Communiqué de presse

Le CADTM salue la décision du Parquet de Paris d’ouvrir une enquête préliminaire sur les avoirs détournés par deux dictateurs africains

27 juin 2007




Au moment où la Suisse vient de prolonger de trois mois le gel des avoirs de l’ancien dictateur haïtien Jean-Claude Duvalier, le Procureur près du Tribunal de grande instance de Paris a accepté, le 18 juin 2007, d’ouvrir une enquête préliminaire sur les avoirs détournés par les présidents Denis Sassou Nguesso du Congo-Brazzaville et Omar Bongo du Gabon. Cette décision fait suite à une plainte pénale déposée le 27 mars 2007 par Sherpa, une association française de juristes qui lutte contre l’impunité des auteurs de violations de droits humains, aux côtés de deux autres organisations françaises : Survie, militant contre la « Françafrique », et la Fédération des Congolais de la diaspora.

Les deux présidents africains concernés et leurs familles sont accusés de recel et de complicité de recel de détournement de biens publics [1] au motif qu’ils possèderaient en France des biens (notamment de somptueuses maisons et de vastes appartements) financés par de l’argent public détourné. L’ouverture de cette enquête par la justice française s’inscrit dans ce mouvement de droit international qui considère qu’un chef d’Etat en exercice ne peut se prévaloir d’une quelconque immunité s’agissant de ses biens (mobiliers et fonciers) dès lors qu’ils ont été acquis en commettant une infraction (en l’occurrence, le détournement de biens publics). S’agissant des membres de leurs familles visés par la plainte, ils ne bénéficient évidemment d’aucune forme d’immunité.

Soulignons que ces deux présidents africains ont déjà fait l’objet d’enquêtes de même nature. Un juge d’instruction suisse avait tenté de bloquer les comptes d’Omar Bongo en 1998 et une enquête du Sénat américain avait dévoilé ses comptes secrets en 2000. Denis Sassou Nguesso, quant à lui, est suspecté de détourner des sommes considérables issues de l’exploitation pétrolière. Un rapport du FMI FMI
Fonds monétaire international
Le FMI a été créé en 1944 à Bretton Woods (avec la Banque mondiale, son institution jumelle). Son but était de stabiliser le système financier international en réglementant la circulation des capitaux.

À ce jour, 190 pays en sont membres (les mêmes qu’à la Banque mondiale).

Cliquez pour plus de détails.
a établi qu’entre 1999 et 2002, 248 millions de dollars provenant de l’extraction du brut n’ont pas été inscrits dans la comptabilité nationale et ont été détournés. La fortune de Sassou s’élève aujourd’hui à plus d’un milliard de dollars alors que le peuple congolais ne tire aucun bénéfice de l’exploitation des ressources naturelles qui pourtant lui appartiennent. L’enjeu est de taille : la restitution pure et simple aux populations du Gabon et du Congo-Brazzaville des biens mal acquis par les accusés. En effet, la France a ratifié la Convention internationale contre la corruption de Mérida qui consacre la restitution des biens détournés comme principe fondamental du droit international.

Mais cette accusation - fondée - portée contre ces dictateurs ne doit pas occulter le rôle majeur d’autres acteurs internationaux et non des moindres :

- les grandes puissances qui ont soutenu et soutiennent encore de tels régimes, notamment les différents dirigeants français ;

- les sociétés transnationales, comme Elf au Congo-Brazzaville, qui facilitent ces détournements ;

- la Banque mondiale Banque mondiale
BM
La Banque mondiale regroupe deux organisations, la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement) et l’AID (Association internationale de développement). La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) a été créée en juillet 1944 à Bretton Woods (États-Unis), à l’initiative de 45 pays réunis pour la première Conférence monétaire et financière des Nations unies.

En 2022, 189 pays en sont membres.

