Le CADTM au coeur de la semaine d’action mondiale du FSM 2008

6 février 2008


Du 19 au 26 janvier 2008, les mouvements sociaux actifs au sein du Forum Social Mondial se sont rassemblés dans leurs pays respectifs pour offrir une visibilité locale aux alternatives proposées face à la mondialisation financière.
Un contrepoint au Forum économique de Davos, grande messe néolibérale où un petit groupe de nantis décide unilatéralement du devenir de la planète.


Le CADTM, en tant que réseau international luttant au quotidien pour le respect des droits fondamentaux garantis par la Déclaration universelle de 1948, ne pouvait ni ne voulait manquer cet événement majeur. C’est pourquoi, dans de nombreux pays, les revendications portées par ce réseau se sont fait entendre :

En Belgique : en plein cœur de la capitale de l’Europe, à la Bourse Bourse La Bourse est l’endroit où sont émises les obligations et les actions. Une obligation est un titre d’emprunt et une action est un titre de propriété d’une entreprise. Les actions et les obligations peuvent être revendues et rachetées à souhait sur le marché secondaire de la Bourse (le marché primaire est l’endroit où les nouveaux titres sont émis pour la première fois). des valeurs, symbole de la dictature du capital, une action Action
Actions
Valeur mobilière émise par une société par actions. Ce titre représente une fraction du capital social. Il donne au titulaire (l’actionnaire) le droit notamment de recevoir une part des bénéfices distribués (le dividende) et de participer aux assemblées générales.
collective a rassemblé 500 personnes au cours de l’après-midi du samedi 26 janvier sous le slogan « La Bourse ou la Vie ». Ensuite, une manifestation de soutien s’est dirigée vers un bâtiment qu’occupent plus de 100 sans papiers en grève de la faim.
Le mercredi précédent, une soirée SLAM organisée par le Groupe Thomas Sankara/CADTM sur le thème « un autre monde est possible, un autre Liège aussi » avait rassemblé plus de 100 personnes.

Au Bénin : le vendredi 25 janvier 2008, le CADD (membre du réseau CADTM international) a organisé une mobilisation contre la dette Dette Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
publique béninoise devant le ministère des Finances et de l’Economie.

Au Congo Brazzaville : SOLIDAIRES-CADTM Pointe-noire a organisé les 25 et 26 des débats autour du thème de la dette avec comme conférenciers Clotaire KOUSSOUMANA et Jean Victor LEMVO. Débats suivis d’une rencontre avec trois parlementaires autour du thème de l’audit de la dette.

En Côte d’Ivoire : le 25 janvier, le FNDP a réalisé une campagne de mobilisation et de sensibilisation autour des thèmes « Audit citoyen pour une annulation totale et inconditionnelle de la dette » et « Enjeux du Forum social mondial » tandis qu’il organisait le 26 janvier une conférence de presse pour rendre compte des acquis du Séminaire d’Abidjan de décembre (voir Les Autres Voix de la Planète n°37).

En France : participation du CADTM Grenoble à un temps fort d’information (avec panneaux, stands, animation, prises de parole...) contre les logiques de guerres, le samedi 19 janvier au centre ville. A Lyon s’est tenu un rassemblement avec forums, débats et stands d’information.

En Guinée Conakry : la Coalition citoyenne des alternatives dette et développement, et de défense des intérêts fondamentaux de Guinée (CADIF-Guinée), ainsi que de nombreux autres acteurs sociaux ont organisé une mobilisation contre la dette publique avec la remise de la Déclaration du Séminaire régional Afrique de l’Ouest du réseau CADTM, tenu à Abidjan du 19 au 22 décembre 2007.

