18 octobre par Eric Toussaint , Maxime Perriot

Eric Toussaint présente le rapport pour la vérité sur la dette publique au parlement grec le 17 juin 2015. A sa droite, des membres du gouvernement et, sur le perchoir, Zoe Konstantopoulou.
Le Comité pour l’abolition des dettes illégitimes agit pour la réalisation d’audits avec participation citoyenne de la dette. Il s’agit de décortiquer l’endettement d’un pays, d’une région, d’une commune pour déterminer, sur la base de critères préalablement établis, une part légitime qui sera remboursée et une part illégitime qui ne le sera pas. Dans l’histoire récente, deux audits de la dette à l’échelle nationale ont été menés par les pouvoirs publics avec une active participation citoyenne. Il s’agit de l’Équateur en 2007-2008 et de la Grèce en 2015. Cet article analyse les circonstances dans lesquelles ces audits ont été menés, tant au niveau des mouvements sociaux que des rapports de force gouvernementaux. Nous mettons en lumière les conditions d’avènement, de réussite ou d’échec d’un processus d’audit citoyen de la dette à partir de ces deux exemples. Quelles ont été les dynamiques de politisation, de mise à l’agenda ? Les gouvernants se sont-ils emparés de cette revendication ? Comment les mouvements sociaux ont-ils réagi une fois l’arrivée au pouvoir de gouvernements favorables à leurs idées ?
Dans l’Histoire, des dettes publiques ont été contractées pour oppresser les populations (ce fut le cas du régime de Moubarak en Égypte ou de Ferdinand Marcos aux Philippines) ou pour un enrichissement des personnes au pouvoir (Mobutu en RDC), pour rembourser des créanciers alors que la population traversait une grave crise humanitaire (Grèce). Nous pourrions compléter cette liste avec de nombreux exemples.
Les dettes publiques ne sont pas toujours contractées dans l’intérêt général, loin de là. Ces dettes qui ne servent pas les intérêts de la population peuvent être divisées en quatre catégories : dettes odieuses, dettes illégitimes, dettes illégales, dettes insoutenables. Ces catégories ont été définies par les mouvements sociaux travaillant sur les questions de dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
, comme le Comité pour l’abolition des dettes illégitimes. Par ailleurs, un effort important de définition a été produit par les membres de la commission d’audit de la dette grecque créée par la Présidente du Parlement grec Zoe Konstantopoulou en 2015 (nous y reviendrons) [1] :
a) Dette publique illégitime : dette contractée par les pouvoirs publics sans souci de l’intérêt général ou d’une manière qui lui est préjudiciable.
b) Dette publique illégale : dette contractée par les pouvoirs publics en violation flagrante de l’ordre juridique en vigueur.
c) Dette publique insoutenable : dette dont le remboursement condamne la population d’un pays à l’appauvrissement et à la détérioration de la santé et de l’éducation publique, à l’augmentation du chômage ou à des problèmes de malnutrition. En d’autres termes, une dette dont le remboursement empêche les pouvoirs publics de garantir les droits humains fondamentaux.
1) La population n’en tire aucun bénéfice : la dette n’a pas été contractée dans l’intérêt du peuple ou de l’État, mais contre leur intérêt et/ou dans l’intérêt personnel des dirigeants ou des personnes au pouvoir.
2) Complicité des prêteurs : les prêteurs savaient ou auraient pu savoir que les fonds concernés ne profiteraient pas à la population.
Selon la doctrine de Sack, la nature démocratique ou despotique d’un régime n’influence pas cette règle générale. Il est donc important de souligner que la doctrine de la dette odieuse ne considère pas que la nature du régime ou du gouvernement qui la contracte ait une quelconque importance. Ce qui importe, c’est la manière dont l’argent emprunté est utilisé. Si un gouvernement démocratique contracte une dette contraire aux intérêts de la population, cette dette peut être qualifiée d’odieuse et répudiée, à condition qu’elle remplisse également la deuxième condition. Ainsi, contrairement à une interprétation erronée de cette théorie, la dette odieuse ne se limite pas aux régimes dictatoriaux ou irréguliers.
Le CADTM considère que, fondamentalement, la doctrine de la dette odieuse est toujours pertinente. Elle doit tenir compte de l’évolution du droit international qui, depuis l’après-Seconde Guerre mondiale, inclut le respect des droits humains. Tout prêt octroyé à un régime, fût-il élu démocratiquement, qui ne respecte pas les principes fondamentaux du droit international, tels que les droits humains fondamentaux, l’égalité souveraine des États, ou l’absence du recours à la force, doit être considéré comme odieux. Ainsi, les dettes multilatérales contractées dans le cadre d’ajustements structurels tombent dans la catégorie des dettes odieuses, tant le caractère préjudiciable de ces politiques a été clairement démontré, notamment par des organes de l’ONU.
Les quatre catégories présentées ci-dessus peuvent être mobilisées au cours d’un audit de la dette. En effet, un audit citoyen de la dette publique, combiné dans certains cas à une suspension unilatérale de son remboursement par l’État, peut permettre d’abolir/de répudier la partie illégitime, insoutenable et/ou illégale de la dette et de réduire considérablement la partie restante. C’est également un moyen de décourager ce type d’endettement à l’avenir.
La différence fondamentale avec un audit “classique” est la participation citoyenne et donc la légitimité démocratique de la décision d’annulation de dette qui sortira de cet audit. Le plus souvent, un audit citoyen émane d’un mouvement social. Il constitue donc une forme d’expression de démocratie directe et populaire. Un audit à participation citoyenne travaillera d’abord à la définition de ce qui sera considéré comme une dette légitime ou illégitime (comme ce fut le cas en Grèce). Là où un audit classique est souvent un contrôle technique des finances, ou de dépenses publiques, pour vérifier que l’argent a été utilisé comme il était convenu, qu’il n’y a pas eu de corruption, un audit citoyen revêt un aspect beaucoup plus politique et démocratique. Un comité d’audit citoyen pourrait par exemple considérer que les dettes qui ont été contractées après la crise financière de 2007-2008 pour sauver les banques sont illégitimes.
Depuis le début du XXIe siècle, des mouvements se sont développés afin de mener un audit citoyen visant à identifier les dettes illégitimes, illégales, insoutenables ou odieuses. Ces mouvements, présents dans plusieurs pays, offrent l’occasion d’une réflexion intéressante et enrichissante afin de clarifier quelle partie de la dette publique ne devrait pas être remboursée. Les initiatives citoyennes d’audit de la dette ont été particulièrement actives dans des pays tels que le Brésil et l’Équateur (depuis 2000), le Portugal (2010-2011), la France (2011-2014), la Grèce (2011-2015), l’Espagne (2010-2018), l’Italie (2013-2017), Belgique (2013-2016), Égypte (2011-2012), Tunisie (2011-2013), Argentine (2018-2022), Mexique (2022-…). Elles ont connu un déclin en Europe après la capitulation du gouvernement grec de Tsipras en 2015. Plusieurs mouvements d’activistes ont réalisé des publications pour analyser les expériences d’audits citoyens ou pour permettre de mieux les organiser [2].
Le réseau CADTM fait partie des mouvements qui se sont élevés contre les dettes illégitimes dès 1990. Le CADTM est un réseau international qui lutte pour l’abolition des dettes illégitimes, pour l’émancipation sociale, pour un monde respectueux du vivant et libre de toute forme d’oppression. Le CADTM est présent en Amérique latine, en Afrique du Nord, en Afrique subsaharienne, en Asie du Sud et en Europe. Ce réseau au fonctionnement horizontal s’est donné une mission d’éducation populaire qui passe par l’organisation et la participation à des luttes de terrains, à des mobilisations, et par la production de publications écrites comme des ouvrages ou des articles. L’une des revendications principales du CADTM est la réalisation d’un audit citoyen de la dette suivi d’une annulation de la part définie comme illégitime. Lorsque les conditions politiques sont réunies, le CADTM se rend disponible pour participer, voire coordonner des commissions d’audit de la dette, comme ce fut le cas en Équateur en 2007-2008 ou en Grèce en 2015. Nous reviendrons sur ces deux cas au cours de ce chapitre. Il s’agira d’analyser les causes de la réussite ou de l’échec du processus, en attachant une attention particulière à la dynamique de politisation par les mouvements sociaux.
