Rafael Correa met la dette équatorienne au carré

3 septembre 2011 par Michel Taille




La soumission des Etats européens aux plans d’austérité qui les « humiliaient » jusqu’à peu le laisse, dit-on, pantois. Le président équatorien, Rafael Correa, qu’un nombre croissant de militants de gauche européens prend comme modèle, se contrefiche des agences de notation Agences de notation Les agences de notation (Standard and Poor’s, Moody’s et Fitch en tête) sont des agences privées qui évaluent la solvabilité et la crédibilité d’un émetteur d’obligations (État, entreprise). Jusqu’aux années 1970 elle étaient payées par les acheteurs potentiels d’obligations, depuis la libéralisation financière la situation s’est inversée : ce sont les émetteurs d’obligations qui rémunèrent les agences pour qu’elles les évaluent... Reconnaissons leur qualité de travail : c’est ainsi que Lehman Brothers se voyait attribuer la meilleure note juste avant de faire faillite. . Lui a choisi avec succès d’assainir les finances de son pays, non par des coupes claires dans les dépenses, mais en faisant le tri dans les factures. À son investiture, en 2007, il hérite d’un budget grevé à 38% par les remboursements de dette Dette Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
, une somme démesurée pour ce chrétien de gauche, dans un pays où plus de 40% de la population vit sous le seuil de pauvreté. « Nous verrons si nous paierons ou pas ces obligations Obligations
Obligation
Part d’un emprunt émis par une société ou une collectivité publique. Le détenteur de l’obligation, l’obligataire, a droit à un intérêt et au remboursement du montant souscrit. L’obligation est souvent l’objet de négociations sur le marché secondaire.
, prévient-il. Il nous faut des fonds pour l’éducation et la santé. »

Economiste formé aux États-Unis, il doute depuis longtemps de la validité des emprunts qui pèsent sur le pays. Une commission d’audit, composée d’économistes équatoriens et étrangers, confirme ses soupçons fin 2008 : la dette extérieure commerciale - engagée avec des institutions privées - est majoritairement « illégale et illégitime ». Les lois locales auraient été contournées avec l’aide de fonctionnaires ou d’élus pour imposer des contrats léonins. Des titres de dette dépréciés ont été substitués par de nouveaux bons d’une valeur supérieure, des intérêts ont été payés sur les intérêts, des emprunts sur le point d’être prescrits ont été reconduits sans nécessité… Correa suspend les remboursements, laisse les titres s’effondrer, puis les rachète à 35% de leur valeur. L’opération permet de se débarrasser de près d’un tiers de la dette extérieure publique. L’Equateur devient un temps un paria des agences de notation mais il réussit à financer ses ambitieux travaux d’infrastructure grâce à d’autres Etats - la Chine notamment.

L’exemple équatorien a poussé le Paraguay, dirigé par l’ex-évêque Fernando Lugo, à déclarer en début d’année « l’illégalité » d’une dette de 4 milliards de dollars (2,8 milliards d’euros) avec le Brésil.
En Europe, l’audit de la dette publique est théorisé depuis plusieurs années par l’universitaire belge Éric Toussaint, par ailleurs membre du Comité pour l’annulation de la dette du tiers-monde de Belgique. L’idée est reprise en France par Attac, Eva Joly, le NPA… Mais pas encore, au contraire de la taxe Tobin Taxe Tobin Taxe sur les transactions de change (toutes les conversions de monnaie), proposée à l’origine en 1972 par l’économiste américain James Tobin pour stabiliser le système financier international. L’idée a été reprise par l’association ATTAC et par d’autres mouvements altermondialistes dont le CADTM, dans le but de diminuer la spéculation financière (de l’ordre de 1.200 milliards de dollars par jour en 2002) et de redistribuer le bénéfice de cette taxe aux plus démunis. Les spéculateurs internationaux qui passent leur temps à changer des dollars en yens, puis en euros, puis en dollars, etc., parce qu’ils estiment que telle monnaie va s’apprécier et telle autre se déprécier, devront payer une taxe minime, entre 0,1 % et 1 %, sur chaque transaction. Selon ATTAC, elle pourrait rapporter au moins 100 milliards de dollars à l’échelle mondiale. Qualifiée d’irréaliste par les classes dirigeantes pour justifier leur refus de la mettre en place, l’analyse méticuleuse de la finance mondialisée menée par ATTAC et d’autres a au contraire prouvé la simplicité et la pertinence de cette taxe. , par Angela Merkel et Nicolas Sarkozy…