Presque tous les dirigeants politiques, qu’ils soient de la gauche traditionnelle ou de la droite, qu’ils soient du Sud ou du Nord, vouent une véritable religion au marché, aux marchés financiers
Marchés financiers
Marché financier
Marché des capitaux à long terme. Il comprend un marché primaire, celui des émissions et un marché secondaire, celui de la revente. À côté des marchés réglementés, on trouve les marchés de gré à gré qui ne sont pas tenus de satisfaire à des conditions minimales.
en particulier. Il faudrait plutôt dire qu’ils fabriquent une religion du marché. Chaque jour, dans tous les pays du monde, une messe est dédiée au dieu Marché et ce, dans chaque foyer muni d’une télévision ou d’internet. C’est le moment où l’on rend compte de l’évolution des cotations en bourse
Bourse
La Bourse est l’endroit où sont émises les obligations et les actions. Une obligation est un titre d’emprunt et une action est un titre de propriété d’une entreprise. Les actions et les obligations peuvent être revendues et rachetées à souhait sur le marché secondaire de la Bourse (le marché primaire est l’endroit où les nouveaux titres sont émis pour la première fois).
et des marchés financiers. Le dieu Marché envoie des signaux par la voix du commentateur télévisé ou du chroniqueur financier dans la presse écrite. Ce n’est pas seulement vrai pour tous les pays les plus industrialisés, c’est vrai aujourd’hui pour la majeure partie de la planète. Que l’on soit à Shanghai ou à Dakar, à Rio de Janeiro ou à Tombouctou, on pourra connaître les “ signaux envoyés par les marchés ”. Partout, les gouvernants ont procédé à des privatisations et on a créé l’illusion que la population pouvait participer directement aux rites du marché (en achetant des actions
Action
Actions
Valeur mobilière émise par une société par actions. Ce titre représente une fraction du capital social. Il donne au titulaire (l’actionnaire) le droit notamment de recevoir une part des bénéfices distribués (le dividende) et de participer aux assemblées générales.
) et recevoir un bénéfice en retour dans la mesure où l’on a bien interprété les signaux envoyés par le dieu Marché. En réalité, la petite partie de ceux d’en bas qui a fait l’acquisition d’actions, n’a aucun poids sur les tendances du marché.
Dans quelques siècles, peut-être lira-t-on dans les livres d’Histoire que, à partir des années 1980 du XXe siècle, un culte fétichiste a fait fureur. La montée en puissance du culte en question sera peut-être mise en relation avec deux noms de chefs d’Etat : Margaret Thatcher et Ronald Reagan. On notera que ce culte a bénéficié dès le début d’une aide des pouvoirs publics et des puissances financières privées. En effet, pour que ce culte rencontre un certain écho dans les populations, il a fallu que les médias de services publics ou privés lui rendent hommage quotidiennement.
Les dieux de cette religion sont les Marchés financiers. Des temples leur sont dédiés qui ont pour nom Bourses. Seuls les grands prêtres et leurs acolytes y sont conviés. Le peuple des croyants est invité à communier avec les dieux Marchés par l’intermédiaire du petit écran de TV ou d’ordinateur, du journal quotidien, de la radio ou du guichet de la banque.
Jusqu’aux coins les plus reculés de la planète, grâce à la radio et au petit écran, des centaines de millions d’êtres humains à qui on nie le droit de satisfaire leurs besoins élémentaires, sont conviés à célébrer les dieux Marchés. Ici, au Nord, dans les journaux lus en majorité par les salariés, les ménagères, les chômeurs, une rubrique du type “ où placer votre argent ” est quotidiennement imprimée alors que l’écrasante majorité des lecteurs et lectrices ne détient pas la moindre action en bourse.
Des journalistes sont payés pour aider les croyants à comprendre les signaux envoyés par les dieux.