L’audit de la dette équatorienne, qui a eu lieu entre 2007 et 2009, a abouti à l’annulation d’environ 7 milliards de dollars de dette publique – soit 70% de la somme « due » aux créanciers privés [3] – réinvestis dans des dépenses sociales, d’éducation, de santé, d’infrastructures… Comment cet audit a-t-il vu le jour ? Quelles conditions ont permis sa réalisation ? Quel a été le rôle du mouvement social dans la tenue de cet audit ? Quelle a été la politique du gouvernement ?
Le peuple équatorien contre la dette
À partir de la fin des années 1990, une série de mouvements sociaux équatoriens, notamment Jubilé 2000 Guayaquil (la ville commerciale la plus importante et le plus grand port de l’Équateur), a commencé à mener campagne contre la dette illégitime
Dette illégitime
C’est une dette contractée par les autorités publiques afin de favoriser les intérêts d’une minorité privilégiée.
Comment on détermine une dette illégitime ?
4 moyens d’analyse
* La destination des fonds :
l’utilisation ne profite pas à la population, bénéficie à une personne ou un groupe.
* Les circonstances du contrat :
rapport de force en faveur du créditeur, débiteur mal ou pas informé, peuple pas d’accord.
* Les termes du contrat :
termes abusifs, taux usuraires...
* La conduite des créanciers :
connaissance des créanciers de l’illégitimité du prêt.
réclamée au pays. Une campagne en faveur de l’annulation de la dette s’est mise en place à partir de 1997-1998. En parallèle, au niveau international, a été lancée la campagne Jubilé 2000. L’année 2000 devait être une année jubilaire pour le monde chrétien, et toute une série d’organisations chrétiennes – ce qui n’est pas le cas du CADTM – se sont engagées sur le thème : « L’année 2000 doit être une année du pardon des dettes. » L’Équateur est un pays chrétien et des chrétiens de gauche se sont lancés dans cette campagne.
Les positions de ces mouvements sociaux étaient au départ assez modérées et confuses. Par exemple, ils se sont rendus à une réunion du Club de Paris
Club de Paris
Créé en 1956, il s’agit du groupement de 22 États créanciers chargé de gérer les difficultés de remboursement de la dette bilatérale par les PED. Depuis sa création, la présidence est traditionnellement assurée par une Française. Les États membres du Club de Paris ont rééchelonné la dette de plus de 90 pays en développement. Après avoir détenu jusqu’à 30 % du stock de la dette du Tiers Monde, les membres du Club de Paris en sont aujourd’hui créanciers à hauteur de 10 %. La forte représentation des États membres du Club au sein d’institutions financières (FMI, Banque mondiale, etc.) et groupes informels internationaux (G7, G20, etc.) leur garantit néanmoins une influence considérable lors des négociations.
Les liens entre le Club de Paris et le FMI sont extrêmement étroits ; ils se matérialisent par le statut d’observateur dont jouit le FMI dans les réunions – confidentielles – du Club de Paris. Le FMI joue un rôle clé dans la stratégie de la dette mise en œuvre par le Club de Paris, qui s’en remet à son expertise et son jugement macroéconomiques pour mettre en pratique l’un des principes essentiels du Club de Paris : la conditionnalité. Réciproquement, l’action du Club de Paris préserve le statut de créancier privilégié du FMI et la conduite de ses stratégies d’ajustement dans les pays en voie de développement.
Site officiel : https://www.clubdeparis.fr/
en 1998 [4] en pensant qu’ils pourraient négocier une restructuration de la dette bilatérale équatorienne et obtenir un allègement très important. Au bout de deux ans, ils se sont rendu compte que le Club de Paris n’avait aucune volonté de négocier et qu’ils avaient accepté de discuter uniquement pour des questions d’image.
En 2001-2002, le CADTM international et le Centre des Droits économiques et sociaux (CDES) ont mené une campagne sur la question particulière de la dette de l’Équateur suite à la vente de bateaux de pêche par la Norvège à l’Équateur. Les deux groupes ont constitué un dossier pour démontrer que cette dette à l’égard de la Norvège était une dette illégitime, car la Norvège avait vendu ces bateaux à l’Équateur non pour servir les intérêts équatoriens, mais pour répondre à la crise d’un secteur important d’exportation de la Norvège, en l’occurrence les chantiers navals. La Norvège recherchait des pays prêts à acheter des bateaux de pêche. Ceux achetés par l’Équateur n’ont quasiment jamais servi à la pêche, mais à transporter des bananes au profit d’une des grandes fortunes du pays.
Cet exemple concret illustre comment le CADTM et d’autres mouvements sociaux comme le CDES ont commencé à mener campagne contre la dette : en ciblant une dette particulière et en introduisant la notion de dette illégitime. Les deux associations ont réussi à s’allier à l’organisation norvégienne SLUG (branche norvégienne de l’organisation internationale Debt Justice) à introduire la notion d’audit, pour faire la clarté sur ce qui était réclamé à l’Équateur.
Cette campagne s’est déroulée dans un contexte de grandes mobilisations sociales à la fin des années 1990 et au début des années 2000, avec plusieurs mouvements populaires très importants en Équateur, aboutissant à la chute de deux présidents néolibéraux en 2000 puis en 2005. En effet, en 2000, Jamil Mahuad est renversé par à une mobilisation populaire ; suite à des élections, son vice-président Gustavo Noboa, en poste entre janvier 2000 et janvier 2023, a été remplacé par Lucio Guttierez, qui a mené une campagne sur un programme anti-FMI
FMI
Fonds monétaire international
Le FMI a été créé en 1944 à Bretton Woods (avec la Banque mondiale, son institution jumelle). Son but était de stabiliser le système financier international en réglementant la circulation des capitaux.
À ce jour, 190 pays en sont membres (les mêmes qu’à la Banque mondiale).
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, un programme de gauche et anti-États-Unis. Une fois élu, ce dernier a changé son discours et s’est aligné avec les intérêts étasuniens. Cela a provoqué du mécontentement et un nouveau soulèvement populaire en 2005. Le président a dû s’échapper du palais présidentiel en hélicoptère, avant que ne soit mis en place un gouvernement de transition dont Rafael Correa, qui allait être élu président de la République en décembre 2006, était ministre des Finances, dans un contexte où le prix du pétrole est assez élevé.
À ce moment-là, les mouvements sociaux menaient campagne sur la dette depuis 7 à 8 ans. La dette était donc devenue un enjeu politique central que le gouvernement ne pouvait pas éluder. En tant que ministre des Finances, Rafael Correa a pris l’initiative d’allouer tous les suppléments de revenus créés par la hausse du prix du pétrole à des dépenses sociales d’éducation et de santé, plutôt qu’au remboursement de la dette. Face à ces choix politiques radicaux, la Banque mondiale
Banque mondiale
BM
La Banque mondiale regroupe deux organisations, la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement) et l’AID (Association internationale de développement). La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) a été créée en juillet 1944 à Bretton Woods (États-Unis), à l’initiative de 45 pays réunis pour la première Conférence monétaire et financière des Nations unies.
En 2022, 189 pays en sont membres.
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menaça de suspendre ses prêts à l’Équateur si une telle mesure était prise. Rafael Correa refusa de se plier au diktat de la Banque mondiale et préféra démissionner que de retirer son décret. Le président intérimaire qui remplaçait Guttierez lança alors une commission d’audit dont les pouvoirs étaient très restreints. Elle effectua néanmoins un travail d’étude de la dette équatorienne intéressant qui contribua à populariser encore un peu plus la question de la dette.
En 2006, lors des élections présidentielles, Correa se présente et met en avant deux points : la nécessité de changer radicalement la Constitution du pays pour une démocratisation politique fondamentale ; et la nécessité d’annuler les dettes illégitimes.
De plus, il annonce que s’il est élu président, il mettra fin à la base militaire navale mise à disposition de l’armée étasunienne par l’Équateur. Il s’agit ainsi de rendre à l’Équateur sa souveraineté et sa dignité. Il mettra aussi fin aux négociations avec les États-Unis concernant un traité de libre-échange.
