L’accumulation des réserves de change va de pair avec de très bonnes affaires pour les spéculateurs et avec l’explosion de la dette interne.
10 mars 2008 par Rodrigo Vieira de Ávila
Après avoir largement fait la publicité du remboursement anticipé du Brésil au FMI
FMI
Fonds monétaire international
Le FMI a été créé en 1944 à Bretton Woods (avec la Banque mondiale, son institution jumelle). Son but était de stabiliser le système financier international en réglementant la circulation des capitaux.
À ce jour, 190 pays en sont membres (les mêmes qu’à la Banque mondiale).
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en 2005, le 21 février 2008, le gouvernement a annoncé une supposée nouvelle étape historique à savoir que les actifs
Actif
Actifs
En général, le terme « actif » fait référence à un bien qui possède une valeur réalisable, ou qui peut générer des revenus. Dans le cas contraire, on parle de « passif », c’est-à-dire la partie du bilan composé des ressources dont dispose une entreprise (les capitaux propres apportés par les associés, les provisions pour risques et charges ainsi que les dettes).
du pays à l’étranger, constitués fondamentalement par les réserves internationales, ont dépassé la dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
externe publique et privée. Le gouvernement a présenté cela comme étant une preuve que le problème de la dette n’en est plus un.
Premièrement, il faut dire que ce supposé record n’est pas exempt de manipulations statistiques entamées en 2001 sous la présidence de Fernando Henrique Cardoso et qui ont continué sous la présidence de Lula à savoir la non comptabilisation des dettes à l’intérieur d’une multinationale - des filiales à l’intérieur du Brésil vis-à-vis de leur maison mère à l’extérieur - dans le calcul de la dette externe. Ces dettes ont doublé en 2007 passant de 20 à 42 milliards de dollars. En omettant d’inclure cette dette dans le calcul, le gouvernement peut se permettre de parler d’une nouvelle étape historique.
Deuxièmement, qu’y a t-il derrière cette accumulation effrénée de réserves de change ?
Une véritable foire aux spéculateurs nationaux et étrangers qui amènent en masse leurs dollars au Brésil pour acheter des titres de la dette
Titres de la dette
Les titres de la dette publique sont des emprunts qu’un État effectue pour financer son déficit (la différence entre ses recettes et ses dépenses). Il émet alors différents titres (bons d’état, certificats de trésorerie, bons du trésor, obligations linéaires, notes etc.) sur les marchés financiers – principalement actuellement – qui lui verseront de l’argent en échange d’un remboursement avec intérêts après une période déterminée (pouvant aller de 3 mois à 30 ans).
Il existe un marché primaire et secondaire de la dette publique.
« interne » dont les intérêts sont les plus élevés du monde, Le résultat de cela est l’explosion de la dette interne qui a atteint 1400 milliards de réales avec une augmentation de 40% en à peine deux ans, soit 835 milliards de dollars ou 555 milliards d’euros (1 real = 0,39 euro ou 0,59 dollar).
En 2007, le gouvernement fédéral a dépensé 237 milliards de reales¨ [1] en intérêts et capital de la dette externe et interne (sans compter le refinancement de cette dette) alors qu’il consacrait à peine 40 milliards de réales à la santé, 20 milliards à l’éducation et 3,5 milliards à la réforme agraire. Et avec ça le gouvernement ose affirmer que la dette n’est plus un problème.
Comme dénoncé dans la 3e édition de la brochure « l’ABC de la dette » (qui sera disponible prochainement pour la campagne d’audit citoyen de la dette du Réseau Jubilé Sud au Brésil), une récente exonération fiscale de l’impôt sur le revenu pour les revenus étrangers ainsi que l’établissement et le maintien des taux d’intérêt
Taux d'intérêt
Quand A prête de l’argent à B, B rembourse le montant prêté par A (le capital), mais aussi une somme supplémentaire appelée intérêt, afin que A ait intérêt à effectuer cette opération financière. Le taux d’intérêt plus ou moins élevé sert à déterminer l’importance des intérêts.
Prenons un exemple très simple. Si A emprunte 100 millions de dollars sur 10 ans à un taux d’intérêt fixe de 5 %, il va rembourser la première année un dixième du capital emprunté initialement (10 millions de dollars) et 5 % du capital dû, soit 5 millions de dollars, donc en tout 15 millions de dollars. La seconde année, il rembourse encore un dixième du capital initial, mais les 5 % ne portent plus que sur 90 millions de dollars restants dus, soit 4,5 millions de dollars, donc en tout 14,5 millions de dollars. Et ainsi de suite jusqu’à la dixième année où il rembourse les derniers 10 millions de dollars, et 5 % de ces 10 millions de dollars restants, soit 0,5 millions de dollars, donc en tout 10,5 millions de dollars. Sur 10 ans, le remboursement total s’élèvera à 127,5 millions de dollars. En général, le remboursement du capital ne se fait pas en tranches égales. Les premières années, le remboursement porte surtout sur les intérêts, et la part du capital remboursé croît au fil des ans. Ainsi, en cas d’arrêt des remboursements, le capital restant dû est plus élevé…
Le taux d’intérêt nominal est le taux auquel l’emprunt est contracté. Le taux d’intérêt réel est le taux nominal diminué du taux d’inflation.
extrêmement élevés et la liberté totale des mouvements de capitaux sont en train de produire les conditions d’une véritable attaque spéculative contre le Brésil.