Pour amplifier, dans l’esprit des croyants, la puissance des dieux Marchés, des commentateurs annoncent périodiquement que ceux-ci ont envoyé des signaux aux gouvernements pour indiquer leur satisfaction ou leur mécontentement. Le gouvernement et le parlement grecs ont enfin compris le message envoyé et ont adopté un plan d’austérité de choc qui fait payer ceux d’en bas. Mais les Dieux sont mécontents du comportement de l’Espagne, du Portugal, de l’Irlande et de l’Italie. Leurs gouvernements devront aussi apporter en offrande de fortes mesures antisociales.
Les endroits où les dieux sont susceptibles de manifester leurs humeurs avec le plus de poids sont Wall Street à New York, la City à Londres, les Bourses de Paris, de Francfort ou de Tokyo. Pour mesurer leur contentement, on a inventé des instruments qui ont nom Dow Jones à New York, Nikkei à Tokyo, le CAC40 en France, le Footsie à Londres, le Dax à Francfort.
Pour s’assurer la bienveillance des dieux, les gouvernements sacrifient les systèmes de sécurité sociale sur l’autel de la Bourse. Ils privatisent, aussi.
Il faut se demander pourquoi on a donné des atours religieux à de simples opérateurs. Ils ne sont ni des inconnus, ni de purs esprits. Ils ont un nom, une adresse : ce sont les principaux dirigeants des deux cents grandes transnationales qui dominent l’économie mondiale avec l’aide du G7
G7
Groupe informel réunissant : Allemagne, Canada, États-Unis, France, Grande-Bretagne, Italie, Japon. Leurs chefs d’État se réunissent chaque année généralement fin juin, début juillet. Le G7 s’est réuni la première fois en 1975 à l’initiative du président français, Valéry Giscard d’Estaing.
, la complaisance du G20
G20
Le G20 est une structure informelle créée par le G7 (Allemagne, Canada, États-Unis, France, Italie, Japon, Royaume-Uni) à la fin des années 1990 et réactivée par lui en 2008 en pleine crise financière dans le Nord. Les membres du G20 sont : Afrique du Sud, Allemagne, Arabie saoudite, Argentine, Australie, Brésil, Canada, Chine, Corée du Sud, États-Unis, France, Inde, Indonésie, Italie, Japon, Mexique, Royaume-Uni, Russie, Turquie, Union européenne (représentée par le pays assurant la présidence de l’UE et la Banque Centrale européenne ; la Commission européenne assiste également aux réunions). L’Espagne est devenue invitée permanente. Des institutions internationales sont également invitées aux réunions : le Fonds monétaire international, la Banque mondiale. Le Conseil de stabilité financière, la BRI et l’OCDE assistent aussi aux réunions.
et des institutions, tels le FMI
FMI
Fonds monétaire international
Le FMI a été créé en 1944 à Bretton Woods (avec la Banque mondiale, son institution jumelle). Son but était de stabiliser le système financier international en réglementant la circulation des capitaux.
À ce jour, 190 pays en sont membres (les mêmes qu’à la Banque mondiale).
Cliquez pour plus de détails.
qui est revenu grâce à la crise sur le devant de la scène après une période de purgatoire. Il y a aussi la Banque mondiale
Banque mondiale
BM
La Banque mondiale regroupe deux organisations, la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement) et l’AID (Association internationale de développement). La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) a été créée en juillet 1944 à Bretton Woods (États-Unis), à l’initiative de 45 pays réunis pour la première Conférence monétaire et financière des Nations unies.
En 2022, 189 pays en sont membres.
Cliquez pour plus de détails.
et l’Organisation Mondiale du Commerce
OMC
Organisation mondiale du commerce
Créée le 1er janvier 1995 en remplacement du GATT. Son rôle est d’assurer qu’aucun de ses membres ne se livre à un quelconque protectionnisme, afin d’accélérer la libéralisation mondiale des échanges commerciaux et favoriser les stratégies des multinationales. Elle est dotée d’un tribunal international (l’Organe de règlement des différends) jugeant les éventuelles violations de son texte fondateur de Marrakech.