Rafael Correa, commission d’audit et annulation des dettes illégitimes
Rafael Correa est élu en décembre 2006. Il mène bataille en février-mars 2007 pour un référendum sur une nouvelle Constitution, référendum qu’il gagne alors que toute l’opposition et les grands médias étaient contre lui. L’étape suivante concerne la question de la dette… à partir de mai 2007.
La première initiative de Correa est d’expulser le représentant permanent de la Banque Mondiale en Équateur. La justification est simple : la Banque Mondiale n’a pas respecté la souveraineté de l’Équateur en 2005.
En juillet 2007, par décret présidentiel, Rafael Correa institue une commission d’audit de la dette (CAIC). Du côté équatorien, il y a d’une part, des représentantes de la société civile, des mouvements sociaux, et d’autre part, quatre corps de l’État : la Cour des comptes, la commission anticorruption, le ministère des Finances et de l’Économie, et le ministère de la Justice. S’y ajoutent six expertes en matière de dette désignées par des réseaux internationaux agissant contre les dettes illégitimes : CADTM International, Latindadd, Eurodad, l’Audit citoyen de la dette (Brésil), Jubilé Allemagne.
Le mandat de cette commission était d’analyser la dette publique interne et externe accumulée entre 1976 à 2006 afin d’identifier les parties illégitimes [5]. Les membres de la commission avaient le pouvoir d’obtenir toutes les informations nécessaires au travail d’audit pour établir un rapport sur les dettes illégitimes et faire des recommandations au gouvernement et à l’État. Les membres de la commission ont travaillé quatorze mois, puis ils ont remis leurs conclusions et leurs recommandations au gouvernement. Pendant ces quatorze mois, trois réunions ont eu lieu avec la présidence de la République et le gouvernement, qui a ensuite étudié les recommandations et les conclusions de la commission pendant un mois et demi.
Une part importante de la dette avait été définie comme illégitime : les dettes pour financer des projets destructeurs pour les populations ou l’environnement ; les dettes contractées en s’appuyant sur la corruption des fonctionnaires publics ; les dettes contractées à des taux d’intérêt
Taux d'intérêt
Quand A prête de l’argent à B, B rembourse le montant prêté par A (le capital), mais aussi une somme supplémentaire appelée intérêt, afin que A ait intérêt à effectuer cette opération financière. Le taux d’intérêt plus ou moins élevé sert à déterminer l’importance des intérêts.
Prenons un exemple très simple. Si A emprunte 100 millions de dollars sur 10 ans à un taux d’intérêt fixe de 5 %, il va rembourser la première année un dixième du capital emprunté initialement (10 millions de dollars) et 5 % du capital dû, soit 5 millions de dollars, donc en tout 15 millions de dollars. La seconde année, il rembourse encore un dixième du capital initial, mais les 5 % ne portent plus que sur 90 millions de dollars restants dus, soit 4,5 millions de dollars, donc en tout 14,5 millions de dollars. Et ainsi de suite jusqu’à la dixième année où il rembourse les derniers 10 millions de dollars, et 5 % de ces 10 millions de dollars restants, soit 0,5 millions de dollars, donc en tout 10,5 millions de dollars. Sur 10 ans, le remboursement total s’élèvera à 127,5 millions de dollars. En général, le remboursement du capital ne se fait pas en tranches égales. Les premières années, le remboursement porte surtout sur les intérêts, et la part du capital remboursé croît au fil des ans. Ainsi, en cas d’arrêt des remboursements, le capital restant dû est plus élevé…
Le taux d’intérêt nominal est le taux auquel l’emprunt est contracté. Le taux d’intérêt réel est le taux nominal diminué du taux d’inflation.
usuraires ; les dettes des banques privées converties en dettes publiques ; les dettes liées à des conditionnalités
Conditionnalités
Ensemble des mesures néolibérales imposées par le FMI et la Banque mondiale aux pays qui signent un accord, notamment pour obtenir un aménagement du remboursement de leur dette. Ces mesures sont censées favoriser l’« attractivité » du pays pour les investisseurs internationaux mais pénalisent durement les populations. Par extension, ce terme désigne toute condition imposée en vue de l’octroi d’une aide ou d’un prêt.
imposées par le FMI et la Banque mondiale au mépris de la souveraineté de l’Équateur, du droit à l’autodétermination, qui violent le droit des peuples à définir leur politique de développement commerciale, fiscale, budgétaire, énergétique, leur législation du travail, qui obligent à procéder à des réductions drastiques des dépenses sociales et à la privatisation des secteurs stratégiques, etc.
En novembre 2008, à l’issue du travail de la commission d’audit, Rafael Correa a annoncé la suspension unilatérale du remboursement de la dette commerciale, c’est-à-dire la dette sous la forme de titres vendus sur les marchés financiers
Marchés financiers
Marché financier
Marché des capitaux à long terme. Il comprend un marché primaire, celui des émissions et un marché secondaire, celui de la revente. À côté des marchés réglementés, on trouve les marchés de gré à gré qui ne sont pas tenus de satisfaire à des conditions minimales.
et venant à échéance en 2012 et en 2030. Les bons « Global 2012 et 2030 » représentent environ 85 % de la dette extérieure publique sous la forme de titres [6]. Les autres composantes de la dette extérieure publique de l’Équateur étaient constituées des prêts de la Banque mondiale et d’autres institutions multilatérales (FMI, Banque interaméricaine de développement), ou de prêts bilatéraux octroyés par des États (Espagne, Japon, Italie, Brésil, etc.).
Concrètement, le pays a mis fin au paiement des intérêts dus sur des titres équatoriens vendus à Wall Street pour un montant de 3,2 milliards de dollars [7]. Pendant six mois, l’Équateur a laissé à dessein les marchés financiers dans l’incertitude complète. En conséquence, la valeur des titres de dette en question a fortement diminué sur le marché secondaire de la dette. L’Équateur a alors racheté les titres au prix le plus bas possible sans le dire officiellement. Cela a permis à l’Équateur de racheter une bonne partie des titres, puis de faire une offre aux détenteurs de titres restants. Le gouvernement a proposé de racheter le restant des titres à 35% de leur valeur. L’offre a été faite en avril 2009 et, en juin 2009, l’Équateur a annoncé officiellement qu’il avait racheté 91% des titres [8]. Les 9% de titres restants ne seraient plus rachetés. Les détenteurs des titres avaient eu suffisamment de temps pour les vendre à l’État.
L’opération a couté environ 900 millions de dollars avec lesquels le gouvernement a racheté pour 3,2 milliards de dollars de titres. L’économie globale, si on compte les titres rachetés au rabais et les intérêts qu’il n’était plus nécessaire de payer jusqu’à en 2030, est de 7 milliards de dollars. Ils ont pu être utilisés pour augmenter radicalement les dépenses publiques, en particulier dans la santé publique, dans l’éducation et dans les infrastructures. Si nous analysons le budget équatorien, nous constatons qu’à partir de 2009-2010, les dépenses qui vont au service de la dette Service de la dette Remboursements des intérêts et du capital emprunté. baissent radicalement et les dépenses qui vont aux dépenses sociales augmentent de manière extrêmement importante. Les conditions de vie de la population s’en sont trouvées franchement améliorées. Parallèlement, le salaire minimum légal a été augmenté progressivement de près de 100 %.
La suspension unilatérale du paiement de la dette – qui a été prononcée en novembre 2008 et a duré jusqu’en juin 2009 – a bien sûr suscité de fortes réactions de mécontentement des créanciers. Mais contrairement aux affirmations de la presse financière internationale et de la droite qui annonçaient des lendemains chaotiques et douloureux, rien de fâcheux pour l’Équateur ne s’est concrétisé. La victoire du pays sur ses créanciers privés étrangers a été totale. Ajoutons que lorsque l’Équateur a décidé quelques années plus tard d’émettre de nouveaux titres de la dette
Titres de la dette
Les titres de la dette publique sont des emprunts qu’un État effectue pour financer son déficit (la différence entre ses recettes et ses dépenses). Il émet alors différents titres (bons d’état, certificats de trésorerie, bons du trésor, obligations linéaires, notes etc.) sur les marchés financiers – principalement actuellement – qui lui verseront de l’argent en échange d’un remboursement avec intérêts après une période déterminée (pouvant aller de 3 mois à 30 ans).