Les investisseurs étrangers font venir leurs dollars au Brésil pour investir en bourse Bourse La Bourse est l’endroit où sont émises les obligations et les actions. Une obligation est un titre d’emprunt et une action est un titre de propriété d’une entreprise. Les actions et les obligations peuvent être revendues et rachetées à souhait sur le marché secondaire de la Bourse (le marché primaire est l’endroit où les nouveaux titres sont émis pour la première fois). ou dans les titres de la dette interne et ainsi ils font dévaluer le dollar par rapport au real, les banques et entreprises nationales en profitent également en s’endettant à l’extérieur (avec des taux d’intérêts bas) pour prêter ensuite au gouvernement brésilien via l’achat de titres de la dette interne. Etant donné les taux d’intérêt extrêmement élevés au Brésil, cela leur rapporte des fortunes.
Il n’y a pas de limite pour ces opérations et la Banque centrale Banque centrale La banque centrale d’un pays gère la politique monétaire et détient le monopole de l’émission de la monnaie nationale. C’est auprès d’elle que les banques commerciales sont contraintes de s’approvisionner en monnaie, selon un prix d’approvisionnement déterminé par les taux directeurs de la banque centrale. brésilienne achète ces dollars et émet des titres de la dette interne conformément aux flux de devises étrangères dans le pays. Lorsqu’ils reçoivent leurs bénéfices et intérêts en réales, les investisseurs peuvent les échanger contre une plus grande quantité de dollars du fait de la valorisation du réal et ainsi remplir leurs engagements vis-à-vis de l’extérieur en faisant un bénéfice supplémentaire.
En 2007, le réal a gagné 20% en valeur par rapport au dollar, cependant l’investisseur étranger qui au début 2007 avait utilisé des dollars pour acheter des titres de la dette externe brésilienne a gagné pendant cette année 2007, 13% sur base des taux et plus de 20% lorsqu’il a transformé ses profits en dollars. C’est ainsi que les investisseurs étrangers ont fait des bénéfices sur base d’un taux réel (en dollars) de plus de 30% par an.
D’autre part, en achetant les devises étrangères apportées dans le pays par les spéculateurs, la Banque centrale contribue à la baisse du dollar. La Banque centrale utilise les dollars soit des investisseurs étrangers et des exportations, soit sous forme de bons du Trésor américain (qui aident Bush a financer son déficit et ses politiques comme l’invasion de l’Irak) dont les interêts représente le tiers de ce que paie le gouvernement brésilien pour des titres de la dette interne. De plus, comme le dollar connaît une forte dévalorisation, les intérêts payés par le Trésor américain sont en réalité négatifs pour le Brésil.
Le résultat de tout ceci est un immense préjudice pour la Banque centrale qui a représenté 58,5 milliards de réales de janvier à octobre 2007. Ce préjudice pour les finances de la nation s’est élevé au double de toutes les dépenses de santé pendant la même période. A contrario, les banquiers qui ont bénéficié de cette manœuvre ont obtenu des bénéfices record.
De ce fait, la divulgation par le gouvernement de cette supposée nouvelle étape historique dissimule en réalité un véritable recyclage du mécanisme de spoliation de la dette externe sous le nouveau masque de l’endettement « interne ». Ce mécanisme est hautement rentable pour les investisseurs étrangers étant donné qu’ils contribuent à la dévalorisation de la monnaie américaine en recevant leurs bénéfices et intérêts dans une monnaie (le réal) qui n’arrête pas de se valoriser par rapport au dollar.
De plus, quand le gouvernement prétend posséder assez de ressources pour payer toute la dette externe, il s’agit d’une apologie du paiement d’une dette illégitime et déjà payée de nombreuses fois sur le sang et la sueur du peuple brésilien depuis la hausse des taux d’intérêt décidée unilatéralement par les Etats-Unis qui a multiplié plusieurs fois les taux d’intérêt d’alors sur la dette externe ce qui a poussé le Tiers monde dans la récession Récession Croissance négative de l’activité économique dans un pays ou une branche pendant au moins deux trimestres consécutifs. et une aggravation considérable du sous-développement.
Il n’y a pas de solution au problème de l’endettement sans un audit large et en profondeur pour chiffrer le nombre de fois que cette dette a été payée et son coût social et environnemental. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons nous libérer de ces chaînes qui continuent de nous emprisonner. Les dires du gouvernement visent à continuer à faire diversion à travers la divulgation de données manipulées et partielles pour disqualifier les mouvements sociaux dans leur demande d’un audit dans une tentative de dissimuler le fait que l’endettement continue à être toujours au centre des problèmes de la nation.
Rodrigo Viera de Avila est économiste de la campagne pour l’audit citoyen de la dette Réseau Jubilé Sud Brésil
[1] Soit 141 milliards de Dollars ou 94 milliards d’Euros.
Debt cancellation ?
The supposed brazillian « forgiveness » of debts of African countries18 juin 2013, par Rodrigo Vieira de Ávila
30 juillet 2009, par Maria Lucia Fattorelli , Rodrigo Vieira de Ávila
6 avril 2008, par Rodrigo Vieira de Ávila