L’OMC fonctionne selon le mode « un pays – une voix » mais les délégués des pays du Sud ne font pas le poids face aux tonnes de documents à étudier, à l’armée de fonctionnaires, avocats, etc. des pays du Nord. Les décisions se prennent entre puissants dans les « green rooms ».
Site : www.wto.org
(celle-ci est assez mal en point mais sait-on jamais elle sera peut-être aussi à nouveau élue par les Dieux). Les gouvernements ne font pas exception : ils ont depuis l’ère de Reagan et Thatcher abandonné les moyens de contrôle qu’ils détenaient sur ces marchés financiers. Les investisseurs institutionnels (les « zinzins
Zinzins
On surnomme ’zinzins’ les investisseurs institutionnels, c’est-à-dire les gestionnaires de fonds collectifs qui ont atteint un poids financier paroxysmique sur les marchés financiers, tels les fonds de pension, les compagnies d’assurance et autres organismes de placements collectifs.
» : grandes banques, fonds de pensions, assurances, hedge funds
Hedge funds
Les hedge funds, contrairement à leur nom qui signifie couverture, sont des fonds d’investissement non cotés à vocation spéculative, qui recherchent des rentabilités élevées et utilisent abondamment les produits dérivés, en particulier les options, et recourent fréquemment à l’effet de levier (voir supra). Les principaux hedge funds sont indépendants des banques, quoique fréquemment les banques se dotent elles-mêmes de hedge funds. Ceux-ci font partie du shadow banking à côté des SPV et des Money market funds.
Un Hedge funds (ou fonds spéculatif) est une institution d’investissement empruntant afin de spéculer sur les marchés financiers mondiaux. Plus un fonds aura la confiance du monde financier, plus il sera capable de prendre provisoirement le contrôle d’actifs dépassant de beaucoup la richesse de ses propriétaires. Les revenus d’un investisseur d’un Hedge funds dépendent de ses résultats, ce qui l’incite à prendre davantage de risques. Les Hedge funds ont joué un rôle d’éclaireur dans les dernières crises financières : spéculant à la baisse, ils persuadent le gros du bataillon (les zinzins des fonds de pension et autres compagnies d’assurance) de leur clairvoyance et crée ainsi une prophétie spéculative auto-réalisatrice.
…) qui les dominent ont reçu des gouvernements des milliers de milliards de dollars sous forme de dons ou de prêts qui servent à les remettre en selle après la débâcle de 2007-2008. La banque centrale européenne, la réserve fédérale des Etats-Unis, la banque d’Angleterre leur prêtent chaque jour à un taux inférieur à l’inflation
Inflation
Hausse cumulative de l’ensemble des prix (par exemple, une hausse du prix du pétrole, entraînant à terme un réajustement des salaires à la hausse, puis la hausse d’autres prix, etc.). L’inflation implique une perte de valeur de l’argent puisqu’au fil du temps, il faut un montant supérieur pour se procurer une marchandise donnée. Les politiques néolibérales cherchent en priorité à combattre l’inflation pour cette raison.
des mannes de capitaux que les « zinzins » s’empressent d’utiliser de manière spéculative contre l’euro, contre les trésoreries des Etats,…
Aujourd’hui, l’argent peut traverser les frontières sans le moindre prélèvement d’impôt. Trois mille milliards de dollars circulent chaque jour dans le monde par-dessus les frontières. Moins de 2% de cette somme servent directement au commerce mondial ou aux investissements productifs. Plus de 98% servent à des opérations spéculatives principalement sur les monnaies, sur les titres de la dette
Titres de la dette
Les titres de la dette publique sont des emprunts qu’un État effectue pour financer son déficit (la différence entre ses recettes et ses dépenses). Il émet alors différents titres (bons d’état, certificats de trésorerie, bons du trésor, obligations linéaires, notes etc.) sur les marchés financiers – principalement actuellement – qui lui verseront de l’argent en échange d’un remboursement avec intérêts après une période déterminée (pouvant aller de 3 mois à 30 ans).
