Presse internationale
2 avril 2006 par The Post
Il semblerait que chaque chose de la vie arrive en son temps. Qui pourrait imaginer un représentant du monde des affaires zambien critiquer les politiques du Fonds monétaire international
FMI
Fonds monétaire international
Le FMI a été créé en 1944 à Bretton Woods (avec la Banque mondiale, son institution jumelle). Son but était de stabiliser le système financier international en réglementant la circulation des capitaux.
À ce jour, 190 pays en sont membres (les mêmes qu’à la Banque mondiale).
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(FMI), de la Banque mondiale
Banque mondiale
BM
La Banque mondiale regroupe deux organisations, la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement) et l’AID (Association internationale de développement). La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) a été créée en juillet 1944 à Bretton Woods (États-Unis), à l’initiative de 45 pays réunis pour la première Conférence monétaire et financière des Nations unies.
En 2022, 189 pays en sont membres.
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ou d’autres institutions multilatérales ?
Durant des années, nos hommes d’affaires zambiens ont supporté les politiques et programmes du FMI. Ils étaient les premiers à encourager le gouvernement d’accepter les conditionnalités Conditionnalités Ensemble des mesures néolibérales imposées par le FMI et la Banque mondiale aux pays qui signent un accord, notamment pour obtenir un aménagement du remboursement de leur dette. Ces mesures sont censées favoriser l’« attractivité » du pays pour les investisseurs internationaux mais pénalisent durement les populations. Par extension, ce terme désigne toute condition imposée en vue de l’octroi d’une aide ou d’un prêt. du FMI. Ils ne critiquèrent ouvertement aucune politique ou aucun programme du FMI. Ils soutinrent toutes les politiques et tous les programmes du FMI, y compris les privatisations. Il y a des raisons pour cela. Premièrement, certains d’entre eux furent conduits par erreur à penser que leurs affaires bénéficieraient de ces politiques et programmes. Ils ne pensèrent jamais que ces programmes les affecteraient de la même manière qu’ils affectaient les travailleurs et les pauvres. Ils pensèrent qu’il leur serait facile de faire des affaires avec les entreprises multinationales.
Certains d’entre eux pensèrent qu’ils allaient être embauchés comme agents par les entreprises multinationales ou qu’on allait leur proposer de siéger dans leurs conseils d’administration et qu’ils allaient recevoir d’importantes indemnisations de présence. Mais ceci ne s’est pas produit. Très peu de nos hommes d’affaires ont profité de transactions avec les entreprises multinationales. Ce n’est plus uniquement le travailleur qui est affecté par les politiques et programmes du FMI, mais aussi l’homme d’affaires qui en ressent désormais les effets. Si le travailleur n’est pas heureux et l’homme d’affaires n’est pas heureux, alors qui profite des politiques et programmes du FMI ? Où repose le succès de ces programmes si ce n’est auprès des hommes d’affaires et des travailleurs ?
La vérité, c’est que ces politiques sont un échec et qu’il est grand temps que nos hommes d’affaires et nos travailleurs - en lien avec notre gouvernement - commencent à travailler à des politiques et des programmes alternatifs. Cependant, ce n’est pas chose facile car les conditionnalités auxquelles nous sommes soumis par le FMI ne le permettent pas. Nous sommes tenus de suivre leurs prescriptions au risque de nous exposer à du chantage. Ne pas suivre les conditionnalités du FMI signifie ne pas avoir accès aux financements, même de la part des donneurs bilatéraux. Nous sommes obligés d’obtenir une l’aval du FMI avant que quiconque ne puisse traiter avec nous. Cela signifie que notre gouvernement ne peut pas prendre d’initiatives indépendantes pour développer notre économie. Nous devons faire ce que le FMI veut. Néanmoins, quand nous essayons de résister, on nous dit que nous pouvons faire ce que nous voulons en tant que nation libre mais que nous devons prendre en considération les conséquences de nos décisions. On nous dit de gérer nos affaires avec prudence. Mais si l’on analyse ce que cela signifie, on comprend vite que, en réalité, agir prudemment signifie suivre à la lettre les conditionnalités du FMI.
On nous dit aussi que ces conditionnalités ne sont pas imposées à notre pays ; elles sont le fruit de négociations. Mais que peut vraiment négocier avec le FMI un gouvernement comme le nôtre, qu’ils ont autant affaibli et sapé ? Les conditions de la négociation ne sont pas égales, il n’y a pas de terrain de jeu équitable.