Il existe un marché primaire et secondaire de la dette publique.
sur les marchés financiers, les investisseurs se sont précipités pour les acheter. C’est la preuve que loin de provoquer une descente aux enfers, la suspension du paiement et la réduction de la dette n’empêchent nullement des détenteurs de capitaux de prêter à nouveau au pays. En effet, les prêteurs étaient convaincus que la situation du pays s’était améliorée, et dans le cadre de la concurrence avec d’autres créanciers, ils n’ont pas hésité à prêter au pays. Il est important de bien prendre en compte ce phénomène afin d’aller à l’encontre des discours catastrophistes qui visent à convaincre les autorités et la population des pays endettés de poursuivre coûte que coûte le paiement de la dette.
Quelle conclusion tirer ?
L’exemple équatorien a réuni tous les ingrédients nécessaires pour réaliser un audit suivi d’une annulation de dette : un mouvement social fort, un gouvernement avec une volonté politique forte, et un environnement international propice avec un fort mouvement altermondialiste.
Comme dans le cas équatorien, la crise de la dette grecque, qui a éclaté en 2010, a donné lieu à une très forte mobilisation populaire. Cependant, à la différence de l’Équateur, le gouvernement d’Alexis Tsipras a manqué de volonté politique pour aboutir à l’annulation de la part illégitime de la dette publique.
Le fulgurant processus de politisation de la dette en Grèce
À l’inverse du Pasok de Georges Papandréou, parti social-démocrate arrivé au pouvoir en 2009 et persuadé que la Grèce serait épargnée par la crise financière internationale, le CADTM alertait dès 2008 sur une crise des dettes publiques à venir. Le CADTM anticipait le fait que le sauvetage des banques privées qui avaient prêté à tout-va – notamment en Grèce – sans se soucier de la solvabilité des emprunteurs privés, allait tôt ou tard aboutir à une cure d’austérité destructrice pour les peuples européens. C’est ce qu’il s’est passé en Grèce [9].
Alors que les banques avaient prêté un maximum pour réaliser le plus de profits possible, elles ont été au bord de la faillite en subissant l’onde de choc de la crise des subprimes
Subprimes
Crédits hypothécaires spéciaux développés à partir du milieu des années 2000, principalement aux États-Unis. Spéciaux car, à l’inverse des crédits « primes », ils sont destinés à des ménages à faibles revenus déjà fortement endettés et étaient donc plus risqués ; ils étaient ainsi également potentiellement plus (« sub ») rentables, avec des taux d’intérêts variables augmentant avec le temps ; la seule garantie reposant généralement sur l’hypothèque, le prêteur se remboursant alors par la vente de la maison en cas de non-remboursement. Ces crédits ont été titrisés - leurs risques ont été « dispersés » dans des produits financiers - et achetés en masse par les grandes banques, qui se sont retrouvées avec une quantité énorme de titres qui ne valaient plus rien lorsque la bulle spéculative immobilière a éclaté fin 2007.
Voir l’outil pédagogique « Le puzzle des subprimes »
étasuniennes. À ce moment-là, les pouvoirs publics ont fait le choix de les sauver en injectant de l’argent dans ces institutions financières, sans demander la moindre contrepartie ni exiger un droit de contrôle sur les futures décisions des banques. La crise de la dette privée due à la soif de profit des banques s’est transformée en une crise de dette publique, car les États se sont endettés (auprès de ces mêmes banques) pour sauver le système financier.
Le CADTM s’est mobilisé dès septembre 2010 en convoquant une réunion européenne anti-austérité à Bruxelles. En mars 2011, le CADTM participe au lancement, à Bruxelles, de la Joint Social Conference, qui deviendra Altersummit. Cette initiative visait à réunir des organisations syndicales, des mouvements sociaux, des réseaux européens. L’idée était de mettre en place des actions
Action
Actions
Valeur mobilière émise par une société par actions. Ce titre représente une fraction du capital social. Il donne au titulaire (l’actionnaire) le droit notamment de recevoir une part des bénéfices distribués (le dividende) et de participer aux assemblées générales.
et une stratégie commune pour des alternatives à la direction que prenait l’Europe à ce moment-là.
Dans le même temps, un Comité contre la dette voyait le jour en Grèce, monté par des militantes grecques du CADTM [10]. Peu à peu, à force d’énergie militante et de traductions des publications du CADTM en Grèce, les positions du CADTM ont commencé à être connues dans le pays. Des journalistes d’importants médias ont commencé à inviter des représentantes du CADTM comme Éric Toussaint pour expliquer les causes de l’explosion de la dette publique grecque, et savoir dans quelle mesure la Grèce pouvait s’inspirer de l’Équateur.
Parallèlement, l’économiste grec Costas Lapavitsas militait pour la création d’une commission d’audit réunissant des expertes, des syndicalistes, et des représentantes des mouvements sociaux [11]. Des personnes grecques ayant un écho médiatique dans leur pays commençaient à se faire entendre, et dans des médias de plus en plus importants.
Ce mouvement de politisation, passant d’abord par le milieu militant, puis par les médias, a très rapidement imprégné le monde politique. Dès la fin de l’année 2010, Sofia Sakorafa – députée grecque ayant rompu avec le Pasok suite à l’acceptation par le parti du premier mémorandum de mai 2010, marquant la recapitalisation des banques privées grecques par l’État – défend la création d’une commission d’audit de la dette grecque au Parlement. Elle n’est pas écoutée, mais le processus de prise de conscience avance à grande vitesse dans l’opinion publique.
À la même période, Costas Lapavitsas contacte Éric Toussaint pour lancer une initiative internationale pour la création d’une commission d’audit. Cet appel a été signé par plusieurs personnalités importantes de la gauche mondiale, telles que Noam Chomsky, Jean Ziegler ou Tariq Ali. Des figures politiques grecques, telles que Euclide Tsakalotos (devenu ministre des Finances du gouvernement Tsipras à partir de début juillet 2015), Panagiotis Lafazanis (un des principaux dirigeants de la plateforme de gauche dans Syriza, il a été nommé ministre de l’énergie dans le gouvernement Tsipras), Nadia Valavani (devenue vice-ministre des Finances du gouvernement Tsipras) et bien d’autres, ont également signé l’appel.
Suite à cet appel au fort écho national et international, le comité grec d’audit de la dette (ELE) est lancé en mars 2011. Il est le résultat du processus de politisation exceptionnel de la question de la dette grâce au mouvement social, combiné à l’ampleur de la crise. Dans le cadre de la version grecque du mouvement des Indignés en 2011, le comité ELE a connu un écho très important.
Pour continuer à sensibiliser sur la question en parallèle, un documentaire sur la question est diffusé à partir d’avril 2011. Nommé Debtocracy [12] et réalisé par Katerina Kitidi et Aris Chatzistefanou, il a permis d’amplifier très fortement l’écho qu’avait la proposition d’audit citoyen de la dette. Ce documentaire a été téléchargé par 1,5 millions de Grecques lors des 6 premiers mois après sa sortie [13].
Un mois après la sortie de ce documentaire, une conférence internationale co-organisée par le CADTM s’est tenue à Athènes en soutien à l’initiative d’audit citoyen de la dette. Cette conférence a rassemblé près de 3 000 personnes réparties sur trois jours. La déclaration finale de cette conférence appelait clairement à s’inspirer de l’expérience équatorienne pour apporter « une réponse radicale et souveraine au problème de la dette grecque ».
Dans le même temps, deux groupes d’action avec le nom : « Femmes contre la dette et les mesures d’austérité » se mettent en place à Athènes et Thessalonique, entre mai et juillet 2011. L’objectif était de montrer que les dettes illégitimes et les politiques d’austérité appliquées pour assurer leurs remboursements impactent spécifiquement les femmes. Au niveau européen, des militantes féministes ont parcouru les routes françaises en octobre-novembre 2012 pour réaliser une série de rencontres publiques sur le thème « Femmes d’Europe en route contre la dette illégitime et l’austérité. » Cette tournée réalisée par le CADTM en collaboration avec des Collectifs français pour un audit citoyen visait à la création d’un mouvement européen de solidarité avec la Grèce. Cette tournée a été suivie par une autre, en Italie cette fois, organisée par le réseau italien « Femmes dans la crise ». En novembre 2013, une caravane des « Femmes dans la crise » a visité 22 villes italiennes pour récolter de l’aide pour la structure autogérée du dispensaire social métropolitain de Elliniko, préfigurant ainsi le mouvement de solidarité aux dispensaires autogérés grecs qui s’est développé un peu partout en Europe.
