement diagnostiqué les « trous » de l’architecture de l’eurozone et sachant qu’il y a d’autres « maillons faibles », ils visent l’euro et l’eurozone.
Ce qui arrive est un épisode, ou plutôt le premier épisode, de la gestion antagonique de la « crise de la dette » dans le monde développé, dans le Nord capitaliste. Dans la guerre qui vient de commencer, on ne peut rien exclure : de l’effondrement de l’eurozone à cause des attaques spéculatives et du refus des forces dirigeantes de l’UE d’œuvrer à l’unification politique, jusqu’à ce que l’Allemagne et les autres forces dirigeantes de l’UE soient contraintes d’avancer vers cette unification.
Une preuve éloquente que le jeu est plus vaste et plus complexe, est l’éventualité que l’eurozone soit dissoute sous les coups des spéculateurs, c.à.d. que les spéculateurs et les opposants à l’euro « abolissent » l’eurozone ensemble avec Maastricht, le Pacte de Stabilité et tous les traités !

3. La « faillite grecque » n’est pas un problème intra-européen : l’adversaire n’est pas spécialement le Pacte de Stabilité ou l’UE, mais le réseau plus large des mécanismes de contrainte et de pillage du capitalisme néolibéral et de ses marchés mondialisés.
La Grèce est le premier pays du Nord à subir les conséquences de la guerre monétaire et de la guerre plus générale de la « crise de la dette ». Elle est dépourvue d’instruments de défense économiques, puisqu’elle a volontairement concédé tous ses droits à exercer une politique monétaire, industrielle, agricole, commerciale et budgétaire à Bruxelles et à l’OMC OMC
Organisation mondiale du commerce
Créée le 1er janvier 1995 en remplacement du GATT. Son rôle est d’assurer qu’aucun de ses membres ne se livre à un quelconque protectionnisme, afin d’accélérer la libéralisation mondiale des échanges commerciaux et favoriser les stratégies des multinationales. Elle est dotée d’un tribunal international (l’Organe de règlement des différends) jugeant les éventuelles violations de son texte fondateur de Marrakech.

L’OMC fonctionne selon le mode « un pays – une voix » mais les délégués des pays du Sud ne font pas le poids face aux tonnes de documents à étudier, à l’armée de fonctionnaires, avocats, etc. des pays du Nord. Les décisions se prennent entre puissants dans les « green rooms ».

Site : www.wto.org
.

Son gouvernement hésite entre quelle tutelle choisir : celle de la BCE et de Bruxelles ou celle du FMI ? Devrait-elle rester dans l’eurozone et recourir au FMI ? Ceci serait un coup porté à l’euro, et on peut être sûr que Bruxelles ne lui pardonnerait pas. Sortir de l’eurozone, tout en restant ou partant aussi de l’UE ?
Elle peut se retrouver dans la situation de la Lettonie, de la Hongrie et de l’Ukraine, subissant une fuite massive des capitaux, l’effondrement de ses exportations, la perte ou la suspension des financements communautaires, une grande dévaluation Dévaluation Modification à la baisse du taux de change d’une monnaie par rapport aux autres. de sa monnaie et son immersion dans une longue et profonde récession.

4. Y-a-t-il un « terrain » ou il est réaliste de récupérer ce qui a été perdu au niveau national par la perte des outils de politique économique et financière ? Pour les pays-membres de l’UE –même les puissants, mais beaucoup plus pour les faibles- le retour à la marche solitaire de la monnaie nationale et au protectionnisme serait un « isolement » catastrophique dans la jungle du capitalisme néolibéral et de ses marchés mondialisés.

Comme l’ « européanisme » du capital s’effondre (c’est la Grèce qui doit sauver l’euro et pas l’euro qui devra protéger la Grèce), c’est la Gauche et les mouvements sociaux, qui doivent brandir le drapeau de l’ « autre Europe ».

Les guerres monétaires et plus généralement la gestion antagoniste de la « crise de la dette » du Nord, sur fond de crise structurelle du capitalisme mondial, offriront en permanence les raisons et le terrain de la solidarité des peuples européens, et plus spécialement ceux du Sud européen pour leur lutte commune contre la monstruosité néolibérale appelée UE.
Déjà, la crise elle-même et les attaques des spéculateurs sont en train de « tester » ses résistances affaiblies. L’édifice européen a commencé à prendre l’eau dès la première épreuve –et on n’en est qu’au début.

Dans la jungle mondialisée du capitalisme néolibéral et à l’aube de la crise de la dette du Nord (qui est à la fois une conséquence et une manifestation de la crise générale du capitalisme), ce qui a été perdu, au niveau national pour ce qui relève de l’autonomie de la politique économique, ne peut être récupéré qu’au seul niveau européen.

