7 juin 2017 par Yorgos Mitralias
CC - Flickr - DonkeyHotey
Il y a un mois, Noam Chomsky avait fait sensation en déclarant que l’actuel parti Républicain ayant à sa tête Donald Trump « est l’organisation la plus dangereuse de l’histoire mondiale » en raison de son attitude criminelle au sujet de la mère de tous les problèmes de l’humanité, la catastrophe climatique ! Nous sommes d’accord à 1000 % avec cette déclaration de Chomsky d’autant plus que Trump s’est empressé de lui donner raison en décidant de faire sortir son pays de l’accord climatique de Paris. Voici donc pourquoi en ce moment précis, quand le sort même de notre planète est en train d’être décidé, la question « qu’est ce Trump et où nous mène-t-il » acquiert sûrement une importance supplémentaire…
Les mois passent et un dense mystère continue d’envelopper le « phénomène » Trump. On nous dit : « Trump est un clown, un bouffon ». « C’est un fou, un psychopathe ». « Un narcissique », etc. etc. Et nous on continue à se dire... « Et alors quoi ? ». D’ailleurs, on a dit jadis exactement la même chose pour Mussolini, Hitler et même pour « nos » colonels grecs. Et alors quoi ? Quelle est la leçon utile qu’on pourrait tirer de tout ça ? Est-ce qu’on devrait conclure que l’histoire moderne est en toute priorité le fait des « clowns », des « psychopathes » et des « narcisses » ? Qu’elle se résume à leurs cheminements et aventures personnelles ? Et qu’il suffirait – évidemment – qu’on laisse de côté les « clowns », les « psychopathes » et les « narcisses » pour que l’humanité et nous-mêmes trouvions la paix ?…
Évidemment, tout ce radotage sans fin ne nous éclaire point sur le « phénomène » Trump... car son objectif est exactement cela : Nous maintenir dans le noir de l’ignorance. Ou même nous désorienter, diriger notre attention mais aussi notre colère vers de fausses cibles, vers des fausses directions. Comme par exemple quand les médias nord-américains et internationaux, les chancelleries et les « experts » de par le monde, nous bombardent depuis des mois avec la suivante « vérité », qui – sans doute – est à la racine du mal : Trump exprime et reflète le racisme, la xénophobie et le culte de la violence des travailleurs blancs nord-américains qui, d’ailleurs, constituent la majorité de ses électeurs !
Combien de fois n’a-t-on pas entendu ou lu cette « vérité » même de la plume d’intellectuels en vue de la gauche grecque et internationale ? Et combien de fois n’a-t-on pas été bombardés avec des « analyses » ronflantes ayant comme point de départ cette « vérité » ? Pourtant, attention : la « vérité » susmentionnée, qui nous est offerte sans la moindre preuve, n’a le moindre rapport avec la réalité. La base électorale et sociale de Trump ne représente pas les salariés ou tout au moins les travailleurs blancs en colère mais plutôt les boutiquiers et autres petit-bourgeois déchaînés nord-américains ! Non parce qu’ainsi le voudrait une certaine théorie marxiste du fascisme mais parce que c’est la conclusion des enquêtes scrupuleuses et détaillées concernant les revenus et l’éducation des électeurs de Trump.
Et voici tout de suite quelques éléments concrets de ces enquêtes se référant à la vraie base électorale – et sociale – de Trump, c’est-à-dire ceux et celles qui ont voté pour lui en pensant que c’est Trump qui incarne le mieux leurs espoirs et leurs désirs. Évidemment, un tel choix n’était possible qu’aux élections primaires du parti Républicain, auxquels se référent les enquêtes susmentionnées, et pas aux élections nationales de novembre passé quand des millions d’Américains ont voté en faveur de Trump uniquement pour barrer la route à Hillary Clinton qu’ils haïssaient [1]. Alors, tandis que le revenu annuel moyen aux USA est de 56 000 dollars, le revenu annuel moyen des électeurs de Trump aux primaires du parti Républicain était sensiblement supérieur, c’est-à-dire 72 000 dollars . Et la démythification de l’électorat de Trump devient encore plus grande quand on apprend que les revenus de ses électeurs sont bien plus élevés de ceux de Bernie Sanders et même d’Hillary Clinton qui ne dépassent pas 61 000 dollars !