Le mouvement, qui dépasse largement le cas de la Grèce, se poursuit en avril 2012 avec la création, à l’échelle euro-méditerranéenne, du réseau ICAN (International Citizen Debt Audit Network) [14] à l’initiative du CADTM et d’autres organisations. Douze pays sont représentés dans cette initiative : Grèce, Irlande, Portugal, Espagne, Italie, Pologne, Royaume-Uni, France, Allemagne, Belgique, Égypte et Tunisie. Dans chacun de ces pays, il y a soit un processus d’audit en cours, soit un audit ou une campagne contre l’austérité en préparation. En une année, ce nouveau réseau tient trois rencontres, dont une à Thessalonique, en Grèce, en février 2013.
À ce moment-là, les processus de politisation européens et grecs se rejoignent après trois années d’investissement militant massif et de croissance fulgurante des mouvements en faveur d’un audit de la dette. Cette rencontre à Thessalonique est l’occasion pour de nombreux activistes européens de témoigner leur solidarité avec le peuple grec, de raconter la situation qu’ils vivaient dans leur propre pays, et de rencontrer des victimes de la terrible crise économique grecque. Cela a permis à la délégation internationale de construire des ponts avec ces réalités de lutte locale et de les soutenir dans leur bataille par la suite.
La plus importante initiative fut sans doute l’Appel que le CADTM a contribué à lancer en août 2014 pour une semaine internationale de lutte européenne de solidarité avec 595 femmes de ménage du ministère des Finances grec luttant pour leur emploi [15]. Cet appel a abouti à l’organisation des manifestations de solidarité dans 14 pays d’Europe. Il est à noter que ces manifestations avaient été co-organisées ou soutenues par des syndicats européens, des mouvements féministes, collectifs citoyens ou de solidarité avec la Grèce, ATTAC, CADTM…
Enfin, il est important de mentionner les nombreuses mobilisations qui ont eu lieu en Europe en solidarité avec le peuple grec et contre les politiques de la Troïka Troïka Troïka : FMI, Commission européenne et Banque centrale européenne qui, ensemble, imposent au travers des prêts des mesures d’austérité aux pays en difficulté. . Rassemblant des syndicats, des mouvements sociaux, des partis politiques, ces mobilisations ont montré la solidarité des peuples européens envers les Grecques. En quelques années, est donc né un mouvement social important pour un audit de la dette en Grèce, soutenu et en lien avec des initiatives croissantes en Europe. Tous ces ingrédients étaient autant de sources de légitimité dans lesquelles un gouvernement de gauche qui arriverait au pouvoir pourrait aller puiser pour réaliser un audit de la dette.
Les liens entre le mouvement citoyen en faveur d’un audit de la dette et la gauche radicale : entre manque de pression populaire et manque de volonté politique
La politisation d’un problème par les mouvements sociaux a souvent pour objectif que la classe politique s’en empare pour y apporter des solutions. Après la politisation fulgurante de la question de la dette grecque, celle-ci devait être transformée par l’arrivée d’un gouvernement de gauche radicale au pouvoir qui mettrait effectivement en place les revendications d’audit et d’annulation de la dette. Il convient à présent d’étudier la réponse politique qui a fait suite à ce mouvement.
Pour ce faire, revenons en mars 2011, moment où le processus de mise à l’agenda politique de la question de la dette publique grecque n’est plus à faire. Il s’agit plutôt d’amplifier un maximum le mouvement et d’impliquer activement le plus de personnes possible pour arriver à un résultat politique. C’est l’objectif mené par la conférence internationale à Athènes, organisée par le Parti de la Gauche européenne et Synaspismos, principale composante de Syriza, en mars 2011. L’évènement réunit Alexis Tsipras, Yanis Varoufakis, Oskar Lafontaine (un des fondateurs de Die Linke), Pierre Laurent (dirigeant du PCF et du Parti de la Gauche européenne), Mariana Mortagua du Bloc de Gauche au Portugal, Euclide Tsakalotos (qui est devenu ministre des Finances après la démission de Yanis Varoufakis), Yannis Dragasakis (qui est devenu vice-premier ministre dans les gouvernements Tsipras 1 et 2), Éric Toussaint et bien d’autres [16]. Cette conférence a posé les prémices de ce qui allait se dérouler dans les années à venir. Là où Éric Toussaint défendait des mesures radicales d’annulation de dette et de réalisation d’un audit citoyen [17], Yanis Varoufakis, futur ministre des Finances du gouvernement Tsipras, et les autres représentantes de Syriza étaient beaucoup plus modérés.
En effet, parallèlement à la progression fulgurante du mouvement social grec et européen autour de cette question, certains obstacles se dressaient déjà sur le chemin d’une annulation de la dette illégitime grecque. Comme l’avait laissé transparaître cette conférence internationale, une grande partie de Syriza ne soutenait pas cette initiative. Ce fut notamment le cas de Yannis Dragasakis, l’un des principaux responsables de Syriza sur les questions économiques. Si une partie de Syriza soutenait ouvertement la réalisation d’un audit, le reste de la gauche radicale grecque y était plutôt opposé.
Enfin, une partie des soutiens à l’initiative d’audit de la dette ne se sont pas réellement impliqués pour que cet audit recueille un maximum de participation citoyenne. Ils n’ont pas pris la mesure de l’importance de compter sur une forte participation populaire pour mettre un maximum de pression sur les organisations politiques de gauche, non seulement dans la construction de leurs programmes politiques, mais aussi dans l’éventualité où elles arriveraient au pouvoir.
En conclusion, la combinaison d’un certain manque de pression populaire sur les responsables politiques de gauche radicale et du manque de volonté politique de ces derniers laissait présager la capitulation qui allait advenir.
L’illusion Syriza
Dans un premier temps, la vigueur de la campagne du comité ELE a eu un impact très positif sur le programme politique de Siriza, même si une partie de ses dirigeantes étaient réticentes à l’idée de réaliser un audit. L’audit est au cœur du programme de Syriza lors des élections de mai et juin 2012. Syriza proposait la « suspension du paiement de la dette pendant les travaux d’une commission d’audit internationale et tant que la reprise économique n’a pas redémarré ».
Syriza avait obtenu 4 % aux élections de 2009, elle réussit en mai 2012 à réunir 16 % des voix, puis 26,5 % un mois plus tard lors des élections de juin 2012, juste 2 points en dessous de Nouvelle démocratie, le grand parti de droite. Syriza est ainsi devenu le deuxième parti en Grèce. Entre les deux tours, Tsipras avance 5 propositions concrètes pour entamer des négociations avec les partis opposés à la Troïka :
1. l’abolition de toutes les mesures antisociales (y compris les réductions des salaires et des retraites) ;
2. l’abolition de toutes les mesures qui ont réduit les droits des travailleurs en matière de protection et de négociation ;
3. l’abolition immédiate de l’immunité des parlementaires et la réforme du système électoral ;
4. un audit des banques grecques ;
5. la mise sur pied d’une commission internationale d’audit de la dette combinée à la suspension du paiement de la dette jusqu’à la fin des travaux de cette commission.
Ces propositions radicales claires expliquent en bonne partie la très forte progression des voix (plus de 60% de voix supplémentaires) qui se sont portées vers Syriza entre mai et juin 2022.
Mais, en l’espace de quelques mois, l’engagement à réaliser un audit de la dette et à suspendre les paiements pendant sa réalisation a progressivement disparu du discours d’Alexis Tsipras et des autres dirigeantes de Syriza. Cela s’est fait discrètement et la cinquième mesure proposée par Tsipras en mai 2012 a été remplacée par la proposition de réunir une conférence européenne pour réduire la dette grecque.