En Inde : le VAK-CADTM participait à une caravane de voitures le 26 janvier à Mumbai tandis que le 24 au Kerala (Sud Est de l’Inde), Eric Toussaint et Denise Comanne (CADTM Belgique) participaient à une rencontre intitulée « Impact de la mondialisation Mondialisation (voir aussi Globalisation)
(extrait de F. Chesnais, 1997a)
Jusqu’à une date récente, il paraissait possible d’aborder l’analyse de la mondialisation en considérant celle-ci comme une étape nouvelle du processus d’internationalisation du capital, dont le grand groupe industriel transnational a été à la fois l’expression et l’un des agents les plus actifs.
Aujourd’hui, il n’est manifestement plus possible de s’en tenir là. La « mondialisation de l’économie » (Adda, 1996) ou, plus précisément la « mondialisation du capital » (Chesnais, 1994), doit être comprise comme étant plus - ou même tout autre chose - qu’une phase supplémentaire dans le processus d’internationalisation du capital engagé depuis plus d’un siècle. C’est à un mode de fonctionnement spécifique - et à plusieurs égards important, nouveau - du capitalisme mondial que nous avons affaire, dont il faudrait chercher à comprendre les ressorts et l’orientation, de façon à en faire la caractérisation.

Les points d’inflexion par rapport aux évolutions des principales économies, internes ou externes à l’OCDE, exigent d’être abordés comme un tout, en partant de l’hypothèse que vraisemblablement, ils font « système ». Pour ma part, j’estime qu’ils traduisent le fait qu’il y a eu - en se référant à la théorie de l’impérialisme qui fut élaborée au sein de l’aile gauche de la Deuxième Internationale voici bientôt un siècle -, passage dans le cadre du stade impérialiste à une phase différant fortement de celle qui a prédominé entre la fin de Seconde Guerre mondiale et le début des années 80. Je désigne celui-ci pour l’instant (avec l’espoir qu’on m’aidera à en trouver un meilleur au travers de la discussion et au besoin de la polémique) du nom un peu compliqué de « régime d’accumulation mondial à dominante financière ».

La différenciation et la hiérarchisation de l’économie-monde contemporaine de dimension planétaire résultent tant des opérations du capital concentré que des rapports de domination et de dépendance politiques entre États, dont le rôle ne s’est nullement réduit, même si la configuration et les mécanismes de cette domination se sont modifiés. La genèse du régime d’accumulation mondialisé à dominante financière relève autant de la politique que de l’économie. Ce n’est que dans la vulgate néo-libérale que l’État est « extérieur » au « marché ». Le triomphe actuel du « marché » n’aurait pu se faire sans les interventions politiques répétées des instances politiques des États capitalistes les plus puissants (en premier lieu, les membres du G7). Cette liberté que le capital industriel et plus encore le capital financier se valorisant sous la forme argent, ont retrouvée pour se déployer mondialement comme ils n’avaient pu le faire depuis 1914, tient bien sûr aussi de la force qu’il a recouvrée grâce à la longue période d’accumulation ininterrompue des « trente glorieuses » (l’une sinon la plus longue de toute l’histoire du capitalisme). Mais le capital n’aurait pas pu parvenir à ses fins sans le succès de la « révolution conservatrice » de la fin de la décennie 1970.
sur les paysans pauvres » et le 26, à un rassemblement de syndicats de pêcheurs près de la capitale du Kerala, Thiruvananthapuram.

Au Mali : la CAD Mali participait à une conférence populaire traitant des Accords de Partenariat Economique (APE) qui a rassemblé plus de 500 personnes.

Au Maroc : les militants d’ATTAC/CADTM Maroc ont participé activement du 25 au 27 janvier à des journées d’action et de mobilisation du Forum Social Maroc qui ont rassemblé un peu plus de 1.400 personnes. Y ont pris la parole Victor Nzuzi du CADTM en RDC et Solange Koné du FNDP-CADTM en Côte d’Ivoire ainsi que des délégués de RAID-CADTM Tunisie.

En Mauritanie : le CS/ASCM pour l’annulation de la Dette/Mauritanie a organisé deux réunions de sensibilisation et a confectionné des banderoles que les militants ont accrochées aux principaux carrefours de la capitale.