Mais, il y a plus que ça. Ces conclusions concernant les revenus sont largement confirmées par celles concernant le niveau d’éducation des électeurs de Trump. C’est ainsi que 44 % de ceux-là ont des diplômes universitaires quand la moyenne nationale est seulement de 29 %, et de 33 % pour les « adultes blancs non-hispaniques » ! On pourrait continuer la présentation des statistiques de grand intérêt démystificateur, mais on préfère s’arrêter ici en conseillant la lecture des statistiques et des analyses de deux très bons textes en anglais, qui réfutent le mythe de la « base ouvrière blanche de Trump » [2]. Un mythe construit par l’establishment des Démocrates néolibéraux, avec un objectif net et clair : Décharger de leurs responsabilités les principaux coupables de l’élection de Trump et diriger la colère contre Trump contre des fausses cibles, afin que l’opposition à Trump ne balaie pas tout le système qui l’a fait naître !…
Évidemment, le fait que la base sociale de Trump soit constituée en priorité par des petit-bourgeois exaspérés et hargneux, et aussi par les policiers américains violents et racistes ainsi que par les autres forces de sécurité, tous caractérisés par leur opposition à la mondialisation
Mondialisation
(voir aussi Globalisation)
(extrait de F. Chesnais, 1997a)
Jusqu’à une date récente, il paraissait possible d’aborder l’analyse de la mondialisation en considérant celle-ci comme une étape nouvelle du processus d’internationalisation du capital, dont le grand groupe industriel transnational a été à la fois l’expression et l’un des agents les plus actifs.
Aujourd’hui, il n’est manifestement plus possible de s’en tenir là. La « mondialisation de l’économie » (Adda, 1996) ou, plus précisément la « mondialisation du capital » (Chesnais, 1994), doit être comprise comme étant plus - ou même tout autre chose - qu’une phase supplémentaire dans le processus d’internationalisation du capital engagé depuis plus d’un siècle. C’est à un mode de fonctionnement spécifique - et à plusieurs égards important, nouveau - du capitalisme mondial que nous avons affaire, dont il faudrait chercher à comprendre les ressorts et l’orientation, de façon à en faire la caractérisation.
Les points d’inflexion par rapport aux évolutions des principales économies, internes ou externes à l’OCDE, exigent d’être abordés comme un tout, en partant de l’hypothèse que vraisemblablement, ils font « système ». Pour ma part, j’estime qu’ils traduisent le fait qu’il y a eu - en se référant à la théorie de l’impérialisme qui fut élaborée au sein de l’aile gauche de la Deuxième Internationale voici bientôt un siècle -, passage dans le cadre du stade impérialiste à une phase différant fortement de celle qui a prédominé entre la fin de Seconde Guerre mondiale et le début des années 80. Je désigne celui-ci pour l’instant (avec l’espoir qu’on m’aidera à en trouver un meilleur au travers de la discussion et au besoin de la polémique) du nom un peu compliqué de « régime d’accumulation mondial à dominante financière ».