En octobre 2012, Alexis Tsipras avait à sa disposition des documents du Fonds monétaire international prouvant que 10 des 24 membres de la direction du FMI étaient contre le Mémorandum [18], en assumant que cela n’allait pas marcher, parce que c’était un sauvetage des banques françaises et allemandes et non un plan d’aide à la Grèce. Ces documents, publiés par le Wall Street Journal, constituaient une base très solide pour déclarer l’illégalité et l’illégitimité de la dette. Finalement, Alexis Tsipras et ses proches conseillers ont considéré que le FMI pouvait être un allié de Syriza dans les négociations avec la Commission européenne. En effet, le noyau le plus proche de Tsipras souhaitait absolument éviter l’affrontement avec le FMI, les institutions européennes, les banquiers et les armateurs grecs. L’idée était également de donner des gages aux banquiers et à la Commission européenne pour qu’ils ne mettent pas trop de bâtons dans les roues de Syriza dans leur lutte pour accéder au pouvoir. Alexis Tsipras misait sur le fait que les puissances européennes, comme la France et l’Allemagne concèderaient une réduction très importante de la dette à la Grèce, comme les vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale l’avaient fait avec l’Allemagne en janvier 1953 au moment de l’accord de Londres. C’était son plan A et il n’avait pas de plan B.
Arrivée au pouvoir de Syriza et commission d’audit de la dette grecque
Malgré le scepticisme apparent du gouvernement Tsipras et de son noyau dur au sujet de l’audit de la dette, certaines personnalités qui avaient soutenu le projet d’audit dès le départ sont devenues des membres du nouveau gouvernement Syriza fin janvier 2015, après la victoire électorale du parti d’Alexis Tsipras. Par exemple, Panagiotis Lafazanis, l’un des six « super ministres » dans la hiérarchie protocolaire du premier gouvernement Tsipras, avait soutenu dès 2011 l’audit citoyen de la dette et était pour une suspension du paiement. Le juriste Georges Katroúgalos, membre actif
Actif
Actifs
En général, le terme « actif » fait référence à un bien qui possède une valeur réalisable, ou qui peut générer des revenus. Dans le cas contraire, on parle de « passif », c’est-à-dire la partie du bilan composé des ressources dont dispose une entreprise (les capitaux propres apportés par les associés, les provisions pour risques et charges ainsi que les dettes).
de l’audit citoyen de la dette (ELE), avait été nommé vice-ministre de la Réforme administrative. Éric Toussaint l’a rencontré en février 2015, et lui a demandé à être mis en contact avec la nouvelle présidente du Parlement grec afin d’installer une commission d’audit. Zoé Konstantopoulou venait d’être élue présidente du Parlement avec 290 voix, soit plus de 90 % des députés. Par l’intermédiaire de G. Katroúgalos, elle a répondu immédiatement de façon positive. Zoé Konstantopoulou [19] avait de bons rapports avec Alexis Tsipras et son travail a permis d’obtenir le soutien officiel du Président et de ses ministres lors de l’évènement public de lancement de la commission pour la vérité sur la dette grecque.
La commission était composée de 15 étrangers (provenant de 10 pays différents répartis sur 3 continents) et de 15 Grecs. Elle était coordonnée par Éric Toussaint. Différentes compétences et expériences étaient réunies dans plusieurs domaines importants : droit international, droit constitutionnel, droits humains, audit des comptes publics, finances privées dont banques, économie internationale, banque centrale Banque centrale La banque centrale d’un pays gère la politique monétaire et détient le monopole de l’émission de la monnaie nationale. C’est auprès d’elle que les banques commerciales sont contraintes de s’approvisionner en monnaie, selon un prix d’approvisionnement déterminé par les taux directeurs de la banque centrale. , statistiques, etc. Plus de la moitié des membres combinaient une de ces compétences avec une expérience en matière de mouvements sociaux. Pendant deux mois et demi, la commission a tenu des réunions de travail. Dans un premier temps, des termes de référence ont été définis – tirés du droit national et international – pour identifier les dettes illégitimes, illégales, insoutenables ou odieuses. Ensuite, les membres de la commission se sont répartis en plusieurs sous-groupes chargés d’auditer les dettes réclamées à la Grèce et de produire les différents chapitres du rapport qui a été présenté à la mi-juin 2015.
La commission a rédigé en deux mois et demi un rapport composé de 9 chapitres [20]. Le rapport a été adopté par la commission début juin et a été traduit en grec en une semaine afin de pouvoir être présenté lors d’une séance publique les 17 et 18 juin 2015. Des organisations comme la PACD (“Plataforma Auditoria Ciudadana de la Deuda”) et Jubilee Debt Campaign UK ont apporté leur soutien au travail de la Commission [21].
La commission pour la vérité sur la dette grecque a démontré que les dettes contractées par la Grèce auprès de la Troïka au cours des deux mémorandums successifs l’ont été à la condition expresse de violer des droits garantis par toute une série de pactes, de traités et de conventions internationales en matière de droits économiques, sociaux, culturels, civils et politiques. Le rapport de la commission énumère une série de violations précises [22].
Plus largement, l’apport principal de l’audit a été de rompre, preuve à l’appui, avec une narration politique dominante de la crise grecque élaborée par la Troïka, par les différents gouvernements de l’UE et par les médias dominants. L’explication qui a été donnée est totalement contraire à la vérité qu’a fait éclater l’audit. Selon la narration dominante, la dette publique aurait atteint un niveau insoutenable suite à un excès de dépenses publiques, à cause d’un État social beaucoup trop développé, d’un système de retraites trop avantageux, ou encore en raison d’une incapacité, par essence, à collecter l’impôt. Or, le rapport d’audit montre que ce qui est frappant avant tout, c’est l’explosion de la dette privée, phénomène qui déborde largement le cas grec. Au début des années 2000, les grandes banques françaises, allemandes et d’autres pays dits du « centre économique » de l’Europe ont déversé des quantités énormes de flux financiers vers les pays de la Périphérie au sein de l’UE en général et en particulier au sein de la zone euro. Cela s’est accéléré avec l’entrée de la Grèce dans la zone euro, parce que les grandes banques françaises et allemandes avaient la certitude qu’en cas de problème, il n’y aurait pas de dévaluation
Dévaluation
Modification à la baisse du taux de change d’une monnaie par rapport aux autres.
et pas de pertes. Les banquiers français et allemands étaient les plus intéressés à prêter à des agents grecs, privés principalement et non pas publics. Ils considéraient que leurs prêts seraient garantis ensuite par leur gouvernement, par la Banque centrale européenne
BCE
Banque centrale européenne
La Banque centrale européenne est une institution européenne basée à Francfort, créée en 1998. Les pays de la zone euro lui ont transféré leurs compétences en matières monétaires et son rôle officiel est d’assurer la stabilité des prix (lutter contre l’inflation) dans la dite zone.
Ses trois organes de décision (le conseil des gouverneurs, le directoire et le conseil général) sont tous composés de gouverneurs de banques centrales des pays membres et/ou de spécialistes « reconnus ». Ses statuts la veulent « indépendante » politiquement mais elle est directement influencée par le monde financier.
et par la Commission européenne qui feraient le nécessaire, en cas de problème, pour venir en aide aux créanciers.
On avait donc une augmentation énorme de la dette privée. Alors qui s’endettait en Grèce ? Qui est derrière cette dette privée ? C’étaient les ménages grecs stimulés par les offres alléchantes des banques grecques, ou même des banques allemandes et des banques françaises qui leur prêtaient directement. C’étaient les entreprises non financières grecques qui empruntaient aussi massivement à l’étranger et à bon compte. C’étaient aussi les banques grecques qui s’endettaient auprès des banques françaises et allemandes pour ensuite faire des prêts aux ménages et aux entreprises. Il est très clair que la dette privée a augmenté beaucoup plus vite et beaucoup plus fort que la dette publique. La situation critique qu’a vécue la Grèce à la fin 2009, ce n’était pas le risque d’un défaut immédiat de la Grèce sur le paiement de sa dette souveraine. Le risque, c’était l’incapacité des différents agents grecs privés qui s’étaient endettés à continuer le remboursement. C’est ce contexte de possibilité d’une crise majeure des banques grecques, et les conséquences négatives sur les banques françaises et allemandes qui a poussé la Troïka à intervenir.
