Un vent nouveau s’est levé sur Athènes et la Grèce. L’espoir souffle à nouveau sur les peuples européens. Emplissons-en nos poumons ! L’idée d’une fatale soumission politique aux marchés financiers a été balayée de maîtresse façon dans les urnes ce dimanche 25 janvier. Et cela change le paysage comme nos propres perspectives.
Le triomphe de Syriza est net, sans bavure, éblouissant. Un peuple s’est relevé. Il est debout. Conscient et fier. Il a décidé de reprendre en main sa dignité, son avenir, son destin. Son choix annonce peut-être une lame de fond. Des répliques de ce séisme sont attendues dans les prochains mois en Espagne, par exemple. Les métaphores sont trop courtes pour exprimer l’allégresse d’une population blessée mais vivante, comme l’espérance du peuple de gauche dans toute l’Union européenne. Le défi est grand pour ceux qui ont porté à l’ordre du jour l’idée d’un autre Grèce possible et d’une autre Europe nécessaire. Les changements devront pourtant se déployer avec ordre et méthode mais l’heure reste à l’émotion et au plaisir de savourer une belle victoire. Ces moments précieux sont devenus trop rares pour s’en priver et en faire l’économie. Nous y puisons une énergie nouvelle pour continuer à résister encore et toujours là où nous sommes.
En 1996, Hans Titmeyer était toujours président de la Bundesbank et l’euro encore dans les limbes. Invité à Davos au Forum mondial des intérêts du capital, le patron de la banque centrale
Banque centrale
La banque centrale d’un pays gère la politique monétaire et détient le monopole de l’émission de la monnaie nationale. C’est auprès d’elle que les banques commerciales sont contraintes de s’approvisionner en monnaie, selon un prix d’approvisionnement déterminé par les taux directeurs de la banque centrale.
allemande avait scandaleusement menacé les démocraties en ces termes : « Les hommes politiques doivent comprendre qu’ils sont désormais sous le contrôle des marchés financiers
Marchés financiers
Marché financier
Marché des capitaux à long terme. Il comprend un marché primaire, celui des émissions et un marché secondaire, celui de la revente. À côté des marchés réglementés, on trouve les marchés de gré à gré qui ne sont pas tenus de satisfaire à des conditions minimales.
et non plus seulement des débats nationaux ». L’élection d’Alexis Tsipras constitue un bras d’honneur tardif mais flamboyant à cet avertissement : c’est le choix des citoyens qui prévaut, pas les intérêts de la finance ! Les électeurs grecs ont décidé, en quelque sorte, de se réapproprier la démocratie !
La défaite des partis de la soumission et de l’austérité est bien sûr à la mesure du succès de Syriza. Elle est cuisante parce qu’elle ajoute un revers électoral au fiasco économique et social dont ils sont responsables. C’est évidemment un avertissement pour toutes les droites d’Europe qui gouvernent mais également pour certaines gauches « d’abandon » qui ont renoncé à des « valeurs » fondatrices et à toute morale pour composer avec les intérêts de la finance ! Le parti grec de la sociale démocratie (Pasok), première force politique en 2009, est relégué en fond de classement en moins de cinq ans… et quelques compromissions plus tard.
Échec d’une politique !
Sept années d’une politique dictée par la « Troïka » (FMI
FMI
Fonds monétaire international
Le FMI a été créé en 1944 à Bretton Woods (avec la Banque mondiale, son institution jumelle). Son but était de stabiliser le système financier international en réglementant la circulation des capitaux.
À ce jour, 190 pays en sont membres (les mêmes qu’à la Banque mondiale).
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, Commission européenne et Banque centrale européenne) et consentie (pas seulement par la droite !) se concluent dans un bilan économique et social désastreux : 1 million d’emplois perdus, 30% d’entreprises fermées, 38% de baisse de salaire, 45% de baisse des retraites et l’évaporation d’un quart du produit intérieur brut
PIB
Produit intérieur brut
Le PIB traduit la richesse totale produite sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées.
Le Produit intérieur brut est un agrégat économique qui mesure la production totale sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées. Cette mesure est notoirement incomplète ; elle ne tient pas compte, par exemple, de toutes les activités qui ne font pas l’objet d’un échange marchand. On appelle croissance économique la variation du PIB d’une période à l’autre.
. Mais également par une augmentation de 42,5% de la mortalité infantile, une explosion du chômage (190,5%), une croissance de la pauvreté... La dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
publique rapportée à la richesse produite - critère au nom duquel les saignées sociales ont été justifiées - a, elle, augmenté de… 35,5%. L’austérité, ça ne marche pas ! Ses défenseurs ont eu « tout faux ». La Grèce a été le laboratoire d’une politique qui a échoué sur toute la ligne et dans tous ses objectifs annoncés !
Les milliards prétendument déversés, au compte-gouttes, n’ont donc rien réglé au problème de l’endettement public. Il semble par contre que les opérations aient transféré les risques des créanciers du secteur privé vers le secteur public. Le renversement politique promis par l’élection pourrait, par exemple, déboucher sur l’organisation d’un audit citoyen de la dette grecque pour faire la transparence sur une opération de passe-passe dont la population a payé le prix fort. L’enjeu serait alors de savoir qui a réellement tiré les marrons du feu ? Et de pouvoir distinguer ce qu’il est légitime de rembourser… Cela s’est fait en Argentine, en Équateur et en Islande.
Pour les vainqueurs des urnes, rien ne va être simple. Rien ni personne dans le « système » ne va les aider. Une solidarité internationale doit se construire autour de leur projet pour empêcher que l’espoir naissant ne soit étouffé. Dans la plus vieille démocratie européenne, la peur change de camp. Les « chiens de garde du système » ont vu venir le danger et qualifient Syriza de « gauche radicale » à la manière dont ils traitent des terroristes fascistes d’ « islamistes radicaux ». C’est une traduction littérale du sigle grec. Les mots ne nous effraient pas. Nous savons bien que la gauche est toujours radicale dès lors qu’elle puise son inspiration à ses propres racines : l’égalité, la solidarité et la liberté !
Nico Cué, Secrétaire général de la MWB
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