25 novembre 2016 par Chiara Filoni
Silvia Federici (militante féministe, écrivaine et professeure émérite de sciences sociales à l’Université Hofstra, NY) sera des nôtres aux 8 heures contre la dette illégitime, une journée entière dédiée à la réflexion autour de la dette illégitime et de son utilisation par le système capitaliste, qui fera aussi la part belle à des thématiques plus spécifiques comme la dette écologique, les banques, l’impact de l’austérité sur les femmes, les luttes actives en ce moment en Europe, etc.
Silvia Federici a dédié sa vie à l’analyse de l’exploitation des femmes par le système capitaliste et le patriarcat. Dans son œuvre la plus connue, Caliban et la sorcière : Femmes, corps et accumulation primitive, elle explique comment la chasse aux sorcières a contribué de manière déterminante à la première forme d’accumulation du système capitaliste.
L’autrice dresse un cadre complet de la condition des femmes au sein des sociétés pré-capitalistes et montre qu’à l’époque, les femmes étaient moins isolées et moins dépendantes des hommes que dans le système capitaliste. Les sociétés féodales reposaient bien entendu sur la servitude, donc l’exploitation, mais la terre était cultivée de manière communautaire, ce qui donnait davantage de liberté. Il ne s’agit pas d’idéaliser le Moyen-Age, mais de montrer que les femmes avaient leur propres récoltes (à coté de celles des hommes) et coopéraient beaucoup plus entre elles. Il y avait donc une différentiation sexuelle mais celle-ci ne mettait pas les femmes dans une position de faiblesse, comme on la connaît dans les sociétés modernes.
La chasse aux sorcières [1] (qui interdisait aux femmes de se réunir, de se promener seules dans la rue etc.) fait disparaître ces relations communautaires et restructure les rapports au sein de la famille : les femmes doivent maintenant concentrer toute leur énergie autour de la figure du mari et des relations dites « productives ». Ainsi, le travail reproductif (soin des membres de la famille, travail ménager,…) n’est pas un travail marginal quant à l’accumulation capitaliste. Or, il est entièrement confié aux femmes, ce qui libèrent les maris de celui-ci.
Cette analyse du travail reproductif permet d’élargir la question féministe pour comprendre ce qu’est le capitalisme lui-même. Il s’agit d’une forme de production, d’un système social qui doit nécessairement dévaloriser la force-travail pour accumuler, qui doit nier ce que la force-travail produit.
Silvia Federici s’intéresse aussi au sujet de la dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
, elle reprend la conception marxiste de la dette comme « un des leviers les plus puissants d’accumulation primitive de l’époque moderne ».
La dette a été un instrument de domination de classe à travers les âges – sous des formes différentes. Mais c’est avec le tournant néolibéral du capitalisme et l’extension du crédit bancaire qu’une nouvelle « économie dette » a vu le jour. Pour la première fois dans l’histoire, des millions de personnes à travers le monde se retrouvent endettées auprès des banques (exemples parmi d’autres, les dettes hypothécaires aux États- Unis ou en Espagne, les dettes étudiantes au Royaume-Uni et le microcrédit en Inde et au Maroc). La dette est également utilisée par les gouvernements et les financiers non seulement pour accumuler de la richesse mais aussi pour saper la solidarité sociale et l’État social qui a été construit par les luttes des mouvements sociaux. Nous assistons donc, comme elle l’explique dans son article, à un démantèlement de l’État Providence mais aussi à une « financiarisation de la reproduction » en ce sens qu’un nombre croissant de personnes (étudiant-e-s, bénéficiaires d’aides sociales, pensionné-e-s) ont été contraints d’emprunter auprès des banques pour acquérir des services (éducation, soins de santé, pensions) suite à l’application des mesures d’austérité. Pour l’écrivaine, la question de la reproduction est donc un enjeu stratégique fondamental. Il s’agit aussi, pour elle, de dénoncer la division internationale du travail.
Aujourd’hui, la lutte des femmes européennes, africaines et américaines à laquelle Silvia Federici prend part, continue. Par ailleurs, des mouvements anti-dette naissent partout et nécessitent d’être élargis et soutenus.
Nous seront heureux et heureuses de pouvoir débattre de tout cela avec elle, le 4 décembre à l’ULB. Ne ratez pas ce rendez-vous !
Relecture par Noémie Cravatte
[1] La chasse aux sorcières est un moment paroxysmique de la politique générale sur la question des femmes : opposition à la contraception ; opposition à l’autonomie sexuelle et sociale des femmes ; mise en place d’une position de subordination des femmes dans la société par rapport aux hommes.
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