L’UE actuelle ne peut pas le faire. Elle doit être remplacée par un autre édifice, une construction authentique des peuples européens, de leurs luttes et de leur solidarité. Ce combat sera livré dans l’UE actuelle et contre elle. Et c’est évident qu’il ne sera pas livré à notre place par les spéculateurs ou les concurrents de l’euro, qui s’attaquent à l’euro pour leurs propres raisons, à l’opposé des nôtres.
Notre ennemi n’est pas l’ « européanisme » en général, mais l’ « européanisme néolibéral du capital » qui est en train de faire faillite devant nos yeux.

L’ennemi est intra - muros !

La situation de la bourgeoisie grecque, de son système politique et de son gouvernement est terrible. Le gouvernement du Pasok ne cache pas qu’ « au point où nous sommes arrivés » il préférerait le recours au FMI : il sera contraint d’appliquer la même « recette » avec des mesures plus dures encore, mais « au moins les attaques spéculatives seront arrêtées et les conditions d’emprunt seront normalisées ».

Pourtant, la bourgeoisie n’hésite pas du tout dans ses choix plus généraux : elle veut rester dans l’eurozone, son éventuelle sortie ou expulsion –qui n’est pas prévue- serait néfaste pour ses intérêts et évidemment elle n’a pas d’états d’âme… pour faire payer la crise de nouveau aux travailleurs.

Elle a cependant deux problèmes :
Primo, les politiques qu’elle est appelée à appliquer sont récessives et menacent de provoquer un cercle vicieux : aggravation de la récession de l’économie grecque, maintien des déficits élevés, exigence de nouvelles mesures, etc. La perspective d’un tel cercle vicieux n’enthousiasme pas les capitalistes grecs et le gouvernement, car elle est synonyme d’une baisse de l’activité économique et d’une diminution des profits.

Secundo, avec la pression continue pour ces mesures et surtout pour leur intensification immédiate, il y a fort à craindre que monte en flèche le « risque politique », c.à.d. le danger d’une agitation sociale de grande envergure.
Le risque politique, lui, provoque une double peur : d’un côté parce que la Grèce ne respectera pas ses engagements et alors les pressions des spéculateurs s’intensifieront et le danger de la faillite s’approchera, et d’autre part, parce que sera testé le système politique et sa capacité à absorber des secousses sociales de grande dimension. Tout ça crée le spectre de la relégation du capitalisme grec dans la division capitaliste internationale du travail.

Ce qui est sûr est que la bourgeoisie grecque et son système politique ont décidé, sans aucune hésitation, qu’ils vont gérer les dangers en faisant payer la crise à la classe ouvrière, à la jeunesse, aux immigrés, c.à.d. ceux « d’en bas ».

Du point de vue de ses intérêts, elle agit parfaitement : pour les mêmes raisons qu’elle a adhéré de plein gré au capitalisme mondialisé et plus spécifiquement à l’eurozone, au noyau développé du Nord global, elle livrera bataille pour que son adhésion ainsi que les avantages qu’elle implique ne soient pas remis en cause.

Grace à l’ « union nationale » et le terrorisme du genre « il y a bien pire », « mieux vaut des sacrifices plutôt que l’effondrement du pays », la bourgeoisie grecque va exiger de ses sujets d’accepter sans sourciller les mesures.
Pourtant, le scenario peut, pour plusieurs raisons, ne pas fonctionner. La plus importante est que, malgré ces sacrifices, la faillite et une crise générale plus profonde, (qui ressemble de plus en plus à un effondrement), ne puissent être évitées.

Afin de revendiquer le mieux possible sa place dans la mondialisation et s’assurer des alliances internationales, la bourgeoisie grecque fera tout pour faire passer toutes les mesures « indispensables » et contraindre les travailleurs à les accepter sans réactions, négociant avec ses concurrents et alliés internationaux, les rythmes et les conditions de la mise en œuvre de ces mesures tout en essayant de les rendre co-responsables du problème de « risque politique ».

Les marchés ne sont pas, eux, concernés par le risque politique, sauf s’il aboutit à une cessation de paiement. Par contre, Bruxelles se sent beaucoup plus directement concernée par ce risque politique, c.à.d. par une effervescence majeure et une révolte sociale contre ces mesures. D’un coté, parce qu’elle pourrait devenir contagieuse dans le continent européen et de l’autre, parce qu’elle multiplierait les pressions spéculatives contre l’euro.