Au Niger : le RNDD, en collaboration avec le Groupe Alternative Espaces Citoyens, a animé un débat sur Radio Alternative à propos de la dette et des PPTE PPTE
Pays pauvres très endettés
L’initiative PPTE, mise en place en 1996 et renforcée en septembre 1999, est destinée à alléger la dette des pays très pauvres et très endettés, avec le modeste objectif de la rendre juste soutenable.

Elle se déroule en plusieurs étapes particulièrement exigeantes et complexes.

Tout d’abord, le pays doit mener pendant trois ans des politiques économiques approuvées par le FMI et la Banque mondiale, sous forme de programmes d’ajustement structurel. Il continue alors à recevoir l’aide classique de tous les bailleurs de fonds concernés. Pendant ce temps, il doit adopter un document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP), parfois juste sous une forme intérimaire. À la fin de ces trois années, arrive le point de décision : le FMI analyse le caractère soutenable ou non de l’endettement du pays candidat. Si la valeur nette du ratio stock de la dette extérieure / exportations est supérieure à 150 % après application des mécanismes traditionnels d’allégement de la dette, le pays peut être déclaré éligible. Cependant, les pays à niveau d’exportations élevé (ratio exportations/PIB supérieur à 30 %) sont pénalisés par le choix de ce critère, et on privilégie alors leurs recettes budgétaires plutôt que leurs exportations. Donc si leur endettement est manifestement très élevé malgré un bon recouvrement de l’impôt (recettes budgétaires supérieures à 15 % du PIB, afin d’éviter tout laxisme dans ce domaine), l’objectif retenu est un ratio valeur nette du stock de la dette / recettes budgétaires supérieur à 250 %. Si le pays est déclaré admissible, il bénéficie de premiers allégements de son service de la dette et doit poursuivre avec les politiques agréées par le FMI et la Banque mondiale. La durée de cette période varie entre un et trois ans, selon la vitesse de mise en œuvre des réformes clés convenues au point de décision. À l’issue, arrive le point d’achèvement. L’allégement de la dette devient alors acquis pour le pays.

Le coût de cette initiative est estimé par le FMI en 2019 à 76,2 milliards de dollars, soit environ 2,54 % de la dette extérieure publique du Tiers Monde actuelle. Les PPTE sont au nombre de 39 seulement, dont 33 en Afrique subsaharienne, auxquels il convient d’ajouter l’Afghanistan, la Bolivie, le Guyana, Haïti, le Honduras et le Nicaragua. Au 31 mars 2006, 29 pays avaient atteint le point de décision, et seulement 18 étaient parvenus au point d’achèvement. Au 30 juin 2020, 36 pays ont atteint le point d’achèvement. La Somalie a atteint le point de décision en 2020. L’Érythrée et le Soudan n’ont pas encore atteint le point de décision.

Alors qu’elle devait régler définitivement le problème de la dette de ces 39 pays, cette initiative a tourné au fiasco : leur dette extérieure publique est passée de 126 à 133 milliards de dollars, soit une augmentation de 5,5 % entre 1996 et 2003.

Devant ce constat, le sommet du G8 de 2005 a décidé un allégement supplémentaire, appelée IADM (Initiative d’allégement de la dette multilatérale), concernant une partie de la dette multilatérale des pays parvenus au point de décision, c’est-à-dire des pays ayant soumis leur économie aux volontés des créanciers. Les 43,3 milliards de dollars annulés via l’IADM pèsent bien peu au regard de la dette extérieure publique de 209,8 milliards de dollars ces 39 pays au 31 décembre 2018.
(pays pauvres très endettés).

Au Pakistan : une semaine d’action a eu lieu. La situation particulière du pays a constitué le sujet central du séminaire tenu par le Labour Education Foundation.

