21 septembre 2015 par CADTM International
Le 10 septembre, l’Assemblée générale des Nations-Unies a adopté à une très large majorité (136 voix pour, 6 contre et 41 abstentions) une résolution énonçant neuf principes à suivre lors des restructurations des dettes d’États. Une restructuration se concrétise généralement par un rééchelonnement ou une réduction de la dette.
L’objectif de l’ONU est de créer à moyen terme un cadre juridique international pour la restructuration de ces dettes et ainsi contrer la stratégie des fonds vautours
Fonds vautour
Fonds vautours
Fonds d’investissement qui achètent sur le marché secondaire (la brocante de la dette) des titres de dette de pays qui connaissent des difficultés financières. Ils les obtiennent à un montant très inférieur à leur valeur nominale, en les achetant à d’autres investisseurs qui préfèrent s’en débarrasser à moindre coût, quitte à essuyer une perte, de peur que le pays en question se place en défaut de paiement. Les fonds vautours réclament ensuite le paiement intégral de la dette qu’ils viennent d’acquérir, allant jusqu’à attaquer le pays débiteur devant des tribunaux qui privilégient les intérêts des investisseurs, typiquement les tribunaux américains et britanniques.
. Ces fonds d’investissements privés profitent de ce vide juridique pour réclamer aux États devant les tribunaux nationaux le paiement intégral des créances
Créances
Créances : Somme d’argent qu’une personne (le créancier) a le droit d’exiger d’une autre personne (le débiteur).
qu’ils rachètent à vils prix, plus les intérêts.
Mais les fonds vautours ne sont pas les seuls opposés à l’instauration d’un tel cadre multilatéral puisque six États parmi les plus puissants de la planète ont voté contre la résolution (États-Unis, Canada, Allemagne, Japon, Israël, Grande-Bretagne) et l’ensemble des pays de l’Union européenne, y compris la Grèce, se sont abstenus.
Pour se justifier, les gouvernements de ces pays avancent deux arguments. Premièrement, les principes énoncés dans cette résolution (impartialité, transparence, bonne foi, traitement équitable, immunité souveraine, légitimité, durabilité, application de la règle majoritaire, souveraineté) ne refléteraient pas le droit international. L’Expert de l’ONU sur la dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
, Juan Pablo Bohoslavsky, affirme, au contraire, que ces principes ne créent aucune nouvelle obligation
Obligations
Obligation
Part d’un emprunt émis par une société ou une collectivité publique. Le détenteur de l’obligation, l’obligataire, a droit à un intérêt et au remboursement du montant souscrit. L’obligation est souvent l’objet de négociations sur le marché secondaire.
pour les États et ne font que codifier des règles existantes du droit international. Le second argument est de dire que l’ONU n’est pas le lieu approprié et qu’il revient au FMI
FMI
Fonds monétaire international
Le FMI a été créé en 1944 à Bretton Woods (avec la Banque mondiale, son institution jumelle). Son but était de stabiliser le système financier international en réglementant la circulation des capitaux.
À ce jour, 190 pays en sont membres (les mêmes qu’à la Banque mondiale).
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et au Club de Paris
Club de Paris
Créé en 1956, il s’agit du groupement de 22 États créanciers chargé de gérer les difficultés de remboursement de la dette bilatérale par les PED. Depuis sa création, la présidence est traditionnellement assurée par un·e Français·e. Les États membres du Club de Paris ont rééchelonné la dette de plus de 90 pays en développement. Après avoir détenu jusqu’à 30 % du stock de la dette du Tiers Monde, les membres du Club de Paris en sont aujourd’hui créanciers à hauteur de 10 %. La forte représentation des États membres du Club au sein d’institutions financières (FMI, Banque mondiale, etc.) et groupes informels internationaux (G7, G20, etc.) leur garantit néanmoins une influence considérable lors des négociations.
Les liens entre le Club de Paris et le FMI sont extrêmement étroits ; ils se matérialisent par le statut d’observateur dont jouit le FMI dans les réunions – confidentielles – du Club de Paris. Le FMI joue un rôle clé dans la stratégie de la dette mise en œuvre par le Club de Paris, qui s’en remet à son expertise et son jugement macroéconomiques pour mettre en pratique l’un des principes essentiels du Club de Paris : la conditionnalité. Réciproquement, l’action du Club de Paris préserve le statut de créancier privilégié du FMI et la conduite de ses stratégies d’ajustement dans les pays en voie de développement.
Site officiel : https://www.clubdeparis.fr/
de gérer les questions portant sur les dettes souveraines.
Rappelons que le Club de Paris est le groupe informel réunissant les vingt plus riches États créanciers, qu’aucun d’entre eux n’a voté en faveur de la résolution ; que les États-Unis disposent toujours d’un droit de veto au sein du FMI et que cette institution a toujours été dirigée par un-e ressortissant-e européen-ne, aujourd’hui Christine Lagarde. Ces organisations représentent donc exclusivement les intérêts de créanciers occidentaux au service des intérêts du secteur financier. Ce qui explique leur hostilité à réglementer les restructurations de dettes dans un cadre démocratique comme l’Assemblée générale des Nations-Unies où tous les États sont à égalité en disposant d’une voix.