Du tout a la partie

Finalement, la « chaîne » des conséquences est la suivante :

La guerre monétaire dollar-euro constitue une perturbation majeure des équilibres mondiaux à l’origine de la « guerre mondiale » pour la gestion antagonique de la crise de la dette, laquelle « teste » les équilibres existants de la mondialisation capitaliste.

L’attaque massive contre l’euro « teste », elle, les équilibres et les déficiences de l’architecture de l’euro et de l’eurozone.

Le choix des forces dominantes de l’eurozone, et tout d’abord de l’Allemagne, est de transférer toute la pression sur le capitalisme grec, en lui demandant de se montrer digne de l’euro (qui lui a fait tellement de cadeaux), s’il veut rester membre méritant de la « sainte famille » du capitalisme développé.

Le gouvernement grec accepte, pour le compte du capitalisme grec et du capital grec, que ces terribles pressions soient « transférées » sur les travailleurs grecs, la jeunesse, les immigrés et, les femmes.

Afin de garder les acquis de son adhésion au noyau développé de l’eurozone et d’avoir les moindres pertes résultantes de cette « aventure », le capitalisme grec choisit de prendre « toutes les mesures nécessaires ». La grande coalition consensuelle (Pasok, Nouvelle Démocratie, Laos), la stratégie « sécuritaire » et celle de la « tolérance zéro » ainsi que l’idéologie de la peur (« il y a pire ») sont ses armes principales.

Il n’y a pas de doute que, pour empêcher l’annulation de l’application des mesures, il va utiliser sans hésitation, au nom des « intérêts nationaux », la répression la plus dure en cas d’échec du consensus. Et tout ça uniquement pour défendre ses propres intérêts menacés et non pas parce qu’il serait soumis à Bruxelles.

De la partie au tout : Que faire ?

C’est pour ces raisons que :
La tâche essentielle de la Gauche grecque est de s’organiser et d’organiser une grande confrontation sociale, et de classe, contre la bourgeoisie grecque, les banquiers, les industriels et les patrons grecs, mais aussi contre leur système politique et leur gouvernement.

L’ennemi est intra-muros : les banques, le patronat, les ministères, ainsi que les « quartiers généraux » du Pasok, de la Nouvelle Démocratie et du Laos !

C’est pourquoi notre mot d’ordre principal doit être : A BAS LE PROGRAMME DE STABILITE ! Ce mot d’ordre condense de façon claire la politique de la Gauche. Il cible l’adversaire ici (et pas « ailleurs »), dedans (et pas « dehors »).

Il illustre bien les oppositions radicales : d’un coté le capitalisme grec, la bourgeoisie grecque et ses alliés, le système politique et son gouvernement, et de l’autre, ceux qui veulent résister à Bruxelles en luttant contre ceux qui se soumettent à elle.

Il vise le « talon d’Achille » de tout cet enchevêtrement de forces qui menace d’écraser les droits ouvriers et sociaux : il illustre le moyen le plus concret, immédiat, accessible et efficace pour frapper l’architecture néolibérale de l’eurozone qui est de combattre les projets des « marchés ». Il s’agit de mettre en échec cette politique qui représente et précise leurs objectifs : le Programme de Stabilité et de Développement 2010-2013 du gouvernement !

C’est seulement si nous transformons la Grèce en « maillon faible » de la gestion néolibérale de la dette que nous contribuerons de la façon la plus décisive à notre « quote-part nationale » pour la lutte internationale contre les mécanismes planétaires et européens de mise au pas et de pillage des peuples.

Si le système va du tout vers la partie, imposant et rendant homogènes des politiques et lançant les mécanismes de mise au pas, la dialectique de la résistance des peuples va, elle, de la partie vers le tout.

Le bon vieux principe fondamental, l’internationalisme, se fonde sur et « se vérifie » avant tout ici par la volonté et la capacité de lutter contre « notre propre » capitalisme, « notre propre » bourgeoisie.

« Détermination » classiste des luttes, des mouvements et des résistances au niveau national - internationalisation des dynamiques qui se développent. Multiplication des « maillons faibles » et solidarité, coordination et collaboration internationaliste entre eux. Mobilisations internationales coordonnées des mouvements de résistance et de la Gauche. Voilà ce que doit être le projet de la Gauche !

Les occasions et les points de friction exacerbés pour la création des « maillons faibles » et l’ouverture des brèches au sein du système de la mondialisation néolibérale et de l’UE du capital peuvent varier.

Quand ils voulaient imposer aux peuples européens la « constitution européenne », la méthode pour la création des maillons faibles était de voter Non dans les pays où se tenaient des référendums.

