14 juillet 2015 par Yorgos Mitralias
CC- Photo de Jubilee Debt Campaign
Athènes, le 13 juillet 2015
Le funeste lundi 13 juillet 2015 peut revendiquer un seul précédent. Le 4 août tout aussi funeste du parti Social-démocrate allemand au parlement de Berlin, qui a sonné le début de la tragédie du XXe siècle. Une tragédie dont les conséquences se font sentir encore aujourd’hui…
Et pourtant, aujourd’hui comme alors, tout ce gâchis avait été précédé par des dizaines, voire des centaines de serments de fidélité aux valeurs du socialisme, au Non inébranlable que les socialistes allaient adresser aux chantages de la droite, du capital et des bourgeois. « Plus jamais la guerre » ils promettaient alors. « Je ne deviendrai pas un nouveau Papadimos » nous disaient-ils hier.
Mais, hélas, nos bons bureaucrates ont cédé aux pressions : ils ont voté alors les crédits de guerre et ils ont consenti aujourd’hui à la transformation de la Grèce en colonie de la dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
. Naturellement, tout en affirmant toujours « qu’ils ont évité le pire » et tout en promettant que très bientôt ils vont revenir au droit chemin.
Évidemment, nous savons que la suite des événements a été tout autre. Non seulement ils ne sont pas revenus sur leurs pas… socialistes, mais ils se sont éloignés de plus en plus vite de leurs racines, pour arriver finalement à traverser le Rubicon de classe et se transformer en bons et loyaux gestionnaires du système capitaliste et de sa…barbarie.
Cependant, attention. La marche des bureaucrates vers leur total avilissement et la complète trahison de leurs aspirations juvéniles, a -et continue d’avoir- sa propre logique implacable. Pour atteindre son infamie actuelle, la social-démocratie a dû non seulement nettoyer de ses rangs les impénitents des « lignes rouges » de son passé, mais aussi à les exterminer ! En effet, c’était un leader et ministre à elle le Bluthund (chien ensanglanté) Noske qui a tiré au canon contre les quartiers ouvriers des villes allemandes, a noyé dans le sang la révolte du Spartakus Bund, a assassiné Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht et… a préparé le terrain pour l’apparition et le triomphe final du monstre national-socialiste.
Et maintenant ? Serait-il vrai que tout ça n’est que des vieilles histoires qui ne sont plus de mise à notre époque « postmoderne » ? Si on croit ce qui est en train de se passer depuis qu’a été signé l’infâme accord de Bruxelles, on n’oserait pas affirmer que l’histoire ne se répète pas. La tête de Zoé et de Lafazanis [1] n’est plus demandé par leurs seuls habituels ennemis de classe, mais aussi et surtout par leurs camarades d’hier. Et malheureusement ce sont ces derniers qui se distinguent par une haine féroce à l’instar des divers Noske qui remplissent l’histoire de la social-démocratie de ces 100 derniers ans…
Alors, attention puisque l’histoire ne se répète pas toujours comme farce mais aussi comme tragédie. Comme alors, peuvent aussi aujourd’hui se produire, et sont déjà produits, des choses que la veille paraissaient tout simplement impossibles et impensables. Des choses qui dépassent l’entendement humain, comme par exemple qu’il est possible que les camarades d’hier puissent faire front commun avec leurs ennemis de classe pour réprimer les « romantiques impénitents » qui persistent à dire que « l’âne ne vole pas » ! [2]
Et le pire est qu’on entrevoit déjà dans le gouvernement et dans Syriza plusieurs médiocrités bureaucratiques qui semblent poser déjà leur candidature pour devenir demain des clones du « Bluthund » Noske…
Nous savons que la plupart des gens de gauche de bonne foi ne peuvent ni expliquer ce qui se passe, ni digérer d’un jour à l’autre la « trahison » de leurs camarades. Leur confusion est justifiée et compréhensible. D’ailleurs, n’était-ce pas Lénine lui-même qui, plusieurs jours après le funeste 4 Août 1914, refusait de croire que son bon ami Kautsky et son parti avaient voté les crédits de guerre, et continuait à considérer des « faux » et produits de l’Etat Major Allemand les exemplaires du quotidien du SPD qui faisaient l’éloge de la participation des sociaux-démocrates à l’ « Union Sacrée » et à la première boucherie mondiale ?...
Cependant, aujourd’hui comme alors l’enjeu est tellement historique d’importance vitale qu’il nous oblige à sortir au plus vite de notre perplexité et de notre confusion actuelle. C’est-à-dire, avant qu’il ne soit trop tard non seulement pour les citoyens et gens de gauche grecs mais aussi pour les travailleurs et la Gauche dans l’Europe toute entière. Et cela parce que ce Syriza –souvent idéalisé- a été jusqu’à hier la référence et l’espoir des millions des gens dans notre vieux continent, et l’actuelle soumission sans conditions de sa direction menace d’avoir des conséquences catastrophiques et de longue durée bien au-delà des frontières grecques.
En d’autres termes, c’est maintenant l’heure des grandes décisions puisque ça urge pour chacun et chacune de nous – en Grèce et en Europe - de choisir qui abandonnera et qui accompagnera pour le reste de la route ! Oui, c’est sûr que ce choix n’est ni facile ni anodin surtout à un moment où la Gauche et les mouvements sociaux ne sont pas au sommet de leur forme. Pourtant, il nous est imposé par les terribles dangers de nos temps, par les nuages noirs de la menace néofasciste qui s’amoncellent au-dessus de l’Europe, par l’actuelle arrogance et l’insolence sans limites du capitalisme triomphant qui ne peut promettre que des grands malheurs à l’humanité.
Il y a un siècle, le début de la nécessaire reconstruction et recomposition avait eu comme point de départ un certain Zimmerwald. Quel pourrait être le Zimmerwald de nos temps si difficiles et dangereux ?
[1] Zoé Konstantopoulou, présidente du Parlement grec, et Panagiotis Lafazanis, leader de la Plateforme de Gauche sont les principaux bêtes noirs de la réaction grecque.
[2] La demande ironique grecque « L’âne vole-t-il ? » s’adresse habituellement à ceux qui ont des comportements serviles envers les autorités.
Journaliste, Giorgos Mitralias est l’un des fondateurs et animateurs du Comité grec contre la dette, membre du réseau international CADTM et de la Campagne Grecque pour l’Audit de la Dette. Membre de la Commission pour la vérité sur la dette grecque et initiateur de l’appel de soutien à cette Commission.
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