Finalement, le FMI obtient satisfaction invariablement. Il n’y a aucune démocratie dans la façon avec laquelle le FMI traite avec nous. En réalité, il est impossible pour un gouvernement de suivre les politiques et programmes du FMI et de demeurer démocratique. Cela parce que, pour qu’un gouvernement applique les politiques et programmes du FMI, il doit arrêter d’écouter les souhaits et les pleurs de son peuple ; le gouvernement doit être prêt à utiliser ses instances répressives contre la population chaque fois qu’elle essaie de défier ces politiques.
Notre peuple, y compris la communauté des affaires et même en fait notre propre gouvernement, ne joue pas de rôle véritable ni significatif dans l’élaboration de ces politiques et programmes. Il n’est pas inhabituel d’entendre nos leaders politiques prétendre, sans aucun embarras, être à l’origine de ces politiques et programmes.
L’ancien Président Frederick Chiluba prétendait même qu’il vénérait ces politiques le matin, le midi et le soir. Notre pays sera dans l’impossibilité de faire un quelconque progrès, véritablement significatif, tant que sa destinée économique sera abandonnée aux mains des bureaucrates du FMI. Nul ne peut nier que le FMI et la Banque mondiale emploient des individus hautement diplômés. Mais ce sont des individus qui n’ont pas de responsabilité politique ni sociale, qui n’ont été élus par personne et qui n’ont d’obligation
Obligations
Obligation
Part d’un emprunt émis par une société ou une collectivité publique. Le détenteur de l’obligation, l’obligataire, a droit à un intérêt et au remboursement du montant souscrit. L’obligation est souvent l’objet de négociations sur le marché secondaire.
envers nul autre que leurs employeurs.
Et, de plus, ce sont des individus qui n’ont jamais rien géré - pour la plupart, même pas un village ou un salon de thé. Ils doivent tout aux salaires gigantesques qu’ils reçoivent de ces institutions. Certains d’entre eux savent même que les politiques qu’on leur demande d’imposer à nos pays ne font aucun bien mais causent beaucoup de dommages et de souffrances cachées à nos peuples. Mais comme Judas Iscariot, peu d’entre eux ont fait preuve de conscience. Oui, nous en avons quelques uns qui ont dénoncé les politiques et programmes de ces institutions après avoir quitté leur emploi.
Et comme l’a correctement observé Basinati Mpepo, notre gouvernement doit rendre plus de comptes au FMI et à la Banque mondiale qu’à nous. Ce que le FMI et la Banque mondiale lui ont demandé, il l’a mis en place alors même que la grande majorité de la population s’y opposait. Un exemple de cela est la privatisation de la Banque Nationale de Commerce de Zambie. Le FMI et la Banque mondiale ont insisté sur la privatisation de cette banque comme élément de leurs conditionnalités. Le peuple zambien s’est fortement opposé à cette privatisation. Même les membres de notre Parlement ont voté en masse contre la privatisation de cette banque. Même le Président de notre pays - Levy Mwanawasa - est un opposant reconnu à la privatisation de cette banque. Mais c’est l’argent qui dicte sa loi et le FMI qui mène le jeu ; sa volonté sera faite - la Banque Nationale de Commerce de Zambie est sur le point d’être privatisée. Où est la démocratie dans tout ça ? Où sont les règles de l’autodétermination ? Qui sont les décideurs ultimes dans notre pays ? La réponse est catégorique : le FMI et la Banque mondiale.
Mais sans aucune honte, des représentants du FMI et de la Banque mondiale viennent ici et prêchent la bonne gouvernance et la démocratie à nos oreilles et à celles de nos leaders. De quelle démocratie parlent ces gentlemen quand ils peuvent soumettre une nation entière et ses dirigeants à une telle humiliation ? Quelles décisions économiques nous laissent-ils prendre, nous-mêmes et nos dirigeants économiques, quand presque toutes les décisions clés sont prises par eux - directement ou indirectement ?
Il est bon que des personnes issues du monde des affaires ou de la société civile en général commencent à se réveiller à la réalité des conditions de vie sous les chaînes de l’impérialisme du FMI et de la Banque mondiale et commencent à s’en indigner. Lentement mais sûrement, notre peuple commence à prendre conscience de ses relations avec la Banque mondiale et le FMI. Il va bientôt commencer à inventer des politiques et programmes pour résister et combattre cette soumission, et commencer à prendre réellement le contrôle de la destinée économique de notre pays. C’est inévitable. Nous n’avons d’autres choix que la lutte si nous voulons nourrir l’espoir de survivre et de prendre pleinement contrôle de la destinée économique de notre pays.
Néanmoins, ceci plaide pour une unité au sein de notre peuple - les hommes d’affaires et leurs organisations, les travailleurs et leurs syndicats, les organisations de la société civile et nos hommes politiques ont besoin de marcher côte à côte.
Publié le 16 mars 2006 par le journal zambien « The Post » (Lusaka).
Traduction : Aurélie Vitry (CADTM Orléans)