Mais, même dans ces cas, la grande confrontation se déroulait à l’intérieur, dans ces pays eux-mêmes. Evidemment, nous avons aussi besoin d’un cadre de solidarité internationale des peuples dans cette lutte commune et d’une collaboration active entre ceux qui du point de vue mouvementiste constituent les « maillons faibles ».

Quel est alors notre « programme » international et européen ?

La Gauche et les mouvements devront élaborer des revendications, des mots d’ordre et des objectifs communs :

Face aux spéculateurs internationaux il faut mettre en avant la revendication pour la CESSATION DES PAYEMENTS et L’ANNULATION PARTIELLE DE LA DETTE ET LA RENEGOCIATION DU RESTE ! Des revendications de ce genre vont mûrir très vite en même temps que se multiplieront des nouveaux épisodes et de nouveaux « maillons faibles » face à la « crise de la dette » des pays développés.

Face à l’« union Européenne » il faut mettre en avant la revendication immédiate d’un FINANCEMENT PAR LA BANQUE CENTRALE Banque centrale La banque centrale d’un pays gère la politique monétaire et détient le monopole de l’émission de la monnaie nationale. C’est auprès d’elle que les banques commerciales sont contraintes de s’approvisionner en monnaie, selon un prix d’approvisionnement déterminé par les taux directeurs de la banque centrale. EUROPEENNE de la dette grecque et de n’importe quel autre pays-membre de l’UE. Cette revendication constitue la meilleure « introduction » à la revendication plus globale qui est de déboulonner le néolibéralisme au niveau européen et d’abattre l’actuel édifice européen.
Avec des revendications comme : ABROGATION DU TRAITE DE MAASTRICHT (c’est lui et non le Pacte de Stabilité qui interdit le financement des pays-membres par la Banque Centrale Européenne), ABROGATION DU PACTE DE STABILITE, CHANGEMENT RADICAL DES CRITERES DE LA CONSTRUCTION EUROPEENNE !

Si, au lieu d’avoir et d’appliquer une telle politique de classe et internationaliste, on se renferme, en dernière analyse, dans une position du genre « révolte populaire contre les despotes étrangers ».
Si on succombe aux charmes de l’ethnocentrisme romantique, alors on est guetté par de multiples déformations qui se transformeront en autant de grandes erreurs stratégiques.
Poser la ligne de démarcation entre les « soumis » et ceux qui « luttent » ou entre une « dignité nationale » et ceux qui « se lèvent » contre Bruxelles et les marchés.

Croire que la bourgeoisie grecque n’organise pas consciemment l’attaque contre les droits ouvriers et sociaux afin de défendre les acquis de son adhésion au « club » du capitalisme développé, parce qu’elle est –sans le vouloir- soumise a Bruxelles, serait le meilleur alibi pour le « sympathique » Mr. Papandreou, qui « fait des efforts, ne veut pas prendre de telles mesures », mais « ne peut pas faire autrement ».

Et serait aussi le meilleur plaidoyer pour les pleurnicheries gouvernementales du genre « afin que nous ne soyons pas totalement détruits » et pour que nous ne perdions pas « notre souveraineté nationale », nous devons accepter les mesures de régression sociale.

Et en plus nous devrions nous sentir…flattés parce qu’ « ils se vengent sur la Grèce pour la révolte de décembre 2008 » ou « parce qu’elle a un haut niveau de résistance sociale » (mais si c’était comme ca, alors pourquoi sont-ils à la recherche des troubles sociaux et risquent-ils d’avoir un nouveau décembre de révolte, lequel pourrait cette fois s’avérer contagieux et non plus étudiant mais…ouvrier ?).

Finalement, on serait exposé à des délires nationalistes du genre « le retour des Allemands » (l’Allemagne qui…continue la Deuxième Guerre Mondiale contre la Grèce », et bientôt la mythologie populaire sera nourrie de nouvelles versions de la haine gréco-allemande et de l’amitié gréco-française), « l’Europe ne respecte pas la Grèce » (laquelle pourra, dans un avenir pas si lointain, constituer la base d’un nouveau pro-américanisme ou d’une sympathie -bien pilotée- pour le FMI) ou l’inverse « avec tout ça les Américains veulent imposer à la Grèce des solutions antinationales aux questions de la Macédoine, de Chypre ou de la mer Egée », etc.

On peut imaginer facilement qu’alors la rhétorique d’extrême droite ne sera pas très loin, et dans ce cas on pourra apprendre que tout ça n’est rien de plus qu’une conspiration universelle des Juifs contre l’hellénisme. D’ailleurs, c’est le porte-parole du groupe parlementaire du LAOS qui, commentant les réactions des alliés européens il y a pas si longtemps, a déclaré qu’ « ils vont bombarder la Grèce pour la deuxième fois »…

Une opposition structurelle - Une gauche socialiste !