Or, pour expliquer la nécessité d’apporter 110 milliards d’euros à la Grèce, pour sauver les systèmes financiers grec, français et allemand, il fallait une narration acceptable pour l’opinion publique. Et il n’était pas possible de dire en 2010, de la part des autorités européennes et du FMI, qu’on allait sauver les banquiers. On l’avait déjà fait depuis 2007-2008, l’opinion publique en avait assez. Il fallait à la Troïka une autre explication centrée sur le fait que « les pouvoirs publics grecs ont trop dépensé ». Papandréou a falsifié les statistiques grecques en passant un accord avec la direction de l’Office de statistiques grecques pour exagérer le déficit de l’État grec, pour augmenter le montant de la dette publique grecque et le pourcentage de la dette par rapport au PIB
PIB
Produit intérieur brut
Le PIB traduit la richesse totale produite sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées.
Le Produit intérieur brut est un agrégat économique qui mesure la production totale sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées. Cette mesure est notoirement incomplète ; elle ne tient pas compte, par exemple, de toutes les activités qui ne font pas l’objet d’un échange marchand. On appelle croissance économique la variation du PIB d’une période à l’autre.
, en intégrant dans la dette des éléments qui ne devaient pas y être et qui étaient en contradiction avec les normes comptables européennes d’Eurostat.
Au cours des travaux de la commission d’audit, un fossé grandissait entre ce que la commission faisait et ce à quoi consentait, de son côté, le gouvernement à l’égard des créanciers et des institutions européennes [23]. Alors que 7 milliards d’euros étaient utilisés pour rembourser la dette au FMI, à la BCE et aux banques privées, le gouvernement dépensait à peine 200 millions d’euros pour résoudre les problèmes de la crise humanitaire [24] : les problèmes de santé, les problèmes posés aux retraités, les 300 000 familles qui n’avaient plus de raccordement électrique.
Bien que cela n’apparaissait pas publiquement, le gouvernement était divisé : 6 ministres et vice ministres étaient pour la suspension du paiement de la dette (parmi lesquels se trouvaient P. Lafazanis, C. Isychos, D. Stratoulis, N. Valavani, N. Chountis,…), ils refusaient aussi les concessions en matière de privatisation et la volonté d’aller vers de nouvelles restrictions en matière de retraite. Zoe Konstantopoulou résistait également à certaines pressions de Tsipras.
Finalement, malgré le refus par le peuple grec, via le référendum du 5 juillet 2015, du plan d’austérité de la Troïka, le gouvernement dirigé par Alexis Tsipras n’a pas saisi l’occasion pour utiliser les résultats de la commission pour la vérité sur la dette grecque. Il a capitulé devant le FMI, la Commission européenne et la Banque centrale européenne. Malgré cette fin malheureuse, l’expérience de l’audit en Grèce a constitué une expérience très importante et très riche en enseignements pour le futur.
En définitive, pour mener à bien un audit de la dette, ou plus généralement des mesures radicales en faveur de la majorité de la population, deux leçons sont à retenir :
1. La nécessité pour tout gouvernement populaire (ou pour toute force de gauche qui prétend participer à un gouvernement) de résister aux créanciers, de désobéir aux institutions et aux traités européens, de s’appuyer sur des mobilisations populaires et de respecter la volonté du peuple.
2. La nécessité pour le mouvement social de maintenir une pression maximale sur les gouvernements considérés comme amis afin qu’ils ne capitulent pas et qu’ils mettent réellement en œuvre un authentique programme alternatif.
Les deux conditions ont été réunies en Équateur, où le gouvernement a réalisé avec succès un audit de la dette suivi par l’annulation d’une majorité de la dette publique extérieure détenue par les créanciers privés.
Dans le cas de la Grèce, la pression du mouvement social a permis de politiser la question de la dette à très grande vitesse, mais il a manqué la volonté politique d’Alexis Tsipras et de son proche cercle de conseillers, ainsi qu’une plus grande pression populaire sur ces derniers au moment où s’est tenue la commission pour la vérité sur la dette grecque.
Aujourd’hui, le Sud global fait face à une nouvelle crise de la dette, provoquée par la crise économique due à la pandémie de Covid-19, par la hausse du prix des céréales et des engrais chimiques, dont l’Ukraine est l’un des principaux producteurs, par la hausse du coût de l’énergie et par la hausse des taux d’intérêt décidée unilatéralement par la Banque centrale européenne, la Banque d’Angleterre et la Réserve fédérale étasunienne en 2022. Avec cette crise qui a commencé en 2022 et qui affecte un grand nombre de pays du Sud global, il est possible qu’on assiste à un renouveau des initiatives d’audits citoyens des dettes. Cela pourrait également être le cas au Nord, car les gouvernements en place utilisent l’argument de l’endettement public pour justifier un renforcement des politiques d’austérité.
Néanmoins, les mouvements dette sont moins nombreux et puissants que dans les années 2000 et 2010, et il n’y a pas de gouvernements tels que celui de Rafael Correa, avec une volonté politique suffisante pour impulser un mouvement national ou international autour d’un audit citoyen de la dette. Par exemple, le Sri Lanka a élu en 2024 un gouvernement avec une étiquette de gauche radicale, qui n’a aucunement remis en cause les engagements internationaux du Sri Lanka en matière d’endettement. Pourtant, le pays subit de plein fouet les programmes austéritaires du Fonds monétaire international qui exige privatisations, hausse de la taxe sur la valeur ajoutée et baisse des subventions aux produits de premières nécessités [25].
Malgré un contexte adverse, le CADTM poursuit son plaidoyer et son action en faveur de solutions radicales pour faire face au fardeau des dettes illégitimes.
Jessy Bailly, Les citoyens-contrôleurs de la dette publique (en France, en Espagne et en Belgique, année 2010), ULB, Aix-Marseille Université, 2021-2022. https://www.cadtm.org/Les-citoyens-controleurs-de-la-dette-publique
Camille Delannois, Sébastien Gillard, « Le « Post-Extractivisme Extractivisme Modèle de développement basé sur l’exploitation des ressources naturelles, humaines et financières, guidé par la croyance en une nécessaire croissance économique. » : Une stratégie politique pour l’Équateur et les pays du Sud, CETRI, 2018, https://www.cetri.be/IMG/pdf/post-extractivisme_-_cd_et_sg-2.pdf.
Debt Collective, Can’t Pay, Won’t Pay , 2020, https://www.haymarketbooks.org/books/1618-can-t-pay-won-t-pay
Strike Debt. The Debt Resisters’ Operations Manual, December 2013, Common Notions/PM Press
Benjamin Lemoine, Éric Toussaint (2017) History of the CADTM Anti-Debt Policies, Liège : CADTM, 2017 https://www.cadtm.org/History-of-the-CADTM-Anti-Debt
Damien Millet, Éric Toussaint, La crise, quelles crises ?, Éditions Aden, CADTM, CETIM, 2009, 285 pages.
Truth Committee on public debt, « Preliminary Report of the Truth Committee on Public Debt », 2015, https://www.cadtm.org/Preliminary-Report-of-the-Truth.
Christophe Sorg, Social Movements, and the Politics of Debt : Transnational Resistance against Debt on Three Continents, Amsterdam : Amsterdam University Press, 2022 https://www.cadtm.org/Social-Movements-and-the-Politics-of-Debt
[1] Voir Truth Committee on public debt, « Preliminary Report of the Truth Committee on Public Debt », 2015, p.10, https://www.cadtm.org/Preliminary-Report-of-the-Truth.
[2] Citons la publication du CADTM : Toussaint E. Lemoine B. (2017) History of the CADTM Anti-Debt Policies, Liège : CADTM, 2017 ; The Debt Resisters’ Operations Manual publié aux USA par le collectif Strike Debt (The Debt Resisters’ Operations Manual, December 2013, Common Notions/PM Press) : Can’t Pay, Won’t Pay , publié par le Debt Collective (2020, https://www.haymarketbooks.org/books/1618-can-t-pay-won-t-pay.) et les deux manuels d’audit citoyen publiés en plusieurs langues en 2006 (voir https://www.cadtm.org/IMG/pdf/CETIM_Angl.pdf) puis en 2015 (https://www.cadtm.org/Citizen-Public-Debt-Audit). Mentionnons également une brochure co-réalisée en 2020 par le CADTM, avec ATTAC et d’autres organisations européennes (https://www.cadtm.org/Package-of-common-demands-on-debt-and-the-need-for-citizens-control-on-finance) ainsi que deux thèses de doctorat : Christophe Sorg, “Social Movements, and the Politics of Debt : Transnational Resistance against Debt on Three Continents”, Amsterdam : Amsterdam University Press, 2022. Jessy Bailly, « Les citoyens-contrôleurs de la dette publique (en France, en Espagne et en Belgique, année 2010) », ULB, Aix-Marseille Université, 2021-2022.