Il existe un marché primaire et secondaire de la dette publique.
, sur les matières premières.
Il faut mettre fin à cette banalisation d’une logique de mort. Il faut créer une nouvelle discipline financière, exproprier le secteur financier et de le mettre sous contrôle social, taxer fortement les « zinzins » qui ont provoqué puis profité de la crise, auditer et annuler les dettes publiques, mettre en œuvre une réforme fiscale redistributive, réduire radicalement le temps de travail afin d’embaucher massivement tout en garantissant le montant des salaires,… En deux mots, commencer à mettre en œuvre un programme anticapitaliste.
Eric Toussaint, docteur en sciences politiques, préside le CADTM Belgique (Comité pour l’annulation de la dette du tiers-monde, www.cadtm.org ) ; auteur de Un coup d’œil dans le rétroviseur. L’idéologie néolibérale des origines jusqu’à aujourd’hui, Le Cerisier, Mons, 2010 ; coauteur avec Damien Millet de La Crise. Quelles Crises ?, Aden-CADTM-Cetim, Bruxelles-Liège-Genève, 2010.
Docteur en sciences politiques des universités de Liège et de Paris VIII, porte-parole du CADTM international et membre du Conseil scientifique d’ATTAC France.
Il est l’auteur des livres, Banque mondiale - Une histoire critique, Syllepse, 2022, Capitulation entre adultes : Grèce 2015, une alternative était possible, Syllepse, 2020, Le Système Dette. Histoire des dettes souveraines et de leur répudiation, Les liens qui libèrent, 2017 ; Bancocratie, ADEN, Bruxelles, 2014 ; Procès d’un homme exemplaire, Éditions Al Dante, Marseille, 2013 ; Un coup d’œil dans le rétroviseur. L’idéologie néolibérale des origines jusqu’à aujourd’hui, Le Cerisier, Mons, 2010. Il est coauteur avec Damien Millet des livres AAA, Audit, Annulation, Autre politique, Le Seuil, Paris, 2012 ; La dette ou la vie, Aden/CADTM, Bruxelles, 2011. Ce dernier livre a reçu le Prix du livre politique octroyé par la Foire du livre politique de Liège.
Il a coordonné les travaux de la Commission pour la Vérité sur la dette publique de la Grèce créée le 4 avril 2015 par la présidente du Parlement grec. Cette commission a fonctionné sous les auspices du parlement entre avril et octobre 2015.
Quand le président Joe Biden affirme que les États-Unis n’ont jamais dénoncé aucune dette, c’est un mensonge destiné à convaincre les gens qu’il n’y a pas d’alternative à un mauvais accord bi-partisan.
Plafond de la Dette US : la répudiation de dettes par le Président Franklin Roosevelt passée sous silence28 mai, par Eric Toussaint
24 mai, par Eric Toussaint , Maxime Perriot
17 mai, par Eric Toussaint , Sushovan Dhar
16 mai, par Eric Toussaint , Maxime Perriot
12 mai, par Eric Toussaint , Maxime Perriot
Interview, Video, Mediakritiek - Lode Vanoost
Eric Toussaint : “Les crises font partie du métabolisme du système. Transformer les banques en services publics”14 avril, par Eric Toussaint , Lode Vanoost
6 avril, par Eric Toussaint , Anaïs Carton
3 avril, par Eric Toussaint , Collectif , Olivier Bonfond , Christine Pagnoulle , Paul Jorion , Jean-François Tamellini , Zoé Rongé , Économistes FGTB , Nadine Gouzée
3 avril, par CADTM , Eric Toussaint , Collectif , Anaïs Carton
22 mars, par Eric Toussaint , Dora Villanueva