On est au début d’événements qui conduisent à un grand affrontement social et de classe d’importance historique. Pour le capitalisme grec et ses gouvernements, l’équation est simple, car ils n’ont pas l’habitude de commettre des erreurs quand il s’agit de leurs intérêts de classe : ils doivent écraser les résistances ouvrières et sociales, soumettre leur « propre » classe ouvrière afin d’éviter des grandes pertes dans le processus de réévaluation des rapports de force au sein du club des pays développés.

La classe ouvrière, les mouvements sociaux et la Gauche se trouvent aux antipodes : ils ne doivent pas permettre un recul de dimension historique de leurs droits, lequel va « financer » les intérêts du capital grec. La confrontation sociale et de classe sera dure. La probabilité que cèdent les « digues », que se brise le « consensus de la peur », qu’on puisse avoir une grande mobilisation ouvrière et sociale ainsi que des secousses politiques à grande échelle, est tout à fait plausible.

Devant les irrésistibles nécessités d’un affrontement social de classe, face à de telles dimensions et de tels enjeux, au beau milieu d’une « sanglante » conjoncture économique et sociale, le discours et l’action Action
Actions
Valeur mobilière émise par une société par actions. Ce titre représente une fraction du capital social. Il donne au titulaire (l’actionnaire) le droit notamment de recevoir une part des bénéfices distribués (le dividende) et de participer aux assemblées générales.
de la Gauche doit être subversif, pertinent et socialiste.

L’organisateur actuel des attaques contre les droits ouvriers et sociaux, G. Papandreou, avait posé avant les élections, tout à fait prophétiquement, le dilemme « Socialisme ou barbarie » !

La Gauche, qui se sent tellement défaite au point qu’elle n’a pas le courage de poser elle-même ce dilemme, est indigne des circonstances historiques !

Mais, le discours oppositionnel doit aussi s’élever à la hauteur des circonstances historiques. La Gauche, porteuse de « solution alternative à la crise », d’une solution qui, même en paroles, n’est pas porteuse de subversions à caractère socialiste, est condamnée d’ajouter des notes en bas de page et des astérisques tandis que la bourgeoisie écrira des nouvelles pages de victoires contre la classe ouvrière, la jeunesse, les immigrés et les résistances sociales.

Les « grands oui » de la Gauche, ses propres objectifs programmatiques contradictoires, n’ont pas pour objectif de sortir le système de la crise, ni ne peuvent réussir une telle chose !
Ces « grands oui » combattent les grands « non » au système et la perspective subversive pour le dépassement du système.
Tout ça renvoie à une opposition anticapitaliste-socialiste, structurée et subversive qui s’appuiera sur l’intervention sociale de masse, pour que soient déclenchées des résistances sociales de grande envergure.

Les revendications politiques et programmatiques centrales
doivent aussi s’élever à la hauteur des circonstances :

• NATIONALISATION DE TOUTES LES BANQUES SANS INDEMNITE !
• RENATIONALISATION DE TOUTES LES ENTREPRISES PRIVATISEES !
• ANNULATION DES PARADES MILITAIRES !
• IMPOSITION DE LA FORTUNE DE L’EGLISE AU TAUX LE PLUS ELEVE !
• AUGMENTATION DE 45% DU TAUX D’IMPOSITION FISCALE DES PROFITS !
• ABROGATION DES LOIS ANTI-SECURITE SOCIALE ET DE TOUTES LES FORMES DE TRAVAIL PRECAIRE ! AUGMENTATION DES SALAIRES ET DES PENSIONS ! AUGMENTATION DES DEPENSES SOCIALES !

Enfin, la gravité de la situation exige un appel public clair en faveur de la mobilisation unitaire de toutes les forces de la Gauche sur la base de l’objectif central de l’abrogation du Programme de Stabilité et pour l’action commune autour de plusieurs revendications programmatiques et politiques de pointe.

Ceux qui ne répondront pas à cet appel public, assumeront toute la responsabilité de leur refus –les travailleurs et la jeunesse les jugeront très sévèrement !

Au moment où le capital grec s’est assuré le consensus de la « grande coalition » Pasok, N.D., LAOS, pour pourfendre les droits ouvriers et sociaux, les travailleurs ont besoin d’un soutien politique, d’un accord politique au moins équivalent de la Gauche pour la défense de leurs intérêts !


Panos Kosmas est dirigeant de l’organisation « Kokkino » (Rouge), composante de la Coalition de la Gauche Radicale (SYRIZA). La traduction en français est due à Georges Mitralias et a été entièrement revue par Pascal Franchet et Claude Quémar.