[3] Camille Delannois, Sébastien Gillard, « Le « Post-Extractivisme » : Une stratégie politique pour l’Équateur et les pays du Sud, CETRI, 2018, https://www.cetri.be/IMG/pdf/post-extractivisme_-_cd_et_sg-2.pdf.
[4] Le Club de Paris est un groupe informel formé par 22 pays créanciers : Allemagne, Australie, Autriche, Belgique, Brésil, Canada, Corée, Danemark, Espagne, États-Unis, Finlande, France, Irlande, Israël, Italie, Japon, Norvège, Pays-Bas, Royaume-Uni, Russie, Suède et Suisse Il est chargé de renégocier la dette publique bilatérale (d’État à État) des pays du Sud qui ont des difficultés de paiement. Bien que très discret, il pèse lourdement sur l’actualité internationale depuis un demi-siècle. Il s’est réuni pour la première fois en mai 1956, quand l’Argentine a demandé à rencontrer ses créanciers. Le ministre français des Finances s’est proposé comme intermédiaire et le Club de Paris est né ce jour-là.
Éric Toussaint, « Les leçons de l’Équateur pour l’annulation de la dette illégitime », CADTM, 29 mai 2013, https://www.cadtm.org/les-lecons-de-l-equateur-pour-l.
[5] Éric Toussaint, « Les leçons de l’Équateur pour l’annulation de la dette illégitime », CADTM, 29 mai 2013, https://www.cadtm.org/les-lecons-de-l-equateur-pour-l.
[6] Éric Toussaint, « Équateur : Les résistances aux politiques voulues par la Banque mondiale, le FMI et les autres créanciers entre 2007 et 2011 », CADTM, 2024, https://www.cadtm.org/Equateur-Les-resistances-aux-politiques-voulues-par-la-Banque-mondiale-le-FMI.
[7] Damien Millet, Éric Toussaint, « L’Équateur dit « non » », Le Monde Diplomatique, 2015, https://www.monde-diplomatique.fr/2015/03/MILLET/52736#:~:text=En%20novembre%202008%2C%20l’Equateur%20a%20donc%20d%C3%A9cid%C3%A9,des%20titres%20valant%203%2C2%20milliards%20de%20dollars.
[8] Camille Delannois, Sébastien Gillard, art.cit.
[9] Damien Millet, Éric Toussaint, La crise, quelles crises ?, Éditions Aden, CADTM, CETIM, 2009.
[10] Christophe Sorg, “Social Movements, and the Politics of Debt : Transnational Resistance against Debt on Three Continents”, Amsterdam : Amsterdam University Press, 2022, pp. 200-207.
[11] Ibid.
[12] Katerina Kitidi, Aris Chatzistefanou, Debtocracy, 2011, https://youtu.be/qKpxPo-lInk?si=9m22dqs02nVIVnti.
[13] Eric Toussaint, Capitulation entre adultes, Syllepse, 2020, p. 38, https://www.cadtm.org/Le-nouveau-livre-d-Eric-Toussaint-Capitulation-entre-adultes-gratuitement-en.
[14] Christophe Sorg, op.cit.
[15] Sonia Mitralias, Grèce 595 femmes de ménage grecques : 11 mois de lutte acharnée contre le gouvernement et la Troïka, CADTM, Juillet 2014, https://www.cadtm.org/595-femmes-de-menage-grecques-11.
[16] Toutes les interventions qui ont eu lieu lors de cette conférence sont à retrouver dans cet ouvrage : Elena Papadopoulou and Gabriel Sakellaridis (eds.), The Political Economy of Public Debt and Austerity in the EU, Athens : Nissos Publications 2012, 290 p., ISBN : 9-789609-535465.
[17] Voir le diaporama : Éric Toussaint, Greece : Symbol of Illegitimate Debt, publié le 12 mars 2011, http://www.cadtm.org/IMG/pdf/Debt_Crisis_Athens_SITE_March2011_EricToussaint.pdf.
[18] Eric Toussaint, op.cit, p.46.
[19] Christophe Sorg, op.cit.
[20] Preliminary Report of the Truth Committee on Public Debt, 2015, https://www.cadtm.org/Preliminary-Report-of-the-Truth.
[21] Christophe Sorg, op.cit.
[22] Comité pour la vérité sur la dette publique, op.cit. chapitre 6.
[23] Sur ce sujet, lire Yanis Varoufakis, Adults in the Room : My Battle With Europe’s Deep Establishment. London and New York : Random House, 2017 et Éric Toussaint, « Greece 2015 There was an alternative by Eric Toussaint ». Resistance Books, 2020.
[24] Eric Toussaint, op.cit. p.76.
[25] Sur la question sri lankaise, lire les écrits de B. Skanthakumar, disponibles ici : https://jacobin.com/author/b-skanthakumar et en français ici : https://www.cadtm.org/B-Skanthakumar.
Docteur en sciences politiques des universités de Liège et de Paris VIII, porte-parole du CADTM international et membre du Conseil scientifique d’ATTAC France.
Il est l’auteur des livres, Banque mondiale - Une histoire critique, Syllepse, 2022, Capitulation entre adultes : Grèce 2015, une alternative était possible, Syllepse, 2020, Le Système Dette. Histoire des dettes souveraines et de leur répudiation, Les liens qui libèrent, 2017 ; Bancocratie, ADEN, Bruxelles, 2014 ; Procès d’un homme exemplaire, Éditions Al Dante, Marseille, 2013 ; Un coup d’œil dans le rétroviseur. L’idéologie néolibérale des origines jusqu’à aujourd’hui, Le Cerisier, Mons, 2010. Il est coauteur avec Damien Millet des livres AAA, Audit, Annulation, Autre politique, Le Seuil, Paris, 2012 ; La dette ou la vie, Aden/CADTM, Bruxelles, 2011. Ce dernier livre a reçu le Prix du livre politique octroyé par la Foire du livre politique de Liège.
Il a coordonné les travaux de la Commission pour la Vérité sur la dette publique de la Grèce créée le 4 avril 2015 par la présidente du Parlement grec. Cette commission a fonctionné sous les auspices du parlement entre avril et octobre 2015.
17 novembre, par Eric Toussaint , Antoine Larrache
13 novembre, par Eric Toussaint
Retour sur les Rencontres d’automne
Pourquoi la désobéissance financière est une nécessité ?10 novembre, par Eric Toussaint , Solange Koné , Zoe Konstantopoulou , Jane-Léonie Bellay
5 novembre, par Eric Toussaint , Maxime Perriot
Série Questions/Réponses sur les BRICS 2025 (Partie 6
La Nouvelle banque de développement et le Fonds monétaire des BRICS constituent-ils une alternative aux institutions de Bretton Woods ?28 octobre, par Eric Toussaint
Série Questions/Réponses sur les BRICS 2025 (Partie 5)
Les BRICS et la dé-dollarisation7 octobre, par Eric Toussaint
Série Questions/Réponses sur les BRICS 2025 (Partie 4)
La Chine et le FMI avec le soutien des BRICS+ ont offert une bouée de sauvetage au gouvernement d’extrême droite de Javier Milei en Argentine23 septembre, par Eric Toussaint
Série : Questions/Réponses sur les BRICS 2025 (Partie 3)
Les BRICS sont les nouveaux défenseurs du libre-échange, de l’OMC, du FMI et de la Banque mondiale17 septembre, par Eric Toussaint
Série Questions/Réponses sur les BRICS 2025 (Partie 2)
La passivité ou la complicité des BRICS+ avec les guerres impérialistes9 septembre, par Eric Toussaint
18 août, par Eric Toussaint
5 novembre, par Eric Toussaint , Maxime Perriot
25 juillet, par Maxime Perriot
10 juillet, par Maxime Perriot
24 juin, par Maxime Perriot
18 juin, par Maxime Perriot
19 mars, par Maxime Perriot
12 mars, par Maxime Perriot
4 mars, par Maxime Perriot
26 février, par Maxime Perriot
17 février, par Maxime Perriot