L’Histoire montre que les restructurations de dettes ont toujours été opérées dans l’intérêt du créancier qui impose, en échange d’un rééchelonnement ou d’une diminution de la dette, des conditions contraires à l’intérêt de la population du pays endetté. C’est le cas des centaines de restructurations de dettes de pays du Sud conduites par le FMI et le Club de Paris. C’est aussi le cas de la restructuration de la dette grecque organisée par la Troïka (BCE
BCE
Banque centrale européenne
La Banque centrale européenne est une institution européenne basée à Francfort, créée en 1998. Les pays de la zone euro lui ont transféré leurs compétences en matières monétaires et son rôle officiel est d’assurer la stabilité des prix (lutter contre l’inflation) dans la dite zone.
Ses trois organes de décision (le conseil des gouverneurs, le directoire et le conseil général) sont tous composés de gouverneurs de banques centrales des pays membres et/ou de spécialistes « reconnus ». Ses statuts la veulent « indépendante » politiquement mais elle est directement influencée par le monde financier.
, Commission européenne et FMI) en 2012, qui a été conditionnée à l’approfondissement de politiques d’austérité qui ont violé directement et de manière intentionnelle les droits fondamentaux de la population et fait exploser la dette grecque. C’est notamment ce qui ressort du rapport préliminaire de la Commission pour la vérité sur la dette mise sur pied par la Présidente du Parlement grec, Zoé Konstantopoulou, et dont font partie plusieurs membres du réseau CADTM. Cette Commission s’est procuré un document interne du FMI, daté du mois de mars 2010, démontrant que les créanciers savaient à l’avance que l’imposition de la cure d’austérité allait créer une catastrophe économique et sociale et conduirait inévitablement à une hausse importante de la dette grecque.
Ce rapport rappelle également que les fonds vautours ainsi que la vingtaine de banques grecques et étrangères (en particulier françaises, allemandes et hollandaises), qui ont spéculé sur la dette grecque avant 2010, ont été intégralement remboursés grâce aux prêts de la Troïka. La restructuration n’est intervenue que deux ans plus tard, une fois ces créanciers privés sauvés. Ceux qui ont finalement fait les frais de la restructuration de 2012 sont les fonds de pensions grecs et les citoyens qui détenaient des titres de la dette
Titres de la dette
Les titres de la dette publique sont des emprunts qu’un État effectue pour financer son déficit (la différence entre ses recettes et ses dépenses). Il émet alors différents titres (bons d’état, certificats de trésorerie, bons du trésor, obligations linéaires, notes etc.) sur les marchés financiers – principalement actuellement – qui lui verseront de l’argent en échange d’un remboursement avec intérêts après une période déterminée (pouvant aller de 3 mois à 30 ans).
Il existe un marché primaire et secondaire de la dette publique.
grecque.
La démarche de l’audit permet d’identifier avec précision les dettes illégales, illégitimes, odieuses et insoutenables et constitue dès lors une véritable arme politique dans les mains d’un gouvernement d’un pays qui négocie une réduction de sa dette. Il permet également en cas d’échec des négociations – ce qui est hautement probable vu l’opposition de principaux États créanciers à la résolution de l’ONU – fonder une décision unilatérale de répudiation des dettes illégales, illégitimes, odieuses et insoutenables.
Une telle décision, qui se justifie par des considérations impératives de justice et d’équité, trouve également ses fondements dans les notions de souveraineté, d’autodétermination et d’auto-défense. En effet, lorsqu’un pays est la cible d’actions
Action
Actions
Valeur mobilière émise par une société par actions. Ce titre représente une fraction du capital social. Il donne au titulaire (l’actionnaire) le droit notamment de recevoir une part des bénéfices distribués (le dividende) et de participer aux assemblées générales.
de ses créanciers qui nuisent aux conditions d’existence de son peuple, un État peut légalement recourir à des contre-mesures, sur le fondement du droit international coutumier. Ces contre-mesures peuvent prendre la forme d’une répudiation de dettes. Elles doivent également s’accompagner d’une série d’autres mesures visant notamment le contrôle des banques pour les mettre au service de l’intérêt général, la justice fiscale, etc.
Rappelons que l’Équateur a réalisé un audit intégral de sa dette publique en 2007-2008 et, que sur la base de ses résultats, a pris la décision souveraine de ne pas rembourser la part illégitime de sa dette commerciale extérieure. Ses créanciers n’ont eu d’autre choix que d’accepter cette décision et cette économie a permis au gouvernement équatorien d’investir davantage dans le secteur social.
Pour en finir avec la mainmise des créanciers sur le destin des populations des États endettés, qui utilisent la dette comme un outil de chantage pour dicter des politiques anti-sociales et affaiblir la démocratie, le réseau CADTM international :
Voir également : Réflexions initiales quant à la décision de l’ONU d’établir un cadre juridique multilatéral applicable aux opérations de restructuration de la dette publique |
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