Journal L’Humanité

Quand la Banque mondiale finance la destruction de la forêt tropicale

26 octobre 2007 par Jean Chatain




(L’Humanite 25/10/2007)

Une filiale de l’institution financière multiplie les cadeaux à un groupe international spécialisé dans le pillage des richesses forestières africaines.
Le bassin du Congo - accueille le deuxième plus grand massif de forêts tropicales au monde. Juste après l’Amazonie. À ce titre, sa préservation représente un enjeu capital pour la lutte contre le réchauffement climatique induit par les émissions de CO2. Ce que la Banque mondiale Banque mondiale
BM
La Banque mondiale regroupe deux organisations, la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement) et l’AID (Association internationale de développement). La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) a été créée en juillet 1944 à Bretton Woods (États-Unis), à l’initiative de 45 pays réunis pour la première Conférence monétaire et financière des Nations unies.

En 2022, 189 pays en sont membres.

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(BM) reconnaissait expressément, appelant en 2005 les autorités de la République démocratique du Congo (RDC) ainsi que les entreprises concernées à mettre en œuvre un « engagement politique pour une gestion durable de la forêt ». Et affirmant sur son site Web : « La Banque ne finance l’exploitation forestière nulle part en Afrique et nous recommandons au gouvernement de la RDC de ne pas étendre les activités d’exploitation industrielle de la forêt »…

300 000 hectares de fôret concernés

Cette pétition vise la galerie et elle seule. Au courant de l’été dernier, Greenpeace révélait qu’International Finance Corporation (IFC), société filiale du groupe de la BM, finance OLAM International Ltd, entreprise forestière basée à Singapour, pour des opérations d’exploitation illégale des forêts de la province du Bandundu. Une superficie supérieure à 300 000 hectares serait concernée, en violation du moratoire Moratoire Situation dans laquelle une dette est gelée par le créancier, qui renonce à en exiger le paiement dans les délais convenus. Cependant, généralement durant la période de moratoire, les intérêts continuent de courir.

Un moratoire peut également être décidé par le débiteur, comme ce fut le cas de la Russie en 1998, de l’Argentine entre 2001 et 2005, de l’Équateur en 2008-2009. Dans certains cas, le pays obtient grâce au moratoire une réduction du stock de sa dette et une baisse des intérêts à payer.
instauré en mai 2002 par le ministère congolais des Affaires foncières.

Dans un premier temps, la BM nie avec indignation, puis se résigne à concéder du bout des lèvres qu’une « enquête interne » corroborait malheureusement l’accusation portée, ajoutant contre toute vraisemblance que l’IFC « ne - savait pas que l’entreprise avec laquelle elle travaillait au Congo détenait une licence controversée ». Une ignorance d’autant moins crédible que OLAM s’est déjà illustrée par son mépris des lois dans d’autres pays africains comme sur le marché américain. Au passage, la BM donne un - satisfecit à la direction du groupe OLAM qui, elle aussi, aurait mené une « enquête - interne » lui révélant un pot-aux-roses méconnu jusqu’alors de son conseil d’administration. Défense de rire !

Décembre 2003, l’IFC investissait 15 millions de dollars au profit de cette entreprise aux administrateurs si naïfs ; une garantie partielle de 50 millions supplémentaires était approuvée l’année suivante ; enfin, durant l’exercice fiscal 2006, l’IFC reconnaissait détenir dans cette société 11,2 millions de dollars sous forme de prêts et de garanties Garanties Acte procurant à un créancier une sûreté en complément de l’engagement du débiteur. On distingue les garanties réelles (droit de rétention, nantissement, gage, hypothèque, privilège) et les garanties personnelles (cautionnement, aval, lettre d’intention, garantie autonome). . Pas mal pour un groupe dont « on » ne connaissait pas avec certitude les opérations ainsi financées… Ce que maintient le responsable des communications au bureau Afrique de l’IFC (basé à Johannesburg) : « Les financements de l’IFC ne visaient pas une activité spécifique », assure-t-il en réponse au journaliste africain Déo Mugongo.

Suit cette phrase elliptique : « L’IFC maintient ses actions Action
Actions
Valeur mobilière émise par une société par actions. Ce titre représente une fraction du capital social. Il donne au titulaire (l’actionnaire) le droit notamment de recevoir une part des bénéfices distribués (le dividende) et de participer aux assemblées générales.
dans OLAM. » On n’en saura pas plus. La seule chose que Desmond Dodd aura eu la pudeur d’épargner à son interlocuteur, c’est le sempiternel - discours des institutions - financières internationales proclamant que leurs subsides sont conditionnés par la « bonne gouvernance » et la volonté de « lutte contre la pauvreté » animant ou non les dirigeants africains. Lesquels, dans ce cas précis, n’en peuvent mais : Déo Mugongo relève que la poignée de fonctionnaires chargés dans les - forêts du Bandundu de faire respecter la loi sont peu ou pas formés, et surtout privés de moyens de transport et d’équipements dignes de ce nom. Très exactement quelques bicyclettes et une (vieille) machine à écrire. À rapporter aux centaines de milliers d’hectares qu’ils sont censés contrôler. Ajoutez à cela l’insécurité persistante dans une large partie du territoire de la RDC et le tableau sera complet.

Jean Chatain