Racisme ? Je dirais même plus, racisme !

29 mars 2019 par Ségolène Sn


Dessin reproduit avec l’aimable autorisation de l’auteur, Manu Scordia.

Les polémiques autour de la vision raciste et paternaliste de la BD « Tintin au Congo », le « Square Bastion » renommé « Place Patrice Lumumba » à Ixelles (Bruxelles), les excuses de l’État belge envers ses anciennes colonies africaines : « ça ne suffit pas ! ».



Pourquoi ce n’est pas suffisant ? Tout d’abord, parce que les anciennes colonies belges réclament une reconnaissance explicite du passé colonial violent de l’État belge [1]. Pour rappel, la Belgique a colonisé entre 1885 et 1962, trois pays d’Afrique : le Congo (1908-1960) [2], le Burundi et le Rwanda (1916-1962). Bien qu’ils soient devenus tout trois indépendants depuis, les crimes commis pendant cette période restent encrés chez les colonisés. En effet, le contexte dans lequel se sont effectuées ces indépendances reste problématique. Les dettes qui leur ont été léguées par l’ancienne puissance coloniale belge font perdurer des injustices flagrantes.

Par ailleurs, le racisme dont ces populations ont été victimes est toujours bel et bien présent en Belgique, que ce soit dans les domaines de l’emploi, du logement, de l’enseignement et même de l’art [3]. C’est pourquoi, la communauté afro-descendante réclame également l’adoption d’un réel plan d’actions Action
Actions
Valeur mobilière émise par une société par actions. Ce titre représente une fraction du capital social. Il donne au titulaire (l’actionnaire) le droit notamment de recevoir une part des bénéfices distribués (le dividende) et de participer aux assemblées générales.
contre le racisme [4].

Entre le 4 et 11 février, un groupe d’experts dirigé par le Haut-Commissariat des Nations-Unies aux droits de l’homme (HCDH) [5] a réalisé une mission d’observation en Belgique, à la demande de cette dernière. Le but était de déceler toute forme de discriminations envers la communauté africaine. Le constat est sans précédent : « Les discriminations raciales sont endémiques au sein des institutions belges » (Michal Balcerzak, responsable du groupe d’experts) [6]. Cette phrase est révélatrice et en dit finalement très long sur la situation.

Parmi les éléments à souligner : les omissions dans l’enseignement dispensé aux étudiants au sujet de la colonisation belge. D’après leurs observations, « un quart des diplômés du secondaire en Belgique ne sait pas que le Congo était une ancienne colonie belge » [7]. Il en va de même pour les universités qui n’abordent pas cette matière dans nombre de leurs cursus. Comme le résume très bien l’expert, si on veut parler de racisme, encore faut-il connaitre son passé.

Cependant, des initiatives commencent à voir le jour. Mardi 12 mars, des membres de l’équipe du CADTM se sont rendus au parlement fédéral pour assister à la réunion sur le « projet de résolution concernant le travail de mémoire à mener en vue de l’établissement des faits afin de permettre la reconnaissance de l’implication des diverses institutions belges dans la colonisation du Congo, du Rwanda et du Burundi » [8]. Pour rappel, cela fait maintenant quelques années que cette proposition a vu le jour et n’a toujours pas abouti…

Ce 12 mars, le quorum permettant de valider le vote n’était pas atteint (les députés MR et NVA alternant pour faire échouer le vote). La réunion fut alors reportée à la semaine suivante et aboutit au même résultat : ce 19 mars, le quorum n’était toujours pas atteint.

Pour résumer, il s’agirait de mettre en place une équipe internationale interdisciplinaire répondant à quatre missions principales : « La réalisation d’une étude historique approfondie sur le rôle structurel de l’État belge […] à l’époque de l’État indépendant du Congo ». Sur cette base, « l’élaboration d’un fil conducteur permettant aux autorités belges de tenir un discours cohérent qui n’élude pas l’implication de la Belgique » mais aussi « la formulation de recommandations sur la façon de stimuler et faciliter structurellement la recherche académique sur le colonialisme et la période coloniale belge, […] en dressant un inventaire de la documentation primaire […] ouvertes ou rendues accessibles en permanence » et enfin, « la formulation de recommandations sur les autres manières de donner, dans notre pays et notre société, la place qui convient aux conclusions de la recherche historique ».

En clair, la Belgique se doit de lutter contre toutes les formes de racisme. La communauté africaine n’étant pas la seule à y faire face. La reconnaissance du passé colonial violent implique une reconnaissance de ses actes, de véritables excuses mais aussi une série d’actions de lutte contre ce phénomène « endémique », pour reprendre les termes de l’expert onusien. Une reconnaissance et peut être des réparations.

Dans cet ordre d’idées, le CADTM s’engage à promouvoir la lutte contre le racisme. Parmi ces actions de sensibilisation, nous vous invitons à participer à la « Nuit Blanche contre les listes noires » [9] le 11 mai prochain. A cette occasion, le CADTM projettera le film « Aube Dorée ». Ce film revient sur le parti nazi grec Aube Dorée et permet d’illustrer le lien existant entre la montée de l’extrême droite et la politique d’austérité en Grèce.

Si ce sujet vous interpelle et que vous avez envie d’en savoir plus, le dernier numéro de la revue « Les Autres Voix de la Planète », éditée par le CADTM, est consacré aux dettes coloniales et aux réparations. Le dossier vous plonge au cœur du colonialisme et de ses conséquences actuelles trop souvent évitées ou non-assumées.