En République démocratique du Congo : les débats et conférences ont porté sur les fonds détournés par Mobutu, la dette odieuse Dette odieuse Selon la doctrine, pour qu’une dette soit odieuse, et donc nulle, elle doit remplir deux conditions :
1) Elle doit avoir été contractée contre les intérêts de la Nation, ou contre les intérêts du Peuple, ou contre les intérêts de l’État.
2) Les créanciers ne peuvent pas démontrer qu’ils ne pouvaient pas savoir que la dette avait été contractée contre les intérêts de la Nation.

Il faut souligner que selon la doctrine de la dette odieuse, la nature du régime ou du gouvernement qui la contracte n’est pas particulièrement importante, puisque ce qui compte, c’est l’utilisation qui est faite de cette dette. Si un gouvernement démocratique s’endette contre l’intérêt de la population, cette dette peut être qualifiée d’odieuse, si elle remplit également la deuxième condition. Par conséquent, contrairement à une version erronée de cette doctrine, la dette odieuse ne concerne pas seulement les régimes dictatoriaux.
(voir : Eric Toussaint, « La Dette odieuse selon Alexander Sack et selon le CADTM » ).

Le père de la doctrine de la dette odieuse, Alexander Nahum Sack, dit clairement que les dettes odieuses peuvent être attribuées à un gouvernement régulier. Sack considère qu’une dette régulièrement contractée par un gouvernement régulier peut être considérée comme incontestablement odieuse... si les deux critères ci-dessus sont remplis.

Il ajoute : « Ces deux points établis, c’est aux créanciers que reviendrait la charge de prouver que les fonds produits par lesdits emprunts avaient été en fait utilisés non pour des besoins odieux, nuisibles à la population de tout ou partie de l’État, mais pour des besoins généraux ou spéciaux de cet État, qui n’offrent pas un caractère odieux ».

Sack a défini un gouvernement régulier comme suit :
« On doit considérer comme gouvernement régulier le pouvoir suprême qui existe effectivement dans les limites d’un territoire déterminé. Que ce pouvoir soit monarchique (absolu ou limité) ou républicain ; qu’il procède de la « grâce de Dieu » ou de la « volonté du peuple » ; qu’il exprime la « volonté du peuple » ou non, du peuple entier ou seulement d’une partie de celui-ci ; qu’il ait été établi légalement ou non, etc., tout cela n’a pas d’importance pour le problème qui nous occupe. »

Donc, il n’y a pas de doute à avoir sur la position de Sack, tous les gouvernements réguliers, qu’ils soient despotiques ou démocratiques, sous différentes variantes, sont susceptibles de contracter des dettes odieuses.
(avec les élèves de l’école Kilwa) ou encore le pillage des ressources naturelles.

Au Togo : le vendredi 25 janvier, s’est tenue une conférence sur l’audit citoyen de la dette au Forum social ouest africain (FSOA). Samedi 26 janvier, une Marche pour la journée d’action du Forum social mondial s’est centrée sur le thème « Attac la dette ». Une interview accordée à la première chaîne de télévision togolaise sur les APE est passée au journal de 20h. Dimanche 27 janvier, une Marche pour la paix et contre les APE a clôturé le FSOA.

Cette liste d’activités du réseau n’est pas exhaustive. Ce qui importe, c’est qu’au delà du réseau CADTM International, nous avons assisté durant cette semaine à une mobilisation planétaire. Une semaine qui a servi à renforcer les bases d’un avenir plus juste et solidaire. Verrons-nous le 26 janvier devenir le jour symbolique, le point d’orgue des luttes contre l’irresponsabilité financière ? Nous l’espérons, tout en sachant que seul l’engagement du plus grand nombre reste la clé qui ouvre les portes d’un monde meilleur pour toutes et tous.

Pour une vue d’ensemble des actions de cette semaine, sentez-vous libre de visiter le site du forum social mondial, mais aussi d’y poster vos propres reportages, écrits et documents audiovisuels. : http://www.wsf2008.net/fr


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