La différenciation et la hiérarchisation de l’économie-monde contemporaine de dimension planétaire résultent tant des opérations du capital concentré que des rapports de domination et de dépendance politiques entre États, dont le rôle ne s’est nullement réduit, même si la configuration et les mécanismes de cette domination se sont modifiés. La genèse du régime d’accumulation mondialisé à dominante financière relève autant de la politique que de l’économie. Ce n’est que dans la vulgate néo-libérale que l’État est « extérieur » au « marché ». Le triomphe actuel du « marché » n’aurait pu se faire sans les interventions politiques répétées des instances politiques des États capitalistes les plus puissants (en premier lieu, les membres du G7). Cette liberté que le capital industriel et plus encore le capital financier se valorisant sous la forme argent, ont retrouvée pour se déployer mondialement comme ils n’avaient pu le faire depuis 1914, tient bien sûr aussi de la force qu’il a recouvrée grâce à la longue période d’accumulation ininterrompue des « trente glorieuses » (l’une sinon la plus longue de toute l’histoire du capitalisme). Mais le capital n’aurait pas pu parvenir à ses fins sans le succès de la « révolution conservatrice » de la fin de la décennie 1970.
néolibérale qui – en effet – leur a coûté très cher, mais aussi par le racisme, la xénophobie et un conservatisme bien prononcé, n’est pas sans avoir des conséquences pour le présent et l’avenir des projets de Trump. Pourquoi ? Mais, parce que, comme on l’a écrit il y a quelques mois [3], le régime que Trump ambitionne d’établir aux USA ne pourra pas être fasciste tant que Trump et ses amis ne pourront pas disposer de leur propre mouvement de masse en mesure d’imposer par la violence tout ce qui caractérise un régime fasciste : L’écrasement de toutes les organisations des travailleurs, l’atomisation des salariés, etc. Ce n’est donc pas un hasard si la création de ce mouvement de masse au service de Trump, constitue aujourd’hui peut être la priorité principale de l’occupant de la Maison Blanche, et se traduit dernièrement par des déclarations exprimant sa volonté de parcourir de nouveau le pays pour organiser des rassemblements de masse afin de s’adresser comme il l’affectionne, c’est-à-dire directement et sans intermédiaires, à ses fidèles dont un nombre croissant montrent déjà qu’ils veulent en découdre le plus vite possible !
Si c’est comme ça alors toutes les déclarations, actes et autres réactions confuses et souvent inintelligibles qui caractérisent l’activité quotidienne de Trump et de ses collaborateurs acquièrent du sens et de la perspective. Comme par exemple la grande violence de ses paroles et de ses actes, l’invention et la répression systématique des boucs émissaires, la répétition exténuante d’affirmations monstrueuses et de mensonges invraisemblables dignes d’un Goebbels, l’encensement du chef qui renvoie aux plus ridicules « cultes de personnalité » du passé, et évidemment le trait principal et à la fois pierre angulaire de sa politique qui est la guerre de classe sans précédent (même pire que celle lancée au Chili par Pinochet et ses “Chicago boys”) au profit du 1 % et contre les 99 % de ses compatriotes ! Mais, on va s’occuper de tout ça dans un prochain texte...puisque ce qui urge maintenant c’est de prendre conscience que Trump et ses amis font leur possible pour nous persuader qu’ils sont capables du pire…
[1] En France aussi des élections présidentielles, la base électorale de Emmanuel Macron n’est pas évidemment le 66,1 % du deuxième tour mais plutôt le 24 % du premier. Dans les deux cas, Trump et Macron ont gagné les élections uniquement parce que leurs compatriotes voulaient empêcher leurs concurrents d’accéder à la présidence.
[2] https://www.thenation.com/article/trumpism-its-coming-from-the-suburbs/ et aussi
https://fivethirtyeight.com/features/the-mythology-of-trumps-working-class-support/
Ces textes comme des centaines d’autres ainsi que des vidéos, qui couvrent ce qui se passe tant au sommet qu’à la base de la société nord-américaine, sont postés chaque jour par dizaines sur Facebook :
https://www.facebook.com/EuropeansForBerniesMassMovement/
Journaliste, Giorgos Mitralias est l’un des fondateurs et animateurs du Comité grec contre la dette, membre du réseau international CADTM et de la Campagne Grecque pour l’Audit de la Dette. Membre de la Commission pour la vérité sur la dette grecque et initiateur de l’appel de soutien à cette Commission.
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