[Video] La dette ou la vie : Analyse féministe de la crise multidimensionnelle

17 septembre 2021 par Silvia Federici , Camille Bruneau , Verónica Gago




Conférence du mardi 14 septembre 2021, 18h30-20h30, dans le cadre de l’Université 2021 du CADTM, Crise globale, Annulation des dettes pour la justice sociale !

Avec Silvia Federici et Verónica Gago

Silvia Federici, écrivaine, professeure et militante féministe italo-américaine, est une des figures importantes du féminisme anticapitaliste. Elle a une longue histoire de militantisme et de réflexion sur le processus de mondialisation Mondialisation (voir aussi Globalisation)
(extrait de F. Chesnais, 1997a)
Jusqu’à une date récente, il paraissait possible d’aborder l’analyse de la mondialisation en considérant celle-ci comme une étape nouvelle du processus d’internationalisation du capital, dont le grand groupe industriel transnational a été à la fois l’expression et l’un des agents les plus actifs.
Aujourd’hui, il n’est manifestement plus possible de s’en tenir là. La « mondialisation de l’économie » (Adda, 1996) ou, plus précisément la « mondialisation du capital » (Chesnais, 1994), doit être comprise comme étant plus - ou même tout autre chose - qu’une phase supplémentaire dans le processus d’internationalisation du capital engagé depuis plus d’un siècle. C’est à un mode de fonctionnement spécifique - et à plusieurs égards important, nouveau - du capitalisme mondial que nous avons affaire, dont il faudrait chercher à comprendre les ressorts et l’orientation, de façon à en faire la caractérisation.

Les points d’inflexion par rapport aux évolutions des principales économies, internes ou externes à l’OCDE, exigent d’être abordés comme un tout, en partant de l’hypothèse que vraisemblablement, ils font « système ». Pour ma part, j’estime qu’ils traduisent le fait qu’il y a eu - en se référant à la théorie de l’impérialisme qui fut élaborée au sein de l’aile gauche de la Deuxième Internationale voici bientôt un siècle -, passage dans le cadre du stade impérialiste à une phase différant fortement de celle qui a prédominé entre la fin de Seconde Guerre mondiale et le début des années 80. Je désigne celui-ci pour l’instant (avec l’espoir qu’on m’aidera à en trouver un meilleur au travers de la discussion et au besoin de la polémique) du nom un peu compliqué de « régime d’accumulation mondial à dominante financière ».

La différenciation et la hiérarchisation de l’économie-monde contemporaine de dimension planétaire résultent tant des opérations du capital concentré que des rapports de domination et de dépendance politiques entre États, dont le rôle ne s’est nullement réduit, même si la configuration et les mécanismes de cette domination se sont modifiés. La genèse du régime d’accumulation mondialisé à dominante financière relève autant de la politique que de l’économie. Ce n’est que dans la vulgate néo-libérale que l’État est « extérieur » au « marché ». Le triomphe actuel du « marché » n’aurait pu se faire sans les interventions politiques répétées des instances politiques des États capitalistes les plus puissants (en premier lieu, les membres du G7). Cette liberté que le capital industriel et plus encore le capital financier se valorisant sous la forme argent, ont retrouvée pour se déployer mondialement comme ils n’avaient pu le faire depuis 1914, tient bien sûr aussi de la force qu’il a recouvrée grâce à la longue période d’accumulation ininterrompue des « trente glorieuses » (l’une sinon la plus longue de toute l’histoire du capitalisme). Mais le capital n’aurait pas pu parvenir à ses fins sans le succès de la « révolution conservatrice » de la fin de la décennie 1970.
capitaliste et de ses effets sur la planète, partant des campagnes pour le salaire domestique à New York à la lutte contre les plans d’ajustement structurel en Afrique.

Verónica Gago est professeure à l’Université de Buenos Aires (UBA) ainsi qu’à l’Université nationale de San Martín (Unsam), et chercheuse au Conseil national de la recherche scientifique et technique (Conicet) d’Argentine. Militante et activiste féministe du Collectif féministe « Ni una menos » Argentina, elle est une référence pour comprendre la dette Dette Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
et les finances sous l’angle du féminisme.

L’augmentation des dettes publiques et des dettes privées a des conséquences directes sur l’économie domestique et spécifiquement sur la vie des femmes. Ces dernières assument particulièrement les responsabilités liées à la reproduction sociale et sont forcées de s’endetter pour soutenir leur familles, pour se nourrir, pour se loger, pour avoir accès à des soins de santé, etc. Lorsque les crises surviennent, les femmes ne sont plus capables de rembourser leur crédit. L’endettement est aussi un mécanisme qui fixe les femmes dans des foyers violents. C’est ainsi que les diktats de genre s’emboîtent avec ceux de la finance. Dès lors que la dette est un outil de renforcement du capitalisme, c’est également un outil de renforcement du patriarcat : les femmes doivent de plus en plus prendre en charge des tâches qui devraient être assurées par les services publics. À partir de l’articulation entre dette, capitalisme et patriarcat, les propositions d’actions Action
Actions
Valeur mobilière émise par une société par actions. Ce titre représente une fraction du capital social. Il donne au titulaire (l’actionnaire) le droit notamment de recevoir une part des bénéfices distribués (le dividende) et de participer aux assemblées générales.
qui émanent des mouvements féministes sont fondamentales et indispensables pour construire des alternatives et privilégier la durabilité de la vie à la durabilité des marchés. Pour ce débat, nous accueillerons trois intervenantes.


Silvia Federici

est une militante féministe, enseignante et écrivain. Elle est professeur émérite de la Hofstra University (New York). Parmi ses publications : Point zéro, propagation de la révolution : salaire ménager, reproduction sociale et lutte féministe, Éd.iXe, Donnemarie, 2016 ; Caliban et la sorcière, femmes corps et accumulation primitive, Entremonde/Senonevero, Genève-Paris/Marseille, 2014.

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