Cliquez pour plus de détails.
et le FMI, qui imposent des politiques néolibérales violentes, favorables aux grandes entreprises du Nord, et qui encouragent l’exploitation effrénée des ressources naturelles du tiers-monde au prétexte du remboursement de leur dette Dette Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
.

Par conséquent, l’annulation totale et inconditionnelle de la dette extérieure publique du tiers-monde est la condition indispensable pour mettre fin à une domination savamment orchestrée par les principaux promoteurs de la mondialisation Mondialisation (voir aussi Globalisation)
(extrait de F. Chesnais, 1997a)
Jusqu’à une date récente, il paraissait possible d’aborder l’analyse de la mondialisation en considérant celle-ci comme une étape nouvelle du processus d’internationalisation du capital, dont le grand groupe industriel transnational a été à la fois l’expression et l’un des agents les plus actifs.
Aujourd’hui, il n’est manifestement plus possible de s’en tenir là. La « mondialisation de l’économie » (Adda, 1996) ou, plus précisément la « mondialisation du capital » (Chesnais, 1994), doit être comprise comme étant plus - ou même tout autre chose - qu’une phase supplémentaire dans le processus d’internationalisation du capital engagé depuis plus d’un siècle. C’est à un mode de fonctionnement spécifique - et à plusieurs égards important, nouveau - du capitalisme mondial que nous avons affaire, dont il faudrait chercher à comprendre les ressorts et l’orientation, de façon à en faire la caractérisation.

Les points d’inflexion par rapport aux évolutions des principales économies, internes ou externes à l’OCDE, exigent d’être abordés comme un tout, en partant de l’hypothèse que vraisemblablement, ils font « système ». Pour ma part, j’estime qu’ils traduisent le fait qu’il y a eu - en se référant à la théorie de l’impérialisme qui fut élaborée au sein de l’aile gauche de la Deuxième Internationale voici bientôt un siècle -, passage dans le cadre du stade impérialiste à une phase différant fortement de celle qui a prédominé entre la fin de Seconde Guerre mondiale et le début des années 80. Je désigne celui-ci pour l’instant (avec l’espoir qu’on m’aidera à en trouver un meilleur au travers de la discussion et au besoin de la polémique) du nom un peu compliqué de « régime d’accumulation mondial à dominante financière ».

La différenciation et la hiérarchisation de l’économie-monde contemporaine de dimension planétaire résultent tant des opérations du capital concentré que des rapports de domination et de dépendance politiques entre États, dont le rôle ne s’est nullement réduit, même si la configuration et les mécanismes de cette domination se sont modifiés. La genèse du régime d’accumulation mondialisé à dominante financière relève autant de la politique que de l’économie. Ce n’est que dans la vulgate néo-libérale que l’État est « extérieur » au « marché ». Le triomphe actuel du « marché » n’aurait pu se faire sans les interventions politiques répétées des instances politiques des États capitalistes les plus puissants (en premier lieu, les membres du G7). Cette liberté que le capital industriel et plus encore le capital financier se valorisant sous la forme argent, ont retrouvée pour se déployer mondialement comme ils n’avaient pu le faire depuis 1914, tient bien sûr aussi de la force qu’il a recouvrée grâce à la longue période d’accumulation ininterrompue des « trente glorieuses » (l’une sinon la plus longue de toute l’histoire du capitalisme). Mais le capital n’aurait pas pu parvenir à ses fins sans le succès de la « révolution conservatrice » de la fin de la décennie 1970.
néolibérale, et dont les deux dictateurs africains mis en cause ne sont finalement que la partie émergée de l’iceberg.


Notes

[1Le recel de détournement de biens public est réprimé par la combinaison des articles 432-15 et 321-1 du Code pénal français : « Le recel est le fait de dissimuler, de détenir ou de transmettre une chose, ou de faire office d’intermédiaire afin de la transmettre, en sachant que cette chose provient d’un crime ou d’un délit.
Constitue également un recel le fait, en connaissance de cause, de bénéficier, par tout moyen, du produit d’un crime ou d’un délit ».