Une, deux, trois, plusieurs places

7 août 2011 par Moisis Litsis




Eleftherotypia, 5 août 2011

Prenant par surprise le pouvoir politique et économique de l’État d’Israël, le mouvement de la place est arrivé à Tel Aviv. Des milliers de citoyens israéliens continuent de descendre l’ « avenue Rothschild » -laquelle, en passant, s’appelait jadis « avenue du Peuple »-, dans un des endroits les plus centraux de Tel Aviv avec des mots d’ordre comme : « Le peuple exige la justice sociale », « Nous voulons de la justice, pas de la charité  », « Les gens au-dessus des profits », « Quand le gouvernement est contre le peuple, le peuple est contre le gouvernement ».

Dans plusieurs de ces mots d’ordre l’influence des récentes révoltes dans le monde arabe est manifeste. « C’est le Printemps Israélien » était écrit sur un des panneaux tandis qu’un autre complétait : « Moubarak, Assad, Netanyahu » ! L’Influence du Printemps Arabe se reflète aussi dans les déclarations des manifestants. « On sent fortement l’impact des événements de la place Tahrir… Il y a sûrement une grande influence. C’est ce qui arrive quand le peuple prend conscience de sa force, de sa capacité de s’organiser par lui-même, qu’il n’a plus besoin que le gouvernement lui dise ce qu’il doit faire, et qu’il peut commencer à dire lui-même au gouvernement ce que celui-ci doit faire », déclare un jeune dans un des dizaines de reportages transmis par les médias locaux et internationaux.

Le mouvement des « Indignés » israéliens a pris son départ à partir d’une campagne à travers Facebook concernant le prix du « fromage blanc », et s’est élargi au problème épineux du manque de logements qui est dû aux sommes astronomiques qu’il faut débourser pour en acheter ou pour louer.
Les prix des logements en Israël ont augmenté en moyenne de 16,4% ou de 13,43% en plus de l’inflation Inflation Hausse cumulative de l’ensemble des prix (par exemple, une hausse du prix du pétrole, entraînant à terme un réajustement des salaires à la hausse, puis la hausse d’autres prix, etc.). L’inflation implique une perte de valeur de l’argent puisqu’au fil du temps, il faut un montant supérieur pour se procurer une marchandise donnée. Les politiques néolibérales cherchent en priorité à combattre l’inflation pour cette raison. . Dans les grandes villes, les augmentations ont été encore plus grandes. À Tel Aviv les prix des logements ont augmenté de 64% depuis 2008. À la fin 2010 le prix moyen d’une maison à Tel Aviv approchait les 500.000 dollars.

La revendication des « logements bon marché » s’est transformée rapidement en revendication de « justice sociale », mettant en évidence les énormes contradictions sociales qui existent dans la société israélienne depuis des années. L’OCDE OCDE
Organisation de coopération et de développement économiques
Créée en 1960 et basée au Château de la Muette à Paris, l’OCDE regroupait en 2002 les quinze membres de l’Union européenne auxquels s’ajoutent la Suisse, la Norvège, l’Islande ; en Amérique du Nord, les USA et le Canada ; en Asie-Pacifique, le Japon, l’Australie, la Nouvelle-Zélande. La Turquie est le seul PED à en faire partie depuis le début pour des raisons géostratégiques. Entre 1994 et 1996, deux autres pays du Tiers Monde ont fait leur entrée dans l’OCDE : le Mexique qui forme l’ALENA avec ses deux voisins du Nord ; la Corée du Sud. Depuis 1995 et 2000, se sont ajoutés quatre pays de l’ancien bloc soviétique : la République tchèque, la Pologne, la Hongrie, la Slovaquie. Puis d’autres adhésions se sont produites : en 2010, le Chili, l’Estonie, Israël et la Slovénie, en 2016 la Lettonie, en 2018 la Lituanie et, en 2020, la Colombie est devenue le trente-septième membre.

Site : www.oecd.org
, auquel Israël a été reçu triomphalement seulement en 2010 en tant que la 33e économie la plus riche, fait remarquer dans un de ses rapports récents que 39% des Israéliens trouvent « difficile ou très difficile » de vivre avec leurs revenus. La moyenne à l’OCDE est de 24%. Malgré une croissance élevée (5%) et le chômage prévu étant 5,7%, Israël reste une des sociétés les plus inégales dans le monde développé.

Il est difficile de prévoir l’aboutissement du mouvement des « Indignés » israéliens. La guerre et la répression ont « résolu » à plusieurs reprises les phénomènes d’affrontements sociaux dans les pays de la région. Pour l’instant, le mouvement au delà de la panique –« nous n’allons pas transformer les riches, les entrepreneurs, les investisseurs et les industriels en ennemis du peuple, car ils font partie de l’économie saine », déclarait il y a quelques jours le ministre des Finances israélien Yuvaal Steinitz (Likoud), brandissant la menace de… l’anarchie, si toutes les revendications de la… place allaient être satisfaites- a marqué une petite victoire en empêchant l’augmentation du prix de l’essence, exactement comme il l’avait fait avec celui du « fromage blanc ».

Ce qui est sûr est que tant que l’injustice sociale s’accentuera, de Wisconsin à Athènes, et du Caire à Tel Aviv, le monde se révoltera en exigeant l’évident : « Pain, Éducation, Liberté » !

Traduction Yorgos Mitralias


Moissis Litsis est membre fondateur du Comité grec contre la Dette (www.contra-xreos.gr) et rédacteur économique du grand quotidien « Eleftherotypia ».

Moisis Litsis

est journaliste en Grèce, ancien syndicaliste et membre du Comité grec contre la dette. (http://www.contra-xreos.gr/)

Il a travaillé pendant de nombreuses années pour le quotidien Eleftherotypia, où il était membre du comité des travailleurs, et travaille désormais pour le quotidien financier Naftemporiki.
Il a également participé à la Commission pour la vérité sur la dette grecque du Parlement grec.

-http://www.contra-xreos.gr/index.php?option=com_content&view=article&id=147:2011-08-06-21-12-03&catid=1:articles-greek&Itemid=2